Long pavé inc, désolé les mecs.
Je voudrais revenir sur le #balancetonporc et sur la discussion que vous avez eu vis-à-vis du viol. Je partage ici ce que je ressens car je me sens un peu seul dans mes analyses et j'espère que certains se retrouveront dans mes propos. Je mets en garde : j'ai une fâcheuse tendance à mal m'exprimer, donc n'hésitez pas à me demander de clarifier un point.
Je trouve que toutes les histoires autour des agressions sexuelles subies par ces femmes sont que la face immergée de l'iceberg. C'est pour moi la forme extrême et socialement inacceptable de la culture du viol: celle de la négation du viol, de la minimisation du viol et voire, dans certains cas, du blâme de la victime (comme avec les femmes accusant Tariq Ramadan).
Cependant de mon point de vue - et si on veut régler un problème, il faut le régler à la base -, c'est notre culture de la séduction et du désir qui nourrit cette culture du viol. Je considère que tous nos rapports à la séduction, à l'Autre (ici les femmes) est la racine de tous les problèmes.
En quoi consiste la séduction? La définition que j'ai trouvé est celle-ci : "un procédé visant à susciter délibérément une admiration, attirance, voire l'amour d'un ou de plusieurs individus". De la manière dont je vois les choses, et de façon trivial, cela consiste à transformer un "non" (non, je ne te désire pas), à un "oui" (oui, je te désire). C'est exactement le même schéma de penser qu'un violeur ("elle dit non, mais elle pense oui"), le viol est d'une certaine façon, pour moi, le raisonnement poussé à l'extrême d'un schéma qu'on a ingéré et accepté comme "normal", comme "classique". On est conditionné à transformer des "non" en "oui". On est amené à penser qu'un "non" peut signifier "oui" ou à présupposer d'un "oui".
Je vais donner un exemple: vous rencontrez une fille en forme de fée, vous lui faites la cour. Souvent on vous dit " il y a des signaux qui montrent qu'elle est attirée". On voit plein d'experts en séduction vous expliquez les signes, les gestes, les attitudes qui trahissent son désir. Vous sentez que c'est dans la poche, vous prenez votre courage à deux mains, et vous l'embrassez.
A aucun moment, vous ne lui avez demandé ce qu'elle ressentait vraiment, ce qu'elle voulait vraiment, non vous avez présumé pour elle, vous avez "senti" que c'était le bon moment. Vous l'avez embrassé. On pourrait même dire de vous que vous êtes un romantique, un homme qui sait prendre des initiatives et les devants. Bref, tout un tas de bonnes choses appréciées souvent par la gente féminine. La réalité, c'est que vous avez pensé qu'elle disait "oui". Remplacer "embrasser" par "avoir une relation sexuelle", et vous trouverez qu'on est quand même dans le même modèle que celui qui agresse sexuellement.
Attention, je ne dis pas que ce type de personnes sont des violeurs, loin de là même, je dis juste que c'est le même schéma de pensée qui fournit le terreau pour les comportements extrêmes que l'on a malheureusement pu lire un peu partout sur les réseaux sociaux.
Le drame là dedans, c'est que nos normes sociales nous poussent à penser que c'est la bonne chose à faire. Ne soyons pas hypocrites, si vous êtes en rendez-vous galant avec madame, et que vous lui dites "est-ce que je peux t'embrasser?", il y a de forte de chances que ce soit un "deal-breaker" et qu'elle refuse parce qu'elle va trouver ça ridicule, que cela va être interprété comme un manque de confiance en soi. Bref, pas le top pour pécho!
Donc la question est de savoir que faire ? J'ai pas de réponse mais plus le temps passe plus la séduction est pour moi quelqu'un chose que je trouve malsain et qui me met mal à l'aise.
Un autre point que j'aimerai aborder et la notion de consentement.
Une fois encore qu'est-ce que le consentement ? C'est donner son accord à une action, ou un projet en ayant pris cette décision dans son plein libre-arbitre. C'est à dire sans contrainte, sans pression, sans altération de son jugement.
