Assez intrigué par les quelques sketchs épars que l'on peut trouver le net de Gaspard Proust, et après l'avoir raté au théâtre du Rond-Point, je me suis rabattu sur la Salle Gaveau.
Public trentenaire assez bobo, salle comble au point que des tickets ont été vendus en double, je suis assez mal installé, perpendiculaire à la scène pour tout dire. Après une vague annonce demandant d'éteindre les portables, un mec s'avance dans la salle par une des rangées, monte sur scène. Bon, ayant vu quelques vidéos, je le reconnais. Arrivée intéressante, peu formatée. Le spectacle est un monologue tout entier, très peu structuré, si ce n'est une vague présentation du bonhomme et de ses attentes en montant sur scène.
La provocation commence assez vite, tout d'abord en "classant" le public. C'est assez marrant, ça mets dans l'ambiance. On retrouve quelques emprunts (volontaires?) à Bedos ou Desproges dans le rapport au spectateur, à savoir analyser ce que celui-ci recherche dans le spectacle, le prix des places... Assez vite, ça embraye sur le sujet majeur de l'humoriste, la guerre et le nazisme, qui reviennent en fil rouge tout le long des 1h30 de spectacle. On aura aussi droit à la colonisation, quelques piques sur les classes sociales, la religion, puis un gros segment sur le sexe et les femmes. Le tout parsemé d'attaques directes sur des figures en général aimées du public, Brassens, Pagnol... Avec, en prime, quelques imitations franchement drôles mais très brèves.
Bon, autant le dire, j'ai vraiment aimé. Même si les propos sont assez durs, le spectacle est bien plus drôle et intéressant que ceux de la plupart des humoristes français actuels. Fait assez surprenant, les références à des figures connues sont souvent assez subtiles, presque datées. Il reste deux trois ancrages sur des sujets récents ou des figures plus populaires, mais c'est plaisant de voir un humoriste chercher un peu en dehors des sentiers battus et rebattus. Même si il se permet quelques blagues faciles, il ne tombe pas dans les gros travers des humoristes, comme le français déformé, gimmick vu et revu dans les 10 dernières années de scène comique francophone. Après, les thèmes peuvent sembler rudes, et il faut arriver à passer le côté cynique un peu rude pour vraiment se marrer.
C'est peut-être le seul défaut que je vois au spectacle, on est presque dans la provocation constante. Là où Desproges pouvait oublier les piques le temps d'un parallèle brillant sur un mec qui se bat avec des cintres ou qui va acheter des piles, avec une écriture remarquable, Proust ne dirige jamais son humour vers des thèmes plus universels ou simples. L'ensemble n'en reste pas moins très drôle et cynique à souhait, mais il manque peut-être un peu de respiration plus douce et subtile. C'est presque regrettable, car le texte est très travaillé, ça se sent, et le bonhomme est assez bon pour aborder autre chose que des thèmes "sensibles". Peut-être pour la suite de sa carrière, son spectacle étant plus une évolution permanente depuis ses débuts sur scène.
Donc, Desproges reste vraiment le meilleur humoriste de tous les temps, mais Proust s'en rapproche dans la forme (aucune mise en scène, tempo, présentation et sortie), et arrive à s'en approcher niveau écriture (de très loin, tout de même) et provocation. Il lui manque peut-être à ajouter le côté humain, tendre mais qui reste toujours drôle que Desproges arrivait à insuffler au milieu des sketchs, bien que cela casserait peut-être son personnage. Et plus, c'est plus ma volonté de retrouver Desproges qui parle... Mais c'est un spectacle à voir, pour quelques sorties vraiment bien senties (Sarkozy à Verdun, Ugolin ou Papet en marque de pneus, les conquistadors portugais...) et le ton général qui fait plaisir au milieu de l'océan de consensualité contemporaine.
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