[Histoire-Ecriture] Vampire

Répondre
Partager Rechercher
Certes, ce n'est pas vraiment un titre "vampire" mais je n'en ai pas trouvé d'autre sur cet écrit. J'espère qu'il intéressera quelques uns ^^

__________________________________________________________________________

Introduction :

Elle marchait et elle marchait, fine silhouette dans la nuit
Où te crois tu ?
Elle se sent sûre d’elle, la rue, la ville, le monde est sien…
Il est temps de te réveiller princesse, il n’est plus temps de rêver…
Et elle marchait, marchait, sa robe de velours rouge flottant dans le vent, ses longs cheveux blonds riant au noir du soir, sa poitrine s’offrant à une respiration inutile mais bienvenue. Les quelques passants encore présents à cette heure tardive ne peuvent que se retourner sur son passage, les pavés s’embrasant sous ses pas.
Oui, sourie princesse, rie, pavane toi, il est déjà trop tard…
Elle continue son chemin, elle tourne au coin de la rue, s’engageant dans une ruelle peu avenante. Un homme l’a remarquée et la suit déjà depuis quelques temps, il s’arrête à l’entrée de l’étroit passage, sombre comme un gouffre, s’y engagera t’il ?
Le fou…
Il hésite, il pèse le pour et le contre. C’est un homme d’âge mûr, des femmes, il en a vu et revu mais celle-ci a quelque chose d’hypnotisant, il hésite, scrute les ténèbres où la robe de flamme a déjà disparue, il s’y engouffre finalement. Il ne remarquera pas l’autre chemin, il n’aura pas le temps de se retourner, il ne sentira pas tout de suite la douleur, il gît déjà sur le pavé lamentablement. Son exécutrice le fixe avec un sourire presque trop innocent, elle joue longuement avec sa victime, ce n’est qu’après tout que du bétail pour elle et pour les siens. Elle réfléchit, le prend dans ses bras, va-t-elle lui faire l’honneur de l’Immortalité sanglante ?
Derrière toi…
Elle n’aura pas le temps non plus de sentir l’ombre dans son dos, elle n’aura pas le temps de se défendre mais elle sentira la douleur, sa chair se déchirer lentement, le sang de sa victime s’échappant d’elle. Aura-t-elle le temps de fuir ?
Non, il n’est plus temps…

-Qui… qui est là ?!

Ses yeux, d’habitude accommodés à cette nuit dont elle fait partie, ne voient étrangement rien, personne… Impossible !

-Une dernière volonté, princesse ?

Une silhouette la prend dans ses bras, elle sent alors un contact froid, métallique, glisser lentement le long de son cou.

-Qui êtes vous ?!

Elle hurle, paniquée, elle tente de se débattre, ce qu’elle a fait subir, elle le subit à son tour mais malgré sa force surhumaine, l’ombre de sa mort la maintient fermement, prenant un plaisir malsain à trancher sa joue, ses lèvres, son front, formant des formes presque ésotériques sur sa peau froide et immortelle, un dernier tatouage pour le passage pour le néant. Elle continue de hurler, des souvenirs lui torturent l’esprit, elle vit ses derniers instants, elle le sent maintenant. Elle qui jouait avec ses victimes, la voilà devenue à son tour poupée, misérable marionnette entre les mains de l’inconnu. Rouge, tout est rouge, tout n’est plus que douleur, souffrance, cris, désespoir, elle souhaite mourir pour la première fois depuis le Don, on la lui refuse. Enfin, elle expire à côté de son dernier repas. La silhouette se relève, le vent joue dans sa cape couleur de nuit, elle dépose une fleur noire aux côtés de celle dont la vie a été ôtée deux fois, marque d’affection, poésie ou simple message d’ironie ?

Bonne nuit, sweet angel…

Le soleil ne se lèvera que sur des cendres…

Chapitre 1 :

-Non non et non !
Je sortis en trombe, remettant ma veste au passage. Dehors, le vent souffle et glace encore plus ma chair immortelle…
-Je m’y refuse !
-Maître, ELLE tient à vous voir absolument !
Le piètre pantin qui me sert de majordome peine à me suivre, m’exhortant à la raison… la raison ? Ah je ris ! Quand on vit une vie comme la mienne, peut-il y avoir une raison ?
-Maître, je vous en supplie, revenez !
-Non non et encore non ! Dites lui que je ne veux plus la voir ! Même pas dans l’heure, même pas dans un an, même pas dans un siècle !!!
Je bouscule la foule ahurie, je devrais faire plus attention mais je suis fou de rage. Je n’entends plus rien ni personne… Pourquoi est-elle revenue ??? Pour me persécuter encore ? Trois longs siècles d’esclavage ne lui ont donc pas suffit ?! Je manque de balancer un poteau en le frappant. Les incessants appels de mon majordome me plonge un peu plus dans l’exaspération la plus totale… et je sens qu’ELLE sourit, je sens sa présence partout… dans la foule, dans le ciel… partout ! Ne me lâcheras-tu donc jamais ?! Je sens aussi la soif, elle gronde en moi… elle a besoin d’une victime, elle veut son tribut… je ne céderai ni à l’une, ni à l’autre !!! Cette nuit est la mienne ! Je finis par m’y fondre et je décide de quitter cette ville…
Mon nom… c’est étrange, il est toujours là, il résonne si familièrement et pourtant… il est aussi si loin… combien de temps ne l’ai-je pas entendu de la bouche d’un être normal ? Dans celle de mes victimes, je suis Satan, démon, Dieu… mais pas Will Valentine… ce nom est mort en même temps que moi, un sombre hiver d’il y a quelques siècles de cela. Et ELLE m’a initiée à cet art ignoble… m’a permis d’accéder à ce rang supérieur mais au prix si lourd, si douloureux à payer. Je devrais tous les tuer, leur arracher ce qui reste de leurs c½urs moisis et n’être plus que le seul de ma race. Je hurle à cette nuit que je ne veux plus voir… je hurle mon désespoir et ma colère… à cette aube que je ne peux plus attendre… il serait si simple pourtant de mourir ici, ne plus supporter cette déchéance… rester là, payer tous mes crimes et voir enfin ce que je veux voir depuis si longtemps… que le soleil me brûle, la terre m’accueillir, le vent me disperser et l’eau me purifier… mais quelque chose m’en empêche… quelque chose me maintient à cette vie que je voudrais déchirer de mes propres crocs.
La campagne est si déroutante, elle s’accorde si parfaitement à notre image. Nous sommes beaux, de cette beauté dont sont parées les fleurs carnivores avant de se refermer sur leurs proies. Nous sommes les prédateurs du genre humain mais le plus drôle, c’est que nous leur ressemblons exactement sur tous les points… la même arrogance… la même hargne… la même joie à faire souffrir… on nous a donné un titre, un titre que nous porterons jusqu’à la fin des temps… vampire. Je regarde mon visage pâli par les âges, il ne m’appartient plus… ces yeux d’un vert intense, fauve, bestial… ces longs cheveux noirs aux reflets et à la souplesse presque surnaturelle… ce n’est pas moi, ce n’est que l’apparence copiée, arrangée, souillée… la soif gronde dans ce qui tient de lieu de résidence à mon âme damnée, elle veut du sang, elle veut tuer… Non ! Je ne lui céderai pas… pas cette nuit…

