Michel Houellebecq : "que du cul" ?

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En réponse à Borh, m'interpellant sur Houellebecq sur ce fil :

Citation :
Publié par Borh
T'as déjà lu Michel Houellebecq ?
Avec attention, et avec intérêt. Bien que son succès tienne sans doute largement au fait que son propos soit centré sur la sexualité, ça n'a rien à voir avec Brigade mondaine ou autre chef-d'oeuvre de la littérature de gare, que je sache. [...]

Réponse de Borh :

Citation :
C'est lui qui assène ses vérités sans argumenter justement alors c'est assez dur de faire des critiques profondes (je n'ai lu que "les Particules Elementaires" je le précise mais personne ne m'a fait remarquer que ça n'était qu'une exception médiocre dans son oeuvre). Sinon je suis d'accord, ça n'est que de la littérature de cul, mais ça fait plus intello de le lire qu'un numéro de Playboy.
Michel Houellebecq n'est-il qu'un auteur périssable, clinquant, voué à un oubli rapide (derniers mots de Plateforme : "On m'oubliera. On m'oubliera vite."), ou offre-t-il un intérêt littéraire dépassant quelques galipettes salaces et une poignée de théories pseudo-sociologiques indigentes ?
Le caractère provoque-masturbatoire de Houellebecq est difficille a nier d'autant que lui même ne s'en cache pas, je crois. Mais si cet aspect a quelque chose d'agaçant ou de lassant, il n'enlève rien à l'intelligence du propos. C'est noir, grinçant, sordide, mais ca fait mouche.

Pour ceux qui veulent se convaincre que Houellebecq peut faire autre chose, je suggère la lecture de son essai sur HP Lovecraft que j'ai trouvé vraiment excellent.
Comme l'expliquait assez bien ce cinglé de Maurice Dantec, le principal intérêt de Houellebecq est d'avoir réintégré le langage scientifique (et sociologique ajouterai-je) dans la littérature, surtout dans "Les Particules Elémentaires". Houellebecq ne parle que de cul, certes, mais il se place en permanence du point de vue d'un analyste froid et pointilleux. Par exemple dans "Extension", Houellebecq entreprend de décortiquer la société française (occidentale, on va dire) sous l'angle de la sexualité, largement assez révélateur selon lui. L'utilisation du vocabulaire scientifique (et d'une culture scientifique en général) lui permet d'asseoir sa théorisation, sa modélisation en quelques sortes.

Je n'ai pas lu "Plateforme" et encore moins le nouveau (je suis pas fan, de toutes façons) mais il me semble qu'il serait beaucoup trop réducteur de ne voir en Houellebecq qu'un provocateur gratuit et décérébré (façon Dustan ou autres). Son ambition (démesurée...) est bel et bien d'être un observateur de son époque, pas d'être un bouffon de cour de récréation qui raconterait des histoires salaces pour faire rire ses amis. On peut contester sa vision des choses (hého Michel, mon petit Michel, y'a des gens qui ne partouzent pas et ne se masturbent pas 17 fois par jour, hein), mais pas son ambition littéraire. On est très très loin de Catherine Millet (que je n'ai pas lue, mais bon...) par exemple. Pour moi, certains passages de ses deux premiers romans et de son essai sur Lovecraft sont vertigineux, démontrant d'évidents talents littéraires.

Reste son rapport aux médias, ses déclarations fracassantes, son exil fiscal, etc... Bah il est pas pire que d'autres, il est tellement rare dans les médias que finalement on guette la moindre de ses phrases pour la répercuter de façon disproportionnée, il a à peu près appris à s'en servir pour provoquer, faire réfléchir, etc.

Par contre, quant à savoir s'il restera ou non, ça... Celui qui déclarerait avoir les talents de visionnaire pour se livrer à une quelconque prédiction ferait à mon sens preuve d'une prétention effarante.
OUAH

Un fil culturel basé sur une de mes citations !!!
A quand Borh sujet du Bac? (ça y est je parle à la troisième personne, c'est grave)

J'espère que les quelques JOLiens littéraires et cultivés viendront me remettre à ma place parce que ça peut plus durer.

