La légende de la colline du bosquet de Madadh-alluidh

 
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La bataille faisait rage sur une colline non loin de Dun n’Ged. Les forces hiberniennes reculaient et se réduisaient face à la sauvagerie midgardienne. Une forme agenouillée, trônait au milieu de ce carnage.



Les combattants mouraient tout autour, mais cela lui était bien égal maintenant. Comme si ils étaient des fantômes parmi les vivants. Plus aucuns bruits de fureur, de gémissements, d’armes qui s’entrechoquent. Il ne restait qu’eux deux. Plus rien n’avait d’importance pour elle.

La jeune lurikeen avait posé la tête de son ami sur ses genoux. Ses yeux continuaient de la fixer. Ces yeux, qui avaient toujours reflété de la compassion à son égard, la toisaient maintenant avec la froideur de la mort. Elle continuait de lui caresser les cheveux, machinalement. Des larmes ruisselaient sur ses joues. Plus rien n’avait d’importance pour elle…



Pourquoi l’avait il protégé, elle ne le saurait jamais.

C’était de sa faute, elle n’avait pas été suffisamment attentive. Trop occupée à chercher une cible parmi les mages midgariens, elle n’avait pas vu le troll la charger. Au dernier moment, son compagnon la poussa violemment au sol et se protégea derrière sa rondache.

Le coup fut d’une force colossale. Le bouclier du guerrier shar éclata en morceaux sous l’impact, lui broyant le bras gauche au passage. Sans un cri de douleur, il pivota et para le second coup de hache. L’arme du monstre se releva. Son camarade en profita pour enfoncer son falcata sous l’aisselle, là où la cotte de maille du troll ne le protégeait pas. Le temps se ralenti. Elle cru à la victoire. Elle s’apprêta à courir pour le remercier, quand elle croisa son regard. Et elle se mit à hurler. La hache repris sa trajectoire gravitaire et vint finir sa course dans l’épaule droite du shar.

Le troll bascula en arrière, terrassé par la douleur. Son ami tomba à genoux, cracha une gerbe de sang et s’effondra face contre terre.

Elle se précipita auprès de lui et lui posa la tête sur ses genoux. Tout en lui caressant les cheveux, elle répétait frénétiquement qu’un druide allait arriver, qu’il allait s’en tirer. La lurikeen cherchait désespérément de l’aide du regard.

Le guerrier passa délicatement sa main valide sur la joue de la petite archère. Elle le regarda. Il lui souri et laissa partir son dernier souffle de vie. Elle se mit à pleurer en silence…



L’environnement reprenait lentement forme. De nouveau, le chant de la guerre résonna. La pluie, doucement, commença à tomber. De ci, de là, la boue enterrait les mourant. Un kobold, la lame encore recouverte de sang, s’approchait d’un pas rendu hésitant par le terrain glissant, vers la jeune fille agenouillée auprès de son cadavre.

Sa tête me fera un joli trophée, pensa t’il. Et son visage se fendit un sourire sadique. Il arriva à son niveau.

Elle regarda l’épée se lever. Elle n’avait ni l’envie, ni la force de se battre.



Un vent glacial balaya le champ de bataille. C’était une petite brise qui s’était muée en une rafale. Un observateur extérieur aurait remarqué qu’étrangement, cette bourrasque se faufilait avec une habilité diabolique, entre les combattants, pour finir sa course en traversant la lurikeen. Ce fut à cet instant qu’un ricanement d’outre-tombe explosa, comme une victoire, tonnant au dessus du fracas ambiant. Puis, il disparut aussi vite qu’il fut venu.

Le temps, de nouveau, ralentit sa course effrénée. Une aura rougeâtre se mit à luire autour des nuages. Les gouttes d’eau tombaient, lourdes comme du plomb, et heurtaient le sol boueux dans un fracas de cymbale. Le silence de plus en plus pesant fut perturbé par un grésillement de plus en plus lancinant. De la glaise, s’élevait une brume pourpre, morbide, qui enlaçait les cadavres comme pour les traîner vers on ne sait quel lieux sans nom. Le grésillement montait en puissance, dans un crescendo démoniaque, cherchant à saper inlassablement toute vie alentour. Puis, brutalement, tout s’arrêta et la bataille repris son orchestre funèbre.

