Une lame nue

 
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Robert ouvre la porte au nouvel arrivant, puis la referme vite en regardant si personne n'a vu leur manège. Charles salue ses amis en souriant. “Le prévôt m'a reçu et m'a écouté” cette annonce éclaire les visages. “Justice va enfin être faite dans cette province”.
“Prend place et raconte nous !”
Les neuf jeunes gens s'assoient à même le sol de la maison abandonnée. Robert allume une bougie et la place au centre. La lumière vacillante éclaire la face des conspirateurs.
“Rappelez vous comment nous avons appris que l’intendant de la province et le chef de la garde, détournaient à leur profit, une partie des impôts royaux”
“Rappelez que nous avions décidé d'en faire part à mon oncle le gouverneur, mon brave oncle qui croit trop en la bonté humaine, et qui sans doute se fait trop vieux pour un poste aussi important que le sien”
Les jeunes chevaliers acquiescent.
“Nous lui avions adressé une lettre signée de nos noms et lui révélant l’affaire”
“Mon oncle qui nous a prié de ne pas nous mêler de tout cela, car il avait pris les mesures qui s'imposent”.
“Force est de constater que les résultats de son action se font encore attendre”
Nombre de hochements de tête abondent dans le sens de Charles.
“C'est ce qui nous a décidé a agir, nous ne pouvons tolérer une telle infamie en ce fief”.
“Apprenant l'arrivée du prévôt du Roy, vous m'avez délégué auprès de lui”
“Je suis allé le voir et j'ai obtenu une audience”
De bruyantes manifestations d'approbations accueillent ces paroles.
“Le prévôt est un vrai chevalier et un noble personnage, il m'a aussitôt assuré de son soutien”
“Il a ajouté que d'aussi fidèles sujets seraient récompensés a leur juste valeur, bien que je me soit défendu de chercher un quelconque profit personnel dans cette affaire”
“Il a insisté sur la discrétion dont tout doit être entouré, et demandé a ce que notre troupe de loyaux sujets soit regroupée en un lieu secret afin d'être mise au courant de ses intentions”
“En vérité il est fort plaisant d'être pris au sérieux par un aussi important personnage que son excellence”
Les jeunes chevaliers se congratulent mutuellement de la tournure favorable que prennent les événements.
Robert surveille régulièrement l'extérieur par une jointure de la fenêtre fermée. Les jeunes gens dans leurs vêtements chics et armures rutilantes donnent a voix basse leur avis. Quelques plaisanteries fusent, entraînant quelques rires contenus, l'ambiance est presque détendue.

Un raclement de gorge guttural impose tout à coup un silence alarmant.
Les jeunes gens froncent les sourcils et se dévisagent.
Le bruit venait de l'autre pièce, Charles prend la bougie d'une main et pose l'autre sur la garde de son épée. Ses amis se déploient derrière lui en arc de cercle.
L'aura de lumière ronge progressivement les ténèbres et révèle dans la pièce voisine un homme étendu dans un tas de foin.
Les épées sortent des fourreaux.
“Un espion !”
“Depuis quand est il la ?”
“Qui a inspecté cette pièce ?”
“Qu'a-t-il entendu ?”
“Qu'allons nous faire de lui ?”
“Calmons nous, interrogeons le et décidons ensuite”
L'homme se lève imposant le silence par sa stature, ses vêtements ont connus de nombreuses saisons, son maintien est celui d'un homme sûr de lui.
Il entre dans la pièce principale faisant reculer le parterre de jeunes chevaliers.
“Bonsoir messieurs” tonne-t-il
“Qui êtes vous ? Que faites vous ici ? Qu'avez vous entendu ?”
“Peu importe mon nom ! Je dormais dans cette maison abandonnée ! J'ai tout entendu !”
Le désarroi et l'indécision se lisent sur la face de la petite troupe.
“C'est un espion tuons le !”
“Même si ça n'en est pas un, il en sait trop !”
“S'il est étranger à l'intrigue, nous commettons un crime”
“Saisissons nous de sa personne et enfermons le !"
“Vous emparer de moi ?!” sans arme le vagabond avance d'un pas, claquant farouchement le pied au sol. Les jeunes gens reculent de trois pas.
“Hardi, il est seul nous sommes neuf, réglons lui son compte”
“Que voilà de valeureux chevaliers, prêts à trucider le premier voyageur venu”
“C'est une affaire bien trop importante pour que nous laissions un inconnu libre de ses allées et venues”
“Que vous importe ma personne ? Maintenant que le prévôt est au courant, ce n'est plus qu'une question d'heures avant que les coupables ne soient démasqués et punis”
Le silence se fait. Les attitudes se font moins martiales. Les jeunes chevaliers semblent réfléchir et se consulter du regard.
Le vagabond s'assied au milieu de la pièce. Les chevaliers l'encerclent toujours indécis.
“Vous avez été bien négligents de permettre à un étranger d'entendre votre conversation. Si j'avais été animé de mauvaises intentions, jamais vous n'auriez connu ma présence”.
“Vous êtes peut être un ennemi, mais comme vous l'avez dit, il est trop tard, la justice est en route”.
Robert profite du calme revenu pour aller à son poste de surveillance. Il se fige, y regarde à deux fois.
“Des hommes d'armes !” Robert traverse la pièce.
“Derrière aussi ! Nous sommes cernés !” L'entend-on dire de la fenêtre opposée.
“Nous avons été trahi !” les jeunes gens désemparés se précipitent aux fenêtres. Le vagabond les observe.
“Ils sont bien trop nombreux, nous n'avons aucune chance de nous échapper, nous sommes faits”.
A la fébrilité succèdent le calme et la résolution, les chevaliers ont l'air décidés a vendre chèrement leur vie.
“Est il possible de voir cohabiter sous le même crâne autant de courage et d'inconséquence !”
Des regards pleins de hargne se tournent vers le vagabond.
“Que t'importe maintenant ? Ceci n'est pas ton affaire”
“Vous avez troublé mon repos, elle le devient ! Vous allez m'écouter”
“Au nom du Roy et par ordre de lord Guinnes son prévôt, veuillez déposer les armes et vous rendre !”
Piquiers et hommes d'arme cernent la masure. La porte principale s'ouvre violemment, le vagabond surgit brusquement, faisant reculer instinctivement, les hommes face à lui.
“Quel est ce tintamarre ? qui vient donc réveiller les gens a cette heure ?”
Le vagabond s'oppose a l'entrée des soldats dans la maison, celle ci est investie par la porte de derrière. La maison est vide, la seule prise des soldats est une paire d'épées qu'ils brandissent sous le nez de leur chef.
“C'est a moi!”
Le vagabond s'empare des épées . Le soldat qui les détient tente de résister mais se prend une paire de gifle. Devant l'agression caractérisée plusieurs piquiers se ruent sur l'homme seul.
Sans sortir ses lames, le vagabond pare, esquive et donne force coups de poings et de pieds.
L'homme se tient au plus prés des piquiers, gênant la manœuvre de leur longues armes.
Le nombre dessert les soldats, le vagabond évite leurs attaques par de petits mouvements précis, des pas de cotés ou des esquives avisées.
Plusieurs hommes sont au sol quand des archers soucieux de venir en aide a leurs amis bandent leur arc.
“Il suffit !”
L'ordre claque et stoppe net le combat, les soldats reculent laissant leur chef face au vagabond.
“Tu te débrouille bien”
Le chef le jauge du regard pendant qu'il reçoit les rapports confirmant que la bicoque est vide.
“Nos perdreaux ne sont pas la, la chasse est finie, partons”
la troupe obéi et tourne les talons. Le chevalier se tourne vers le vagabond.
“Si tu cherche un emploi, j'aurais de quoi t'occuper. Demande sire Tamnavulin à la résidence du prévôt. "
Les soldats sont loin quand le vagabond s'assoit dans la salle principale. Quelques lattes du plancher se soulèvent. Une à une, neuf têtes apparaissent.

