Pour répondre rapidement toutouyoutou :
1- le sentiment de ce besoin d'état / pays, ce sentiment nationaliste est un vieux rêve religieux juif, il revient sur le tapis au XIXe car c'est la dominante nationaliste mondiale, mais les juifs ont toujours cet identification : un peuple, un dieu, un royaume / pays.
Ce n'est pas pour rien qu'ils se considèrent en exode en attente du nouveau royaume de David.
C'est un élément, mais c'est un élément très fort à mon sens pour eux.
2- pour la position géostratégique, il me semblait pourtant avoir lu dans un bouquin sur la question géostratégique il y a quelques années que vu la guerre acharnée pour avoir les ressources en hydrocarbures (Caucase / Proche-Orient) sur les deux fronts, tous les pays avaient pris conscience de l'importance du pétrole.
Et que tous voulaient garder un oeil/un pied à terre sur la zone malgré la décolonisation.
Pour la question de la "conscience"... c'est peut-être la représentation qu'on s'en fait aujourd'hui oui, mais tu as raison de dire que la réelle prise de conscience de l'opinion n'a été que dans les années 70.
Pourtant, Churchill savait et en avait conscience déjà en 1941 dans son discours à la nation :
Alors peut-être que naïvement je pense que certains dirigeants comme je le disais ont vraiment été touchés par l'ampleur de la gravité de la Shoah... et je pensais la population un peu plus touchée aussi vu le nombre de photos / témoignages
3- il n'y a pas eu de massacres, mais une exclusion sociale résultante du processus de décolonisation et de la montée fulgurante des nationalismes arabes. Les juifs déjà un peu gênés par le statut de dhimmi, vont se retrouver encore plus exclus. Après mon propos pouvait laisser entendre que ça pouvait être des pogroms, ce qui n'était pas le cas (mais qui aurait pu l'être post 1947 pour la raison qu'on connaît avec la création d'Israël).
1- Une espérance religieuse, ça n'est pas un programme politique (ça peut tout à fait en être une inspiration, mais ça n'est pas en soi suffisant). Ca ne débouche pas nécessairement sur la construction d'un Etat- Nation, dont les racines, au demeurant, sont à trouver dans les Lumières et le mouvement européen de sécularisation des sociétés, et non pas dans la religion, fut- elle juive. L'idée même d'Etat- Nation n'a quasiment rien à voir avec la religion. C'est au contraire un fruit de la Révolution Française (là encore, si je dis des bêtises, il faut me donner une source pour corriger mes lacunes).
Après, je suis d'accord pour dire que le cas du judaïsme et des Juifs est un peu particulier. Outre le fait qu'ils sont extrêmement minoritaires et divisés (ce qui est l'une des caractéristiques essentielles de leur histoire depuis plus de deux mille ans), il y a encore aujourd'hui une grosse ambiguïté / confusion entre "peuple", "nation", religion", "ethnie", etc. Il est vrai qu'il est difficile de catégoriser clairement et définitivement, principalement du fait (à mon sens) que la religion s'acquière par le sang de la mère, donc par la naissance. Ca pose tout un tas de problèmes pour les Juifs et pour les non- Juifs.
Que ce mythe de l'Exode soit un facteur religieux essentiel et un déterminant identitaire (comme la Shoah pour le judaïsme contemporain), je crois que personne ne le nie. Mais encore une fois, il ne suffit pas d'une espérance religieuse pour construire un Etat. Ce ne sont pas les mêmes logiques, les mêmes moyens ou les mêmes acteurs.
Et encore une fois, à ses origines, le sionisme est clairement une idéologie (très) minoritaire dans le monde juif européen (mais aussi maghrébin et américain). Il ne s'impose que progressivement. Et il n'est dominant que depuis quelques décennies. Ce qui me choque, c'est qu'il n'hésite pas à réécrire l'histoire en fonction de ses intérêts politiques... Ca, ça pose un très gros problème d'honnêteté intellectuelle et morale.
Je n'ai aucun problème à considérer qu'un Etat défende ce qu'il estime être ses intérêts, et se construise un roman national. Mais ça ne veut pas dire que je suis censé tout gober, surtout quand il s'agit de falsifications grossières et de mythologies unificatrices à usage interne.
2- Pour le pétrole, en quoi les Etats- Unis auraient- ils besoin d'Israël, surtout quand ils disposent depuis 1945 de l'alliance saoudienne (pacte de Quincy), et qu'ils font littéralement la politique de l'Iran (jusqu'en 1979), à savoir, les deux principales puissances pétrolières de la région et les deux puissances qui polarisent l'Islam dans cette région (sunnisme / chiisme) ?
Aujourd'hui, Israël est plus un emmerdeur qui ralentit leur rapprochement avec l'Iran (ce qui permettrait de fermer la région aux Russes et surtout aux Chinois, qui sont les véritables adversaires stratégiques des Etats- Unis dans la région) qu'autre chose...
Quant à l'importance du pétrole, elle était comprise depuis avant la seconde guerre mondiale, et a été un des aspect de la question du règlement des frontières lors du démantèlement de l'Empire Ottoman (Accords Sykes- Picot et traité de Sèvres). Le grand centre de production était alors Bakou, désormais inaccessible du fait de la révolution russe. Donc, là encore, je ne vois pas trop ce qu'Israël vient faire là- dedans. Qu'il s'intègre dans le jeu d'équilibre de la région après 1967 (date à laquelle il devient vraiment une puissance régionale déterminante), OK, mais avant... Toutes les sources indiquent qu'Israël n'attirait pas l'attention des Etats- Unis avant 1967, et que c'est un énorme travail de rapprochement des Israéliens vers les Etats- Unis (et pas l'inverse) qui a scellé une alliance qui est aujourd'hui perçue par de nombreux américains comme un fardeau contre- productif (objectivement, cette alliance ne rapporte rien aux Etats- Unis, à part des emmerdes et des problèmes à gérer, et elle leur coûte cher). Dans les années 1990, avec Shimon Perez et Yitzhack Rabin, ça avait du sens. Mais aujourd'hui ?