Le kobold, qui un temps avait cherchait une origine au phénomène, voulu reprendre son œuvre. Mais il s’arrêta. Le sang, dans ses veines, se glaça. Il voulu fuir, mais son corps ne répondit pas.

Devant lui, la lurikeen était encore à genoux dans une mare de sang, immobile, la tête baisée vers le visage de son compagnon mort. Mais quelque chose n’allait pas. Autour de ses jambes, le sang ondulait dans une sorte de sarabande chaotique. Il prenait des formes géométriques complexes sur les mains blafardes, de la jeune fille. Il ondulait, serpentait, tel des milliers de reptiles carmins. Une odeur de caveau fraîchement ouvert s’élevait insidieusement de ce spectacle.

L’archère releva lentement la tête pour faire face à son bourreau. Ce fut à ce moment là que le corps du kobold lui autorisa à faire un pas en arrière et à piailler de terreur.

Le faciès de la lurikeen n’avait plus grand-chose à voir avec celui de ses congénères. Certes, la forme y était, mais c’était la seule similitude qui restait. Son teint bronzé était maintenant d’une pâleur mortuaire. Ses yeux clos montraient à quel point les deux scarifications écarlates, qui partaient du front pour mourir sur ses joues, avaient entaillées ses paupières. Le sourire malsain, qui lui déformait les lèvres, laissait apparaître une dentition animale. Et ce sang, ce sang qui, on ne sait comment, était arrivé sur ce visage, ce sang continuait sa danse folle et impie.

La température chutait anormalement de telle sorte que le kobold vit de la condensation se former dans son souffle. Chose que la jeune fille ne produisait pas, vu son absence de respiration.

Elle ouvrit lentement les yeux. C’étaient deux orbes d’ébène où les pupilles n’étaient que des fentes luisantes comme des rubis.

Le cœur du kobold s’arrêta de battre lorsqu’une main crochue vint l’extraire de sa cage thoracique.



La lurikeen entama un hurlement sépulcral. Au fur et à mesure, le son devint guttural, puis balaya toutes les tonalités. C’était une litanie que seul les déments savaient produire, donnant envie, à qui l’entendait, de mettre fin à ses jours le plus rapidement possible.



Une porte cyclopéenne à double battant sortit, brutalement et sans un bruit, du sol boueux. Elle était recouverte de gravures et de symboles que n’importe quel être vivant se refuserait à discerner sous peine de sombrer définitivement dans la folie. Les montants étaient maintenus par deux colossaux squelettes humanoïdes aux orbites cachés par un bandeau de ténèbres.

La géométrie de ce portail était un affront aux lois de la physique. Même le temps semblait corrompu en sa présence. Mais ce qui supplantait le tout, était l’impression intemporelle de cette porte antédiluvienne.

Et les battants s’ouvrirent.



Au petit matin, les secours ne trouvèrent pas âmes qui vivent dans le charnier qu’était devenu la colline. Beaucoup trop de corps montraient des signes de mutilations volontaires. Certains s’étaient arrachés les yeux, d’autres s’étaient coupé la langue et l’avais avalée. Mais se qu’avaient en commun tout ces cadavres, c’était cette expression de terreur folle qui avait déformait tout les visages, laissant penser que les ennemis du royaume avaient cédé à une hystérie collective et auto-destructive sous son effet.

Il n’y eu que très peu de rescapés hiberniens. Et très peu de ceux-ci voulurent raconter se qui c’était passé. Parmi eux, se trouvait un jeune guerrier shar qui avait été trouvé dans le lit de la rivière, inconscient. Il n’était recensé dans aucune archive militaire. Il disparut, d’ailleurs, peu de temps après.



Sur un des monolithes de la colline, on découvrit cette phrase gravée avec une précision chirurgicale : « Je n’ai plus peur, car je me rend en enfer et la mort marche à mes cotés ». Dans un souci de santé publique, le roi demanda que cette histoire ne soit jamais ébruitée et que les monolithes de la colline soient déplacés dans un lieu tenu secret.



