4ème partie :
Presan est d’un calme impressionnant. Il ordonne le retour au château après avoir fait nettoyer le relais. Il a passé la nuit à discuter avec le tavernier pour comprendre ce qu’il s’est passé et en apprendre plus sur le tueur. Le tavernier est terrifié par ce dont il a été témoin. Il veut quitter le relais et partir loin de là, il raconte au Capitaine la grâce du combat, les mouvements souples du tueur, la vitesse de ses gestes. Cet homme seul a anéanti la vie de sept soldats entraînés après avoir joué avec eux.
Après le combat, Ombre est parti loin dans la nuit, il doit brouiller les pistes. Il a attendu la fouille du relais pour venir se cacher entre les poutres de la salle commune. Il observe les soldats enlever les corps de leurs camarades et suit la conversation entre le tavernier et le Capitaine.
Sa seule motivation est de trouver la cible ultime, celle qui fera exploser en lui la sensation qui lui procurait tant de plaisir. Il n’est pas un tueur à gage. Pas de récompense autre que la monté le long de sa colonne vertébrale du fourmillement, du réveil de l’ivresse, puis du développement de l’extase dans son corps.
De retour au château Presan se prépare à combattre. Il enlève son armure de plaques pour revêtir une plus souple faite de cuir. Il passe un anneau contre le poison à son doigt et sort d’un tiroir secret un jeu de dagues et une fine épée héritage de son passé. Il porte par-dessus une tunique aux couleurs de son unité. Avant d’être soldat il a passé son enfance dans les bas quartiers de Camelot, grandi dans la rue et fait ses premiers pas dans une guilde de voleurs. Puis le nouveau Roy a déclaré une amnistie pour toutes les personnes qui rejoignait les rangs de la garde pour défendre le Royaume. Il est parti à la guerre et s’est illustré par ses prouesses au combat, ce qui lui a valu une promotion rapide et nombre de décorations. Son expérience dans la rue lui a permis de déjouer les plans des assassins Midgardiens lors de la bataille de Caer Hurbury. Ses capacités au combat se partagent entre une force brutale, une souplesse de félin et une expertise des armes de mêlée. Le maniement des dagues est pour lui un bonus dans son expérience. Elles lui ont permis de se sortir de situations périlleuses
Ombre observe les rotations de la garde du haut d’un chêne, à proximité du château. Il profite de ces moments pour prendre du repos, se préparer physiquement et mentalement au combat qui l’attend. Son entraînement au sein de la fraternité des ombres lui a appris à gérer sa fatigue. L’enseignement dispensé aurait du servir le Royaume d’Albion pour l’espionnage et le renseignement, mais obéir aux ordres n’est pas dans son caractère. Meilleur élève dans l’apprentissage du camouflage et de la furtivité, ses enseignants ont relevé chez lui une cruauté particulière au combat. Il ne se contente pas d’éliminer ses cibles, il les rend incapable de donner l’alerte pour les combattre un temps avant de s’en défaire dans un ballet mortel. Il est devenu maître dans l’art de combattre silencieusement. Ombre a quitté la fraternité sans fracas pour parcourir les royaumes en quêtes d’aventures. Avalon l’a accueillie à bras ouvert, s’infiltrer dans la cité déchue remplie de monstres ont aiguisé ses sens et sa capacité furtive. Apparaître au milieu d’un groupe de Drakoran assis autour d’un feu et les tuer un par un dans un combat sanglant a réveillé en lui pour la première fois la sensation.
Plusieurs années durant il a parcouru la ville déchue, observé les groupes d’aventuriers essayer sans succès de libérer la ville. Las de ce jeu, il est parti dans les royaumes ennemis en solitaire. Il s’est infiltré dans les châteaux forts Hibernien et Midgardien pour en tuer le commandant semant la panique et la désorganisation. Il a regardé les troupes de ces royaumes chasser et tuer des groupes d’Albionnais sans se dévoiler. Puis il a tué les soldats vainqueurs qui se croyaient chanceux d’avoir survécu.
Aujourd’hui Ombre est le chasseur devant la proie ultime. Le picotement monte dans son dos mais il ne doit pas laisser la sensation le déconcentrer. Les gardes se préparent pour la nuit, toutes les torches du château sont allumées et les rondes se croisent aux endroits les plus propices à une infiltration.
Les remparts sont faciles à escalader, il est sur le chemin de ronde dans leur dos. Ombre est entré juste après qu’ils se soient croisés. Il suit invisible les gardes dans la tour, tape sur l’épaule du premier pour attirer son attention et apparaît devant le second éberlué. Ce dernier n’a pas le temps de réagir, la rapière empoisonnée le transperce de part en part. La dague incrustée de gemmes lui perfore le menton jusqu’au cerveau l’empêchant de crier. La rapidité de l’attaque a surpris les gardes pourtant prévenus, le premier meurt regardant droit dans les yeux le tueur qui tient deux dagues enfoncées dans sa gorge.
Presan entend les gardes qui s’affolent après la découverte des corps de leurs camarades. Il convoque ses officiers et ordonne une fouille complète du château. De retour dans ses appartements, il termine ses préparatifs, Presan sait que le combat est proche. Il sait que Ombre est dans la pièce, il le sent. Les poils de sa nuque se sont hérissés quand il a passé la porte. Il a tranquillement refermé pour ne pas alerter le tueur, c’est entre le tueur et Lui.
Ombre se dévoile tranquillement assis sur le dossier d’une chaise. Il sourit comme un vieil ami. Son visage est angélique, la fine cicatrice sur sa joue ne perturbe en rien la grâce de ses traits. Ces yeux sont marrons et ses cheveux tombent en cascade sur ses épaules. Comment un homme si beau peut-il développer autant de cruauté ?