Les mines sont graves, l'atmosphère pesante. Les jeunes gens prennent conscience que le prévôt les a trahi, qu'ils ont commis de graves erreurs. Ils prennent la décision d'aller présenter leurs excuses au gouverneur et de se conformer a ses décisions.
“Sans doute est-il déjà trop tard, le prévôt l’aura fait arrêter, c'est ce que j’aurais fait a sa place” signale le vagabond semant un affreux trouble chez les chevaliers.
“Allons y, prêtons serments de libérer mon oncle et de châtier les conspirateurs. A la vie , à la mort! Tous les neuf unis !” Les mains se joignent dans une ardeur retrouvée.
“Tous les dix!” ajoute le vagabond.
Cachés dans la grange de la propriété du gouverneur, les dix hommes observent les allées et venues. Dans la cour il y a trois gardes qui ne portent pas la livrée de la maison. Les jeunes sont décidés a faire le coup de main, l'affaire semble facile.
“Patientez ! Nous ne savons rien, le gouverneur est-il ici ? Ailleurs ? sous quel prétexte a-t-il été arrêté ? Ne précipitez pas les choses” temporise le vagabond.
“Monsieur, nous vous remercions de l’aide que vous nous avez apporté, mais ceci ne vous concerne plus, veuillez nous laisser”
Les jeunes chevaliers sortent de la grange et tombent nez a nez avec une jeune servante qui semblait vouloir fuir les lieux. Ils la traînent a l'abri des regard pour la questionner. Marie leur apprend qu'une quinzaine de soldats sont dans la maison, refroidissant l’ardeur des jeunes gens. Le gouverneur a été emmené, ses gardes désarmés, sur ordre du prévôt. Madame et sa fille sont toujours la.
Les chevaliers sont atterrés et ne savent comment réagir.
Le vagabond prend la parole “Notre but est de retrouver le gouverneur et le libérer, mais nous avons besoin de renseignements, il faut surveiller les instigateurs du complot qui fatalement nous mèneront a son lieu de détention”
Des chevaliers sont envoyés par paire aux propriétés du prévôt Guinnes a celles de l'intendant Rochefort et du chef de la garde Pilsen.
“Marie, désolé d’interrompre ta fuite, tu va retourner voir les gardes et leur servir a boire, quitte a vider la cave du gouverneur”
La servante s’incline et courageusement retourne aux cuisines.
“Voilà un vrai chevalier!”
“Vous deux, vous assommez un des gardes et tentez de le faire parler, il sait peut-être ou a été emmené le gouverneur. Je m’occupe des deux autres”
“Et moi ?”
“Toi, tu t’occupe de la dame et de sa fille, tu amène tout le monde ici”.
Ce sont les chants du corps de garde qui décident du moment de l'exécution du plan. L'ébriété manifeste des soldats facilite l'action. Deux gardes trépassent sans donner l'alarme. Le troisième, un demi-ogre est maîtrisé, emmené pour être interrogé.