Les années passèrent et à chaque bataille sur le territoire hibernien, des vigies rapportaient avoir vu une petite forme danser au milieu de la mêlée. Le roi lança une enquête pour déterminer si cela avait un lien avec les faits s’étant déroulés quelques années au paravent.

Les éclaireurs rapportèrent que la forme était une sorte de lurikeen.



La guerre contre Midgard s’intensifia. Un soir où l’armée hibernienne allait donner l’assaut aux forces ennemies, sur le lieu même où « le Portail » était apparu, les deux belligérants assistèrent à une scène des plus étrange.



Sur le haut de la colline, la lurikeen apparut à la vision de tous. Un bandeau de soie noire lui couvrait les yeux. Ses canines étaient plus longues et plus pointues, de telle sorte qu’elles dépassaient sur ses lèvres d’une blancheur cadavériques. Sa tenue était composée d’enchevêtrement de ceintures, harnais et lambeaux de cuir et de métal. Sa chevelure longue et lisse, avait une teinte bleu pâle. Malgré son entrave visuelle, elle semblait observer, avec une sorte de mélancolie, les derniers rayons de soleil qui venaient mourir sur la surface de la rivière. Et lorsque la colline ne fut plus éclairée que par la lumière des étoiles et de la pleine lune, elle se mit à crier.

Le son était sur aigue et tous les combattants proches se mirent à saigner des oreilles et tombèrent à terre. Le chaos se répandit au sein des deux armées. Le roi ordonna aux archers de tirer sur la jeune fille. Et ceux-ci s’exécutèrent. Les flèches virent se planter dans le corps de la lurikeen qui arrêta son chant, posa un genou à terre et baissa la tête. Du sang lui coulait d’en dessous de son bandeau. Elle passa sa main sur le bout de tissu sombre, puis releva le visage vers le roi. La terre tout autour d’elle se mit à frissonner puis à onduler pour enfin exploser dans un déluge de gravats. Une brume rougeâtre se forma dans la couronne de débris crée.

Le calme revint.

Parmi l’armée hibernienne, le jeune shar disparu empoignât une épée et fonça tête baissée vers la colline. Il sauta par-dessus les débris de roches fumants et arma la lame en position du faucon. Le coup s’abattit verticalement sur la tête de la jeune fille, qui le para du plat de la main. Elle poussa un hurlement de haine qui détonna en plein sur le thorax du guerrier. Son haubert vola en éclats, il fut propulsé en arrière et s’écrasa dans une flaque de boue. Il se releva difficilement. Sur son torse à demi nu, on pouvait voir une profonde cicatrice au niveau de son épaule droite. Il fit craquer son coup, marqua un temps d’arrêt et chargea une nouvelle fois. La lurikeen sortit une dague osseuse, et se mit en position d’attaque.

Personne n’aurait pu imaginer à quel point le combat qui suivi fut titanesque. A chaque rencontre des deux armes, des gerbes de flammes jaillissaient dans un grondement de tonnerre. Le sol tremblait sous les assauts répétés. Par endroit, l’air électrisé se déchargeait en de furieux éclaires ocres. Dans le ciel, des nuages aux contours écarlates, tournaient en spirales concentriques, au dessus de ce féroce duel.

Et plus cela durait, et plus les deux antagonistes étaient marqués d’entailles et de plaies.

Le shar, pour qui tout semblait perdu après sa première offensive, paraissait plus agile, ses forces, décuplées, son adresses, surnaturelle.

Les deux combattants s’arrêtèrent. Face à face, à bout de souffle. Ils se fixaient. Le sang ruisselait le long du bras gauche du guerrier. La lurikeen lui adressa un sourire narquois, qu’il lui rendit.