PS : Patatoïde, je pense qu'on comprendrait mieux ma réponse si tu citais ton post en entier.
En général j'ai bien aimé ses bouquins, pas tous lus mais presque, je pense que ça n'est pas que du cul "gratuit" qui ne veut rien dire, c'est une forme d'analyse de la société comme ça a déjà été dit...
Mais sa surmédiatisation actuelle à outrance me fait l'effet inverse, ça soule : trop de médiatisation tue :/ Du coup je m'y intéresse de moins en moins...Peut être que ça fait pareil à certains d'entre vous ?
Citation :
Publié par sank
...

Pour ceux qui veulent se convaincre que Houellebecq peut faire autre chose, je suggère la lecture de son essai sur HP Lovecraft que j'ai trouvé vraiment excellent.
Je ne connaissais pas, tu aurais le nom de cet essai ainsi que l'éditeur s'il te plaît ?
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Je dois être le seul à avoir lu ce livre mais pas ses autres
En tous cas faudrais que je le relise mais je ne dois pas avoir le bagage nécessaire pour trouver ça plus que ''sympathique''.

PS pour Trautorn (d'aphrael ?) : j'ai suivit un cursus technique, je ne connais donc quasiment rien à la littérature classique, j'ai lu mon premier Sénèque et mon premier Tchekhov pour cette rentrée, je n'y ai sûrement pas vu ce que je devais y voir. Je suppose que c'est la même chose pour Houellebecq et pas mal d'autres auteurs.
Lovecraft je ne trouve pas ça dur à lire, toutes les références faîtes à divers sciences sont là pour servir l'immersion du lecteur. Les références géographiques ou historiques également. Ce n'est pas le cas pour d'autres auteurs où le nombre de mots et passages délicats à appréhender sont légion par rapport à chez L. je trouve, et ne font pas forcément ''partis du décors''.
Citation :
Publié par Cthulhu
Lovecraft je ne trouve pas ça dur à lire, toutes les références faîtes à divers sciences sont là pour servir l'immersion du lecteur. Les références géographiques ou historiques également.
Que le style mette la lecture à la portée de tous est une chose, il en va quand même autrement du fond. Faut aussi replacer l'auteur dans son contexte historique. La bande à Lovecraft, ils écrivent des choses à leur époque qui sont quand même terriblement "modernes".
Lovecraft est de surcroît un puits de sciences en matière de mythologies et de cosmogonies. Un Lovecraft c'est moins dur à lire qu'un Harry Potter (si si, en VO je parle, le style est vraiment pas du bas de gamme) mais point de vue fond, il y un abysse insondable (au fond duquel un chose noire est tapie évidemment) entre les deux.

Ah oups le sujet c'est Houellebecq, en plus lancé par un modo, faut se tenir à carreau .
Je vais citer le dialogue de Bonvoisin dans son film Blanche : "Messieurs le Roi brille contentons nous de bronzer". Voilà Houellebecq c'est un peu ça, brillant mais trop occupé à briller mais ça lui fait un beau teint bronzé.
Citation :
Publié par Malgaweth
Un Lovecraft c'est moins dur à lire qu'un Harry Potter (si si, en VO je parle, le style est vraiment pas du bas de gamme) mais point de vue fond, il y un abysse insondable (au fond duquel un chose noire est tapie évidemment) entre les deux.
C'est probablement pour ça que j'adore l'un et ne supportes pas l'autre, en plus de raisons personnelles diverses
C'est clair qu'à son époque je n'aurais rien compris à ses écrits, mais de nos jours je pense qu'on ne peut trouver ça que formidable, le fait d'avoir une forme accessible et un fond riche, c'est l'inverse même de la masturbation que me semble être nombre d'ouvrages classiques .
[/hs]
Ça présente quand même un défaut majeur.
On ne sent pas bien la secousse due à la profondeur de la chose quand on passe dessus.

Houellebecq / Lovecraft c'est toute toute la symbolique de cela.

