Je montais lentement le vieux chemin pentu qui serpentait entre les tombes
poussiéreuses d'antiques personnages . Silence glaçant . L'obscurité semblait consistante , si bien que l'endroit entier paraissait recouvert d'une chape de néant . La nuit m'entourait . Un pas après l'autre devant moi qui , j'en avais l'impression , grondait dans le vieux cimetière . Quelles étranges ténèbres s'étaient donc abattues sur les tombes de nombreux preux , tombés pour la lumière......
Mon coeur cognait dans ma poitrine, et , malgré mon armure et mon arme qui battait mon flanc dans son fourreau , je me sentais nu . Les serres d'une peur sans nom m'étreignaient et mes muscles étaient sans force .
Aujourd'hui encore , je pense que seul mon ignorance m'avait poussé plus en avant .
J'arrivai enfin au sommet de la colline qui surplombait le cimetière . J'étouffai . De chaleur , d'effroi , de l'oppression de cette noire forêt , si noire au dessus de moi . Je me retournai . Le chemin déjà , semblait avoir disparut , engloutit .
Soudain , alors que je reprenais mon souffle , chose incroyables , réminiscences d'une lointaine époque où la vie était sans doute plus tranquille en ce lieu , apparut autour de moi des fantômes éthérés . Des fermiers , des soldats , des magistrats mort , aux orbites vides , sans doute pourris depuis longtemps . Je me pétrifiai devant le spectacle de cette société sans repos , sans répit . Un frisson me parcourut l'échine alors que ces silhouettes transparentes déambulaient autour de moi , inconscientes , semblait-il , de ma présence . Bientôt , comme elles étaient arrivés , elles disparurent sans un bruit , s'enfuyant dans les obscures frondaisons .
Rapidement , je m'approchai du mausolé de Luther , à ma droite . Son entrée béante de noirceur m'effraya plus que je ne l'aurais reconnu et j'empoignais mon épée , me rassurant par le contact de sa large poignée dans ma paume . Je doutais pourtant de m'en servir . J'allumais une torche et fit le tour de la structure ; cubique , elle ne comportait qu'une entrée et , autrefois richement sculpté , elle était maintenant lisse et errodé . Courageusement , j'entrai .
La lueur de mon brandon illuminait , cette fois , des sculptures représentant des anges et des démons ; de vastes scènes du jugement dernier parfaitement conservées . Je sursautais à la présence d'une gargouille grimaçante au bout du couloir d'entrée . Je m'enfonçais ensuite dans les profondeurs ...
Plusieurs fois , je crus entendre des bruissements et des tintements alors que je dévalais des escaliers sans fin . Je les ignorais bravement , uniquement focalisé sur ma mission .
Qui étais- je , cependant , pour pénétrer ici ? Un pilleur .
Non , j'étais mandaté , dans mon plein droit .Pourtant , je dérangeais le repos des morts , au fond de moi , j'en étais persuadé . Je violai leurs sépultures . Une sueur glacée rampait sur mon corps tremblant ,et je me mis à courir .
Cédant peu à peu à la panique , je respirais de manière saccadé et désordonné . Mon dieu , cela n'avait pas de fin .... le néant , l'enfer .... et ces bruits , ces bruits ....! je m'arrêtais quelques instants pour me rassurer intérieurement . J'étais perdu dans ce dédale souterrain , seul et entouré de spectres pensais-je . Tout ces escaliers devaient cependant bien débouché dans le coeur du mausolé . Je me remis à trotter . Je ne sus combien de temps j'errai dans des couloirs sombres . Toujours est-il qu'épuisé et effrayé , j'arrivais enfin dans la tombe proprement dite .
A la faible lumière de mon flambeau , j'aperçus une vaste pièce de forme conique , qui devait être autrefois peintes de milles couleurs , maintenant terne .... au centre reposait luther . la maison de son dernier repos était de marbre blanc , qui était étonnement resté pur , comme si toute la perversion de ce monde en perdition n'aurait pas pu l'affecter . Retenant ma respiration , je m'approchai . Je devais briser cette tombe pour en extraire les reliques de ce saint .
En aurais-je le courage? Tout d'un coup , je préférais combattre une horde d'ennemis assoiffés de sang plutôt que de venir briser cette blancheur . Bien malgré -moi , je sortis un burin de ma sacoche et entrepris de casser le sarcophage . Sa famille le désirait , je le pouvais donc , me réconfortai-je encore une fois . Le premier coup de mon marteau n'érafla même pas la roche . Je frissonnai et levai mon outil pour frapper une deuxième fois ....
Alors , il se présenta devant moi . Omniscient . Je poussai un cri . Il me jeta un regard qui me transperça l'âme , mettant à nue mes peurs et mes haines , mes désirs et mes chagrins . Ma mort et ma vie . J'étais insignifiant , ridiculement insignifiant . Je hurlai de terreur et m'effondrai , ne pouvant supporter plus longtemps cette inquisition qui me mettait à nue . J'étais en son pouvoir , l'esprit dispersé aux quatre coins de la terre . Je pleurai et rampai sur le sol , suppliant .
Lorsqu'il se retira enfin , je restais immobile et , avant qu'il ne me viennent une pensée , plusieurs minutes s'écoulèrent . Puis , enfin , je me relevais et prenant mes affaires , obéissant à un instinct plus vieux que le monde , je fuyai , fuyai , loin de Luther et de tout ce malheur . Je ne garde pas grand souvenirs de cette course éffrénée , sinon qu'elle m'abandonna à demi- mort devant sombre-comté .
C'était il y a longtemps , mais j'en garde un souvenir vivace , et jamais plus je ne fus le même homme . Depuis , la colline aux corbeaux c'est encore bien transformé . Le mal s'y est enraciné plus profondément . L'empire des hommes est aux aboies , rongé de l'intérieur . Car encore , les esprits ne dorment..... jamais .
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