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Wocasnafy…
Le vent soufflait ce nom depuis quelques semaines maintenant. Un nom mystique, chargé d’histoire et de mystères. Un nom puissant. Et, avouons-le, un nom un peu ridicule tout de même…
Le vieil homme, affalé dans son fauteuil, au coin du feu, entendit ce nom, porté par la brise.
Le jeune guerrier fougueux, qui venait de retirer sa lame du corps de son adversaire, perçut ce nom dans l’air autour de lui.
L’érudit, plongé dans le grimoire où il consignait chacune de ses expériences, reçut les échos de ce nom, charrié par les bourrasques tapant à sa fenêtre.
La jeune magicienne, jonglant distraitement avec ses boules de feu, ne put rester sourde à l’appel de ce nom, qu’hurlaient les rafales soufflant sur la plaine.
Partout de par le monde, ce nom se rependait, tel un feu de brousse, ne passant jamais inaperçu, et marquant les esprits…
Snash débarqua en baillant dans le vestibule, et secoua nonchalamment sa cape couverte de neige, sans se soucier d’éclabousser le sol et les murs à la même occasion.
« Mais fais un peu attention » s’exclama, irrité, un nain qu’il n’avait pas vu. « Je suis trempé, maintenant ! ».
- Calme, Calien, calme… L’humidité empêche la poussière de se dissiper dans le vent. Tu devrais me dire merci.
Le nain, qui s’avérait être un Xelor, lui jeta un regard mauvais et partit en grommelant des choses à propos de « Sales Sacrieurs qui se croient drôles. »
Indifférent à l’agacement de son ami miniature, Snash poursuivit son chemin dans le hall d’entrée, jetant un coup d’œil par-ci par-là, heureux de retrouver la chaleur agréable de sa guilde. Il remarqua d’ailleurs la propreté irréprochable des lieux, et se demanda distraitement si l’on devait l’attribuer à la maîtresse des lieux, sa chère Wolbri, ou à sa non moins chère Safyr. Une interrogation au demeurant assez idiote : le jour où Safyr prendrait la peine de ranger quoi que ce soit…
Il eut un petit sourire en la voyant d’ailleurs, langoureusement couchée dans le divan qui trônait au centre de la salle commune, plongée dans la lecture d’un livre, blottie ocntre son Dragonnet préféré. Son sourire s’élargit lorsqu’il vit apparaître, de l’autre côté de la salle, Wolbri, revenant des cuisines, une pâtisserie à la main. « Certaines choses ne changent jamais » se dit-il joyeusement. Aucune des deux jeunes femmes ne l’avait vu, et il resta un moment dans l’ombre, savourant la joie de les voir à nouveau, après tout ce temps passé au loin. N’y tenant plus, il décida de faire son apparition, et ne put résister à la tentation de le faire assez théâtralement, bondissant soudain avec agilité au milieu du salon.
« Eh bien mesdames… Je vous ai manqué ? »
-Snaaaaaaaaash, s’exclamèrent-elles en chœur, avant de se jeter dans ses bras.
Il éclata de rire, réalisant soudain à quel point ses amis lui avaient manqué.
« Neige n’est pas là ? » demanda-t-il.
-Il devrait arriver dans la soirée, répondit Safyr. En fait, tu es dans les premiers. Seul Calien a fait plus vite que toi. Mais on est en droit d’attendre d’un Xelor qu’il arrive à temps, remarque.
-Pas faux.
Le bruit de la porte d’entrée à cet instant les fit se retourner. Un jeune Pandawa à la mine réjouie fit son apparition, avec une discrétion qui aurait fait pâlir un Craqueleur dans un atelier d’Alchimistes. « Tout le monde ne peut pas choisir la voie de l’Agilité » se dit Snash pour la énième fois, avec un petit sourire dépité.
Les retrouvailles furent brèves mais chaleureuses, entre les compagnons de Guilde. Calien, qui avait finit de ronchonner, vint même les rejoindre.