Pour l'un on se dit nécessaire que ce type doit dire des trucs profondément intelligents et qu'on est vraiment trop bête de ne pas avoir le bagage pour les saisir. Pour l'autre, on peut passer à côté complètement parce qu'on peut se contenter d'un niveau de lecture déployé pour un pulp d'horreur.
C'est tout la problématique des arts modernes, littérature comprise. Quand on a pas grand chose à exprimer, il suffit de se pencher sur l'enrobage. A l'époque de Lovecraft les grands artistes comme les petits mangeaient de la soupe à l'eau et du pain au plâtre. Aujourd'hui le grand a sa villa a Beverley Hills et le petit vit dans un squat. Vaut mieux donc être grand, par tous les moyens.
Citation :
Publié par Malgaweth
Pour l'un on se dit nécessaire que ce type doit dire des trucs profondément intelligents et qu'on est vraiment trop bête de ne pas avoir le bagage pour les saisir.
Bah c'est un peu le problème. J'ai justement choisis "les particules élémentaires" parce que je pense avoir plus de bagage sur le sujet (la génétique) que l'auteur lui même. Bah ma conclusion c'est : vaut mieux ne pas avoir trop de bagage quand on lit du Houellebecq.
(enfin bon je généralise pas à tous ses livres, juste celui que j'ai lu)
Du point de vue de l'écriture, ce que j'aime chez cet auteur, c'est la manière qu'il a de développer un détail insignifiant pour rendre justement l'insignifiance des choses (détail sur telle ou telle revue que lit un personnage, sur tel ou tel élément d'un décors comme une télévision ou un grille pain).
Ca, c'est vraiment une chose toute bête, mais c'est vraiment un des éléments qui fait que j'accroche toujours à l'auteur.

Mais si on ne considère plus l'écriture en elle- même (qui est quand même réservée à certains personnes capables d'un vrai travail littéraire, ce qui n'est pas mon cas) mais les thèmes développés par l'auteur, et notamment sa vision de la société, j'admets que je me retrouve en partie dans celle- ci.
Ce que j'aime finalement, c'est cet espèce de regard froid, sans poésie, cynique, totalement désabusé, toujours grinçant, et surtout quand il résume le tout en une petite phrase qui condense l'ensemble en quelques mots bien choisis.

Donc, personnellement, je suis assez fan de Houellbecq.
Wé ... Branleur ou pas, un travail une fois publié n'appartient plus à son auteur, "Extension blablabla" vit de maniére indépendante, donc perso, les frasques de Houellebeck ça m'en touche une sans faire bouger l'autre. C'est comme Céline "Houuuuuuu le vilain antisémite ! Il ne faut pas lire Céline !". A moins que les propos d'un livre dudit soit ouvertement franchement à l'opposée de mes idées, auquel cas, j'examinerais ma conscience avant de décider si oui ou non ça vaut le coup de le lire (la réponse devrait être non, de la même façon que j'arrive pas à lire le figaro par exemple), à moins donc disais-je, et bé sinon je vois pas pourquoi je ne lirais pas "Voyage au bout de la nuit" ou "Les particules ... ".

Maintenant, not' cow boy chantant nous fait habillement la liaison avec Dantec ("Le théatre des opérations" si je ne m'abuse, que j'ai toujours pas fini le tome 1 que c'est chiant) et perso je ferais également une connexion avec Bret Easton Ellis. Ces trois auteurs nous parlent de notre société, sous des aspects différents mais un point commun semble être la mise en exergue de sa décrépitude. Chez Bret Easton Ellis, cela passe par la peinture d'une société riche mais qui s'ennuie et qui est désespéremment à la recherche de sensations, qui veut sentir quelque chose, une fringale jamais assouvi. (Lus : "Les lois de l'attraction", "American Psycho"). Chez Houellebeck, dans l'Extension au moins, j'y vois le constat de la destruction des relations inter individuelles, l'isolement des individus, et, évidemment, sujet principal, la mise sur le marché des ces relations. Chez Dantec, finalement (Lus "La sirène rouge", "Les racines du mal", "Babylone babies", la course en avant de la société consumériste anesthésie les individus ("rien ne c'est passé, rien ne se passe et rien ne se passera jamais) et dans le même temps rend possible l'émergence d'individus qui sont en quête de sensations, comme chez Ellis, et qui trouvent un exutoire dans le meurtre en série. Et Chez Houellbeck également, notre héros de l'Extension finit par tuer (ça fait un moment que je l'ai lu.

