Il fait nuit. Tous les jours il fait nuit. Je n'ai jamais connu le jour, si bien que je me demande si la vie serait mieux pour moi, vu que je n'ai de repère que la nuit.
Un jour on m'a demandé si je ne regrettais pas de ne pas pouvoir apprécier la beauté des couleurs, les formes artistiques de la nature. Les branches entrelacées d'un bois n'ont pas besoin d'être vues pour exister. Au toucher c'est très agréable également. Et leur bruissement n'a d'égal que celui du vent sur un cours d'eau. Non, je ne regrette rien, car je ne peux regretter quelque chose que je n'ai jamais connu. Alors les gens me rejettent. Je suis pour eux un exclus, un marginal.
Il m'est arrivé il y a plusieurs années de rencontrer des gens compréhensifs. Une jeune femme acceptait mes convictions et ma manière de vivre. Je pense avoir été amoureux même. Pendant quelques semaines elle fut mon amie, ma confidente, ma présence nécessaire. Car la nuit est froide et solitaire. Alors nous vivions, très proches l'un de l'autre, comme pour ne pas se perdre. Elle me serrait la main pour être sûr de ne pas nous retrouver séparés. Pourtant un jour elle ne revint pas. La nuit est décidément très solitaire...
A partir de cet instant je devins un autre, je me suis mis à bouger de plus en plus, à voyager, à parcourir le monde pour fuir. Fuir quoi ? Je n'avais aucune attache mais je me devais de recommencer une vie meilleure. Mais la nuit est là, persistante et immortelle. Rien ne peut l'ôter de mon existence. Pas même la fuite. Alors je dors, je rêve, et je m'évade. Je rêve d'un monde à deux soleils, un pour les gens bons, un pour les gens mauvais. Le premier serait chaud et doux, récompensant les bonnes actions par une chaleur adéquate et des couleurs chatoyantes. Le second serait brûlant et aveuglant, punissant les mauvaises actions par des rayons ravageurs. Je me trouvai alors sur ce monde imaginaire, mais baigné par aucun de ces soleils. La nuit, toujours la nuit. En me réveillant je demeurai aphone et immobile. Blasé par cette existence sans but ni lumière.
Du coup j'ai commencé à perdre toute saveur, je ne mangeais plus que pour survivre, je ne dormais plus que par besoin, je ne faisait plus rien d'autre qu'attendre et marcher, sans but. J'ai sans doute parcouru des centaines de kilomètres pendant tout ce temps, à errer sans relâche à travers le néant de mon existence. Et la nuit, toujours cette nuit.
Or un jour, je me retrouvai devant un mur. Là un son se fit entendre. Ma curiosité ne fut pas tant troublée, et il me fallut du temps pour comprendre qu'on m'appelait au loin. Je n'avais pas entendu mon nom depuis des mois. Je m'approchai de cette voix quand soudain quelqu'un m'attrapa par le bras. La femme de mes souvenirs, elle m'avait retrouvé. J'entendais sa voix comme autrefois, avec un ton réconfortant. Mon cœur désormais apaisé, je pris la parole pour lui exprimer mes doutes et mes sentiments :
« La nuit est toujours là...elle ne cesse donc jamais malgré ta présence. »
« Non, pour toi elle sera éternelle car la vue tu ne possèdes pas... »
C'est alors que ma vie prit un autre sens, et avec elle à mes côtés pour toujours, je connus enfin le bonheur et la quiétude.
Fin alternative :
« La nuit est toujours là...elle ne cesse donc jamais malgré ta présence.
« C'est normal, tu es aveugle gros con. »
« Lol ? »
C'est alors que je me suis retrouvé seul, et la honte au ventre. Après avoir trouvé un ravin, je me suis jeté dedans. Fin.