Mon "amour",
tu m'as sûrement trouvé distant hier, au téléphone et, confiante et magnanime comme je te connais, tu as dû attribuer cela à une baisse de morale passagère ou à des soucis dont mon travail serait la cause.
Tu aurais pu penser encore que je m'essayais à un style laconique, en hommage à Sparte, que j'ai toujours admirée, ou que la fatigue avait siphonné mes mots et obscurci mon humeur. Tu es peut-être allée jusqu'à imaginer que j'étais malade et que je ne t'en disais rien pour te préserver. Qui sait, même, si tu n'as pas cru que c'était l'émotion qui me nouait la gorge ?
On ne saurait se tromper davantage, mon poussin. Si je t'ai parlé avec tant d'économie, c'est que le désir de te faire jouir de mes richesses m'a quitté. Je t'ai beaucoup donné mais j'ai décidé de fermer la boutique. Au risque de te paraître rude, je ne t'aime plus.
Partant de ce constat, j'ai bien réfléchi et en ai conclu qu'il était préférable que nous nous séparions. Nous valons mieux que ces anciens amants qui se rendent importuns l'un à l'autre de n'avoir su trancher entre eux un lien plus mort que vif. Avec un peu de détermination et de sens pratique, tu constateras toi-même avec étonnement que toute cette malencontreuse histoire peut être bouclée en une semaine ou deux.
Et d'abord, tu me seras reconnaissante d'avoir toujours insisté pour que nous conservions chacun notre appartement. Dans quel imbroglio serions-nous sans cela ! Un sac de courses suffira, à coup sûr, à rassembler les affaires de l'un éparpillées chez l'autre. Pour les amis, le chat et les albums photos, je te propose un principe simple qui évitera de longues heures de palabre: on tire aux dés.
Dis-moi ce que tu penses de tout cela, ma petite chérie. Tu peux me joindre chez moi ou chez Natalie. Elle m'aide à passer ce moment difficile.
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