La ville voisine est plutôt agréable à celle que j’ai choisi pour me nicher, calme mis à part le marché. Je pense en souriant à mon serviteur fidèle qui doit me chercher partout. Il voudrait tellement devenir des nôtres mais je lui ai toujours refusé. Je décide finalement une fois de plus de plonger dans la foule. Tout en marchant parmi eux, je me demande si je dois aller à cette réunion des anciens. Rien que d’entendre les éternelles disputes pour la prise du pouvoir entre les clans me plonge dans l’irritation la plus profonde. Je pénètre dans une taverne à tout hasard, l’ambiance qui y règne m’aidera peut-être. Voilà le genre d’atmosphère qui me complait, chaleureuse et animée. Cela me rappelle ma vie d’avant, une vie palpitante et pleine d’aventures. Je cherchais à devenir…un héros, un mercenaire. Je voulais trouver dans l’adversité une raison de vivre. Ma nouvelle condition de prédateur ultime m’obligeât à aborder la vie d’une toute autre façon.
Je pris un verre sans y prendre goût, ni la chaleur qui régnait, ni cette boisson alcoolisée ne pouvait réchauffer mon corps glacé. Je décide de sortir, au hasard des rues, après avoir payé le barman. Sans trop y prêter attention, je m’enfonce dans les ruelles de la cité avant de déboucher sur une place vide étrangement de monde. Peu de réverbères sont allumés, le vent souffle sans que j’en sente la morsure. C’est là que je l’aperçus, l’unique silhouette dans la nuit, accompagnée d’une chansonnette innocente. Sa cape noire contrastant avec sa robe blanche flotte dans le vent, petite fille dansant avec les ténèbres. Que fait-elle là ? Que fait une enfant dehors à cette heure-ci ? Soudain, j’ai un mauvais pressentiment, de ceux qui mettent en alerte tous ses sens, l’un des miens est là, sans doute en pleine chasse. Instinctivement, je me mis dans l’ombre d’un bâtiment, observant les événements. Une autre personne sortit de l’ombre, à l’opposé de ma cachette, une jeune femme aux vêtements de cuir noirs. C’était évident qu’elle en avait après la fillette jouant sur la place déserte. Je ne puis à peine m’imaginer ses crocs sur son cou démuni… et la soif n’en ait plus qu’insupportable.
-Je sais qui tu es, inutile de jouer la comédie ! cria alors la femme. Tu as tuée tous ceux de mon clan, tu vas payer !
La fillette s’arrêta dans son vagabondage, je ne pus voir son visage dans l’ombre de sa capuche. Elle a quelque chose d’étrange… je sens son c½ur battre, son sang circuler en elle… et pourtant, je n’arrive pas à lire ses pensées. Sa voix enfantine résonna à travers la place.
-Si seule…
-Comment ?
-Si seule dans le noir…, murmura t’elle, ses talons pivotant vers son interlocutrice, sa main droite tendue et je m’aperçus avec effroi que ce n’est qu’une main artificielle, mécanique à la forme lugubrement griffue. Si seule dans le noir… veux tu jouer avec moi ?
A ce moment-là, je ne sais pas ce qui est arrivé exactement, tout est allé si vite. Tout ce dont je me rappelle en me réveillant, c’est que la cape de la fillette s’est transformé étrangement et son possesseur également.
-Ielfrid la vampire, née en l’an 1600, vampirisée à l’âge de 27 ans, plus de 200 victimes à ce jour. Ex-membre du clan Janin, es tu prête ? Ajouta elle d’un ton ironique. Il me sembla qu’une lumière se matérialisa dans sa main ironiquement tendue.
Puis ce fut l’attaque, cela avait quelque chose de fascinant et de terrifiant à la fois. Ce n’est pas son sang qui a coulé cette nuit-là mais celui de la vampiresse… Je ne me rappelle plus de la suite, tout a été si confus… j’ai à peine eu la force de me traîner hors de la ville et de tomber dans les bras de mon majordome, lequel a dû me ramener jusque chez moi…
-Bonsoir Will.
Je gémis, certainement de fatigue mais aussi de souffrance. ELLE est donc restée ici à m’attendre ! Je reconnais sa voix charmeuse et railleuse, ses gestes graciles qui dominent toute la pièce, sa présence qui envahit l’espace où elle est comme si tout était sien, sa longue robe rouge, ses yeux de braises, ses cheveux rougeoyants… nul autre ne mérite le nom de Satan, Lilith, Lucifer autant qu’elle ! Je siffle déjà de rage entre mes dents, impuissant…
-Oh pourquoi ce regard de haine mon cher Will ! N’es-tu pas heureux de revoir ta créatrice après toutes ses longues années ?
-Que veux tu… serpent… ne m’as-tu déjà pas assez pris ?
Elle ramène un doigt songeur sur sa joue… tout en moi hurle… elle est si belle, si envoûtante… son venin n’en est plus que dangereux ! Elle s’assoit sur le rebord du lit et m’adresse un de ses sourires redoutables dont elle a le secret. Sa main s’égare sur mon torse, je tressaille de dégoût :
-Allons… tu sais bien que tu es… et resteras mon préféré.
Elle se fait plus douce, plus intime… je sais qu’elle adore me voir dans ces positions de faiblesse… elle a l’air douce ainsi mais cela cache la tigresse qu’elle est ! Je ne peux plus rien faire, elle a déjà planté ses griffes sur moi. Je gémis à nouveau, je hais être dans cette impuissance, je n’ai même pas la force de la repousser et ce serait peine perdue. Si je goûte à nouveau ce nectar impur qui a fait ce que je suis aujourd’hui… je sais que je ne pourrai plus résister… Mon âme, si j’en ai encore une, crie à l’aide ! Brusquement, mon majordome ouvre pour apporter une tisane… heureuse diversion ! Elle s’éloigne de moi, j’en profite pour sauter hors du lit, prendre mes vêtements sur la chaise et sauter par la fenêtre. Elle n’a pas le temps de réagir, je suis déjà hors de sa portée. Je m’écroule plus loin… heureusement que j’habite au bord de la ville, cela m’a permis de tomber dans la campagne. La nuit glaciale est revenue, je me force à m’habiller. Ma soif gronde aussi, elle me susurre les soulagements qu’apporterait de boire le sang des mortels, elle me chuchote de la même voix charmeuse que Viviane tout à l’heure… Viviane ? Je me relève, elle est là… ou plutôt, ses pensées accèdent les miennes :
-Will, pourquoi me quitter si vite ? Rappelle toi…
J’ai mal à la tête… elle veut me forcer à revenir ??? Elle veut me faire rappeler cette époque maudite où je me pavanais comme le dernier des vampires, conquis par cette nouvelle puissance ?!
-J’ai changé Viviane ! Cesse de me persécuter sans cesse ! Je ne suis plus à toi, ma destinée m’appartient ! Tu entends ?! Je-ne-suis-plus-à-toi !
Le vent souffle, il me rapporte sa voix faussement torturée, sa voix fantomatique :
-Will…
Elle se tait mais je sais qu’elle n’abandonnera pas, elle n’abandonnera jamais… je ne la connais de trop. Je m’arrache à ses sombres pensées… -ah tu m’entends Viviane ?- Je me sens soulagé…
-Ce soir… oui, ce soir… j’enterre tous mes fantômes… qu’ils reposent avec mon passé, mon cercueil…
J’ai décidé de demeurer là, plus rien ne me convaincra de partir… je veux voir à nouveau ces paysages ensoleillés une dernière fois…. Juste une dernière…
Chapitre 2 :

-Belle soirée, n’est ce pas ?
Je me retourne, un homme d’environ une trentaine d’année me regarde d’un air amusé. Son costume noir, son air, ses pensées hermétiques m’indiquent immédiatement qu’il est comme moi.
-Maussade ?
-Le mot est faible je pense.
-Dommage, il me semble bien que vous êtes Will Valentine non ?
-Non, le pape de pékin.
-Quel humour ! J’en suis retourné.
-Venez en au fait.
-Vous êtes un rapide à ce que je vois. Vous avez l’honneur d’être convié à la réunion des anciens dans la nouvelle citée d’Atléa.
-Joli nom, et à d’autres ?
-Vous refusez ?
-J’ai un rendez-vous urgent qui ne saurait être reporté.
-Il doit l’être pourtant, une personne de toute première importance vous mande auprès d’elle dans la minute qui suit.
-Une certaine Viviane Tanatia ?
-On ne peut rien vous cacher.
-Parce que je suis son favori, n’est ce pas ? Parce que comme un bon chien, je me dois d’accompagner ma maîtresse en levant la patte ? Bonsoir monsieur, vous connaissez le chemin du retour.
-Je serai dans le regret d’insister.
-C’est une obligation ?
-C’en sera une si vous persistez. De plus, une autre amie vous attend avec impatience.
Une autre amie ? L’homme claque des doigts et un sinistre cortège arrive, le goût de ma créatrice n’a décidément pas changé, tout pour le traditionnel. A l’intérieur du carrosse, j’aperçois le visage hypnotisé d’Anoel, une mortelle que j’ai épargné jadis.
-Comment osez vous ?!
-Ce serait dommage de laisser votre jeune amie faire le voyage seule.
-Ah je comprends tout ! Un chantage c’est ça ?! Vous voulez me pousser à bout ?!
Je fonds sur mon compatriote pris au dépourvu et je le prends par le cou tout en le plaquant violemment contre un arbre. Mais je m’arrête à mi-chemin, je n’y arrive pas. Il quitte son air surpris et me dévisage.
-Hé bien ? Fais ce que tu as à faire.
Je le jette avec rage plus loin. Je n’ai jamais ressenti une douleur aussi atroce que maintenant. Le jeune vampire se relève en se massant la nuque.
-Décidément, je ne vois pas ce qu’elle te trouve… Elle, si belle, préfère un avorton comme toi qui n’est même pas capable de mordre.
-Je ne suis pas comme vous.
-Ah je vois. Tu es de ce clan d’illuminés qui prêche la « bonne parole », qu’on est « damné » et qu’on doit se « repentir » ?
-Je n’appartiens à aucun clan. Je ne suis pas comme ces chiens galeux qui se déchirent entre eux pour quoi ? Pour le pouvoir ? Et qu’est ce que le pouvoir ? Le seul fait de régner sur une bande d’imbéciles ! Voilà ce qu’est le pouvoir !
Il s’immobilise, atterré par ma déclaration. Puis un sourire s’esquisse sur son visage.
-Tu as sans doute raison, tu me plais bien tu sais ? Je m’appelle Chris, de la famille des Morbons. Un nom assez barbare à mon goût. Allez viens tout de même, tu n’aimerais pas qu’on fasse mal à cette charmante demoiselle n’est ce pas ? Je t’invite si tu préfères rester digne.
Je reste un moment en silence, il n’a pas tort… Je n’ai pas le choix et puis, faire sa connaissance pourrait être profitable. Je monte dans le carrosse et je m’installe confortablement tout en songeant qu’un jour, je devrais LA tuer. Anoel ne bouge pas, son regard a perdu les accents de la lucidité. Elle est si différente de celle que j’ai connu, il y a de cela quatre, cinq ans. La poupée silencieuse devant moi ne ressemble pas à la fraîche jeune fille qui m’avait assommé quand j’ai pénétré dans sa chambre. C’était assez compréhensible de sa part vu que je ne venais pas pour cueillir des fleurs. Les paysages se succèdent, le soleil va bientôt se lever quand nous pénétrons enfin dans la nouvelle cité d’Atléa. La première avait été détruite dans des circonstances mystérieuses. Mais ici, en tout cas, c’est notre « chez nous », la citée des vampires, la citée des enfants de la nuit. Marchands de mortels, réunions secrètes, complots, on y trouve de tout. Sans doute devrai-je me préparer à affronter avec calme cette réunion des Anciens.

