Toutes les roses ne sont pas blanches.
Au fil des ans, GothAn était devenue une belle jeune fille. Pour fêter son quatorzième anniversaire, son père lui avait offert ses premières dagues pour qu’elle puisse partir à la chasse avec lui. Elle s’était montrée tellement insistante pour l’accompagner qu’il n’avait pu refuser.
Quotidiennement, elle s’occupait du jardin, entretenait les roses blanches qui passionnaient sa mère. GothAn aimait prendre soin de ces roses, ces seules choses qui la rapprochaient de celle qui l’avait mise au monde.
Elle semblait heureuse, même si elle restait distante avec les autres enfants du village. Tous avaient une mère sauf elle. Mais cela ne faisait rien, elle les trouvaient tous stupides, surtout son voisin Ginoh qui la rabaissait tout le temps devant les autres.
Mais tout bascula dans cette journée où tout les grands étaient partis dans les champs faucher les récoltes de l’année.
Alors qu’elle rentrait d’une chasse où elle avait capturé un tiwabbit grâce à ses pièges rudimentaires, elle retrouva son parterre de roses complètement labouré, détruit. De son seul lien avec sa mère, il ne restait rien. Folle de tristesse, elle repartit en direction de la forêt pour aller cacher sa peine, personne ne devait savoir qu’elle pleurait, elle aurait eût trop honte.
Mais elle ne trouva aucun réconfort dans ce sombre bois. Pire encore, un enfant au loin riait et chantonnait. Sans faire un bruit et en masquant sa présence comme le lui avait appris son père, elle s’approcha de lui sans se faire remarquer.
« Pooky, méchant chien, tu n’aurais pas du écraser les fleurs de notre voisine, ce n’est vraiment pas bien », entendit elle alors que l’autre s’esclaffait encore en répriment faussement son compagnon.
GothAn n’était plus triste mais enivrée de rage. Ce vaurien allait le payer et cher, très cher, se disait elle. Et la sentence ne fut pas longue à arriver. Elle connaissait le chemin qu’allait prendre son voisin pour revenir chez lui. C’était le même qu’elle prenait tous les jours. Se dépêchant à travers le bois, elle réussit à poser à temps un piège dont elle avait le secret sur le bord de la route.
Alors que les criminels revenaient, le chien fut attiré par l’odeur du sang que dégageait le tiwabbit qu’avait chassé GothAn. L’appât avait fonctionné à merveille. Sans se méfier le chien fut attiré vers le piège. Ginoh, qui n’avait pas pu suivre l’allure de son chien, entendit un terrible couinement. S’approchant, il vit la dépouille de son compagnon, meurtri par plusieurs piques en bois, le traversant de toutes parts.
Satisfaite de la mort de Pooky, GothAn se présenta devant son voisin.
« Oooh pauvre petit toutou ! Il s’est pris dans l’un de mes pièges… Si seulement son maître l’avait mieux tenu en laisse… » s’attrista t’elle, ironiquement.
Nullement dupé par la comédie de GothAn, Ginoh commença à hurler sur elle. Mais la jeune tueuse ne l’écoutait pas. Elle regardait le cadavre du chien. Mais quelque chose la perturba. Son ombre dansait autour d’elle et la félicitait. C’est alors que son voisin devint de plus en plus menaçant. Sans savoir pourquoi, GothAn avait l’impression que son ombre comprenait tout ce qu’il se passait et cette dernière n’était pas contente. GothAn continua à suivre les mouvements de son ombre qui se dirigea vers celle de Ginoh qui pleurait maintenant sur les restes de son chien. C’est alors que l’ombre tendit son bras vers le jeune homme, avec l’ombre des dagues de GothAn à la main.
Complètement hypnotisée par cette fantasmagorie, GothAn imita son ombre. Elle sortit de son étui les dagues que lui avait offert son père et dans le même moment, elle abattit son bras comme le faisait son projeté. Un liquide chaud gicla sur GothAn qui continuait de suivre les mouvements indiqués par son ombre. Sans un autre cri que ses pleurs Ginoh s’écroula sur le sol, sans vie. GothAn, les mains complètement tachées de sang, repartit chez elle, sans rien dire, le visage neutre, laissant les deux corps inanimés sur place.