Les dames sont maintenant dans la grange assises sur un tas de foin. Dame Isabelle, un peu forte, sourit a son neveu.
“Cela fait bien longtemps que je n’avais couru autant, je suis épuisée. Je vous remercie Charles de nous avoir secourues” une petite toux du vagabond la fait se tourner vers lui.
“Mais qui donc est cette personne ?”
“Ce serait bien long a expliquer ma tante, mais c'est a cette personne que vous devez votre liberté”
Dame Isabelle incline la tête vers le vagabond.
“Merci a vous sire”
Gêné le vagabond esquisse un piètre salut et se réfugie dans l'ombre.
Assise aux côtés de sa mère, dame Oksanna joue avec un fétu de paille.
“Que j'aime cet endroit et cette odeur, nous venons souvent ici n'est ce pas cousin ?” dit-elle souriant innocemment.
Charles tressaute et rougi jusqu'à la racine des cheveux. Il se lève.
“Je vais voir ou ils en sont avec le prisonnier” Il sort.
“Vous venez souvent ici ? Mais que faites vous donc ?” questionne dame Isabelle.
“Il y fait si doux, l'odeur y est si agréable, il fait si bon s’allonger dans le foin et fermer les yeux” elle joint le geste a la parole et se laisse doucement glisser dans le foin.
Dame Isabelle feint l’indignation “Est ce bien correct? Vous avez raison c'est très agréable, il faudra que je songe a revenir en d’autres circonstances”.
Le vagabond est le témoin perplexe de cette scène étrange.
“Vous savez, il m'est même arrivé de m endormir contre son bras”.

Entrent Charles et ses compères tenant serré le garde trempé. Les dames se redressent.
“Ils lui ont mis la tête dans l’abreuvoir, mais rien a faire, il ne veut rien dire”
“Je ne parlerai pas” Le regard clair et décidé du demi-ogre appuie cette affirmation.
Le vagabond se lève:“Tuons le et partons” il a déjà dégainé.
“Messire !” dame Isabelle prend la parole:“Je sais qu'il n'est pas bien de ma part de vous critiquer, vous a qui nous devons tant. Tuer des gens est une fort mauvaise habitude. Vous êtes brillant, trop brillant, comme une lame nue, vous savez très bien couper. La meilleure des lames est celle qui reste au fourreau”.
S'adressant au garde demi-ogre:“Venez avec nous il ne vous sera fait aucun mal”.
Les dames sourient, les hommes sont interloqués. Le vagabond rengaine, le prisonnier est bâillonné.
Un cri d’alarme retenti.
“Notre action a été découverte, emmenez ces dames et quittez la propriété par derrière. Je vais faire diversion”.
La petite troupe sort. Le vagabond se rend aux écuries et libère les chevaux. La cavalcade provoque le désordre et la confusion chez les gardes titubants.
Sur le mur d’enceinte les jeunes chevaliers a califourchon encouragent les dames a grimper.
“Mes jeunes amis j’ai bien peur que notre fuite ne s'achève ici. La course m'a épuisée, je suis incapable d’escalader ce mur”.
Devant l’obstacle le vagabond se met a quatre pattes:“Servez vous de moi comme d'une marche d’escalier”
“Ce n’est pas bien correct”
“De grâce madame”
Sous la pression générale la dame pose le pied sur le vagabond qui se retient de grimacer.

“Ou trouver un endroit sûr ?”
“Il n'y a plus d endroit sûr”
“En tout cas pas chez moi, j’habite la propriété mitoyenne de ce félon de Rochefort”
“C'est au pied du phare qu'il fait le plus sombre, allons chez vous”
Roulement de tambour, le garde champêtre ameute la population. Curieux et badauds se massent sur la petite place.
“Oyez ! Oyez ! avis a la population ! Suspecté de malversation et de corruption, le gouverneur Tokay a été arrêté par le prévôt Guinnes. Il a été interné afin d’éviter la destruction de preuves. Les comploteurs disposent de nombreux fidèles. Le prévôt demande a la population de rester calme et a disposition des autorités”.

le vagabond somnole dans la salle principale de la résidence. Les jeunes chevaliers sont excités comme des puces.
“Les bandits, avec cette déclaration, ils se couvrent et nous empêchent de trouver de l’aide dans la population”
“Ca leur laisse les mains libres pour contraindre le gouverneur a signer de faux aveux et le...”
“Que feront ils de mon père s’il signe ces aveux ?”
les jeunes chevaliers baissent la tête.
“S’il signe, ils auront un coupable qui endossera leurs méfaits, il n’auront plus qu’a supprimer ce témoin gênant en faisant croire a un suicide”
Dame Oksanna a du mal a contenir son émotion, dame Isabelle la rassure en riant.
“Votre père est rusé il ne signera rien qui puisse le condamner, il gagnera du temps par tous les moyens”.
“Asseyez vous mes enfants et restaurez vous, je vous remercie de tout faire pour sortir le gouverneur de cette situation”.
Le repas servi, on entend cogner sur le coffre ou est assis Charles. Charles se lève et ouvre le coffre. Le prisonnier demi-ogre se redresse.
“Avec votre permission, j’ai faim”