-Will ! Enfin te voilà !
Chris semble heureux d’approcher de si près une des grandes personnalités de cette ville. Mais l’objet de ses désirs est pour l’instant trop occupé à savourer mon martyr et sa victoire.
-Je m’inquiétais tellement pour toi, surtout quand tu as sauté de la fenêtre.
C’est ça, comme si elle s’inquiétait vraiment. Je préfère m’éloigner en douce mais elle me tient fermement le bras et m’entraîne vers la salle principale. Avant, des humains habitaient cette ville, je n’ose imaginer le massacre qu’ils ont fait pour s’approprier la place. La salle de bal est effectivement immense, on dirait un peu un ancien opéra réaménagé. Viviane s’installe à une loge et attend patiemment que les danses soient finies pour que débute le conseil. Bien entendu, une foule de prétendants se bousculent pour la voir mais mon attention est plutôt retenue sur la loge d’en face. Une vampiresse aux yeux comme les miens et aux cheveux couleur mer vient d’y faire son apparition. Je reste hypnotisé par sa beauté et la grâce qui accompagne ses gestes. Je remarque également que plusieurs la regardent aussi.
-Chris, qui est-elle ?
Il me regarde avec surprise :
-Comment ? Tu ne connais pas Maria des Lasombras?! Avant Viviane, c’est la plus belle d’entre nous et c’est la première fois qu’elle assiste à un de nos bals, un grand honneur. Tu sors vraiment de la campagne toi.
-C’est vrai qu’elle est vraiment…
-N’y songe pas trop, c’est du sang trop riche pour toi. Ca m’étonnerait qu’elle te remarque.
Et pourtant, elle regarde dans ma direction. Je lui souris maladroitement et Viviane s’en aperçoit. Elle n’a pas l’air d’apprécier qu’on lui vole la vedette et pour une fois que je l’agace, j’en profite au maximum. Soudain, tout le monde se tait, le conseil commence. Comme d’habitude, il s’agit de dénonciation, de prise du pouvoir et autre. Maria semble s’ennuyer autant que moi… Quand un rire résonne alors dans la salle :
-Vous le clan des Brujah, vous cherchez à faire le monde meilleur alors que vous le détruisez. Vous les Cappadociens, vous cherchez à découvrir la mort alors que vous ne la découvrirez jamais. Vous les Lasombras, vous prenez le pouvoir derrière le trône sans jamais le prendre vraiment. Vous les Toréadors, vous êtes fascinés par le moindre objet qui brille. Dois je continuer à dépecer chaque clan ? Vous êtes tous la honte de notre race. Vous ne vous différenciez pas des humains dont vous êtes issus, nous sommes les prédateurs de l’Humanité, nous avons toute l’éternité devant nous, alors pourquoi ne pas en profiter ?
Un vampire apparaît du plafond et reste suspendu dans les airs, à nous narguer. Il a l’air d’avoir la vingtaine, les cheveux cendrés et les yeux jaunes. Une aura de puissance terrifiante se dégage de lui sans qu’il soit sur ses gardes. Tous les Anciens se lèvent, furieux :
-Qui êtes-vous ?!
-C’est un pêcheur !
-C’est un scandale !
Le jeune homme reste un moment silencieux mais un sourire narquois reste sur son visage :
-Mon nom est… Sha. Je suis certain d’ailleurs que vous ne connaissez pas toute la vérité sur vos origines. Caïn, fondateur de la race vampirique… faites moi rire ! Maudits par Dieu ? Encore faut-il qu’il en ait un.
-Hérétique !
-Appelez la garde !
Tous les clans frémissent de colère. Certains essayent alors de l’atteindre pour le faire taire définitivement mais ils se heurtent à un bouclier invisible. Seules Viviane, Maria et d’autres vampiresses le dévorent des yeux.
-Allons allons messieurs, restez un peu digne enfin. Je venais juste pour vous saluer, je ne prendrai pas de votre temps. Bonsoir…
Il tire une révérence ironique et disparaît. On n’avait jamais vu pareil scandale au conseil des Anciens. Je profite de la panique générale pour m’éclipser et aller voir cette charmante dame de la famille des Lasombras mais la foule m’emporte à l’extérieur. Il fait froid au dehors, jamais une nuit n’a été aussi froide. Un peu frustré de n’avoir pu lui parler, je pensais à quitter le plus vite la ville et m’éloigner surtout le plus possible de Viviane quand je repense à Anoel, je ne peux pas la laisser ainsi entre les mains de cette succube. Malheureusement, elle y avait pensé avant moi et sa main me tire de force vers ses appartements.

-Will, mon chéri, tu pensais me quitter aussi vite ?
-Peut-être bien… lui répondis-je, plus maussade et sombre que jamais.
En examinant les lieux, j’en suis plus que conforté à l’image de ma créatrice, sanglante et luxueuse. Assise sur le lit à palanquins, Anoel reste dans le même état léthargique que dans lequel je l’avais trouvé dans le carrosse, à mon grand dam. Viviane, avec son éternel sourire de conquérante, s’installe à côté d’elle et lui prend le menton en observant chacune de mes réactions de son ½il vicieux :
-Dis moi mon petit Will, il serait grand temps que tu grandisses un peu non ?
-Que veux tu encore, ne peux tu me laisser enfin en paix ???
Elle soupira en m’attirant à elle d’une simple injonction du poignet et me força à rester à côté d’elle :
-Ce que je veux ? fit-elle avec un plaisir non dissimulé. Ne devines tu pas ?
Elle prit ma propre main et la mit sur le cou démuni de la jeune fille, mon c½ur se retourna dans ma poitrine :
-Non…
-Mais si, il est grand temps d’assumer tes responsabilités de vampire mon pauvre petit Will, tu ne peux plus fuir ta nature. Va y… pour une fois que je t’offre une compagne, une filleule à occuper.
-Jamais, tu m’entends ! Jamais !
Je me suis mis à hurler mais ma voix troublée trahis mon envie de se pencher sur elle et de faire ce que Viviane m’ordonnait. J’ai l’impression de n’être qu’un pitoyable mortel, encore dans ses complexes, de ses désirs inavoués, elle le sait et elle savoure mon supplice, ma faiblesse. Pourtant, il serait si facile de la tuer, définitivement et de me libérer, pourquoi n’en suis-je pas capable ?
-Parce que tu es encore qu’un pauvre humain auquel on a retiré chacun de ses rêves et c’est de cet état que je vais t’ouvrir les yeux, c’est pourquoi notre race existe car nous sommes tout ce que ces mortels n’auront jamais… le charme… l’immortalité… la puissance… susurra t’elle à mon oreille.
Ainsi donc tu te permets de lire dans mes pensées ?
-Pourquoi pas ?
Mon poing valide se serra.
-Faux…. Les hommes désirent ce qu’ils leur font le plus mal.
Je relâche Anoel et je prends le poignet de ma tortionnaire violement avant de planter mes crocs en elle. Je voulais, non, je pris sa vie, son fluide vital soulageant chacune de mes douleurs et surtout ma soif insatiable, ses souvenirs envahissant mon esprit au fur et à mesure que j’aspire son sang mais il en fallait plus pour la tuer, il me fallait plus de force et tout ce temps à ne satisfaire mes besoins m’avait affaibli, elle me propulsa d’un geste au mur. Elle se releva, satisfaite apparemment que j’ai céder à mes envies.
-Voilà qui est parfait… bravo mon petit Will, peut-être un jour réussiras tu à me faire plier mais ce n’est pas encore pour aujourd’hui. Dit-elle simplement en sortant de la pièce, me laissant effondré.
Je poussa alors un cri, un cri que je conservais depuis le moment où elle m’avait retrouvé avant de vomir tout ce que j’avais ingurgité, écoeuré, mon corps n’avait plus l’habitude d’autant de sang.
-Un jour…. Oui, je te tuerai… balbutiais je avant qu’un nuage gris passa sur mes yeux, me plongeant dans la nuit la plus noire, et aussi la plus agitée.

