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[HRP] sorry pour le retard, et en vous souhaitant une bonne lecture.[/HRP]
Mille questions, mille pensées tournaient dans la tête de Vice, l'interpellant sans cesse, l'empêchant d'être tranquille. Il était crevé, tout son corps le lui disait, réclamait du repos, mais son esprit, lui, fourmillait de préoccupations, d'interrogations. Il s'assit au bord du lit, la tête entre les mains
Après lui avoir donné la potion cicatrisante, Lya s'était allongée, et semblait à présent dormir profondément. De toute évidence, elle lui faisait confiance, ce qui le troublait profondément: comment pouvait-on lui faire confiance, à lui? Après tout, il pouvait toujours s'emparer de l'artefact, trancher la gorge de la pandawa, et négocier avec les guildes. C'était dans ses cordes, il avait suffisamment d'expérience pour s'en tirer, pour disparaître ensuite, sans laisser de traces, commencer une nouvelle vie, ailleurs...
... et retourner à la solitude, se couper de ses derniers amis, redevenir un paria. Sans compter les colères qu'il provoquerait: Oxymore ne lui pardonnerait jamais, et lui, ce serait extrêmement dur de le bluffer. Trop dur... Savait-il faire autre chose que distribuer la mort? Que de tuer, détruire des existences, des familles, des amitiés? Quel sens avait sa vie !?
Autrefois, alors qu'il n'était qu'un jeune homme, avec ses illusions, il avait cru que tout était simple: le monde se divisait en noir et en blanc, c'était un lutte, absolue, entre le bien et le mal. Fort de ses convictions, il avait intégré une guilde amaknéenne pro-bontarienne. Il n'avait pas à se poser de questions: on lui disait ce qu'il devait faire, et c'était pour le bien qu'il le faisait. Pour le bien qu'il tuait, qu'il brûlait des villages, qu'il torturait...
Mais cela n'avait pas duré: il avait fait la rencontre d'Elane, une jeune eniripsa pacifiste, qui prônait la non-violence. Il l'avait écouté, et, plus important, elle l'avait écouté, sans le juger, mais en l'acceptant. Pour elle, il avait voulu changer, voulu renoncer à la violence, à la mort, revenir à une vie simple, avec elle. Avec le recul, ça avait été les meilleurs années de sa vie...
Trois années, dont le souvenir le brûlait encore comme de l'acide. Car il fallait croire, que la mort, désormais, s'était attachée à lui. Et les soudards de son ancienne guilde était venu, ils avaient brûlé sa maison, tué son fils, violé et torturé sa femme, avant de la tuer à son tour. Quand il avait vu ça, il était entrée dans une rage indescriptible: non pas une rage violente, expansive, au contraire. Il avait eu l'impression, qu'à tout jamais, une partie de son être s'était éteinte; il avait eu l'impression que, jamais plus, il ne saurait éprouver de la compassion, de l'amour, de l'empathie. Il était mort ce jour là.
Et le carnage avait commencé: méthodiquement, froidement, il avait traqué les membres de la guilde. Il leur avait arraché des renseignements, sur leurs compagnons, sur les responsable du massacre. Ceux-ci, il les avait retrouvé, il les avait torturé longuement, sans passion, par nécessité. Mais sa soif de mort n'était pas apaisée: alors il avait continué à traquer tous les membres de la guilde, il les avait tué, avait tué leurs familles, incendié leurs maisons.
Il avait fini par s'entourer d'une bande de bandits, de renégats de toutes les contrées, des gens pour qui la mort était comme un bon vin, grisant, qui donnait du goût à la vie. Ca avait été des années noires pour Amakna, tandis que ses Hérauts du Désespoir pillaient, violaient, incendiaient, massacraient. Il était craint, il était puissant, sur son ordre, une ville pouvait tomber, les campagnes se souvenaient longtemps de son passage. Mais, évidemment, le roi n'appréciait guère...
Par chance, il avait été mis au courant de l'embuscade: la bourgade qu'ils s'apprêtaient à aller piller était en fait un vaste piège. Quatre bataillons, soit mille huit cents hommes, l'attendaient. Sa bande principale comptait moins de trois cents personnes... Il aurait pu battre en retraite, se réfugier dans l'immensité de la forêt amaknéenne, regrouper tous ses hommes, payer des mercenaires, et marcher sur le château royal. Il aurait pu s'en emparer, plonger le pays dans le chaos, devenir roi lui-même... Il aurait pu. Mais pourquoi? Quel intérêt? Il avait laissé à ses lieutenants le commandement de sa horde, et était parti.
Plus tard, il avait apprit qu'en voulant se réfugier dans la forêt, ses Hérauts avaient été pris par revers par deux bataillons amaknéens. Ceux-ci avaient été rejoint par les soldats en embuscade, et tous ses hommes avaient été massacrés. Sa tête était peu connue, mais on se rendit bien compte que, si la majorité des bandits avaient été tués, le chef, lui était introuvable. Vice avait donc changé de nom pour l'actuel, s'était fait oublié de tous ceux qu'il avait fréquenté, en avait fait tué certains, et il avait commencé à se faire connaître en tant que mercenaire, assassin, etc...
Sa vie n'avait pas beaucoup changé: il tuait, encore et toujours. Il avait cru que rien ne changerait jamais, et qu'il mourrait un jour parce qu'il avait assassiné la personne qu'il ne fallait pas. Brusquement, peut être sans le savoir, sans s'en rendre compte. Ou alors lentement, petit à petit, un sort qu'il avait déjà infligé à tant de personnes... Peu lui importait, il n'attendait plus rien de la vie.
Et il avait bien failli mourir, ce soir là, à Brâkmar. Mais Lya l'avait sauvé... Elle l'avait recueilli, l'avait soigné, puis lui avait fait confiance, sur sa parole... Qu'en penser?
Il ne le méritait pas: il le savait. Mais pouvait-il, au moins, s'en montrer digne? Lui donner sa loyauté, sa vie si besoin était. Ou bien y avait-il autre chose? Pouvait-il y avoir autre chose? Vice frissonna, devant des émotions qu'il n'avait pas ressenti depuis si longtemps, des émotions qu'il avait cru ne plus jamais ressentir, des émotions qu'inconsciemment, il s'était juré de ne plus jamais ressentir. Lorsqu'il avait vu le Kare prêt à la tuer, sous le coup de l'action, il n'avait pas penser. Mais à présent, il s'en rendait clairement compte, la perspective de la mort de Lya l'aurait plongé dans le néant.
Que faire à présent? Vice avait peur. Non pour lui, mais pour Lya. Peur de sa mort. Peur de ce qu'elle risquait de devenir. Il aurait voulu ne jamais accepter cette mission, et... et ne pas la connaître?
Finalement, las, il finit par s'allonger de l'autre côté du lit. Demain, il n'y verrait sans doute pas plus clair, mais il aurait un objectif.
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