Arrivée à la maison, elle monta au premier étage, dans sa chambre et s’avachit dans son fauteuil, tout en caressant la seule rose intacte qui restait sur le parterre.
Deux heures plus tard, son père rentra en trombes dans la maison en criant le nom de sa fille. Il entra dans la pièce de son enfant et la trouva, prostrée, encore. Il s’aperçut rapidement de l’état des mains de GothAn qui étaient rougies par un sang qui commençait à sécher. Dans celles-ci, tourbillonnait une rose rouge presque noire qui c’était abreuvé du liquide vital.
Et n’en croyant pas ses yeux, il comprit que le meurtre du petit Ginoh n’était pas le fait de quelques criminels notoires mais celui de sa fille. Il essaya de chasser cette idée en demandant à sa fille des explications mais elle restait muette, à regarder dans le vague une ombre qui dansait.
Tout à coup son père s’approcha d’elle pour exiger la provenance du sang sur ses mains. Sortie de sa torpeur, GothAn prit peur, non pas de son père mais parce qu’un étrange voile noir obscurcit sa vision, comme si ces yeux ne voulaient plus voir. Sentant quand même la présence de quelqu’un et dans un geste instinctif de survie, elle repoussa l’homme qui était devant lui.
Aussitôt sa vue se rétablit montrant une scène qu’elle aurait aimée ne pas voir. Son père traversa la porte fenêtre et le balcon avant de chuter. GothAn se releva et se dirigea elle aussi vers le balcon, apeurée cette fois. Comment avait elle réussit cela ? Son père pesait presque trois fois son poids. Elle ne pouvait pas avoir fait cela, une force étrange avait du l’aider. Et alors qu’elle fut arrêtée par la rambarde, elle vit son père gisant, mort sur une terre sèche. GothAn ne put retenir ses larmes ni la rose qu’elle tenait dans ses mains et qui vint s’écraser sur le corps inerte.
Une chaude sensation tirailla le ventre de GothAn à ce moment là. Elle écarta ses vêtements et vit une petite tâche noire s’agrandir de plus en plus.
La mort de Ginoh avait déjà bouleversé tout le village et lorsque le bruit net de l’impact de GothRe sur le sol se fit entendre, ce fit la terreur dans le village. Maculée de sang, GothAn ne pouvait cacher ses crimes et les habitants du bourg n’allaient pas tarder à comprendre et à venir s’emparer d’elle pour la châtier de la pire façon qu’il soit.
Refusant cette idée, elle prit la fuite par la porte arrière de la maison en étouffant ses larmes et s’enfonça dans la forêt alors que les villageois commençaient déjà à la poursuivre.
La traque avait duré toute la journée mais GothAn avait pu leur échapper. Elle comprit alors que plus jamais elle ne pouvait revenir chez elle. Seulement, il fallait qu’elle y retourne afin qu’elle puisse récupérer ses affaires avant de partir pour toujours ce de village.
Une fois la nuit déjà bien entamée, elle se faufila discrètement jusqu’à chez elle et prit tout ce qu’elle pouvait. En voulant sortir du village, elle surprit plusieurs conversations dans les maisons parlant d’elle et de sa famille. Elle écoutait attentivement, prenant soin de ne pas se faire repérer à chaque coin de rue. Ce jour était vraiment maudit pour GothAn, chaque villageois crachait sur elle et sur son père. « Tous des menteurs, des fourbes… » se disait elle.
Avant de partir définitivement, elle zona dans tout le village à poser quelques sombres traquenards.
Une fois son affaire finie, elle partit et atteignit le sommet d’une colline où elle pouvait contemplait tout le village.
« Si je ne peux pas être heureuse dans ce village, que personne ne le soit » proclama t’elle.
Et au même moment un immense brasier enflamma tous les chaumes des bâtisses. Au loin elle pouvait entendre les gens hurler de douleur et d’indignation. Et plus le village sombrait sous le feu et les villageois tués sous les pièges de GothAn posés ça et là, plus la jeune fille sentit son corps se consumer intérieurement. Les tâches noires ne faisaient que de se multiplier et grossir sur la surface de sa peau.
Puis elle disparut.
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