-Anoel, je t’en prie, réveille toi.
Cela fait deux ou trois heures que j’essaye en vain de la réveiller, je n’ai pas vraiment eu beaucoup de pratiques psychiques et dévier l’emprise de ma créatrice était aussi illusoire que si j’avais voulu redonner une conscience à un meuble.
-Tu n’arriveras à rien comme ça… résonna une voix faible dans mon dos.
Je n’eus pas besoin de me retourner qu’elle passa devant moi, blessée, agonisante, cette vampiresse aux cheveux noirs répondant au nom d’Ielfried et qui, apparemment, avait croisé la mauvaise personne. Elle s’écroula et je la retins in extremis :
-Comment es tu parvenue ici ?
-Ouai, je n’ai pas eu d’bol hein ? … Tu m’as l’air d’un vampire sympa, un peu mou mais sympa, me répondit-elle avec un faible sourire. T’as salement amoché la moquette en tout cas, je peux me servir quand même ?
Bien que réticent à cette idée, je lui tendis mon bras où elle mordit à pleines dents, profitant de la moindre goutte salvatrice pour la tirer de cet état. Résultat, déjà usé à la base, je n’eus même plus la force de rester sur mes deux jambes. Quant à Ielfried, elle se releva, l’air un peu plus apaisé tout en essuyant le coin de ses lèvres.
-Merci, comme je l’avais dit, t’es un vamp’ sympa alors je vais t’aider.
Elle s’approcha alors d’Anoel et je pus sentir sa concentration de là. Il se passa quelques instants où elle lutta avec la force diabolique de Viviane mais je me doutais déjà qu’elle n’avait pas dû mettre beaucoup d’énergie dans l’asservissement vu comment elle me connaissait, ce qui donna un net avantage à ma nouvelle alliée. La jeune fille finit par se réveiller, un peu confuse tout d’abord avant de m’aider à me tenir debout.
-Will, ne joue pas au héros, va y, prend mon sang.
Avec effarement, je la vis dégager son propre cou et me le tendre. Dans mon imagination aliénée par notre nature, je pouvais même croire voir chacune de ses veines, l’artère. D’un geste vif, je me souscris à cette gorge qui pouvait me faire renier tous mes principes.
-Will… regarde comme tu es maigre, je sais bien que tu ne peux rien à ce que tu es, c’est pour ça que je veux t’aider.
Sa voix est toujours aussi douce, aussi innocente, je vois bien que ce n’est pas simple pour elle et encore moins pour moi, à cause de qui elle est dans la difficile position où elle est, mortelle dans une ville de suceurs de sang ne demandant qu’à prendre à ma place.
-Non… ceci est mon combat ! Si je renonce maintenant, comment puis je un jour espérer m’en sortir ? Je ne serai plus que l’un d’eux, à me résigner à cette maudite race !
-Pourtant, beuh, c’est cool d’être un vamp’. Bon d’accord, c’est pas full up d’être poursuivi tout le temps et de ne plus voir le soleil mais heu bon, t’as pleins de pouvoirs en contre partie ! Et le sang, c’est nettement meilleur que n’importe quel autre bouffe.
-Peut-être mais ce n’est pas mon choix.
Chapitre 3 :
-Es tu prête à mourir ?
-Cela dépend… fit la jeune femme, ironique malgré le fait qu’elle soit ligotée fermement à une table de pierre, devant une assemblée d’hommes habillés de noir et apparemment furieux contre elle.
-Tu as tué des centaines des nôtres, maudite chienne ! hurla un autre en se levant.
-Ah bon ? J’aurai cru plus que ça. Répondit-elle tranquillement comme si ça paraissait banal et naturel.
-Silence dans la salle ! ajouta le juge. Par les membres du jury, vous êtes condamnée à être exsangue jusqu’à que mort s’en suive.
La sentence provoqua un enthousiasme général tandis que le premier d’entre eux s’approcha d’elle avec un plaisir non dissimulé. Il fit un sourire qui dévoila ses crocs pointus et l’approcha du cou dégagé de l’accusée. Au lieu de montrer un air terrorisé à l’attente de tous, elle afficha un large sourire mauvais.
-Bande d’imbéciles… je ne suis pas venue seule.
-Comment ?
Un bruit sourd leur fit lever la tête pour apercevoir d’autres silhouettes au dessus d’eux.
-C’était un plaisir de vous avoir rencontrer.
Ce fut alors l’hallali, les inconnus se jetèrent férocement sur les vampires, déchiquetant, écartelant, découpant avec leurs armes et une dextérité incroyable. Celui qui devait commencer la condamnation enfonça ses crocs dans le cou de la jeune femme… pour se planter dans le vide.
-Quoi ?!
Un choc brutal chavira ses sens, elle se tenait maintenant devant lui, redoutable incarnation de leur défaite, belle et cruelle, sauvage et sadique, il sombra dans les ténèbres avec cette dernière vision de pure beauté et son sourire démoniaque.

-Bande de foies jaunes !
Triangula renversa une nouvelle fois une urne de la pièce qui se cassa en un bruit mat sur le sol.
-Calme toi maudite ou je te jure que c’est par le fil de mon cimeterre que tu passeras…
La voix calme et sombre de l’être dans l’ombre où la menace passait en sourdine fit redoubler d’une rage impuissante Triangula.
-Moi, je vous le dis ! Un bon vampire est un vampire mort ! Pourquoi s’évertuer à les « sauver » ?! Cette attaque n’a servi qu’à éliminer une petite secte de rien du tout !
Elle réajusta son bandeau aux yeux. N’importe quel être normal et sensé aurait sans doute été stupéfait par son aspect, la peau bleue et caoutchouteuse, les mains en forme de moufle, pas de nez et un éternel bandeau camouflant ses yeux qui ne semblait pas la gêner plus que cela dans ses mouvements furieux. Un homme habillé d’une toge de religieux se leva à son tour, outré, de son siège.
-N’oubliez pas mes frères et s½urs que seul Dieu a le droit de décider du destin de ses créatures !
-SILENCE ! cria, implacable, la silhouette, frémissante de rage, ce qui n’était guère bon signe. Tu oublies un peu trop souvent de fermer ta langue Manik…
-Pfff, un démon à notre tête, si cela ne tenait qu’à moi…
-Hé bien va y, qu’est ce que tu attends ? Attaque, tue moi…
Le prêtre se rassit, fulminant à son soûl. Triangula en profita pour monopoliser encore la parole, véhémente.
-Il faut tous les tuer, lancer une armée massive, on n’a que trop attendu ! Tu es molle Félis !
A ce nom, la silhouette se dressa, toisant de toute sa hauteur l’extraterrestre.
-Qu’as-tu oser dire Triangula ? Répète pour voir un peu…
Une femme habillée à l’orientale se leva à son tour.
-Je vous en prie, calmez vous, nous avons chacun nos raisons d’être ici et nous avons un but commun, c’est en nous divisant que nous laisserons la victoire aux suceurs de sang.
Félis hocha la tête vers la jeune femme qui se rassit à ce geste.
-Merci Mât, tu as raison, comme toujours. Ici s’ouvre le Conseil des Cinq sous la demande de Triangula, encore une fois… et ma réponse à ta proposition est celle-ci, c’est en fonçant tête baissé que nous perdrons. Les vampires sont bien semblables aux humains et malgré notre capacité à les reconnaître, attaquer ceux qui sont en pleine ville est folie, les hommes ne comprendront pas, ils attaqueront à leur tour. De plus, nous ne sommes pas aussi nombreux qu’eux mais nous avons l’avantage de nos capacités, l’avantage de la discrétion et de la surprise. Mais il est temps de relancer la partie effectivement…
Félis effleura un doigt de sa main métallique et griffue sur sa langue au dégoût de tous sauf de Triangula. Leur chef venait de prendre son air sadique habituel qui ne signifiait rien de bon pour les suceurs de sang qui se trouveraient sur son chemin.
-Il est l’heure de chasser mesdames et messieurs, bonne soirée.
La démone ramena sa cape couleur de nuit sur ses épaules et disparut dans le couloir tandis que Triangula apprêtait nerveusement son flingue aux allures futuristes et à la puissance non négligeable.
-Alors bande de foies jaunes, vous venez ou vous attendez que les vampires viennent vous passer l’salut ? railla l’extraterrestre.
Les autres membres du conseil changèrent alors d’expression, de choqués, ils devinrent plus sombres. Ils se levèrent un par un et s’en allèrent par le couloir pour donner la mort aux deux fois nés.

Interface :

Il faisait nuit, une nuit sombre et glaciale comme la pluie qui tombait à verse. Sa voiture était en panne, en plein milieu de la route, déserte heureusement. Il n’avait d’autre choix que de courir, vêtu d’un ample imperméable vert. Où était-il ? La visibilité ne pouvait lui permettre de se déterminer dans l’espace mais seul comptait le fait qu’il soit sur le chemin qui devait le mener à la station-service la plus proche. Il espérait ne pas avoir de problème, il avait tort, le conducteur ne l’a pas vu, lui non plus et tout alla très vite. Le voilà gisant dans le fossé, par bonheur, il eut le réflexe qui le sauva. Combien de temps resta il inanimé dans la boue ? A son réveil, la tête lui tournait encore et la pluie avait cessé. Néanmoins, il faisait encore nuit noire et le paysage qui s’offrait à lui s’apparentait fortement à celui des films d’épouvante, la plaine sombre et infinie, il ne manquait plus que l’assassin pour le guetter dans l’ombre –se disait-il. Il marcha quelques temps avant de s’apercevoir qu’il s’était perdu et éloigner de la route. Rhod regarda autour de lui, le mal de tête lui brouillant encore la vue, il se demandait si l’accident n’avait pas eu trop d’impact sur lui mais visiblement, il lui faudrait du temps avant de retrouver son chemin et il pesta longuement sur sa voiture qui lui avait causé tant d’ennuis en un soir. C’était pourtant d’habitude un homme logique, un homme d’un rare sang-froid avec une règle dans le dos, un physique plutôt chétif qui contrastait avec son visage carré. Ses collègues de travail aimaient à le surnommer le bot et se plaisaient à comparer son cerveau à celui d’un ordinateur. Mais pour l’instant, il avait perdu son naturel devant l’éventualité monstrueuse d’être pour une fois en retard, ou au pire des cas absent, à son rendez vous d’affaire. N’ayant pas le choix, il continua de marcher.

