Ce matin de Flovor était plutôt doux pour un début d'année. L'Ermite se levait de son lit improvisé et se préparait déjà à lever le camp. Cela faisait déjà plus de 600 ans qu'il arpentait le Monde des Douze. Il puisait sa force de ses sortilèges, se redonnant de la vitalité quand c'était nécessaire. Le vieil eniripsa n'était pas très en forme aujourd'hui, son mal de crâne le tourmentait de plus en plus.
- Bah un p'tit Mot de Jouvence et ça irait mieux.
Il accompagna alors sa parole d'un geste de baguette. Mais le mal ne partait pas. Ce n'était pas normal. Il décida donc de lever tout de même le camp, et d'aller se rafraîchir à Pandala. Mais son mal de tête lui jouait des tours, et c'est ainsi qu'au moment de se téléporter au zaap de Pandala, il atterrit au beau milieu des Landes de Sidimote. Il ne s'en rendit pas compte instantanément, mais c'est en levant la tête, quelques secondes plus tard, qu'il reprit ses esprits.
- Saleté de zaap ! 'Profite de ma vieillesse pour me jouer des tours !
Mais l'air était chaud, plus chaud qu'à l'accoutumé.
- Sans doute la lave, se dit-il.
Il scruta alors le ciel. Il était pourpre. Il ne pouvait pas le croire. Cela recommençait. Ce mot résonnait dans sa tête et son corps devenait chaud, sa tête également. La douleur devenait insupportable. De sombres images se mêlaient aux mots qui résonnaient dans sa tête. Il revivait en lui le pire moment de sa vie. Celui de la perte d'un Maître, d'un Mentor, d'une Idole. Ses semblables avaient également péris ce jour-là. Il n'en revenait pas.
- C'est impossible... MON MAÎTRE T'A VAINCU ! criait-il.
Mais "il" ne voulait pas se montrer. Ce n'était pas la peine de rester, des Brâkmariens pourraient traîner dans le coin. Il reprit donc le zaap en sens inverse, retournant vers Bonta. Il fallait prévenir Danathor, Amayiro, la population... Le Monde des Douze était menacé.
- IL REVIENT ! L'AURORE POURPRE, CA RECOMMENCE ! IL FAUT L'ARRÊTER, IL EST ENCORE TEMPS ! SON ARMEE N'EST PAS ENCORE PRÊTE, NOUS POUVONS LE VAINCRE, IL EST ENCORE FAIBLE !s'égosillait-il.
Personne ne le prenait au sérieux.
- Tu ferais mieux d'écrire ça dans des livres, Le Sénile ! On le sait bien ici que tu es fou à lier. Personne ne te croit ici... Aucun Chevalier de l'Ordre du Coeur Vaillant n'a survécu à l'Aurore Pourpre, pas même un disciple de Féca, alors un Eniripsa, encore moins... rétorqua un Bontarien.
- Alors ne me croyez pas ! Je trouverai quelqu'un qui me croira ! Et vous le traiterez en héros !
Le vieil Eniripsa était dépité. Il ne trouva pour refuge que la Taverne de la Bagrutte. Il ne restait qu'une table de libre, où un disciple de Crâ était déjà installé. Le vieil ermite s'y installa, ce qui, visiblement ne dérangea pas le Crâ.
- Fichus Bontariens ! Je me bats pour eux et voilà comment ils me remercient. Ingrats ! ruminait-il.
- Eh ! T'es Brâkmarien ou quoi ? répliqua un disciple de Iop, qui ne loupait pas une occasion de se battre.
Le vieux ne répondait pas. Le Crâ, lui, avait compris. Il avait eu vent de la mésaventure de l'Ermite par quelques miliciens.
- Je te crois, moi. dit le Crâ.
- Tu... tu... quoi ?
Le Vieux n'en revenait pas. Le Crâ le croyait. Abasourdi, il ne prononçait plus une parole. Mais le Crâ rompit le silence en lui demandant ce qu'il voulait boire.
- Je ne bois jamais ailleurs que dans les Sources de Pandala, trop de gens veulent ma peau.
Ils parlèrent ensuite de leurs aventures, et n'ayant pas vu l'heure passer, ils se fixèrent un rendez-vous le lendemain après-midi et se quittèrent à l'aube, l'Eniripsa allant dormir dans une chambre de la Taverne, épuisé.
Le lendemain, les deux Bontariens se retrouvèrent devant la taverne, comme il était prévu.
- J'espère que tu es prêt pour l'entraînement dont je t'ai parlé ! La guerre sera dure et je tiens à bien te former. Aujourd'hui, nous allons commencer par une mission d'espionnage. Tu devras seulement t'infiltrer dans la Cité Sombre et trouver d'où provient ce ciel pourpre.
- Je serai toujours prêt pour ça.
Sur cette bonne parole, le disciple de Crâ partit pour les Landes de Sidimote. Mais à peine était-il arrivé qu'un énorme fracas s'était abattu derrière lui. Croyant à une attaque brâkmarienne, il s'était retourné l'arc à la main prêt à décocher une flèche. Mais en guise de brâkmariens, il s'agissait de l'Ermite. Il saignait abondamment.
- VA T'EN ! NE RESTE PAS ! "ILS" SONT APRÈS MOI !
Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase que des Brâmariens étaient déjà autour d'eux. Ce fut un combat acharné, l'Eniripsa utilisait constamment ses sortilèges de soin pour éviter la mort du Crâ. Mais ils étaient en mauvaise posture, les Brâkmariens étaient en nombre supérieur et déjà, la vitalité du Crâ était très faible. L'Eniripsa, dans un acte héroïque, se sacrifia pour que le Crâ soit sain sauf.
- Maître Menalt, je vais enfin vous rejoindre après tant d'années pendant lesquelles je fus orphelin. Ne vous inquiétez pas, la relève est assurée, chuchotait-il.
Et c'est sur ses derniers mots, que l'Eniripsa perdit la vie. Soko-Mayo avait une lourde tâche à présent, celle de la survie de Monde des Douze...
|