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Heinrich retira le mouchoir de devant son visage. L’odeur de chair brûlée l’avait toujours dérangé et même après tant d’offices il ne parvenait pas à la supporter. Il avait même développé une théorie selon laquelle si les corps des suppliciés puaient autant, c’était une raison évidente de leur culpabilité : seul une engeance du démon pouvait empester ainsi.
Il poussa rudement un des novices près de lui en lui criant ses ordres à travers ses lèvres pincées de dégoût.
- Au travail imbécile ! Allez tous, remuez vous donc ! Nous avons d’autres âmes à ramener dans le chemin et la route est longue !
- Oui mon père, répondit le jeune homme en s’avançant vers les cendres encore fumantes d’un pair terrifié.
Les hommes du Prêtre-Guerrier s’affairèrent, et rapidement la populace fut dispersée et une stèle implantée à l’endroit même où avaient péris brûlés Paula et Friedrich Vonsmann, les « Infidèles d'Ubersreik ». Sur la stèle dressées à la hâte on pouvait lire : Dans les flammes, ils ont retrouvé la Lumière.
Des messages d'avertissement furent placardés sur de nombreux panneaux et autres support d'affichage de la ville avec interdiction de les ôter sous peine de réception de châtiment divin. Ubersreik servirait d'exemple dans la région qui, bien que peu peuplée, pouvait servir nid à la corruption.
Heinrich von Keurher fit un bref discours, venta les mérites du bûcher purificateur et menaça la population de subir le même sort que le funeste couple si des offices n'étaient pas pratiqués régulièrement. Il était un des plus zélés serviteurs de l'Église Sigmarite, et bien que ses méthodes fussent contestables, rares étaient ceux qui osaient les dénoncer ouvertement, le Prêtre-Guerrier jouissant d'une certaine influence dans les hautes sphères cléricales.
Wizenslas vint chercher le prêtre peu avant leur départ, avec lui les deux enfants rescapés de la purification. La troupe Sigmarite avait déjà brûlé des enfants, corrompus par le Chaos ou suspectés de l'être, mais après entretien avec les prêtres et répurgateurs, Hiork et Duncan avaient été déclarés « aptes à vivre ». Les deux enfants étaient néanmoins en piteux états. Le plus jeune, Duncan, ne cessait de pleurer et gémir en appelant ses parents d'une faible voix, tandis que Hiork le maintenait contre lui comme pour le réconforter mais il avait le regard hagard perdu dans le vague.
-Qu'est ce qu'on fait de ces deux là mon père?
Le prêtre les examina longuement, avec un dégoût non dissimulé. Il les tâtonna, les souleva comme pour les peser, leur ôta leurs vêtements et jaugea leur anatomie. Finalement, il se détourna des enfants pour se remettre à ranger ses affaires.
-Qu'un proche s'occupe d'eux. Si il refuse vous savez quoi faire.
-J'ai déjà cherché mon père, ils ont pas de parents semble-t-il. Aparemment, ils sont originaires de régions plus au sud et ils étaient seuls ici. Ce qui expliquerait d'ailleurs leur penchant pour le Mal.
Le Prêtre-Guerrier intima l'ordre de se taire au Répurgateur d'un geste de la main méprisant. Il saisit Duncan par ses cheveux châtains virant sur le roux.
-Que voudriez vous faire de ces rats? Regardez le celui là, il ne soulèverait pas un seau d'eau. Il sera faible, je l'affirme.
Le rejetant violemment en arrière, il saisit Hiork de la même façon par ses sombres cheveux bouclés.
-On prendrait celui-ci pour un Tiléen, voire même un des antiques habitants d'Arabie. Il est plus robuste néanmoins.
Le garçon se débattit et cracha sur la robe du prêtre, qui lui asséna un violent coup de pied botté dans l'estomac. Hiork tomba à genoux, suffoquant, et Duncan, gémissant et pleurant, vint l'enlacer fraternellement. Heinrich le saisit, le gifla et l'écarta de Hiork, à qui il donna une nouvelle bourrade au creux des côtés. L'enfant étouffa un cri et se roula sur le côté en se tenant son flanc meurtri.Un affreux sourire déforma le visage du clerc.
-Il a l'air robuste! Peut être pourrait on en faire quelque chose Wizenslas. Nous le prenons, relâchez l'autre.
Hiork se leva avec peine et se dirigea vers son petit frère. Il avait tellement hurlé pendant le meurtre de ses parents que Hiork en gardait encore un échos en lui, comme si ce cri désespéré combiné à ceux de ses parents suppliciés ne voulaient plus cesser de hanter son esprit. Lui n'avait pas crié, non pas qu'il se soit retenu, mais il était trop choqué pour avoir eu la moindre réaction.
-Je n'irai nulle part sans Duncan, lança-t-il au Prêtre-Guerrier.
Le Répurgateur le saisit au collet et le hissa jusqu'à son visage. Hiork pouvait sentir son haleine fétide passer à travers ce sourire de dents crasseuses.
-Tu veux parier petit?
Hiork le griffa au visage, lui faisant lâcher prise. En retombant, il se saisit d'une petite dague d'ornement posée sur un coffre du prêtre et, amenant Duncan à lui, la brandit bras tendu.
-Je vous déteste! Laissez nous! Vous touchez pas à mon frère! Vous touchez pas à mon frère! Laissez n...
Sa phrase fut interrompu par le poing ganté du répurgateur furieux. Hiork perdit conscience et s'écroula sur le sol.
-Saloperie va! Faut les crever mon père, ils sont corrompus!
-Non Wizenslas, pas ceux-là.
Il ramassa la dague et la rangea dans le coffre, puis il regarda avec attention l'enfant inconscient. Il désigna le petit Duncan du doigt.
-Vous vous occuperez de celui-ci jusqu'à ce que nous soyons à Altdorf. Je veux le plus grand, il est intéressant, et si pour qu'il n'obéisse je dois garder ce freluquet en vie avec nous je le ferai.
-Mais qu'est ce que vous voulez en faire mon père? Je veux pas d'un gosse de cultiste moi!
-Nous nous débarrasserons de celui-là dès que possible! Peut être intéressera-t-il quelqu'un à la Capitale. Mais l'aîné pourrait bien servir Sigmar une fois purifié et éduqué. Je ne sais pas Wizenslas, je ressens quelque chose autour de cet enfant, de la foi semble émaner de lui pour ainsi dire. Je ferai ce qu'il faut pour être sur qu'il ne sera pas une menace en grandissant.
Il le regarda à nouveau un instant, le visage grave et empli d'incompréhension, puis il secoua la tête, comme quelqu'un émergeant d'un rêve éveillé et il recommença à s'affairer.
-Bien, vous avez vos ordres Wizenslas, je ne vous retiens pas. Vérifiez aussi que tout le monde soit prêt à partir dans moins d'une heure.
-Oui mon père.
Le répurgateur s'inclina et emporta les deux enfants avec lui, laissant seul le prêtre dans sa tente luxueusement aménagée.
Je ne dois pas briser cet enfant si je veux qu'il me serve. Que s'est-il passé? J'ai vu en lui, par Sigmar j'ai vu en lui! Tu me serviras jeune Hiork, et tu serviras Sigmar.