Il finit par arriver à un bois qui évoquait celui des contes de fées noirs, Rhod hésita longuement devant l’entrée peu conviviale de ces arbres entremêlés entre eux, barrière naturelle au visiteur impertinent, se mariant avec une morbide beauté aux ronces des cimetières. Finalement, il consulta sa carte abîmée par l’eau et la chute pour constater que c’était le plus rapide moyen d’arriver à la station et s’engagea donc dans l’étrange forêt, triste erreur de sa part. Il erra ainsi, déchirant au passage ses vêtements, branches, épines, griffures l’ornaient comme une parure ésotérique. Il s’énervait, se dégageait, commençait à courir à perte haleine, s’enfonçant toujours un peu plus dans les bras de l’Erèbe avant de parvenir à une petite clairière éclairée par la pleine lune dont les rayons filtraient au gré des nuages. Un peu surpris de cette soudaine limite entre l’espace étouffant de la forêt et la terre dégagée de la clairière, il décida de prendre une pause afin de reprendre son souffle. C’est là qu’il l’aperçut, unique silhouette du soir, irréelle et pâle, aux bras blancs et au visage fin, ses profonds yeux d’un bleu d’outre-mer, ses cheveux couleur de la lune ondulant au vent froid de la nuit et sa bouche d’un rouge presque éclatant, les lèvres bombées telles un fruit mûr, ne demandant qu’un baiser pour les réchauffer… Hypnotisé, il s’approcha d’elle, admirant ses courbes délicates mises en valeur par de simples voiles. Elle lui tendit une main, un sourire enfantin s’éclaircit sur son visage d’une mortelle pâleur et il la prit pour constater quel froid était sa chair. Elle l’appela doucement par son nom et ses derniers soupçons s’envolèrent, rien ne comptait plus que ses yeux d’un bleu profond dans lequel il se noyait avec délice.

Le soleil ne se leva point pour lui…
Chapitre 3 :

-Will ! Will ! Oh, je t’en prie !
Anoel le secouait depuis maintenant plusieurs minutes, le vampire avait perdu connaissance par manque de sang. Ielfried elle-même était encore faible malgré l’aide qui lui avait apporté.
-Je vous en prie, aidez le !
-Bé… pour ça il nous faudrait du sang… Mais vu son état, y peut même plus mordre alors…
-Alors mordez moi et donnez lui, je vous en supplie !
-Hé bein, t’es vraiment une mordue de ce gamin comme qui dirait.
Ielfried pouffa de rire à son jeu de mot mais Anoel continuait de la regarder avec des yeux implorant de pitié. La vampiresse soupira et mordit la jeune fille au cou.
(Je me sens si étrange... ) pensa t’elle. (Est ce cela ce qu’on ressent quand on se fait mordre ?)
Anoel revoyait sa vie défiler devant elle quand elle s’aperçut d’un intrus… cette sensation lui procurait plaisir, douleur, affaiblissement et terreur à la fois, comme si celle qui lui prenait du sang, prenait ses souvenirs, violait son intimité, aspirait le moindre de ses souvenirs… et enfin tout devint noir, noir d’encre.
Ielfried se releva, rassasiée, par chance elle avait réussi à épargner la vie d’Anoel. Elle se pencha alors sur Will, lui ouvrit les lèvres puis coupa son propre bras, faisant couler le précieux liquide dans sa gorge. Au bout de quelques minutes, il se releva en sursaut, pris férocement le bras d’Ielfried et mordit de lui-même. Elle finit par le repousser avant de ne plus en avoir assez pour elle-même.
-Hé du calme !
Il écarquilla alors les yeux d’horreur en s’apercevant de ce qu’il avait fait, il fut d’autant plus choqué de voir Anoel à ses pieds, pratiquement exsangue.
-Qu’as-tu fait ?!
-Hé oh, calmos j’ai dit, c’est elle qui l’a demandé pour toi…. Pfff, tu l’mérites pas d’ailleurs. En tout cas, on ferait mieux d’sortir d’ici avant qu’il y ait d’autres dégâts.
-Je… enfin, oui… mais par où ?
-Arrête de fumer la moquette le matin mon grand, les fenêtres sont pas inventées pour rien… et tu la portes, j’ai pas envie de m’faire plus chier.
Will resta un moment silencieux, il se baissa ensuite sur la jeune fille et lui écarta quelques mèches châtains clairs de son beau visage. Songeur, il la prit sur l’épaule afin de pouvoir mieux escalader le mur. Ielfried brisa la fenêtre avec son pied et calcula du regard la distance jusqu’au sol… elle lui parut raisonnable. Elle passa la rambarde et descendit lentement jusqu’en bas avant d’être suivie par Will. Ils avaient à peine poser le pied au sol qu’une explosion retentit au loin.
-Que ?!
-Heu, j’sais pas ce qu’c’est mais on ferait mieux de ne pas rester dans l’coin. Allez magne toi, t’es vraiment lent comme mec !
-J’en ai rien à faire vu que je suis un vampire !
Ielfried ne relança pas le débat et courut au hasard des ruelles. Il fallut peu de temps pour que la ville se réanime sous l’effet du souffle titanesque. Partout, des suceurs de sang s’affolaient tandis que d’autres essayaient de faire régner un minimum d’ordre. On entendait néanmoins crier partout que le système du bouclier qui protégeait la ville des intrus et du soleil venait d’être mis à plat. Ils pensaient par chance qu’il faisait nuit, chance… ou calcul prédéfini ? Will ne savait que penser, il régnait une atmosphère de tension si palpable qu’on pouvait presque marcher dessus. Qu’allait il se passer ? Quelle était cette explosion ? D’où venait elle ? Et surtout, allait il s’en sortir ? Il prit Anoel dans ses bras et regarda son visage endormi à nouveau… non, il n’allait pas l’abandonner aussi facilement…
Ils coururent longtemps ainsi, combien de temps encore ? Deux heures, une heure, quelques secondes ? Ils finirent par atteindre l’une des hautes portes de la Cité, la foule s’y était assemblée, haletante, paniquée ou excitée. Ielfried aborda alors un garde.
-Il se passe quoi ici ?
-Nous n’en savons rien mademoiselle, d’après l’un des éclaireurs rescapés, il y aurait une armée encerclant la ville.
-Une armée de mortels ?
-Nous n’en savons rien… mais il se peut qu’ils ne le soient pas après l’état qu’on nous a montré de nos autres éclaireurs…
-Une guerre alors ?
-Nous n’en savons rien, allez donc voir ailleurs.
Will tourna un regard désespéré vers Ielfried tandis qu’ils s’éloignaient des autres vampires.
-Il ne faut pas rester ici !
-Pour aller où ? Bé, on est coincé, ils ont fermés les portes de la ville, va y avoir une sacrée bataille… en tout cas y’a des chances.
-Nous devons trouver un moyen de nous en sortir !
-Bein, j’te laisse réfléchir, moi, j’ai l’cerveau en forme de ciboulot là. T’as un plan ?
Il regarda alors la haute muraille.
-Peut-être bien…

En dehors des murailles, sur sa monture reptilienne, une silhouette encapuchonnée de noir elle aussi souriait. A ses côtés, tel les cavaliers de l’apocalypse, ils allaient sonner le glas de cette ville. Un homme parcourut les plaines, venant sans doute de celle-ci. La silhouette lui demanda.
-Les préparatifs sont-ils prêts ?
-Oui Dame, la ville est encerclée et sans leur bouclier… fit-il en s’agenouillant.
Elle fit à nouveau un sourire à glacer le sang et tendit la main. Dans laquelle apparut un cimeterre d’étrange facture, elle le leva alors, signe à ses troupes.
-Que cette nuit soit nôtre !
Les guerriers hurlèrent d’enthousiasme et la déferlante destruction se mit en marche vers la Cité. Son destin ne pouvait plus être arrêté.