Pour finir, je rattache cela à Stiegler (taintain).
Citation :
Dans la nuit du 26 au 27 mars, à quelques semaines du 21 avril, Richard Durn provoque un émoi considérable dans la France entière en assassinant huit membres du conseil municipal de Nanterre réuni en séance plénière (1). Durn avait fait le mal, expliquera-t-il en substance, parce qu'il voulait avoir au moins une fois dans sa vie le sentiment d'exister. Quelque chose dans la seule réalité de ce conseil municipal lui était devenu insupportable. Et ce quelque chose, Richard Durn crut pouvoir le faire disparaître par un carnage, une sorte d'hécatombe, et, du coup, réparer sa propre histoire de perdant anonyme. Il se suicide le 28 mars dans les locaux de la police.
http://1libertaire.free.fr/BStiegler03.html
un peu plus loin
Citation :
Arrêtons un court instant la pendule du temps et regardons-nous vivre. Regardons-nous, par exemple, errant parmi tarit d'autres semblables dans des centres commerciaux, surgis de nulle part à la périphérie des villes. Regardons-nous, un portable d'une main, poussant de l'autre un Caddie, le remplissant dans un état d'absence à nous-mêmes, convoitant des produits dont la possession ne nous apaisera pas. Regardons—nous avancer en troupeau tandis qu'une musique d'ascenseur nous murmure à l'oreille qu'il ne se passe rien, qu'il ne s'est jamais rien passé et qu'il ne se passera jamais rien. Comme si notre temps propre, notre mémoire ou notre sensibilité n'avaient plus lieu d'être. C'est la fabrique de la folie
Enfin parce que finalement ce PB de ressenti, ce pb de sentir quelque chose est sans doute plus vaste qu'on ne le pense :
Citation :
La question politique est une question esthétique, et réciproquement : la question esthétique est une question politique. J'emploie ici le terme "esthétique" dans son sens le plus vaste. Initialement, aisthésis signifie sensation, et la question esthétique est celle du sentir et de la sensibilité en général.[...] Or je crois que, de nos jours, l'ambition esthétique à cet égard s'est largement effondrée. Parce qu'une large part de la population est aujourd'hui privée de toute expérience esthétique, entièrement soumise qu'elle est au conditionnement esthétique en quoi consiste le marketing, qui est devenu hégémonique pour l'immense majorité de la population mondiale - tandis que l'autre partie de la population, celle qui expérimente encore, a fait son deuil de la perte de ceux qui ont sombré dans ce conditionnement.
Où lon parle évidemment de la Fracture sociale, mais "sociale" n'est finalement qu'un adjectif, on pourrait s'arrêter à la Fracture tout court.

Hello Mr Patate

EDIT :
J'vous remet une petite couche sur les sociétés de contrôle,
http://1libertaire.free.fr/DeleuzePostScriptum.html
Gilles Deleuze inspire sans doute Stiegler. Deleuze a écrit avec son copain Felix Guattari un livre au titre formidable : "L'anti-oedipe : capitalisme et schizophrénie" Whaouuuuuuuuuu
Le problème c'est que c'est strictement imbitable Cependant j'ai retenu une chose de Deleuze : quel est l'objet de la phisophie ? Fournir des concepts. Les concepts ce sont des outils pour appréhender le monde.
http://1libertaire.free.fr/KestceKelaPhilo.html
Dans le verbiage imbitable et adoré de notre modo dynamique (il a la frite), ressort le terme de schizo-analyse (tain-tain). On se rebranche donc là sur Dantec ...

Work in progress.
J'ai tellement entendu parler de Houellebecq que jme suis décidé à lire un de ses bouquins, j'ai pris le seul que j'ai trouvé a ma bibliotheque :

"Les particules Elementaires"

J'ai du arreter avant les 50 dernieres pages, j'ai plus eu l'impression de lire un bouquin erotique qu'autre chose
Ceci n'est pas une généralité. "Extension du domaine de la lutte" est très correct. Maintenant, que Houellebecq ait atteint un point où seuls "duQduQduQ" et une polémique à 2cents peuvent faire vendre, c'est aussi possible... Bref, si vous voulez un bon MH, jetez peut-être un oeil du côté de l'extension.
__________________
http://archangelion.free.fr/images/endoext.jpg
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