« Il manque encore pas mal de peuple, non ? » lança Snash avec entrain.
Il surprit alors le visage embarrassé de Wolbri, et vit que même Safyr détournait un peu les yeux.
« Eh bien… C’est que… », commença sa meneuse. « Les choses ont un peu changé, depuis ton départ… »
-Comment ça ?, demanda-t-il, intrigué.
-Eh bien… On a perdu quelques membres… Beaucoup ont souhaité voler de leurs propres ailes, tu vois… Ils se sont lancés de leur côté…
-Oh…
-Bah, on n’a pas besoin de lâcheurs, intervint sévèrement Calien, qui avait toujours été le plus prompt à s’irriter du départ d’anciens membres.
-Du calme, Gnôme, fit Snash, apaisant. Après tout, on a tous déjà eu envie de partir en solitaire, non ?
Calien se contenta de lui jeter un regard noir et de marmonner entre ses dents.
Snash soupira. Il avait espéré retrouver ici beaucoup d’anciens compagnons, des amis avec lesquels il avait vécu bien des batailles, avec lesquels il avait bravé bien des défis. Mais il n’était pas dans ses habitudes de rester sombre bien longtemps, et c’est avec un sourire enthousiaste qu’il prit la parole.
« Bah ! De quoi se plaint-on ? On est là, nous, c’est tout ce qui compte, non ? Ce serait quand même malheureux qu’on ne trouve pas le moindre aventurier convenable sur le Monde des Douzes… Puis au pire on leur dira que Wolbri exhibe ses cuisses et… »
Il s’esquiva juste assez rapidement pour éviter le coup de bâton porté par ladite Wolbri, et éclata de rire, ignorant le visage boursouflé d’indignation de Calien.
-Snash a raison !, s’exclama Wolbri.
-Sérieux, tu montres tes cuisses … ?
-Chut, Snash, dit-elle sur un ton exaspéré, mais il vit une lueur d’amusement dans ses yeux. Non, je veux dire que tu as raison, on ne doit pas baisser les bras, il nous suffit de recruter, et de relancer cette Guilde. On l’a déjà fait, et on peut le refaire !
-Bien parlé ! , s’exclama Neige avec excitation.
-Je suis partante aussi, dit Safyr avec son came coutumier.
-Quatre contre un… Je suis le mouvement, finit par annoncer Calien, de mauvaise grâce.
-Mais euh… On s’organise comment…? fit alors Wolbri, en bonne meneuse pragmatique qu’elle était.
-Hum… Boaf, je maîtrise un peu la magie aérienne, répondit Snash. Je peux peut-être m’arranger pour… Je sais pas, glisser un message dans le vent, lancer une semi-rumeur sur une guilde mythique qui se relève…Enfin tu vois, le genre de truc qui attire les foules… Ca va rameuter pas mal de Bworks et de Kikoo mais on finira bien par en trouver l’un ou l’autre qui en vaut la peine…
-Bon et bien…. On te laisse organiser ça, chou ? s’exclama-t-elle avec un sourire ravi en ouvrant ses grands yeux charmeurs.
-Euh..Bi….Bien sûr.
-Parfait.
Et ils se détournèrent tous, heureux de voir que la situation était sous contrôle et en bonne voie. Seul Snash resta planté là, avec une légère impression de s’être fait avoir quelque part…
Deux semaines plus tard, le vent se mit à murmurer, à l’oreille des forts comme des faibles, des gueux comme des nobles, des héros comme des couards, le nom de Wocasnafy… Et tandis que certains l’ignoraient superbement, d’autres, intrigués, trouvaient le chemin de la Guilde, où on les accueillait à bras ouvert. Une rumeur pernicieuse va même jusqu’à insinuer que, pour la meneuse, les jambes n’étaient pas la seule partie du corps qui s’ouvrît aux nouveaux arrivants… A bon entendeur….
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