Le soleil ne se lèvera que sur des cendres…

Interface :

Il faisait sombre, froid, glacial comme le doux frottement d’un linceul. Il s’avançait ainsi, dans le noir, chaque pas provoquait une myriade de craquèlements sur la mince passerelle de terre où il se trouvait. Seul, si seul, il continuait ce chemin, ce chemin de la vie, ce chemin de la mort. La haute voûte aussi céleste en taille qu’infernal en décor, taillée dans la roche par la main d’un architecte quelque peu dérangé. Où était donc cette pâle étoile qu’il avait entraperçue ? Où se trouvaient ainsi les charmants voiles qui l’avaient menés ici ? Le charme était rompu et cette dangereuse voie le glaçait de terreur, à quel moment donc il tomberait dans le gouffre à côté ? Il aurait voulu hurler, il pourrait paniquer et courir en tout sens telle une bête traquée, quelque ténébreuse créature se dissimulant à sa vue, n’attendant que l’heure où elle pourrait l’emporter. Mais soudain, son pied cogna quelque chose, son corps se pencha ainsi et le bruit musical de sa chute retentit avec une poésie si belle que les pierres s’en souviennent encore. Pestant contre lui même, il massa un instant sa mâchoire endolorie mais ce fut pour mieux la laisser pantoise devant l’étrange phénomène qui lui faisait face. Comment était ce possible ? Il se releva à grande peine, devant lui, le mur qui barrait sa route offrait la plus incroyable des portes. Enfin, porte, portail, quel mot pourrait qualifier cette masse informe, bougeant, vivant, reflétant toutes les couleurs du métal en fusion avec pourtant une impression de soie et de crème, dévorant sans pitié son espace.
Cette nuit est la sienne…
Qui donc ? Quelle était cette voix ? Presque hypnotisé, il avança la main… puis le bras… puis la tête…
Chapitre 4 :

J’étais là, attaché à ce fichu poteau depuis l’aube, mourrant de soif dans cette chaleur torride qui me brûlait la peau et me tenait la gorge. J’avais vraiment beau jeu, moi, le mercenaire sans peur ni reproche, pris dans un piège grossier et désormais vendu comme esclave dans les marchés de Calimsha. Il faut être assez pervers pour mettre une jolie fille en détresse comme appât à aventuriers crétins de mon genre, et il faut dire que ça marche. Ils s’y sont mis au moins à vingt les saligauds pour me maîtriser, j’ai encore la trace des fouets dans mon dos meurtris. Donc, comme je le disais, ma carrière de héros semblait assez compromise quand je les vis là, pour la première fois. Ils étaient plusieurs silhouettes sous des tuniques de couleurs différentes. Mes mèches violettes collaient désagréablement à ma peau, le sang et la sueur me brouillaient la vue mais je les remarquais à travers cette foule nauséabonde. Ils étaient… comment dire, différents. Mon instinct de félin me mit toute de suite sur la voie que ces étranges personnes pouvaient représenter un espoir. Bien que ce ne fut pas très glorieux de ma part, je me mis à tirer férocement sur mes chaînes au moment où je devais être conduit sur l’estrade. Ayant une maîtrise des chaînes implacables, j’envoyais bouler mon bourreau en bas des marches. Celui-ci eut du mal à se relever, grand bien me fasse, j’étais déjà en train de courir plus loin :

-Tirez vous, place ! Hurlais-je, haletant et bousculant la foule ahurie.

Je fis un saut prodigieux et laissais derrière ces inconnus comme barrage. Les maîtres esclaves trépignaient de rage et furent bien vite ralentis par la foule. Je pus contenir un cri de victoire, libre, j’étais libre ! Mais plus tard, dans une ruelle sombre, ma joie fut de courte durée, ces menottes neutralisaient mes capacités motrices et spirituelles. Et impossible à les briser d’une quelconque manière ! J’entrais dans une rage si forte que j’en étais à me ronger les pattes pour me tirer de cet objet maudit puis, je me ravisai, s’énerver ne me servirait à rien. Je laissai ma tête s’appuyer sur le mur, mes muscles endoloris ne voulant plus me porter.

Il s’écoula un long moment où je demeurais ainsi, au fond de ma ruelle et dans une ville comme celle-ci, en plus attaché, je risquais gros de faire une très mauvaise rencontre. Je devais me résigner, si je voulais m’en sortir, il me fallait agir tel un vulgaire voleur. Je jetai un coup discret sur la rue principale, toujours animée alors que la nuit commençait à tomber. Je décidais de me poster juste un peu au dessus, à la façon d’un escaladeur dans une mince crevasse. Tôt ou tard, quelqu’un passerait par là et même si cette idée me dégoûtait, je devais le dépouiller pour ma propre survie. Je n’eus pas trop à attendre, un jeune garçon passa et aussitôt, j’atterris derrière lui en enserrant son cou à l’aide des chaînes :

-Qui es-tu ? Le questionnais-je, haletant.
-Je m’appelle Shibo, murmura t’il d’une voix apeurée. Je ne suis qu’un petit voleur, je vous en prie, ne me tuez pas.
-Ne t’inquiètes pas, si tu es vraiment un voleur comme tu le dis, tu vas pouvoir me débarrasser de ces chaînes ?
-Je… je pense.
-Très bien, si tu fais comme je dis, il ne t’arrivera rien. Ensuite, tu m’indiqueras un endroit où je pourrais me refaire avant de quitter cette maudite ville.
-Ou… oui, monsieur…

Je desserrais mon étreinte et il s’activa de me retirer les menottes. Je remarquais qu’il était fort habile et que, surtout, il portait le symbole de sa guilde :

-Voi… voilà, monsieur.
-Merci, dis-je en tâtant mes poignets endoloris. Dis moi Shibo, tu appartiens à une guilde n’est ce pas ?
-Oui.
-Penses-tu qu’il serait possible que ton chef me laisse agir un temps ici, le temps de gagner assez d’argent ?
-Je vais vous y emmener, suivez moi monsieur.
-Et attention, pas d’entourloupe.
-Non monsieur.

Le gamin eut à peine fini sa phrase qu’il m’entraîna à travers ruelles, il était vif et rapide mais je n’eus pas trop de mal à le suivre. La nuit tomba complètement avant qu’on n’arrive devant un imposant bâtiment. Celui-ci était coincé au milieu d’un dédale de ruelles étroites et tortueuses, endroit idéal si on voulait assurer ses arrières mais je n’avais pas d’inquiétude de ce côté-là, le garçon me servait de passeport. Il s’arrêta devant un pan de mur où l’on avait retiré une brique au niveau des yeux et il murmura quelques mots. On nous laissâmes entrer finalement et je constatai que plusieurs paires de yeux me jugeaient dans l’ombre de l’entrepôt désinfecté. On me conduisit dans une pièce à part, à la fois luxueuse et miteuse. Le chef, un vieil homme aveugle, écouta avec soin ma requête. Il prit un instant de réflexion avant de me répondre :

-Shibo, me garantis-tu de la confiance de ce félin ?
-Oui chef.
-Très bien… je te permets de chasser sur mon territoire mais uniquement sur le mien, en gage de notre accord, Shibo t’accompagneras dans tes expéditions et sera ton guide. En échange, tu n’auras qu’à délivrer des messages ou accomplir certaines missions pour moi. La réunion est close, Shibo !
-Oui chef !
-Conduis le à l’hôtel et qu’il passe une bonne nuit. Hel Mita. Finit-il sur un geste.

Je fus stupéfait, non pas par l’étonnante éloquence et vivacité d’esprit d’un si vieil homme, mais par le fait qu’il faisait confiance au jugement d’un simple garçon. Shibo se dirigea vers moi et me prit par la main en m’entraînant hors de la salle :
-Viens, si tu ne connais pas nos coutumes « Hel Mita » signifie qu’on ne doit plus lui adresser la parole mais nous retirer. Fit-il d’une voix fluette.

Il me conduisit dans un hôtel respectable où l’aubergiste ne me fit même pas payer mais j’étais dans un tel état de fatigue que je ne le remarquais pas. Je m’écroulai sur mon lit, de simples coussins empilés, et je sombrais dans un sommeil réparateur.
Chapitre 5 :

-Hé, réveille toi !
Un grognement évasif répondit à Shibo mais celui-ci était décidé à secouer l’étrange félin qui était désormais sous sa protection. Lequel se leva avec une mine assez épouvantable mais Shibo l’ignora avant de lui jeter une liste :

-Désormais, si tu veux ½uvrer ici et garder ton argent pour partir, il va falloir accomplir ces missions-là. Quand tu les auras fini, tu auras un délai d’un mois avant de partir à moins qu’on ne te refournisse en listes comme celle-là. Allons, dépêche toi, le maître d’hôtel a besoin de cette chambre… En fait, as-tu un nom ?

Un nom ? Le félin le regarda un instant abasourdi, Shibo s’impatienta :

-Hé bien alors ?! T’es muet ou quoi ?!

C’était plus qu’il ne pouvait en supporter, il se précipita vers le jeune garçon et le souleva d’une main malgré son engourdissement corporel :

-Ecoute gamin, ce n’est pas parce que tu es mon guide que je suis ton chien, d’accord ?!
-Dé… dé… désolé monsieur… je… je ne voulais pas me permettre…

Il le lâcha sans ménagement et entreprit de se préparer rapidement. As-tu un nom ? Un nom… il n’en avait pas. Son passé, ce qu’il était, il n’en savait rien, et c’était ça qu’il cherchait. Devant le miroir, il contempla son reflet et tenta en vain de coiffer ses mèches rebelles tout comme lui. Une cicatrice zébrait son ½il droit, d’où venait-elle ? Shibo se releva, avec le même air étonné qu’il avait tout à l’heure :

-Vous n’avez donc pas de nom ?
-Non.
-Vous savez, vous pouvez me le dire, je côtoie des criminels pire que vous… enfin, je pense.
-Cela n’a rien avoir avec ce genre de chose. J’ignore simplement mon passé.
-O… oui mais vous semblez posséder un grand savoir… Clisthène vous irait bien.
-Clisthène ?