Au cours du repas qu'ils partagent, Jacques fait irruption.
“Une voiture vient de partir de chez Guinnes, Patrick la surveille, Guinnes est certainement dedans, il rejoint peut être ses complices”.
Les jeunes se perdent en conjectures, le vagabond ne lève pas un cil.
Georges entre a son tour. “La voiture de Guinnes est arrivée chez Rochefort, deux voitures sont sorties peu de temps après”
Ces informations sont complétées peu de temps après par Guillaume. “Au départ de la maison de Pilsen, les trois voitures ont pris la route de l’est”.
“La route de l’est ? Rochefort y a un manoir a l’écart, ils y détiennent certainement mon oncle”
“Il n'y a qu'un garde par voiture, nous aurons vite réglé le problème et libéré le gouverneur”. Les chevaliers fourbissent leurs armes et s'apprêtent a sortir.
Charles ouvre le coffre et regarde le prisonnier. Celui-ci abandonne son repas et entre dans le coffre que referme Charles”.
Le vagabond, qui n'a ni parlé ni bronché, se lève et ceint ses épées.
“Cette affaire ne sent pas bon” maugrée-t-il.

Les voitures sont vites rejointes observées et évaluées. Les chevaliers sont enthousiastes, cela leur semble facile. Ils décident de précéder le convoi discrètement et de donner l’assaut dans la dernière courbe avant le manoir, dans un bosquet propice aux embuscades.
“Ca n’est pas normal, c’est cousu de fil blanc, aussi peu de gardes pour les trois comploteurs réunis!” prévient le vagabond.
Les chevaliers se préparent a l’assaut. Charles toise le vagabond.
“Nous avons la, une opportunité a saisir, si nous capturons les conspirateurs, l’affaire est faites, nous libérons mon oncle et justice sera rendue”.
“Jetez vous dans la gueule du loup, je n’en ai rien a fiche!” le vagabond tourne les talons.
Un grondement sourd précédant l’arrivée d’une troupe nombreuse de cavaliers contraint les chevaliers a se mettre a couvert dans les broussailles. Impuissants ils voient le convoi passer sous leur nez et s’engager en vue du manoir.
La troupe de cavaliers rejoint le convoi semant une panique inattendue. Les gardes du convoi se mettent en position de combat, tandis que des cris de dames terrorisées se font entendre. Dans la tourmente de poussière qu’ils ont soulevé, les cavaliers font leurs excuses.
“Nous sommes des nobles de la province nous avons pris connaissance de la proclamation, croyant voir partir les trois dignitaires avec une si faible escorte, nous avons pris sur nous de vous renforcer. Nous nous sommes trompés, il n’y a que des dames”.
Le calme n’a pas le temps de revenir qu’une horde hurlante déferle du manoir. Les cavaliers sont bientôt cernés. Le sang est prés de couler mais Tamnavulin rétabli l’ordre par sa présence forte.
Le vagabond, debout derrière les chevaliers, donne un coup de pied rageur dans une racine.
“Vous êtes vraiment… infréquentables”.
Les jeunes chevaliers accusent le coup penauds.

De retour a la résidence la surprise est grande de voir le prisonnier attablé devant une solide collation.
“Que faites vous la?”
Le prisonnier se lève: “Madame m’a entendu éternuer, elle m’a fait sortir et servir un repas chaud”.
“Mais ce sont des vêtements a moi que vous portez! mes plus beaux habits!” Pierre manque de s’étrangler. “C’est madame aussi, voyant mes vêtements trempés elle m’en a fait porter des secs” s’excuse le prisonnier.“Ils sont un peu justes”.
“Vous n’en profitez pas pour vous enfuir?” demande Charles suspicieux.
Le demi-ogre est pensif:“ Je crois que madame n’y a même pas songé, elle m’a accordé sa confiance” Le prisonnier s’incline, ouvre le coffre, et le referme sur lui.

Le moral est bien bas dans la résidence, les derniers événements ont prouvés que l’ennemi n’était pas sans ressources. Le temps passe, et chaque seconde écoulée renforce la position des corrompus.
Le gouverneur n’est pas localisé, ni même les dignitaires ennemis. Que faire? Chacun silencieux réfléchi dans son coin.
Le vagabond ceint ses épées “Je suis mercenaire et Tamnavulin m’a proposé un emploi”.
Le mercenaire s’incline et sort.
L’orage éclate après le départ du mercenaire.
“Je m’en doutais, on ne peut pas faire confiance à cet homme, il est parti nous vendre”.
“Depuis le début il nous sauve la mise, pourquoi nous trahirait-il maintenant?”.
“La situation est désespérée, il est temps pour lui de rejoindre le camp des vainqueurs”.
“Tu ne peux pas le condamner ainsi, il s’est toujours bien comporté”.
“Il est sale, il pue, c’est un mendiant, que ne ferait-il pas pour avoir à manger et à boire?”.
“Il n’est pas vénal, il ne nous a rien réclamé!”.
“Nous ne pouvons prendre aucun risque”.
Dame Oksanna entre et interrompt l’échange: “Ma mère vous entend crier et s’inquiète fort, que se passe-t-il donc?”.
“Il ne se passe rien!”
“Etes vous vraime…”
“Il ne se passe rien!” lui répète vertement Charles. La jeune fille fait une courte révérence et disparaît, aucunement rassurée.
Un toc-toc vient briser le silence, le coffre s’ouvre, le prisonnier se lève et s’incline..
“Avec votre permission, depuis que je suis avec vous, j’ai appris beaucoup de choses. Je penses que le mercenaire est fiable, il a été touché par la personnalité de dame Isabelle qui est une grande dame. Il n’a pas hésité a lui servir de marchepied. Il est sans cause mais pas sans cœur”. Le demi-ogre s’incline a nouveau et retourne dans sa boite.
“Quoiqu’il en soit, nous ne pouvons le laisser agir seul, il faut le suivre pour le surveiller”.

