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Ils se regardaient dans les yeux, un sourire au coin des lèvres, tournant l’un autour de l’autre pour guetter le moment propice où passer à l’attaque. Séparés par un espace d’un mètre, leur torse nu et huilé brillait dans la lumière projetée par les torches qui éclairaient la scène du combat. Les jeux d’ombre et de lumière se projetant sur leur musculature puissante les rendaient plus impressionnants encore. Les spectateurs les observaient en silence, admirant les deux combattants. Le combat promettait d’être passionnant, opposant un attaquant vif et fougueux à un défenseur déterminé. Le dernier combat des joutes avait commencé depuis déjà deux minutes, et son vainqueur serait la vedette de la soirée. Les deux highlanders avaient chacun affronté quatre adversaires avant d’arriver à cette finale.
Soudain Arslann se pencha vers la droite, Macguyre recula la jambe gauche pour se mettre sur la défensive. Vif comme l’éclair, le jeune garçon projeta alors son bras gauche sous le bras droit de son aîné. Il se redressa et engagea sa prise. Un instant surpris, Macguyre fut déséquilibré, et ne réussi pas à agripper son adversaire. Arslann profita de son avantage pour l’attirer vers lui, l’étreindre et le déséquilibrer un peu plus. Le visage crispé dans l’effort pour résister à ce déséquilibre, Macguyre écarta les bras pour obliger son adversaire à abandonner sa prise. La force supérieure de celui ci lui permit de se tirer de la situation désavantageuse dans laquelle il avait été mis. Un frémissement parcouru l’assemblé et les premiers encouragements jaillirent de la foule assemblée autours des deux lutteurs.
Pour fêter l’installation de leur maison de guilde, les Lions Ailés avaient organisé une grande fête à laquelle de nombreux invités s’étaient rendus. Construite près du lac de Geldwine, elle était admirablement située. Dans le jardin, des tables avaient été installées et de nombreux convives y prendraient place. Durant l’après midi, des joutes avaient eues lieu. Macil, en bon Highlander, avait organisé les jeux de force traditionnels des hommes du nord. Nombreux étaient ceux qui avaient pris part à ces exhibitions de force pure : Jet de tronc d’arbres, concours de tir à la corde, lancer de marteau, course en portant un boulet de pierre de 100 livres, tournoi de lutte… Le combat en était la finale. Arslann avait acquis au cours de ces joutes une renommée certaine. Quoique n’ayant remporté aucun des tournois, il avait souvent figuré parmi les meilleurs : Battu par Razok au bras de fer, troisième au lancer de tronc d’arbres après Bowen et Kortac, battu seulement par son père au lancer de marteau, il avait fini second derrière Beld à la course de boulet.
Débarrassé de l’étreinte d’Arslann, Macguyre observait le jeune fils de son ami. Il était vif comme l’éclair et il employait des techniques que le highlander n’avait encore jamais vu. Arrivé depuis peu en Albion, le garçon avait été élevé au pays du désert par une tribu sarrasine. Il y avait appris les techniques de lutte que les grecs de l’empire du Basileus employaient. Bien qu’inférieur en force pure à la plus part des highlanders, ses techniques inconnues de ses adversaires lui avaient permis de surpasser des lutteurs pourtant fameux. Macguyre décida donc de s’imposer par la force pure. Il se rua sur Arslann pour l’enfermer dans l’anneau de ses bras puissants. Son premier assaut fut pourtant un échec, à une vitesse inimaginable, le garçon esquivât la charge sans pouvoir pourtant profiter de l’avantage acquis. La fatigue commençait à se faire sentir. Macguyre fit volte face. Tout était à refaire, mais il savait que son choix était le bon, Arslann n’avait pas encore du haut de ses 15 ans, la résistance d’un guerrier highlander dans la force de l’âge.
Le second assaut permit à Macguyre de saisir le jeune homme et de lui placer une clé de bras, le forçant ainsi à mettre un genou en terre. Pourtant, Arslann parvint une nouvelle fois à se glisser hors de l’étreinte. Le troisième assaut fut le bon. Macguyre contournât le garçon et parvint à le bloquer par un double Nelson, placé derrière son adversaire, ses bras passant sous ses aisselles, les mains se rejoignant derrière la nuque. Lançant ses jambes en l’air pour prendre de l’élan, Arslann se pencha en avant et fit basculer Macguyre par dessus lui, mais il avait donné une impulsion trop puisante. Les deux lutteurs furent projetés ensemble au sol, Macguyre tenant toujours sa prise. Il lui fut alors facile de maintenir les épaules de son adversaire au sol, le temps qu’il soit compté jusqu’à 3. Il se releva et tendit la main au jeune homme. Celui ci debout, il l’étreignit pour le féliciter. Les spectateurs acclamèrent les deux lutteurs dans un même hourra.
Eowinael, sa sœur s’était également illustrée lors des exercices d’adresse que Katupia l’éclaireuse et Shadoz le sicaire avaient préparés. Le concours de tir à l’arc avait été passionnant. Il fallut de nombreuses volées de flèches pour que Furybond parvienne à surpasser la jeune fille.
Vint alors le moment de la danse qui allait ouvrir le banquet. Eowinael portait le kilt traditionnel pour la première fois, mais sa grâce naturelle attirait inévitablement le regard sur sa peau mate et ses yeux de biche. Durandale et Broq prirent alors les cornemuses pour jouer la danse des sabres. Eowinael se dirigea vers Chanir sa mère, lui fit une révérence et lui demandât si elle pouvait danser avec le Croc du Vieux Lion que Gwodry lui avait forgé. Arslann vint saluer Macguyre et lui demandât s’il acceptait de lui prêter le sien.
-« C’est un magnifique cadeau que me fit un jour ton père. Jamais je ne m’en sépare. Il est le prolongement de mon bras au combat. De telles armes sont rares et précieuses. Pourtant, c’est avec plaisir que je le confie au fils du Vieux Lion. J’ai vu dans ses yeux que tu l’avais impressionné dans ces joutes. J’ai également remarqué que tu avais déjà rencontré la caresse du regard de quelques-unes de nos jeunes guerrières. Va et danse, fils de la pluie et du désert. ».
Gwodry se tenait un peu à l’écart de la fête, près de la forge. Kortac et Bowen devisaient avec lui sur les avantages de cette nouvelle forge qu’il avait installé dans la maison des Lions. Il vit la chevelure blonde d’Anissa la vagabonde se rapprocher d’eux. Il s’approcha d’elle pour la saluer.
-« Bonjour gentil paladin » dit la belle armurière. « Ce sont de très beaux enfants que Chanir à ramené lors de son retour du pays du désert. Certains faits d’armes de votre fils sont déjà parvenus à mes oreilles.
- Bonjour Belle Anissa. En effet, Arslann s’est déjà illustré lors de la défense du fort du Val de Quartz. Mais je crois qu’il marche sur les traces de son père, il a déjà du recourir de nombreuses fois aux soins et aux rappels à la vie de tous les clercs et moines qui défendent le Val.
- Peux être, dit elle, mais il se montre en cela un digne héritier de ses ancêtres du pays des Monts Ténébreux. La voie qu’il a choisi est une voie difficile, le mercenaire fonce au cœur du dispositif ennemi tout en n’ayant pas la protection de votre bouclier, mon ami. Mais je crois que les Lions Ailés ont trouvé une recrue de choix. S’il possède votre sang froid et votre abnégation au combat, le nom des Farqhard n’aura pas à rougir de lui.
- Venez, Anissa, il va être temps de s’attabler, et je dois ouvrir le banquet. »
Maître de maison, C’est à Gwodry que revenait le discours qui allait ouvrir le banquet. Les tables nombreuses se remplissait, la bière coulait à flot. Pour s’éclaircir la voix avant de parler, Gwodry but une gorgée de bière et fit la grimace, elle n’était pas assez fraîche.
-« Thorgana, veux tu bien rafraîchir nos bières ? » cria t’il. La thaumaturge se leva et de l’extrémité ses fins doigts parti un éclair circulaire qui balaya les chopes de bières.
« C’est un grand honneur pour les Lions Ailés de voir que de si gentes Dames et de si nobles Seigneurs ont consenti à répondre à notre invitation. Dans la grande tradition des Highlands, nous vous avons accueilli pour inaugurer notre maison de guilde et pour y organiser les jeux de force que nos ancêtres nous ont transmis. Avant de faire enfin honneur aux plats préparés par nos cuisinier, il me reste une dernière tradition à respecter. » Il fit une pause. « Highlander’s March » dit il l’air grave.
Le silence se fit d’un coup. Tous les highlanders de l’assemblée se levèrent ensemble. Le bourdon d’une cornemuse se fit entendre. En un même geste, chaque highlander se frappa le torse avec la main droite, au niveau du cœur. La plainte aigrelette de la cornemuse commençât et Gwodry entonnât un chant dans une langue qu’Arslann ne comprit pas. Celui ci fut surpris cependant car il sentit en lui un nœud se former dans son ventre. Une émotion dont il ignorait l’origine l’envahissait. Ecoutant la voix profonde de son père, il voyait la lande pelée des monts ténébreux, les ruisseaux s’écoulant entre les rochers de granit, les nuages lourds se reflétant sur l’eau des lochs. A chaque couplet, le bruit des points martelant les hauberts se faisait entendre. Il imaginait aussi des combats féroces entre tribus pictes et highlanders. Soudain, ce fut comme une explosion de sons. Douze cornemuses se mirent à jouer et les voix de tous les highlanders se joignirent à l’unisson pour le couplet final. Puis vint le silence.
-« Au grand Roy Arthur, qui sut rassembler Bretons et Highlanders dans une même armée pour la Gloire d’Albion ! » dit Gwodry en levant sa chope pour le toast.
« Au grand Roy » répondit l’assemblée.
Chanir avait observé son fils pendant le chant. Elle avait perçu son trouble.
-« Impressionnant la première fois ? » lui demandât elle.
-« Oh oui ! Je ne sais pourquoi, mais j’ai eu un étrange sentiment en écoutant ce chant. De quoi s’agit il ?
- C’est une tradition highlander à laquelle ton père tient tout particulièrement. Les highlanders sont un peuple belliqueux dont l’histoire est remplie de fait épiques au cours des nombreux affrontement que les Monts Ténébreux ont connus. Ce chant raconte en langue Scott l’attachement des Highlanders à leur terre. Il relate aussi la dernière bataille qui opposât Bretons et Highlanders avant que le Grand Roy Arthur ne les convainque qu’ils avaient plus à gagner à vivre ensemble qu’à se faire la guerre. La tradition veut que cette marche soit chantée par le maître de maison pour honorer ses invités. Seuls les Highlanders la chantent car dans le refrain final, le texte du serment d’allégeance qu’ils firent à Arthur y est repris.
- Sans comprendre un mot de ce que Père disait, j’ai pourtant vu et ressenti ce que ce chant évoquait.
- Si ton estomac laisse passer sans broncher le haggis, mais qu’il se noue en entendant cette marche, c’est le signe indéniable que dans tes veines coule le sang impétueux des Highlanders. Ta sœur jumelle est plus une sarrasine. Toi, tu es un vrai et magnifique Highlander, mon fils. Aujourd’hui, ils t’ont accueilli parmi eux. Le nom des Farqhard t’y a aidé, mais tes qualités propres se sont révélées à tous lors des jeux de force. Maintenant, tu es l’un des leurs. Demande à ton père de t’enseigner cette marche, de te raconter son histoire, il en sera très fier. Elle sera ton serment d’allégeance à Albion. »
Le banquet se poursuivait. Les chants, les récits de bataille se succédaient. Les plats nombreux défilaient sur les tables des convives. Soudain, Mejai et Nei se mirent à jouer de leur tambour. Le silence se fit. Quelque chose se préparait, tous attendaient. La cadence des tambour se ralenti et les sarrasins reconnurent la musique d’une danse du pays du désert. Sur la table du maître de maison apparut soudain une danseuse. Eowinael utilisant ses talents d’éclaireuse, avait réussi à monter sur la table et à se préparer sans que personne ne la voit. Seules Mejai et Nei savaient ce qui se préparait. Les invités furent éblouis par la grâce et la sensualité de la jeune fille. Abandonnant le kilt highlander, elle avait revêtu une tenue beaucoup plus féminine, un boléro et un pantalon d’une gaze vaporeuse qui laissait entrevoir le galbe de ses cuisses et la rondeur de sa poitrine. Son visage était masqué par un léger voile derrière lequel on devinait la tache rubis de ses lèvres. Ses magnifiques yeux de biche étaient fardés et attiraient le regard sur les diamants noirs de ses prunelles. Sautant de table en table, elle parcourut ainsi toute l’assemblée. Les spectateurs ravis et éblouis se mirent à battre des mains en rythme pour empêcher la jeune danseuse de s’arrêter trop vite.
On entendait au loin le son d’une gigue endiablée. Chanir et Gwodry s’étaient éloignés et marchaient le long des berges du lac. La nuit n‘avait plus que quelques heures à vivre. Déjà à l’est, l’aube se préparait à annoncer l’arrivée du soleil. Arrivés au ponton qui s’avançait dans les eaux profondes du lac, ils s’assirent. Gwodry enlaçât son épouse pour l’attirer contre lui. Ils restèrent ainsi de longues minutes, blottis l’un contre l’autre à regarder les reflets de la lune sur la surface de l’eau. Gwodry rompit le silence le premier.
-« Au nord de Humberton, il y a un ponton comme celui ci. J’allais y pécher quand j’étais enfant. Tout près, il y avait aussi un petit torrent dans lequel il y avait des écrevisses et de belles truites. Parfois même, des saumons que j’attrapais à main nue, de l’eau jusqu’aux cuisse. C’était assez facile, ils étaient si épuisés par la remontée, que les ours venaient aussi se goinfrer. Il faudra que j’y emmène les enfants pour leur apprendre. »
Chanir fut surprise d’entendre parler Gwodry de son enfance. Orphelin à six ans, il n’en parlait jamais. La survie n’avait pas été facile, et il avait fallu beaucoup de temps pour qu’elle apprenne quelle avait été l’enfance de son mari. L’entendre revenir sur son passé en des termes plutôt nostalgiques était le signe que quelque chose d’important se passait.
-« Ce ne sont plus des enfants » dit elle. « Tu voulais te le prouver aujourd’hui, je l’ai bien compris. En es tu convaincu à présent ?
- Oui, totalement. Mais c’est un sentiment étrange qui m’habite. » Il serra Chanir plus fort contre lui. « Je t’ai attendu si longtemps, ne pensant qu’à toi, que j’avais perdu complètement de vue que nous pourrions un jour être une famille. Tes parents sont morts, les miens aussi. Ta tribu vit loin de toi, je n’ai simplement pas de clan. L’Ordre des paladins a été ma première famille, mais je me rends bien compte que cela n’est pas ce que l’on appelle une famille. Puis je cru en retrouver une parmi les Lions Ailés. Là encore, je me trompais. Je ne renie absolument pas ce que tout cela m’a apporté, mais ce n’est pas ma famille. Ma famille a surgit un jour à Diogel quand je vis les jumeaux pour la première fois. Je ne les ai pas vu grandir. Ils sont venus déjà presque adultes. Ce soir je me suis enfin persuadé qu’ils le sont. Eowinael est une jeune femme à la beauté envoûtante et aux talents de furtivité très impressionnants. Arslann s’est fait un prénom et je ne doute pas qu’un jour un clan considérera que lui donner une de ses filles soit un grand honneur, lui fils d’un homme sans clan. Je n’ai pas eu d’enfance, et je ne verrais pas la leur. Mon fils et ma fille seront bientôt mes compagnons de combat. Mais je n’ai jamais été leur compagnon de jeu.
-Cette guerre nous laissera t elle le temps de faire autre chose que de combattre ensemble ? »
Puisque certains m'ont fait le plaisir de contribuer en enrichissant mes récents textes, j'aimerais vous donner la possibilité de poursuivre.
J'ai oublié de citer bien des personnes dans ce récit. Qu'ils me pardonnent cet oubli en complétant ce que je n'ai su dire, en racontant leur version ou les souvenirs qu'ils gardent de cette fête.
D'avance merci.
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