Le garçon trépigna un instant, sautant légèrement d’un pied sur l’autre, l’air assez honteux comme s’il venait de dire une énormité :

-C’était le fondateur d’une grande ville dans le passé monsieur…. Je ne sais plus laquelle mais c’était un grand homme.

Pour la première fois depuis qu’il l’avait rencontré, le félin émit un sourire :

-Oui, pourquoi pas ? Dit-il en replongeant un instant dans ses pensées.

Shibo prit un air perplexe, devait-il le prendre bien ? Il préféra s’éclipser un instant, en préparant discrètement ses affaires. Il descendit l’escalier et remercia l’aubergiste de lui avoir prêté la chambre avant de s’intéresser à une jeune touriste qui passait par là. Clisthène ne le rejoignit qu’après un quart d’heure. En guise d’armure, son torse était entouré de bandages comme ses mains et deux épaulettes noires en tissus laissaient passer une redoutable chaîne dont l’une de ses extrémités était une sorte de toupie tranchante. Il ne revêtait à part ça qu’un short élimé dont le côté droit était plus long que l’autre et une paire de sandale :

-Pouvons nous y aller ? Murmura prudemment le voleur.
-Oui, lui répondit froidement Clisthène.

Il détestait ça, devoir faire de basses besognes, il ne supportait pas. Il était un mercenaire, non un tueur à gages. Néanmoins, il devait s’exécuter à contrecoeur.

Interface :

-Qui es tu ?

L’atmosphère morbide qui régnait en cet endroit n’était pas pour le rassurer ni pour l’aider à respirer. Bien que la température fut en dessous du baromètre, de longues gouttes de sueurs froide coulaient le long de son visage tuméfié. Il répéta sa question, d’une voix peu assurée cette fois ci, où la peur se faisait sentir.

-Répondez ! Il y a quelqu’un ?!

Un tissu déchiré et gris passa alors, frôlant son nez et sa joue. Il se plaqua au mur, livide.
Il remarqua qu’une silhouette féminine lui tournait le dos. Un saillant voile blanc se laissait pendre de ses coudes, déchiré aux extrémités et rappelant vaguement les toiles d’araignée des tombeaux royaux tandis qu’une capuche noire cernée d’un étrange attirail masquait le crâne de la créature mais laissait libre une chevelure attachée à la base par un singulier bracelet tordu tel un serpent et allait jusqu’aux hanches d’une rondeur idyllique. Une traîne déchirée et grise devait être le tissu qui l’avait frôlé et des sortes… Rhod ne pouvait le croire lui-même, des sortes d’ailes de petite envergure faisaient office d’oreilles à la créature, composées d’une membrane transparente et de couleur jade, la courbe en S et on pouvait y distinguer des veines d’un vert plus sombre.

-Que diable…

Elle se releva alors et il put constater qu’elle avait sa taille et de longs membres élancés. Quand elle se retourna, l’homme atteint le paroxysme de la terreur. Les yeux fins, insidieux tels ceux des serpents, brillaient dans l’ombre de sa capuche d’une couleur turquoise intense. Ses mains n’étaient que des griffes immenses dont des gants beiges sales protégeaient tout en laissant libre les redoutables doigts et des cercles d’or entouraient ses poignets, seul contraste de couleur incongrue dans les tons glacés de la créature à la peau grise sombre. Ses pieds élancés rappelaient ceux des dinosaures carnivores et ses chevilles étaient cerclées eux-mêmes des bracelets d’or pareils à ceux des poignets. La poitrine laissait voir un magnifique bijou en onyx d’une forme étrange et un simple haut qui laissait ses épaules libres dont l’une arborait un tatouage de pentacle. Le ventre était visible mais une cicatrice en croix affreuse ornait le côté gauche. La traîne entourait uniquement et avec un délice de féminité la hanche, les jambes libres de contrainte. Le visage n’avait point de nez et un tatouage en forme d’un croissant et d’une lune pleine blanches marquait sa joue gauche. Des mèches châtains foncés, enfin, voltigeaient allégrement autour de son visage. Bien que l’ensemble de cette créature fut d’apparence démoniaque et étrange, on pouvait dire qu’elle était d’une morbide beauté et son être exhalait d’une aura terrifiante.

-Qu’êtes vous ? Pourquoi suis-je ici ?! Où suis-je ?!

Elle daigna enfin prendre la parole, sa voix coulait telle une sève et était aussi douce que le miel mais aussi tranchante que la glace.

-Nous… sommes… Ténétiel…

Elle leva une main sur son c½ur, dans une fausse pudeur de jeune fille et un rire cruel envahit l’espace.
Chapitre 6 :

-Mais qu’est ce que tu fais ?
Ielfried se pencha sur moi tandis que cela faisait quelques minutes que j’examinais le bas des murailles de la porte Est de la ville. Concentré par ma tâche, j’avais laissé le soin à ma comparse de s’occuper d’Anoel… Anoel ! Me pardonneras tu donc ? Si cela se trouve, Viviane est à notre poursuite ou bien trop occupée à essayer de s’enfuir, j’espère pour nous que c’est le deuxième cas. Je finis par trouver une pierre plus petite que les autres et arborant un signe singulier, je pousse un soupir de soulagement et je me tourne vers Ielfried.
-Vois tu Ielfried, par mon statut… peu avantageux d’être son esclave, Viviane était l’une des rares dans la confidence et un jour, enivrée, elle finit par confier un secret. Cette ville était autrefois habitée par des humains, par l’endroit dur où ils devaient vivre, ils mirent tout un système d’évacuation au point. Par la suite, nous les avons… massacrés pour avoir cette ville.
La vampiresse, trop insouciante pour songer au poids d’une vie, secoua la tête, incertaine. Je lui repris alors Anoel et bien que je ne pouvais m’empêcher de penser à la difficile épreuve qu’elle avait dû traverser par ma faute, je pris sa main aux doigts fins et je lui fis toucher la pierre. Seul un être vivant pouvait actionner ce genre de passage et avant qu’on ne s’aperçut de notre manège, nous avons pénétré dans les souterrains de la Cité. Que les suceurs de sang se dépêtrent dans leur fange ! Cela ne me concerne plus, je l’emmène loin d’ici. Ces couloirs sans fin ne peuvent laisser passer qu’une ou deux personnes à la fois et l’humidité avait envahie l’endroit, malgré tout, je veux, j’espère tellement la sortir d’ici que rien n’a d’importance. Je cours, qu’importe le reste, Viviane ! Si tu m’entends, saches que je te tuerai pour tout cela ! Je te tuerai !

En dehors de la Cité d’Atléa, la tension montait. Nul ne semblait pouvoir dire de quoi son destin serait fait. Sur les remparts, les soldats avaient emmenés de piètres catapultes, l’arrogance naturelle que les vampires avait, était maintenant leur faiblesse, ils n’auraient jamais cru qu’un seul être aurait l’audace infime de s’attaquer à eux. Et c’était sur cela qu’Elle comptait, ses troupes rapprochaient leur étreinte mortelle des murailles. Le choc fut terrible, ces êtres ne pouvaient être humains par leurs forces ou par leurs agilités. Plusieurs grimpaient sur les remparts sans aide aucune et égorgeaient allégrement les soldats vampires. Certains volaient en essaim au dessus de la ville, faisant pleuvoir la mort sur eux. D’autres, les plus vindicatifs, s’étaient regroupés devant les portes de la ville et entendaient bien la défoncer. Les Anciens ne savaient plus quoi faire, ils tentaient par tous les moyens de partir, dans leur affolement, ils avaient oubliés les passages secrets tandis que les esclaves mortels remerciaient le ciel, brisaient leurs chaînes et allaient, au péril de leur vie, combattre ceux qui les avaient détenus. Un nuage de chaos planait sur la Cité, les portes cédèrent dans un craquement sinistre. Ce fut elle, la première à ouvrir le bal de la mort. Comment la décrire ?
Un regard froid et distant, d’un turquoise intense, vous transperce comme autant de lames. D’un geste, elle lève sa main droite : Une main griffue métallique. Et elle la rebaisse aussi vite, pour lever sa main gauche et repousser une mèche derrière ses oreilles, pointues, ses longs cheveux, châtain foncé, sont d’ailleurs attachés vers le milieu du dos.
Son âge, vous ne sauriez le deviner, mais malgré tout, son visage, son corps. Vous lui donneriez dix-sept ans. Sa peau claire vous donnerait-elle l’impression qu’elle soit froide comme de la glace ? Si c’est cela votre pensée, gardez la, car elle est juste. Son corps est fin et souple, puissant, vous donne la confirmation que vous êtes en face d’une guerrière.
Une longue nuit sanglante, illuminée de cris, ébahie de massacre, sans rien qui ne puisse arrêter les ciseaux d’Atropos, fauchant les vies des deux fois nés. Le temps en semblait même à la fois ralenti et accéléré, quand le soleil se leva, les derniers vampires combattants succombèrent. Après tant de vacarmes, un silence étonné tomba sur la Cité… puis une clameur monta, sans pouvoir non plus s’arrêté, cris de joie, hurlements de victoires. Les vainqueurs se tenait debout au milieu des ruines de ce qui fut l’un des berceaux des créatures de la nuit. Elle s’avança alors, sur sa monture particulière, faisant l’état de ses troupes. Un homme en armure s’approcha, attendant sans doute ses ordres, ce qu’elle fit d’ailleurs.
-Combien de morts ? Sa voix sombre et envoûtante résonna dans le ciel d’azur.
-Par chance ou par malheur, nous n’avons pas de grandes pertes. Nous avons sans doute perdu vingt hommes dans la bataille.
-C’est déjà trop… combien de prisonniers ?
-Une cinquantaine de suceurs de sang, les disciples de Triangula n’ayant pas laisser le loisir d’en capturer plus… ils sont sous protection de cette bâche là bas.
-Combien ont rejoints nos rangs ?
-Dix humains, deux vampires.
-Et combien ont été rendus à la vie ?
-Cinq vampires en tout Dame…
-Bien…
L’étrange dame se dirigea vers la fameuse bâche où les derniers suceurs de sang se terraient pour éviter le soleil. L’un d’eux chercha à la tuer en lançant une dague, elle le lui rendit bien d’une balle dans la tête sans plus d’hésitation. Un autre l’apostropha et l’insulta de tous les noms d’oiseaux qu’il pouvait connaître, il subit le même sort que son compagnon.
-D’autres contestations ?
Atterrés par la promptitude avec laquelle elle avait assassiné leurs comparses, ils se regardèrent entre eux et malgré quelques marmonnements, ils baissèrent la tête. Elle inspecta alors ses troupes et après un pillage dans les normes, ils repartirent comme ils étaient venus…