Le mercenaire arrive au quartier général du prévôt alors que les portes principales sont ouvertes. Des cavaliers, des piquiers et des archers forment un long défilé qui quitte les lieux. Tamnavulin aperçoit le mercenaire.
“Tu es décidé a prendre du service? c’est une bonne chose, vient boire un verre, une recrue de ton genre doit être accueillie dignement”.
Le courant passe très bien entre les deux hommes qui sont du même monde. Il se reconnaissent comme des alter ego, bretteurs dangereux et rusés.
“Tu arrive au bon moment, il y a du remue-ménage dans cette province, et du galon a prendre pour qui sait y faire. Dés que le vieux gouverneur sera mis hors d’état de nuire, le patron aura le champ libre”.
“Le patron? cette crapule de Guinnes, ou est il?”.
“Un peu de patience et je te le présenterai, nos troupes le rejoignent. Je suis une crapule moi aussi. Deux hommes comme nous n’auront pas de mal à éliminer Guinnes quand cette affaire sera terminée” Les deux hommes éclatent de rire et trinquent.
Un garde entre:“Sire nous avons capturé quatre suspects qui rôdaient dans la rue”.
Tamnavulin et le mercenaire découvrent dans la cour, Charles, Robert, Patrick et Pierre, penauds, saucissonnés ensemble.
“Celui la, c’est le neveu du gouverneur, ca va faire un joli cadeau pour Guinnes”.
“Il ne reste plus que dix hommes ici, ce n’est pas assez pour garder la maison et faire une escorte” Tamnavulin réfléchit, et décide d’envoyer trois hommes chercher des renforts auprès de Guinnes, le mercenaire se propose de les accompagner.
Le premier carrefour passé, le mercenaire exécute froidement ses trois compagnons et revient tambouriner a la porte de la résidence de Guinnes.
“Alerte! je suis tombé dans une embuscade”.
Tamnavulin et ses hommes sortent, constatent les dégâts. Tamnavulin prend la décision de partir seul chercher des renforts et confie la garde des prisonniers au mercenaire et au restant de la garnison.
Tamnavulin parti, le mercenaire tranche les liens des captifs.
“Que faites vous?” demande un garde interloqué.
“Tu vois bien, je les libère” Le combat commence immédiatement, rapide et mortel. L’impréparation des gardes et leurs hésitations, ne font pas le poids face à la détermination et la rapidité du bretteur. Un à un les gardes tombent dans la fureur du combat.
Les jeunes chevaliers sont tétanisés par la violence et la rapidité de la bataille.
Le mercenaire furieux, les gifle tous les quatre.
“Vous avez vu? vous avez vu le massacre que je vous dois!?” hurle-t-il.
“Attachez moi et foutez le camp!”.
Tamnavulin regarde le mercenaire de haut.
“que s’est il passé?”
“Ils étaient une cinquantaine, ils cherchaient le gouverneur”
“Ils t’ont laissé vivant?” questionne-t-il sceptique.
“Je ne suis pas fou, je sais ou est mon intérêt, devant le nombre j’ai capitulé. Ceux la avaient une cause et de l’honneur, les voilà passés outre. Je n’ai pas d’honneur mais je suis vivant”.
Tamnavulin sort une lame: “Tu comprendra qu’après cet échec je ne puisse plus te …”.
Le mercenaire entravé dévisage le chevalier. Le chevalier approche sa lame et tranche les liens du mercenaire.
“Tu comprendra que je ne puisse plus te recommander”
“Je comprend, mais j’ai bien l’intention de rentrer en grâce, je connais maintenant le visage des conspirateurs, je les retrouverai. Ca fera un beau cadeau pour son excellence le prévôt.”

Un camélia blanc flotte sur les ondes. Dames Isabelle et Oksanna s’extasient devant la beauté de la chose.
“Ce jardin est vraiment admirable, ces arbres, ces fleurs, ce ruisseau qui le traverse, cette fleur tombée tout cela est d’une poésie exquise”.
“ Mais d’ou vient ce camélia? je n’en ai pas vu dans ce jardin”.
“Ca vient de la résidence voisine, on l’appelle “la maison aux camélias”, c’est aussi la maison de ce fourbe de Rochefort”.
Les dames rient et devisent gentiment dans ce cadre bucolique. Les eaux claires du ruisseau passent sous le mur mitoyen et serpentent entre les galets et la verdure.
“Oksanna regardez cela, allez voir ce que c’est”
“Mère c’est un bout de vélin déchiré, il y en a un autre”
“On dirait qu’un autre arrive encore, qu’est ce que cela peut bien être?”
“Ce sont les fragments d’une lettre mère, elle est signée de rouge!”
“Un seing rouge? Un seing de sang?”
“Ce sont les signatures de nos jeunes sauveurs!”
Charles sort de la bâtisse principale, et ramasse un fragment de vélin.
“C’est la lettre que nous avons adressée a mon oncle, votre époux. Il doit être enfermé chez Rochefort, il a réussi a se débarrasser de ce document compromettant pour nous.”
“Votre oncle est un homme de ressource”
“ Quels idiots nous sommes, nous aurions mieux fait de l’écouter , rentrez mesdames s’il vous plaît. Il ne faudrait pas que l’ennemi vous voit”.