Vous vous rendez compte que si on suit cette définition stricto sensu, beaucoup de rapports sexuels deviennent extrêmement problématiques?
- Le/La supérieur(e) envers sa/son subordonné(e) (pression par rapport à l'autorité ou par peur de représailles)
- Les rapports alcoolisés (altération du jugement)
- Les rapports qui ont lieu quand la personne est "affaibli" psychologiquement suite à un drame dans sa vie par exemple (perte de prise de soi)
3615 mylife pour éclaircir le propos: J'ai jadis rencontré une fille absolument magnifique. J'ose lui parler, tenter de décrocher un rendez-vous avec elle. Incroyable, j'y arrive. On sort dans un bar, l'alcool est là, on boit, on s'enivre. Le feeling passe super bien, on sort en club, on danse toute la nuit. Je l'embrasse (sans demander son consentement !), bref soirée parfaite (sauf pour mon porte-monnaie). A la fin de la soirée, elle me dit " viens chez moi, j'ai envie de toi". Cependant à ce moment là, je réalise qu'on est tout les deux bourrés et que notre jugement est altéré et je suis pris tout d'un coup d'un immense sentiment de culpabilité. Je refuse gentiment, et lui propose qu'on se revoit la semaine prochaine. Elle part, vexée.
Et bien vous savez quoi ? Cette fille n'a jamais voulu me revoir. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a expliqué qu'elle s'est sentie rejetée et qu'elle a "besoin" d'un mec entreprenant, d'un Homme quoi etc. Bref, j'étais une lopette pour elle puisque vous les constructions sociales, un Homme ça assume, ça baise et ça a tout le temps envie de féconder. Je lui explique qu'on était tous les deux alcoolisés et que c'était mal (en lui expliquant pourquoi). Elle me répond qu'elle "adore baiser quand elle est bourrée et que j'avais pas le droit de lui enlever ça". Elle a réussi à me faire culpabiliser. Fin de l'histoire.
Quand j'ai raconté cette histoire à mes amis (masculins), seul un pote était d'accord avec moi et a pensé que j'ai bien agis. La plupart m'ont dit que j'étais complètement con: "t'es pédé ou quoi?" (tous mes amis ne sont pas des prix Nobel). Pour eux, j'aurais du la niquer (je résume). Cette histoire m'a fait réellement réfléchir sur ma relations aux femmes, et sur les relations des femmes à mon endroit. Je suis extrêmement perplexe parce que pour moi, coucher avec elle à ce moment là précis et au vu de son état, cela aurait été un viol. Notre jugement était biaisé mais c'est socialement acceptable de coucher quand on était bourré. Je dirai même que beaucoup de relations sexuelles ont lieu dans cet état.
De ce fait, je trouve que le consentement est un très beau concept théorique mais que dans la pratique notre société considère qu'il y a une forme de non-consentement qui est inacceptable (une personne qui dit clairement non) et une forme de non-consentement qui est acceptable (celle où le jugement est altéré ou biaisé).
Combien de mecs ont déjà "profité" du fait qu'une fille allait mal pour la "consoler" pour mieux la séduire et abuse de sa fragilité psychologique ? Alors, d'accord elle dit "oui" mais son état psychologique lui permet-il réellement d'être en plein possession de ses moyens ? J'en doute fort. Encore une forme de consentement biaisé qui est "accepté" par la société.
Alors je sais que j'ai une vision radicale des choses, mais c'est la façon dont je ressens les choses.
Le plus dramatique là dedans, c'est que les mecs comme moi sortent très peu avec des filles (vu que je "séduis" pas) tandis que les mecs qui s'enfoutent de tout ça (ou qui n'ont pas réfléchi à ça) enchaînement conquêtes sur conquêtes. Autant dire que la frustration est là. Soit tu joues le jeu pervers, soit tu restes avec ta bite et ton couteau.
Merci de m'avoir lu.
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