-Will !
Je n’ai pas eu le temps de voir la fosse, je n’ai pas eu le temps de réagir. Anoel entre les bras, je plonge dans un trou profond, si profond… cette descente, ce vertige ! Je ne peux succomber ainsi ! Je tente de m’agripper à quelque chose, en vain. Heureux soient les inconscients ! Comment ai-je pu faire une erreur aussi bête… et ainsi, nous sombrons…

Chapitre 7 :

L’hybride félin se tenait maintenant devant l’atrocité de son acte. Pour sa propre survie, il avait dû assassiner une femme ! Il resta un moment atterré, les idées floues, comment avait il pu faire cela ? C’était plus que son estomac pouvait supporter, il vomit allégrement, sa chaîne voltigeant autour de lui à la recherche d’une proie. Combien avait il été surpris en voyant cette chaîne s’animer ! Il l’avait toujours eu mais son amnésie ne se rappelait plus de rien à son propos. Sur le moment, il avait entendu une voix dans sa tête lui susurrer des choses et ensuite le néant… pour se retrouver face à un cadavre contorsionné, violet par les nombreuses strangulations et égorgé en prime, le sang s’étalant en une couche écarlate sur le parquet. Shibo semblait étonné mais se reprit vite en notant quelque chose sur la liste sans doute. Clisthène se releva pantelant.
-Courage monsieur, vous n’avez que dix meurtres à effectuer ensuite et vous pourrez partir.
-Ca… ça suffit !
-Suffit de quoi ? Nous avons les moyens pour vous empêcher de partir s’il le faut.
-Pff, je ne suis pas stupide, je suis certain maintenant que vous ne tiendrez pas parole. Je vais donc me servir moi-même.
-Comment ?
Le barrage mental que le félin s’était fait de sa chaîne vivante céda alors, elle saisit vivement Shibo par le pied et le secoua dans tous les sens jusqu’à qu’il implore pitié. Clisthène ordonna alors dans sa tête d’arrêter, la chaîne ramena alors Shibo au dessus de lui, pendu par le pied.
-Je… je vous en prie monsieur… ne, ne me faites pas de mal !
Le félin ne l’écouta pas et décrocha la bourse que le voleur avait. Il la soupesa quelques instants et eut un sourire satisfait en la rangeant.
-Maintenant, c’est toi qui vas m’écouter, si ton chef cherche à me nuire, je tuerai autant de ses assassins comme vous m’avez obligé à tuer cette femme.
Le petit voleur déglutit à peine avant que la chaîne ne l’envoie voltiger par la fenêtre, laissant le hasard s’occuper de sa vie. Clisthène tituba jusqu’à la rambarde, il ne pouvait pas avoir fait ça ! Il lui sembla devenir fou avant de sauter à son tour, laissant cette chaîne immonde se préoccuper de lui faire passer les toits de la ville.

Sept ans…
Voilà sept ans que j’erre ainsi… Même si mon âge réel est celui d’une femme de vingt-cinq ans, mon corps garde les affres de mes dix-huit ans. Je regarde ma bague en or, unique bijou précieux que je garde pour me souvenir du seul dont je souhaite la mort, j’espère tellement après mes enfants. Je rabaisse un peu plus la capuche noire qui cache mon visage. Devant moi se dresse le Calimsha, la nuit est vraiment belle. Je reste un moment ainsi, à observer les étoiles avant qu’un choc brutal ne me bascule en arrière.
-Que ?!
J’entends un bruit étrange, instinctivement, je me relève et je ramène ma robe noire correctement. Qu’est ce que c’est que ça ?! Une espèce de chaîne ? Et cet hybride félin ? Quel regard… on dirait celui d’un fou. Mes jambes m’abandonnent, cette apparition me surplombe maintenant, les chaînes cliquetant douloureusement à mes oreilles. Mon dieu, je vais mourir !
-Gzzz… qui êtes vous ?
Jamais je n’ai autant tremblée, cette voix, si étrange. Je ne peux m’empêcher de répondre… pourquoi ? Même la mienne semble sonner autrement.
-Dar… lee. Je me nomme… Darlee.
Reprends toi, ce n’est qu’un hybride un peu fou, j’ai de quoi me défendre. Il descend à terre, il est plutôt grand pour un félin, même s’il est pourtant petit pour mes 1m63. Cette espèce de chaîne tournoie autour de lui en un ballet captivant. Je le trouve plutôt beau, avec un air certain de pirate par ses mèches rebelles et cette cicatrice à l’½il droit, ses grands yeux violets malgré l’obscurité ambiante. Toutefois, en le regardant bien, je le pense plus épuisé, il a des tâches étranges sur les bandelettes qui entourent son torse.
-Et… vous ?
-Clisthène…
Mais… il vacille ??? J’entends un bruit mât quand il s’écroule sur le sable. J’hésite… dois je l’aider ou non ? Je ne veux pas non plus lui faire de mal. L’aube va bientôt se lever, je n’ai pas le temps de réfléchir, je le porte doucement dans mes bras et je me dirige vers la ville. Faites que je trouve un endroit avant que le soleil ne me brûle !
Interface :

Elle avait finit ce qu’elle avait à faire. Le corps de l’homme gisait maintenant à ses pieds. Pauvre inconscient, mais au moment où il avait pénétré dans cette forêt, il était déjà perdu. Elle leva une main, le corps se souleva du sol et suivit le geste de la créature. Le cadavre se tenait devant elle, elle ôta ses vêtements, révélant un sein droit recouvert de membranes étranges. Elle fut prise d’un spasme et les membranes s’ouvrirent sur une espèce de sphère bleutée qui s’illumina. Ses bras entourèrent alors l’homme comme un enfant et sur un bruit résonnant dans les voûtes, le corps de Rhod se dissolu dans le néant avant que les restes ne soient aspiré par l’étrange sphère. Elle se plia en deux, souffrant comme une damnée, ses plaies s’ouvraient et se refermaient au rythme de son c½ur effréné, le sang coulait à flot. Sur un ultime hurlement et un gargouillement affreux, elle se traîna à grande peine au bord d’un gouffre où un voile de chair attendait l’enfantement peu commun de la créature. En un ultime spasme, de la sphère tomba une chose informe et noire qui s’enroula dans un bord du tissu, ½uf de chair et de matière douteuse. Elle eut un sourire qui la rendit d’une beauté effarante malgré son aspect. Elle prit le temps ensuite de se laver avant de reprendre ses vêtements, attendant que le mystérieux nid livre son infâme progéniture. Elle entendit alors un bruit sinistre avant qu’une colonne de flammes ne surgisse de la fosse, elle se retourna brusquement. Une silhouette féminine se tenait devant elle, entièrement constituée de feu, sa robe flamboyante s’étalant à l’infini, voletant devant sa créatrice, les yeux d’un noir d’encre la fixant. Trois griffes immenses craquelèrent alors le bord du gouffre et un être d’une taille incroyable surgit, finissant son escalade. Son corps semblait être constitué d’écorce, ses longs membres étant beaucoup trop disproportionnés, ses cheveux atteignant les épaules étaient des feuilles de saule pleureur et on aurait pu croire avoir affaire à une esprit des arbres. Elle sourit à ses enfants et de sa voix si peu commune, les appela.

-Bienvenues en ce monde… Karyll… Willow Silverlake.

Les deux interpellées se regardèrent tandis que leur mère écartait les bras, invitant sa sinistre progéniture à l’étreinte maternelle. Incertaines, elles hésitèrent un instant avant d’accepter. La boucle était bouclée, que pouvait il se passer désormais ?
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés