De plus en plus de milliardaires
Le magazine Capital vient de sortir le palmarès des premières fortunes professionnelles de France. Les salaires sont en panne mais les fortunes explosent.
L'économie va bien. Les entreprises aussi, nouvelles ou anciennes. En l'an 2000, les riches sont encore plus nombreux à être affublés du titre de milliardaire. Telle est la conclusion de l'enquête menée pendant trois mois par les journalistes de Capital. Les données recueillies portent uniquement sur les richesses professionnelles, c'est-à-dire dégagées par les entreprises et leurs propriétaires. Ce n'est pas un scoop : patron, ça rapporte ! Mais à l'heure où la tension monte sur les salaires, où les chiffres officiels du chômage laissent encore 2,2 millions de personnes sur le carreau, où le débat s'aiguise sur le partage des richesses dans le monde, l'activité économique en France produit des milliards de francs à la pelle. Des milliards qui restent concentrés dans quelques mains. D'autant que le gouvernement vient de baisser la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu.
La Bourse explose. La croissance est revenue. La Net économie ne cesse de faire des petits. Et la galaxie des riches gonfle au point que, pour la première fois en France, une fortune dépasse le cap des 100 milliards de francs. Pas de surprise sur qui tire le gros lot : Liliane Bettencourt. L'héritière de L'Oréal, tête d'affiche depuis des lustres des grandes fortunes, s'enrichit de quelque 4 millions de francs par heure. L'industrie du luxe est comme toujours luxuriante. Bernard Arnault, patron de LVMH, numéro un mondial dans le domaine, mais numéro deux au palmarès s'adosse sur quelque 89 milliards de francs, soit une augmentation de 493 % en deux ans. Sa palette industrielle collectionne des marques de champagne comme Moêt & Chandon ou la Veuve Cliquot, les produits de maroquinerie Louis Vuitton, de la joaillerie, des groupes de la distribution et surtout des parfums, tels Givenchy, Kenzo, Guerlain ou Chistian Dior. Que va répondre Bernard Arnaud aux salariés de l'usine des parfums Dior, sise dans le Loiret, qui ont manifesté hier dans les rues de Saint-Jean-de-Braye pour une augmentation de salaire de 3 % ? François Pinault, le PDG de Pinault-Printemps-Redoute, habitué du palmarès, lui a laissé sa deuxième place. Pauvre François ! Tout de même troisième homme le plus riche de France, qui augmente sa fortune de 162 %.
Pas besoin de les citer tous. Un chiffre les résume : la France compte en l'an 2000, 150 milliardaires contre 120 en 1998. Les salaires stagnent, mais les dividendes s'envolent, pas toujours du fait des profits que réalisent leurs entreprises. La plus-value des stock-options, le bonus des patrons continuent de représenter des sommes faramineuses. Les 200 millions de francs que Philippe Jaffré s'est mis dans la poche lors de son départ d'Elf Aquitaine, sont largement dépassés. Capital révèle que ces actions réservées aux hauts cadres, qui se valorisent, sans risque, avec le temps, devraient flirter pour le PDG d'Alcatel avec les 500 millions. Et le magazine de constater : " Cette technique de rémunération différée, qui concerne déjà 450 000 Français, est en train de bouleverser la répartition des patrimoines. "
Fait nouveau, les propriétaires quinquagénaires se disputent les monopoles avec la jeunesse. Les " nouveaux riches " se bousculent au portillon des grandes fortunes. La Net économie procure une trentaine d'arrivants super riches dans le palmarès des grandes fortunes. Ils ont vingt ans, trente à peine et ont déjà touché le jackpot. Le créateur de ibazar, site d'achat sur Internet, est devenu milliardaire en deux ans. Le cyber-business rapporte des millions dès qu'une start-up est cotée en Bourse. Ces nouveaux chercheurs d'or, jouent avec les fluctuations boursières et peuvent perdre beaucoup, mais aussi gagner énormément, et leur pactole ne s'avère pas si virtuel que cela !
Faire ses courses au supermarché reste, par contre, encore une activité bien réelle. Et si l'on inclut les dépenses alimentaires, celle de l'habillement, de l'achat d'un appareil d'électroménager ou le plein d'essence au sortir des courses, chacun y laisse une bonne somme chaque mois. Aujourd'hui, plus de 60 % des dépenses alimentaires sont effectuées en grande surface, pour la plus grande joie des patrons d'Auchan, quatrième fortune de France ou de Carrefour, à la cinquième place.
Enfin, dans ce portrait de famille, il en est une qui depuis des siècles, procure dans sa descendance son lot d'hommes richissimes : la famille Wendel, a la tête de la holding Marine-wendel, dont les 300 actionnaires sont tous, sous une forme ou une autre, membre de la dynastie familiale des maîtres de forge. Parmi eux, un entrant dans les 30 premiers riches, à la 30e place : Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF. · la tête d'une des filiales de Marine-Wendel, la CGIP, le baron veille sur les intérêts de son aristocratique famille, d'un côté, en faisant progresser son patrimoine de 70 %, de l'autre en déclarant une guerre acharnée contre les 35 heures et en menant son entreprise de démolition sociale, via le projet de " refondation sociale " du syndicat des patrons.
Paule Masson