Et quid de la question de l'eau (l'or bleu) qui est l'un des éléments les plus fondamentaux du conflit entre Israël et ses voisins depuis des décennies, dans une région aride où l'eau est la première ressource vitale ? Sur ce point- là, la manière dont Israël gère le problème est clairement discriminatoire et scandaleux. D'autant que la majeure partie des ressources en eau d'Israël ne vient pas d'Israël, mais des territoires qu'il occupe illégalement.
3- Que des élites politiques aient eu conscience du problème avant les masses, c'est une chose. Mais ça n'a pas impacté leurs décisions politiques outre- mesure.
Par exemple, la libération des Juifs des camps de la mort n'a jamais été un objectif militaire et politique pour les dirigeants alliés, alors même qu'ils savaient très bien ce qu'il s'y passait. Ils ont simplement estimé qu'il fallait briser la machine de guerre allemande pour que le judéocide s'arrête. Et quand ils ont été en mesure de fournir une aide immédiate, ils ne l'ont pas fait (voir l'exemple de la destruction du ghetto de Varsovie, et la passivité des troupes soviétiques).
Par la suite, la question de la spécificité du judéocide ne s'est construite que très progressivement, dans une opinion accaparée par bien d'autres questions urgentes. Effectivement, ça n'est que dans les dernières décennies que ces questions ont acquis une grande visibilité. Encore aujourd'hui d'ailleurs, ça alimente la recherche historique. Nous entrons sur ce point dans une nouvelle époque : le temps des témoins direct est désormais en train de s'achever, et le temps de la recherche plus distanciée va s'ouvrir (comme c'est toujours le cas en histoire). De nouveaux débats vont apparaître, d'anciens vont être revus, des mises au point vont être faites, sans le poids douloureux de la mémoire, avec plus de distance.
Et sur le fond, il y a en réalité assez peu de photos directes et de témoignages (par rapport aux capacités de l'époque à en produire, le nombre de photos réellement exploitable est en fait faible). On a l'impression qu'il y a des sources énormes : c'est souvent une fausse impression. De même, la qualité des sources est très variable. Il faut reconnaître que l'énorme travail mémoriel a permis de reconstituer des sources très importantes. Mais il faut aussi se distancier raisonnablement de ce travail. Enfin, les nazis ont détruit l'essentiel des documents les plus précieux.
4- Il y a eu un statut de communauté minoritaire en terre d'Islam, qui s'appliquait aussi aux Chrétiens, et qui était aussi la garantie d'autonomie et de respect de ces minorités par les pouvoirs musulmans. La notion même de discrimination telle que nous l'entendons aujourd'hui (et que nous étendons à tort et à travers) ne peut pas s'appliquer dans ce cas : elle n'a aucun sens remise dans le contexte historique (c'est un anachronisme complet).
Alors là je vais être clair : on voit soit un défaut de culture générale sur le sujet, soit une falsification assez grossière, soit une incapacité à penser le passé en tant que passé.
Enfin "qui aurait pu" ça n'a pas de sens en Histoire : soit c'est (donc ça s'analyse et ça se comprend) soit ça n'est pas (et donc c'est de la fable). Au demeurant, je précise que les "ça aurait pu", c'est l'argument malhonnête qui a donné le feu vert à toutes les ingérences depuis les années 1990, qui a détruit des nations stables et a provoqué des millions de morts... C'est le faux argument moral qui sert des visées très impériales... et qui sème la mort partout où il passe.
Au fait, pour mes sources :
- Patrick Cabanel.
- Henry Laurens.
- Shlomo Sand.
Sur mes messages récents, j'utilise principalement celles- là. Mais elles ne sont évidemment pas exhaustives.
Qui cherche trouve, en regardant sur Wikipedia, on voit que les juifs et les chrétiens ont par exemple été expulsés du Maroc sous les Almoravides.
Oui, mais il faut rappeler ce qu'ont été les réactions Almoravides et Almohades en Andalus, il faut préciser que ces expulsions ont aussi eu lieu sous les Rois Catholiques une fois l'Espagne unifiée (et elles concernaient cette fois- ci les Juifs et les Musulmans), et qu'elles n'ont pas par la suite été un obstacle à l'existence d'un judaïsme florissant au Maghreb, y compris dans l'actuel Maroc (qui avait la plus grosse communauté juive au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, enfin... de mémoire).
Et rappeler aussi que ces phénomènes se sont passés à la même époque dans toutes les terres de frontières (Sicile notamment).
Et rappeler enfin que sur une période de plusieurs siècles, les Juifs ont justement été dans ces zones des intermédiaires commodes qui permettaient les relations entre monde latin et terre d'Islam, et ce, dans de nombreux domaines, ce que l'ensemble de l'historiographie actuelle confirme.
Pour le reste je suis globalement d'accord.
Là- dessus il faut lire des auteur comme Gabriel Martinez- Gros, Olivier Picard, Jean- Claude Garcin ou Henri Bresc (là encore, entre autres).
Qu'entends tu par directement lié à Israel ?
Globalement les minorités sans aucuns moyen d'action et "soumises" ne dérangent effectivement pas trop.
Attaque de Suez en 1956.
Borh y fait référence.