NON LAISSEZ NOUS ! NON ! PAS MA SŒUR !….
J’ouvris brusquement les yeux, haletante.
La nuit était claire et calme, rassurante . J’étais tranquillement dans mon lit, mes draps jetés au sol certainement par mes gesticulations. Avec anxiété je scrutais la pièce des yeux, mes oreilles d’elfes cherchant le moindre bruit. Rien. Ni mouvement, ni son anormal. Juste le clapotis des vagues sur le port .
Heureusement je n’avais pas réveillé mes camarades de chambrée. Sans doute étaient ils habitués à mes agitations nocturnes.
« Bon sang, il fait toujours nuit… Encore ces stupides cauchemars . Je ne pourrais donc plus jamais passer une nuit tranquille ? »pensais-je en ramassant mes draps.
A peine m’en étais-je recouverte que le beffroi de Dalimond sonna 3 coups.
« Déja 3 heures… Il est temps de se rendormir, dans 2 heures nous devrons être à l’étude de Maître Jasper ».
« Ah Maître Jasper » pensais-je en souriant et frottant machinalement la marque laissée par le pinceau à runes sur mes doigts.
Lors de notre fuite de Felladan, mes parents ont rencontré un jour ce viel érudit Saris érudit. Mes parents sont tout de suite tombés sont le charme de cet étrange personnage et d’autant que je me souvienne une grande complicité les liait. Ce fût certainement une des meilleures choses qui nous fut arrivé pendant le Grand Exode.
Me remémorant ainsi cette période tragique, je revis des images fugaces de grands bois, de gués à traverser, de camps de fortunes, puis mes pensées s’arrêtèrent au moment où les spectres attaquèrent notre convoi.
Je ne me rappèle pas vraiment de la scène. Des cris, des larmes des armes, du sang.. Tout cela semble bien confus mais hante toujours mes nuits. Il est vrai que ce n’est pas si lointain.
Puis un grand vide…Il faudra un jour que j’essaie de savoir comment je m’en suis sortie ce jour là.
Je ne sais pas ce qu’est devenue ma famille, ni dans quelles circonstances ce brave Maître Jasper m’a recueilli dans son atelier de Dalimond. D’ailleurs il a promis de m’instruire à ce propos mais chaque fois que je tente de l’orienter sur ce sujet, j’ai invariablement le droit à cette même réponse : « Plus tard ».
Le beffroi sonna 4 coups. Mais la fatigue m’avait définitivement quitté.
« Le maître ne dort plus à 4 heures. Peut être sera–t-il indulgent si je vais l’interroger maintenant. Il s’est toujours comporté comme un père avec moi, il comprendra… »
Toujours en tenue de nuit et en prenant soin de ne réveiller aucun de mes compagnons apprentis, je me glissais hors de la chambre, en direction de la Grande Salle de Copie d’où filtrait d’ailleurs un filet de lumière sous la porte fermée.
Je pénétrais dans la pièce aussi discrètement que possible en prenant bien soin de ne pas faire grincer les gonds de la porte, et je pouvais voir Jasper endormi sur le bureau, une bougie toujours allumée à sa gauche était sur le point de s’éteindre, ne lui restant que quelques millimètres de mèche.
« Il s’est encore endormi cette nuit en recopiant quelque sort secret… Au prix des bougies c’est un vrai gaspillage … »
« Maitre jasper » murmurais-je à son oreille en posant affectueusement la main sur son épaule.
« Maitre jasper , je souhaiterais vous interroger si vous le permettez »
Malgré plusieurs tentatives pour lesquelles je n’eu plus de réactions. Je me permis de soulever sa tête avec tout l’amour qu’une fille aurait porté à son père, afin de le réveiller plus fermement mais toujours tendrement.
Son corps était rigide et mou à la fois, comme sans vie …
« Sans vie… » me répétais-je .Non ce ne pouvait pas être vrai ! Le maître avait beau être vieux il avait paru en bonne santé ces derniers temps ! Il revenait même d’un voyage à Sslanis d’où il avait ramené des formules qui avaient semblé le mettre dans état d’excitation intense !!
Pourtant au fil des minutes, fixant le visage immobile de ce vieux sage, la réalité explosait en moi en même temps que la douleur. Ce Maître chéri était mort…
Ma dignité m’empêchait de pleurer mais des larmes perlèrent tout de même sur mes joues…
Mort en recopiant des sorts, qui aurait pu s’en douter?
Ce sort… On ne se sert pas de parchemin pour recopier un sort …Etrange…
Déplaçant légèrement la main de feu mon maître qui portait encore son pinceau, je vis que sa belle écriture fine avait commencé à rédiger une lettre dont je pouvais lire le début :
Ma très chère Mylwen,
Comme tu as sans doute du le remarquer, bien que ton respect à mon égart ne l’ai pas laissé paraître, j’étais déjà vieux quand je t’ai recueilli il y a quelques années, et l’âge a continué son ouvrage sur mon corps.
Le vieux fou que je suis sait très bien qu’un nuage obscurcit tes pensées et croit moi, il y a de nombreuses zones d’ombres dans ta vie. Je connais le secret de certaines, mais d’autres sont encore un mystère pour moi.
Il est désormais temps pour moi de te révéler certains secrets.
Dieux cette lettre… Tremblante d’émotions diverses , je décidais de la saisir.
La bougie s’éteint toute seule pendant que je tentais de ramasser le précieux papier et dans mon mouvement aveugle je sentis que je venais de renverser quelque chose de rond avec le dos de ma main.
Immédiatement je m’immobilisais, cherchant à savoir quelle bêtise j’avais encore commise. De toutes façons, le maître mort plus personne ne me gronderait désormais. Un bruit de goutte tombant sur le sol résonnait. « Impossible de lire la lettre dans ce noir »pensais-je en me dirigeant vers la fenêtre pour en ouvrir les rideaux.
A la lueur de l’aube, le tableau que je découvris était désastreux :
Maître Jasper était assis sur son fauteuil tête pendante en arrière.
Sur le bureau, sa main droite, habituellement rousse paraissait anormalement noire, et tenait encore un pinceau doré.
Sur le sol une tache brunâtre s’agrandissait au fur et à mesure que des gouttes de la même couleur tombaient lentement du bureau.
‘J’ai renversé l’encrier idiote que je suis !!! » hurlais-je cette fois sans soucis de discrétion pendant que je me ruais vers le bureau.
Mes yeux se posèrent sur La Lettre, désormais de couleur uniformément noire, et complètement illisible.
C’est à ce moment que pénétrèrent dans la pièce les autres apprentis du vieux Maître. Ils me virent assise par terre, en habits de nuit tenant une lettre noire et dégoulinante d’encre, les yeux pleins de larmes. Leur regard était à la fois interrogateur et stupide, mais rapidement je compris à l’expression de leur visage qu’ils avaient compris qu’un drame venait de se produire.
« Qu’allons nous devenir … » pensais-je.
En une nuit je venais de perdre mon Présent avec la mort du maître, et mon Passé par ma propre maladresse.
Je n’allais pas gacher mon Avenir …
J’avais désormais une tâche à accomplir. Toutes ces années, Jasper le Sage m’avait formée à son art et je prendrais sa relève en son honneur. Je deviendrais la plus grande artisan en sortilèges de tout Istaria .
Je devrais également me mettre en quête de mon passé par moi même.
Une seule vie, toute elfe que je sois, ne me paraissait alors pas de trop devant ces quêtes mais je me fis alors le serment de les mener à bien !
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