Les jeunes tiennent un conseil de guerre. Il est certain que le gouverneur est détenu dans la villa voisine. Ils décident d’investir la villa et de le libérer. Le mercenaire revient alors qu’ils sont en plein préparatifs, il est vite mis au courant. L’effervescence retombe vite, les troupes ennemies sont massées dans la résidence voisine. Voilà donc ou elles se rendaient. Un assaut frontal est impossible.
Le mercenaire prend la parole:“Nous ne pourrons libérer le gouverneur, que si nous éloignons la troupe. Je vais retourner voir Tamnavulin et lui dire que vous rassemblez une armée prés de l’abbaye de Vetustat. Je lui dirais que je dormais dans le cellier a grain et que je vous ai entendu arriver”
“Bonne idée, ca devrait les attirer suffisamment loin pour que nous soyons tranquille” l’espoir renaît chez les jeunes.
“Dés que la place sera libre je mettrais le feu aux bâtiments, ce sera le signal de l’attaque”.
L’enthousiasme général est vite tempéré par dame Isabelle souriante.
“Un incendie?! ce n’est pas une bonne idée, il faut trouver autre chose”.
Le mercenaire gêné se gratte la tête, tout le monde réfléchi.
Dame Oksanna explose: “J’ai une idée! les camélias!vous jetterez des camélias dans le ruisseau! c’est discret, nous serons avertis!”.
“Oh oui! les camélias! des blancs pour…” entame dame Isabelle.
“Des camélias! c’est entendu, une brassée se camélias si vous voulez!” coupe court le mercenaire.
Une brassée de camélias jetés dans le ruisseau sera le signal d’attaque.
La tension est perceptible, les jeunes chevaliers surveillent le ruisseau avec nervosité. Le mercenaire est parti depuis une heure, plus personne ne doute de sa loyauté, tout repose sur sa capacité a tromper l’ennemi.
Un toc-toc résonne dans la pièce principale. Le coffre s’ouvre. Le prisonnier se lève et s’incline respectueusement.
“J’ai tourné et retourné votre plan dans ma tête, et j’ai peur d’y avoir trouver une faille”
“Quelle faille?
“Il n’y a pas de cellier a grain a Vetustat”.

“Le cellier a grain de Vetustat?”
“J’y dormais, j’ai pu voir les conspirateurs, leur troupe, et entendre une partie de leurs plans”
“Quels sont ils?”
“Ils réunissent une centaine d’hommes et vont tenter une attaque”.
Le mercenaire est entendu par le prévôt Guinnes, Rochefort, Pilsen et Tamnavulin.
“Cent hommes! Ils sont a notre merci!”
“Le vieux renard n’a toujours pas signé mais si nous lui ramenons la tête de son neveu, l’affaire est faite”.
“Comment nous as tu trouvés ?”
“Ca n’est pas bien difficile, avec tout ces mouvements de troupe je me suis dis, que je vous trouverai ici”.
“Il est malin”
“Peut-être un peu trop”
“Peut-on lui faire confiance?”

“Tout est perdu, il a du se faire prendre!"“Attaquons maintenant c’est notre dernier espoir!"“Laissons lui le temps, ne gâchons pas tout sur un coup de tête!”
“Ca fait deux heures qu’il est parti, combien de temps encore avant qu’il nous vende?”
Patrick entre en courant “La troupe part! il a réussi!”.
La joie explose dans la résidence, les chevaliers entament une danse de satisfaction. Dame Isabelle attirée par le chahut sourit en voyant le prisonnier se trémousser.
Les chevaliers, surpris dans des attitudes ridicules, se figent gênés. Le prisonnier demi-ogre s’incline devant la dame et retourne dans sa boîte.

“Tu ne nous accompagne pas?”
“Je n’ai pas mangé depuis hier, si tu permet je vais prendre une collation et vous rejoindrai plus tard”
“Je te fais servir cela”.
Tamnavulin sort, laissant le mercenaire. Une accorte servante vient lui servir de la viande froide, du pain et un pichet de bière.
Resté seul, il s’assure que personne ne le surveille. Il se lève et va à la fenêtre. Il observe attentivement les lieux. La cour, vide des troupes qui l’occupaient. Le jardin, une petite dépendance prés du ruisseau, d’ou sort le prévôt Guinnes menaçant. Le mercenaire a le temps de voir un vieil homme entravé avant que la porte ne se referme.
La conviction du mercenaire est faite, il gagne le jardin. A l’aide du fourreau d’une de ses lames, il bat un camélia pour en faire tomber des fleurs rouges. Il en ramasse une brassée, quand il se relève une lame lui mord la gorge.
“Que fais tu?” la voix de Tamnavulin claque comme une sentence.
“J’aime les camélias”.

Dans la cour voisine, les chevaliers sont réunis impatients.
“Le signal ne devrait plus tarder”.
Le mercenaire est attaché au puits. Tamnavulin le toise durement. Un hurlement résonne dans la villa.
“Un piège! On nous a grugé!”
Rochefort déboule comme une furie. “Il n’y a pas de cellier a grain a Vetustat! Je viens juste de m’en rappeler! Il faut rappeler la troupe!”
Guinnes et Pilsen tombent nez a nez avec le mercenaire entravé.
“C’est donc ca que tu mijotais?” Crache Tamnavulin au visage du prisonnier. Il s’empare d’une lame appartenant au captif. “Cette lame a besoin de sang!”.
Le prévôt l’interrompt:“Tu réglera tes comptes plus tard, l’urgent est de ramener les soldats ici”.
Rageusement l’homme de confiance plante l’épée au sol:“Tu ne perd rien pour attendre”.
“Quoiqu’il ai jamais eu l’intention de faire, il est en notre pouvoir. Il est totalement impuissant. Je pars chercher la troupe avec Tamnavulin. Gardez un œil sur lui, nous les écraserons, nous sommes vainqueurs”.

Dans le jardin voisin, Charles est de faction, il scrute attentivement le ruisseau qui passe sous le mur mitoyen. Dame Isabelle et dame Oksanna viennent s’asseoir dans l’herbe, à l’ombre d’un pommier en souriant. Une fenêtre s’ouvre, huit têtes apparaissent:“alors?”
“Toujours rien, mais cela ne saurait tarder!"Le mercenaire éclate de rire, ce qui provoque l’inquiétude de Rochefort.
“Qu’est ce qui te prend?”.
“Dans quelques minutes cent hommes vont investir cette villa, si je ne donne pas le signal, vous êtes faits!”.
“Tu mens, tu cherches a monnayer ta vie!”.
“Je ne mens pas! une troupe nombreuse attend derrière ce mur, si je ne donne pas de signal, ils attaqueront! regardez si vous voulez!”.
Péniblement Pilsen escalade un camélia qui surplombe le mur. Il écarte les fleurs. Il aperçoit Charles en faction.

La fenêtre s’ouvre:“Alors!”.
“Soyez prêts a attaquer! cela ne saurait tarder!”
D’impatience, les huit chevaliers sortent dans le jardin.

Ebranlé, Pilsen manque de tomber de son camélia.
“Il dit vrai! Il y a une armée a coté!”
“Une armée prête a vous embrocher si je ne l’arrête pas!Pour dix pièces de platine je vous donne le signal”
“Quand il a été arrêté, il avait des camélias rouges dans les bras! ce doit être un signal”.
“Le signal pour l’attaque, pour dix pièces de platine, je vous sauve la vie! Je vous donnerai le signal qui annule l’attaque”
Rochefort sort son arme:“Parles! quel est le signal?”.
“Pour cinq pièces…”
“Veux tu mourir!?”
“Des camélias jetés au ruisseau, rouges pour attaquer, blancs pour ne pas intervenir, et si je ne donne aucun signal, je suis en danger, ils attaqueront!"
Frénétiquement les deux notables secouent les camélias pour en faire tomber les fleurs. Des camélias blancs qu’ils jettent par brassées entières dans le ruisseau.
“Des camélias blancs, ne vous trompez pas!” ricane le mercenaire.

Un par un, puis par tapis blancs entiers, les camélias affluent dans le jardin voisin.
“Le signal!”
“Oh c’est merveilleux!” s’extasie dame Isabelle. Les dames gloussent de plaisir.
Les chevaliers ne sont déjà plus là.

Des hurlements féminins de terreur déchirent le silence. C’est le branle bas de combat, les dames de la maison, épouses, filles et servantes confondues sont terrorisées par l’invasion soudaine des jeunes chevaliers. Le mercenaire tremble de rire attaché au puits. Les deux vieux notables rendent rapidement les armes, submergés, écœurés.
Le gouverneur Tokay préside la réunion dans la grande salle, son épouse, sa fille et les jeunes chevaliers y assistent.
“Nous savons maintenant quel jugement a été rendu pour les conspirateurs. Rochefort et Pilsen ont été démis de leurs fonctions. Ils finiront leurs jours cloîtrés dans un monastère. Si Guinnes n’avait mis fin a ses jours, j’aurais sans doute obtenu la même peine. J’espérais pouvoir régler cette affaire en toute discrétion et mettre ces trois là en retraite anticipée afin d’éviter ce scandale”.
“Veuillez nous pardonner mon oncle, notre intervention en dépit de votre avis, a semé le trouble et la confusion. Elle a été cause de morts, nous avons agi avec légèreté. Vos efforts ont failli être compromis par notre faute”.
“Ne vous excusez pas, vous avez agi en vassaux loyaux. J’aurais du gagner votre confiance et vous associer a mes projets”.
“Sans l’intervention de ce chevalier, notre cause était perdue, comment se nomme-t-il?”
“Mon époux comment avez vous pu oublier le nom de notre bienfaiteur? Il se nomme Marhalt Campbell”.
“C’est juste, Oksanna ma fille, allez quérir le sire Campbell ainsi que ce prisonnier dont vous m’avez parlé”.
Dame Oksanna quitte la salle.
“Mon oncle, je pense exprimer l’avis de chacun ici en vous priant de bien vouloir attacher a notre maison ces personnes fort méritantes”.
Le gouverneur sourit en se caressant la barbiche:“Mon neveu c’est une attention louable de votre part, vous verrez combien des idées apparemment simples se révèlent parfois impossibles a réaliser”.
Dame Oksanna revient avec l’ancien prisonnier.
“Père le chevalier Campbell est parti il a laissé ses vêtements neufs et a pris la route”.
Les jeunes chevaliers se lèvent “Mon oncle avec votre permission nous allons le rattraper”.
Le gouverneur les laisse partir.
“Ce n’est pas plus mal!”
“Mère! comment parlez vous de notre bienfaiteur!”.
“Ce n’est pas ce que je veux dire. C’est un homme très bien. Mais il n’aurait pas supporté la vie ici, c’est un homme d’action. Les hommes comme lui ne peuvent accepter de servir un autre maître qu’eux même. La routine campagnarde leur est insupportable”.
“Vous avez tort et raison a la fois mon épouse, cet homme là n’est pas sans maître”.
L’ancien prisonnier s’incline:“Je me nomme Greog de Boisgrenier”.
“Monsieur de Boisgrenier j’ai le désagrément de vous apprendre que votre maître n’est plus, que ses biens ont été confisqués et sa garde dissoute. Vous avez été fidèle a votre engagement en résistant aux pressions de mon neveu et ses amis, et avez fait preuve de galanterie envers mon épouse en ne trahissant pas sa confiance. Vous êtes un homme d’une trempe peu commune, ce serait un honneur pour moi de vous compter dans mes effectifs”.
“Sire gouverneur, c’est un honneur pour moi de recevoir cette offre de votre part. Ma réputation d’intégrité souffrirait beaucoup, si j’acceptai un emploi de la part de celui qui cause la perte de mon ancien maître. C’est avec regret que je la décline”.
La tristesse des deux dames est lisible sur leurs traits.
“Sire ne pouvons nous rien faire qui puisse vous faire revenir sur votre décision?”
“Madame si je suis vivant pour décliner l’offre de messire le gouverneur, c’est a vous que je le dois, je vous en suis infiniment reconnaissant. Rien ne pourra me faire changer d’avis”.
Le gouverneur tend un rouleau de parchemin cacheté a l’ancien garde:“Je respecte votre choix. Prenez, ceci est une lettre de recommandation adressée a notre Duc Bors, le seigneur des marches du nord. Vos qualités trouveront un emploi”.

Les jeunes chevaliers pressent le pas sur la route de la capitale. Au détour du chemin ils aperçoivent Marhalt en compagnie d’un homme. Tamnavulin! serait il en danger? Les chevaliers se précipitent. Marhalt les voit et les arrête d’un geste.
“Rentrez chez vous, je ne reviendrai pas”
“Le gouverneur est d’accord pour vous offrir une situation dans le fief”
Marhalt s’esclaffe “Une situation? Je suis Marhalt Campbell, commandant mercenaire, frère des ombres, chevalier dragon et vassal de Bors duc des marches du nord. C’est sur ordre de monseigneur le Duc et a la demande de votre gouverneur que je suis venu dans cette province. Je vous l’ai dis, je ne reviendrai pas”
Les jeunes ne savent plus que dire, Tamnavulin gronde.
“Tu t’es joué de moi”
“Je te respecte, j’étais en mission, je n’avais pas le choix”
“Battons nous”
“Je ne souhaite pas me battre avec toi, l’un de nous deux périra”
“Jamais je ne serais en paix, fais le pour moi”
Marhalt acquiesce d’un soupir et dégrafe son armure. Les deux combattants se mettent en chemise, préparent leurs armes.
Greog arrive silencieusement sur les lieux et comprend la gravité de l’instant.
Marhalt se tourne vers les chevaliers.
“Quoiqu’il advienne n’intervenez pas et ne cherchez pas a me venger” puis face a Tamnavulin:“ Si tu es vainqueur ne les tue pas” Tamnavulin consent d’un hochement de tête.
Les deux mercenaires se font face, le temps suspend son cours. A deux mètres l’un de l’autre ils sont figés, le regard rivé. Les témoins de la scène regardent alternativement les deux hommes concentrés. Seul un faible vent agite quelques mèches de cheveux. L’attaque est fulgurante, dans une gerbe de sang, Tamnavulin s’effondre lentement.
La violence et la rapidité du combat ont choqué les témoins. Plusieurs dizaines de secondes leur sont nécessaires pour réaliser et réagir.
“Magnifique!”
Marhalt se tourne vers les jeunes en grondant:“Idiots! quel gâchis !C’est la dame qui a raison, la meilleures des lames est celle qui reste au fourreau!”
Le mercenaire se rhabille, les jeunes sont subjugués et s’inclinent.
Marhalt prend la route de la capitale, les jeunes le suivent. Furieux le mercenaire se retourne.
“Ne me suivez pas ou je vous tue!Sachez rester au fourreau!”
la tristesse le dispute au respect, une dernière fois les jeunes chevaliers s’inclinent profondément devant Marhalt.
Le mercenaire s’en va.

Greog lui emboîte le pas.
Marhalt se retourne fulminant “Veux tu périr?!”
“Vous n’avez pas réussi a me faire parler. Je n’ai pas peur de vous. Oserez vous affronter dame Isabelle si vous me tuez? Ou tuerez vous les neuf témoins ici présent? Je vais ou je veux, le duc Bors m’attend a Camelot, restez au fourreau mercenaire” bonhomme le demi-ogre passe devant le chevalier.
Idiot Marhalt se gratte la tête, hausse les épaules puis grommelle.
“Tu connais la fraternité des ombres?”
Le cœur pincé les neuf jeunes chevaliers voient disparaître les deux mercenaires sur la route de Camelot.
 

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