"Réussir sa vie". Expression au haut potentiel n'importequoitesque.
Dans la vie réelle, si quelques rares illuminés cachent derrière cette expression l'envie de vivre en accord et harmonie avec la nature, d'autres estimant que "réussir sa vie" signifie faire le don de soi mais aussi apprendre, étudier, comprendre, partager et encore d'autres de penser que pour la réussir, il ne faut rire et que rire (et pas forcément de choses intelligentes), la plupart des citoyens d'Europe Centrale mais aussi d'Amérique du nord et maintenant d'un tas d'autres origines culturelles, pensent avant tout que "réussir sa vie" correspond à un cliché consistant en quelques points ci-définis :
1. Réussir ses études : dès le plus jeune âge, l'européen moyen est placé devant la réalité d'une cynique situation. S'il veut être quelqu'un, il doit suivre des règles édictées par d'autres et étudier ce qu'on décide de lui enseigner. Cet enseignement, ce n'est pas la vie, ce n'est pas tout ce qui est nécessaire de savoir mais il s'agit d'un prérequis dans la vie d'un citoyen de base. On évitera dans ses études de lui parler de choses trop dérangeantes pour le pouvoir en place, évidemment. L'esprit critique prend rarement place dans les programmes scolaires. Mais, ce qui compte, c'est avant tout de prouver par A+B qu'on est apte à s'intégrer et à respecter les règles, souvent absurdes, d'une société qui nous dirige au lieu de nous libérer, ce qui est contraire à son discours.
C'est là que je me note (ceci étant, je reviendrai sur ma perception de la chose).
RL = 10/10 (études supérieures et diplôme protégé)
SL = 0/10 (j'ai tout appris par moi-même)
2. Réussir sa carrière : en règle générale, on parlera de réussite dans les milieux non pas des services aux personnes, de la qualité de la vie ou de l'amélioration globale de la société mais davantage dans les milieux défenseurs du capital. "Réussir sa vie" est là considéré comme le fait de pouvoir, en règle générale, vendre père et mère pour un juteux contrat ou encore essuyer ses chaussures sur le dos de X ou Y personne afin de bénéficier d'une promotion. On placera ici également le fait de pouvoir augmenter de poste dans la hiérarchie et d'arriver à un poste "important" un jour ou l'autre.
RL = 0/10 (bien que le métier d'assistant social soit techniquement considéré comme un des métiers qui rapporte le plus aux états du fait que l'assistant social se trouve avant tout là pour canaliser la rage des citoyens et les calmer en leur donnant du susucre, jamais le métier d'assistant social n'est considéré comme un métier de réussite, même si on monte en grade, vu qu'il n'existe pas de notion directe d'argent, de productivité et de capital).
SL = 5/10 (dans une optique de créativité seulement, j'ai ouvert mon store il y a de ça neuf mois et il ne fait que grandir, donc d'une certaine façon, je participe au système économique d'SL. Ceci étant, la créativité, ici, tout le monde s'en fout.)
3. Réussir sa vie privée : Il existe là une forte nécessité de cadrer avec le désir de l'autre (comme dans les points précédents) et en général celui de maman et papa. Ainsi, beaucoup pensent que réussir sa vie privée consiste à se marier à une personne du sexe opposé et à faire des enfants. Pas très grave si on divorce un jour, de toute façon, "ça arrive".
RL = 5/10 (mariée mais aucun désir d'enfant, vraiment, c'est bête)
SL = 10/10 (mariée et enceinte d'un bébé démon pour me moquer des minettes qui se font mettre en cloque sur SL, j'imagine que ça compte, non?).
4. Réussir à montrer qu'on le vaut bien : Le dernier point sur lequel je m'attarderai est l'ostentation, le désir de démontrer aux autres à quel point qu'on est quelqu'un de trop sévèrement burné, trop cool, trop d'enfer, bref, un winner. Pour cela, dix heures de fitness par semaine et surtout pas un gramme de gras car la graisse est très mal perçue en société (oh mon dieu), se saper à la mode, se choper une belle bagnole, une baraque qui fait envie et rendre jaloux tout le quartier de ses magnifiques ray-ban.
RL = 0/10 (parce que j'en ai quedalle à cirer)
SL = 8/10 (j'ai réussi la combinaison entre un avatar badass/kickass genre "j'emmerde la mode" et la fashion attitude. N'est-ce pas incohérent de génie?). De quoi perturber la ménagère de moins de cinquante qui hésite entre le fait de m'admirer ou me craindre. Ah-ah-ah. Et si c'est pas le cas, qu'elle aille astiquer ses blinking shoes.
Au final donc, SL remporte la partie avec 23/40 et ma vie réelle se choppe un magnifique 15/40 dans la tronche et c'est là que je file chez kleenex et que je fais une "happy dance" en provocation juste en face.
Parce que techniquement, tout ce sur quoi mon calcul se base est d'une superficialité telle que je suis bien heureuse de ne pas rentrer dans ces critères.
"Réussir sa vie", ça devrait être un choix personnel basé sur des objectifs personnel à atteindre dans le respect de l'autre, de la société, de la planète.
Tout le monde n'a pas besoin de diriger son entreprise, d'avoir des mioches et une grosse bagnole. Car ce n'est pas à ça qu'on mesure la vraie valeur d'une personne. On la mesure avant tout à ce qu'elle EST et à ce qu'elle fait pour l'autre.
Si ce qu'on appelle "réussir sa vie" est ce qu'on nous montre sur TF1 et qu'en gros j'ai résumé ci-dessus, je n'ai pas DU TOUT envie de réussir la mienne. En tout cas pas de cette manière.
Passons maintenant au sujet "réussir sa seconde vie", *soupir*...
En fait, je suis un peu fatiguée de me répéter sur le sujet.
Sur Second Life, pas de destinée préétablie par la société, les parents, il semblerait.
Pourtant, on retrouve sur Second Life les mêmes clichés qu'en réel.
Sur une plateforme à la créativité quasi illimitée, on nous parle davantage de business que de création.
On reproduit les grosses baraques, grosses bagnoles, les mariages friqués et autres grossesses désirées idéalisées et tirées de la vie réelle.
On rentre de nouveau dans des clichés de mode superficiels et basés sur une fois de plus, ce que l'autre décide pour nous, au lieu d'exploiter les innombrables possibilités de Second Life pour sortir des clichés à deux balles cinquante et en profiter pour être un peu soi-même.
Ceci prouve que même dans un monde alternatif où tout est possible, beaucoup préfèreront la réussite selon les valeurs d'autrui à leur propre épanouissement parmi les autres.
C'est ainsi que le mauvais goût fait la rencontre de la culture "réussite" et on se retrouve dès lors avec des sims chicos tendance coincées de la fesse ou encore des sims de frimeurs bronzés tout auréolés de yachts (je ne vise pas de sim, non non), de ray-ban contrefaites version SL et d'autres body glitter à la sauce smexxy-RNB-combustion spontanée. Et ces gens de s'autocongratuler, comme certains le font en réel, d'être trop de la balle. Et là, on se masturbe l'égo.
Bref, je ne m'y retrouve pas non plus et je dois dès lors faire le constat affligeant qu'après le rejet de l'envie de "réussir ma vie", je n'ai pas non plus envie de "réussir ma seconde vie".
En tout cas, pas selon les principes précités.
Dès lors, je donnerai ici ma vision de la réussite.
Réussir sa vie, c'est avant tout ne pas vouloir la réussir. Plus d'objectifs seront fixés, plus inatteignables ils seront, plus la chance de tomber de haut est grande. Car finalement, ce vers quoi nous allons tous n'est pas une réussite. Vu son éminente dernière note, la vie ne nous laisse pas de grandes chances de réussite réelle.
Je préfère donc m'atteler à être une bonne looseuse, au moins, je n'aurais pas de regret.
Comment faire pour être une bonne looseuse et rater sa vie pour la réussir ?
1. Ne pas se contenter de s'informer sur TF1 mais le faire alternativement pour avoir une vision réelle de l'absurdité du monde.
2. Ne pas se fixer d'objectifs de réussite relationnelle et familiale et répondre avant tout à ses besoins et envies. Pas envie d'enfant ? A chacun son truc. Pourquoi en faire un si on n'est pas sûr de soi ?
3. Se moquer pas mal d'avoir envie de réussir professionnellement, conscient grâce au point un qu'on n'est de toute façon qu'un pion d'un système phallocrate reposant sur une hiérarchie sociale quasiment féodale.
Et alors là il reste quoi ? L'intelligence, la créativité, la culture, l'envie d'apprendre et puis niveau relationnel, moins de superficialité, la chance de connaître des gens en profondeur du fait qu'on ne passe pas son temps qu'à frimer avec eux à côté...
Et pis tout ça, ça n'a pas de prix. Et quand on a ça, sérieusement, la pseudo réussite, on s'en bat les miches. Sévère.
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