Presan est immobile et se concentre sur les yeux de son adversaire, cherchant l’étincelle qui annoncera le début du combat. D’un geste à peine perceptible Ombre sort sa rapière et sa dague puis bondi sur Presan, la rapière frôle sa gorge et il esquive le coup de dague de son avant bras. L’action est d’une rapidité fulgurante, les deux hommes sont face à face et se jaugent. Cette première escarmouche est un test, Presan n’a pas bougé de place, il n’est pas prêt à dévoiler immédiatement ses capacités cachées.
Le sourire de L’Ombre a laissé place à un masque de concentration, Il tourne autour du Capitaine armes à la main. Presan dégaine sa fine épée et une dague. Ombre fait un bond en avant, les armes s’entrechoquent dans des estocs d’une vitesse inouïe.
La sensation grandie dans son corps, Ombre accueil avec avidité l’approche du plaisir qui monte. Les deux hommes dansent une valse mortelle, chaque coup porté rencontre une parade. Ils se déplacent dans la pièce silencieusement, les armes ne font pas de bruits lorsqu’elles se croisent. Ombre jubile, il pointe, pare, esquive les coups de plus en plus vicieux de Presan. Ce dernier profite de sa force pour affaiblir le tueur, il l’oblige à se déplacer et frappe de plus en plus fort. Presan tire le premier sang d’un estoc au bras qui tranche l’armure de cuir pour lacérer les chairs.
Il ne laisse aucun répit et porte une nouvelle botte. Son épée vole vers la poitrine de l’Ombre qui esquive d’une pirouette arrière. Presan lance sa dague vers la gorge du tueur qui a du mal à parer. La dague continue sa trajectoire et se plante dans le mur. Elle disparaît pour revenir se loger dans sa main. Il poursuit ses attaques en parant les contres attaque de l'Ombre.
Ombre ne ressent pas la blessure, il utilise son agilité et sa souplesse pour essayer d’éviter d’autres blessures. Il est surpris de la rapidité du Capitaine, il l’a sous estimé. Ses attaques sont violentes et il n’a pas l’air de se fatiguer. Ombre doit changer de tactique, il doit porter les attaques au lieu de les subir.
L’épée de Presan passe à un doigt de son œil, il inverse son mouvement pour attaquer au lieu de parer, le Capitaine est surpris et esquive de justesse l’arc de cercle destiné à l’étriper. Dans la continuité du mouvement Ombre enfonce sa dague dans la cuisse du soldat. Le poison se répand, il a pour but de saper la vitalité, d’étourdir. Ombre recule pour sauter sur le mur et se propulse au-dessus de Presan qui n’est pas dupe. Il a anticipé le mouvement et est prêt quand la rapière fonce vers sa poitrine. Il se penche en arrière pour éviter la lame, Presan profite de l’élan du tueur pour tenter de lui planter sa dague dans les côtes. Ombre a inversé son attaque et son mouvement de recul le sauve, la dague le touche mais glisse sur son armure.
Les deux hommes sont de nouveau face à face. Presan ressent une vive douleur dans la cuisse. Il grimace devant l’action de l’anneau anti-poison. Ombre pensant que le poison fait effet se lance dans un estoc, Presan réagi avec la vitesse d’un serpent, il pare et attaque de plus belle. Ombre bloque et riposte avec sa dague. La pointe perfore la joue de Presan. Ce dernier se laisse emporter par la colère, il pousse des attaques violentes sur Ombre qui bloque tant bien que mal. Ses poignets lui font mal, la puissance des attaques de Presan font vibrer tous ses muscles.
Presan pousse son avantage, il porte son épée comme un hachoir et frappe sans relâche. La rapière cède sous les coups répétés et la lame de l’épée s’enfonce dans l’épaule d’Ombre. Ce dernier profite du déséquilibre du Capitaine pour mettre son pied en levier sur la poitrine de Presan et l’envoyer bouler à l’autre bout de la pièce. Dans le mouvement Ombre se redresse et lance ses dagues. La première se plante dans le dos de Presan, la seconde dans son avant bras l’obligeant à lâcher son épée. Il accuse le coup en restant un moment immobile. Il se retourne vers Ombre qui n’a plus d’armes. Il décroche ses dagues et approche lentement du tueur. Le sang coule le long de son bras, il a du mal à se déplacer à cause de sa blessure au dos, mais il est confiant.
Le tueur ne peut plus bouger son bras droit, il est désarmé. Presan lance la première dague puis la seconde dans la foulée, Ombre se tourne de côté, sans quitter des yeux son adversaire, la lame passe à quelques centimètres de son visage. Il attrape au vol la seconde et se jette sur le Capitaine qui a reculé vers son épée. Presan passe son pied sous la lame et d’un mouvement vif la récupère. Ombre est déjà sur lui, la dague pointée il perce le cuir et perfore un poumon, d’un réflexe l’épée transperce l’avant bras encore valide d’Ombre qui laisse tomber sa dague.
Presan est à genou, penché en avant il se tient la poitrine. La douleur le fait défaillir mais il se bat pour rester lucide. Le tueur est à quelques pas de lui, il arrache la lame dépassant de son bras, s’approche de Presan enfonce la lame dans sa poitrine. Un flot de sang s’échappe des lèvres du Capitaine. Ombre pèse de tout son poids sur la garde de l’épée. Il est en extase accueillant le plaisir qui explose en lui.
Il n’a d’autre notion que la sensation qui traverse son corps, il ne sent pas la pointe de la dague qui s’enfonce dans son cœur. Dans un ultime effort, le capitaine Presan a rappelé à lui sa dague magique pour porter le coup fatal au tueur avant de pousser son dernier soupir…
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