Ils se lancèrent dans un dernier assaut. Elle porta un coup de coté et il ne l’évita pas. Il tomba à genoux en se serrant le flanc gauche. Elle se tenait devant lui, triomphante, et s’apprêta à porter le coup de grâce. C’est à ce moment qu’il fit tournoyer son épée dans sa main droite et la planta, d’un coup net, dans la poitrine de la jeune fille. Elle lâcha lentement son arme et, péniblement, avança vers le guerrier. Elle tenta de lui griffer le visage, mais il la saisit par les bras et l’attira contre lui. Ceci eu pour effet d’enfoncer encore plus profondément la lame. Elle gémit et sa tête bascula en arrière. Les lèvres du shar bougèrent en silence et la lurikeen dut faire un effort pour lui refaire face. Elle lui prit le visage entre ses mains et, doucement, l’embrassa.

De sous son bandeau de ténèbres, roulaient des larmes qui dévalaient ses joues le long des ses cicatrices et allaient s’échouer sur ses lèvres.

Elle s’effondra, agonisante, dans les bras du shar.



La porte de démence, de nouveau, re-surgit de terre. Ses deux battants, toujours gardés par leurs vigies squelettiques, s’ouvrirent. Un vortex pourpre emplissait toute l’encadrure. Il émettait un son grave dont l’intensité évoluait par vague. Une puissante force attirait tout vers ce tourbillon, mais plus particulièrement, elle tentait d’arracher la mourante des bras du guerrier.

Le shar retira d’un coup sec l’épée du corps de la jeune fille et, avec un mouvement rapide et fluide, lança la lame. Elle vint se planter sur l’un des symboles recouvrant les montants du portail.

Un hurlement de rage retentit, puis le passage démentiel se referma et plia la réalité pour disparaître dans une plissure.



Le shar se releva, la jeune fille dans les bras. Il descendit la colline et traversa les rangs de l’armée hibernienne. Il se dirigeait vers la rivière quand le roi l’interpella et lui demanda de s’expliquer. Il s’arrêta et fit face au souverain. Il déclara d’une voix sans timbre que rien ne s’était passé ici, ce soir là et que de toute façon personne ne se souviendrait d’eux. Puis il tourna les talons et repris sa marche. Le roi lui ordonna de s’arrêter sous peine de mort. Il s’immobilisa, ricana et, sans se retourner, dit ceci :



« Mais majesté, je suis déjà un habitant de l’au-delà. Je ne suis revenu dans ce monde que pour chercher se que Leananshide m’a pris de plus cher »



Sur ce, il avança vers la rivière Leasg d’où montait une brume nacrée. De celle-ci sortit une dizaine d’Empyréens qui firent une haie d’honneur au shar et à sa compagne. Ils disparurent tous dans le léger brouillard neigeux.



Les roseaux ondulaient légèrement sous une faible brise. La réalité repris lentement le dessus. La cavalerie hibernienne se prépara à donner l’assaut avant de se rendre compte que l’ennemi avait disparu. Il ne restait aucune trace de la présence midgardienne, comme si celle-ci n’avait été que chimère. Il y eu un long instant de battement où tous se regardèrent ahuris.
j'ai pas mal aimer l'écriture et la continuité de l'histoire bien qu un peu long et étant pris de fatigue ...

le texte ma quand même paru bon , j'ai pris du plaisir a lire malgré la lourdeur de mes paupière !
Merci à tous de vos commentaires .

Pour vous donner une idée, c'est mon premier texte réaliste.

Citation :
Jolie texte j avoue , mais ça manque d'humour
Pour ça, j'ai déjà accouché des "Chroniques" sur le site de ma guilde : Chroniques de Yananka

Citation :
On se prendrai presque de sympathie pour une sale Luri banshee, mais ne le répéte a personne.
Et oui, mais je la vois plutôt comme un "prototype" de banshee. Dans mon esprit, lors de l'écriture, je situais le texte avant Catacombs. Et puis, des banshees avec ce genre de pouvoirs, c'est un peu trop bourrin .

Pour ceux qui ont fais attention, il y a deux clins d'oeil dans cette histoire :

-Le premier à un animé japonais très en vogue.
-Le deuxième à un écrivain de nouvelles fantastiques.

A vous de trouver
 

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