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Pfiou ! Bon, pas mal de trucs qui m'ont empêché d'écrire aujourd'hui, ça a été un peu décousu. Mais ça y est, j'ai réussi à débloquer une petite heure pour terminer.
Petit retour sur Rekk, le pauvre, on l'avait laissé tout embêté après avoir malencontreusement glissé en plein duel. C'est pas sa faute si le bambou a touché le cou, manquerait plus qu'on lui en veuille Introduction Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Chapitre VIII Chapitre IX Chapitre X Chapitre XI Chapitre XII Chapitre XIII Chapitre XIV Chapitre XV Chapitre XVI ------------------------------------------------ S'il ne s'agissait pas d'une prison, ça y ressemblait fort. Il n'y avait qu'une porte, épaisse de plusieurs pouces et verrouillée à double tour. Il y avait un matelas, deux chaises, un tapis sur le sol. Si jamais quelqu'un avait habité cette chambre autrefois, il devait décidément avoir des goûts bien spartiates. Rekk alla jusqu'à la seule fenêtre et regarda en dehors, pensif. Elle s'évasait en meurtrière, ce qui laissait filtrer assez de lumière pour pouvoir voir correctement dans la pièce. Par contre, seul un enfant aurait pu se glisser dans l'espace qui restait à l'extrémité. Sans compter que la pièce était au sommet de la tour. Même en supposant qu'il puisse passer par ici, ce qui nécessitait des talents de contorsionniste dont il ne disposait pas, il restait à descendre plus de cent pieds de mur lisse, sans la moindre aspérité à laquelle se raccrocher. Le baron Gaffick était peut-être considéré comme un hôte, mais un hôte dont on se méfiait. Il sourit. Il avait tué le maître de l'Académie, considéré comme une des plus fines lames de l'Empire, avec un simple morceau de bambou. Il était normal qu'on prenne quelques précautions, malgré le message signé de la main de Marcus qu'il avait mis tant de zèle à exhiber. Il s'en voulait d'avoir oublié que l'empereur partait à la chasse aujourd'hui. Il l'avait mentionné lors du bal, mais Rekk était alors préoccupé par bien d'autres détails, et n'y avait plus pensé. Maintenant, son manque d'attention lui coûtait cher. S'il avait de la chance, cela voudrait dire une journée de perdue. Si jamais la chasse se prolongeait, ou si le gibier tardait à se montrer, peut-être la cour passerait-elle plusieurs jours dans la nature. L'ancien empereur, Bel, était coutumier du fait. Si c'était le cas, il ne pouvait savoir quand l'empereur rentrerait enfin. Même s'il revenait, le Banni ne serait probablement pas au bout de ses peines. Il n'imaginait que trop bien les nombreux reproches dont l'accablerait le vieil homme. Le sauf-conduit n'aurait jamais dû servir à cela, bien entendu; l'empereur avait été clair là-dessus. Rekk haussa les épaules. Cela n'avait aucune importance. L'homme avait trop besoin de lui pour le laisser tomber. Et si même il le faisait… eh bien, il s'en sortirait une nouvelle fois. Il s'était échappé en vie de situations bien plus complexes et bien plus dangereuses. S'il le fallait vraiment, il pourrait remonter dans le Nord. Là-bas, il était le seul maître. Ses hommes n'obéissaient qu'à lui, non aux ordres d'un empereur à onze jours de cheval de là, vautré dans des coussins dorés. Il attendrait patiemment que le vent tourne, comme il l'avait déjà fait lorsqu'il s'était fâché avec Bel. Et, à soixante ans, on le rappellerait de nouveau pour servir d'épouvantail aux provinces en rébellion. Il eut un sourire amer. Ce n'était pas toujours facile à porter, cette réputation. Il leva ses mains à ses yeux. Avec elles, il avait porté l'épée, la hache, la lance, le marteau de guerre, le glaive et la masse. Avec elles, il avait tendu des arcs, chargé des arbalètes, lancé des couteaux. Il avait tué et massacré plus de gens qu'il ne pourrait jamais compter. Etait-ce sa punition de se voir enlever sa fille ? La seule personne à qui il ait jamais tenu réellement ? "Aaaah, que les dieux me maudissent !" jura-t-il, marchant en long et en large dans la pièce. Le blasphème aurait fait se hérisser les cheveux des prêtres les plus tolérants, mais Rekk n'avait jamais été un homme d'église. De plus, en ce qui le concernait, il était déjà maudit. Rester ainsi à ne rien faire le minait de l'intérieur. Il était homme d'action, pas de réflexion ! Mais les heures s'écoulaient, et rien ne se passait, personne ne venait, personne ne lui tenait compagnie. Ses pensées tourbillonnaient alors que la lumière diminuait lentement à travers la meurtrière; le soleil n'allait pas tarder à se coucher. Est-ce que Shareen et Malek lui avaient obéi ? Etaient-ils allé rejoindre Dani ? Et qu'avait-elle appris ? Pour la première fois, la culpabilité montait en lui. Il était venu ici avec dans l'idée que sa fille était morte sous le couteau d'un ruffian de passage. Elle avait manqué de chance, et était présente au mauvais moment au mauvais endroit. Mais, pour la première fois, lui venait à l'idée que, peut-être, cette mort n'était pas aussi innocente que cela. Et si la personne qui avait tué la jeune fille savait exactement ce qu'il faisait ? Et si elle était morte, justement parce qu'il était son père ? Non, cela ne rimait à rien. Haussant les épaules, Rekk se rassit. Il ne savait plus quoi penser; décidément, réfléchir ne lui amenait rien de bon. On frappa à la porte. "Entrez" grommela-t-il. "Vous n'avez qu'à enlever les deux barres, ouvrir les trois serrures et tourner le loquet" Il y eut plusieurs bruits métalliques indiquant que l'on suivait ses conseils, puis la porte s'ouvrit finalement. Rekk fixa surpris celui qui se tenait dans l'embrasure de la porte. C'était un des gardes de Semos, un de ceux qui s'était ensuite proposé de surveiller sa porte pour bien vérifier qu'il ne quitte pas la tour. Rekk ne voyait pas vraiment comment on pouvait imaginer qu'il serait capable de briser une porte de chêne solide aussi épaisse à mains nues, mais c'était finalement plutôt flatteur de voir tous les moyens mis en œuvre pour le voir conduit devant l'empereur. "Votre repas" fit le garde, souriant joyeusement en désignant les plats qui encombraient ses mains. "Viande de chevreuil tendre, pâtisserie impériale, du pain tout frais et du jambon délicieux. Même un peu de vin." "Ca ne m'a pas l'air mauvais, en effet" nota Rekk. "Un repas de fête, pour un prisonnier" "Je crois que les maîtres de l'Académie préféreraient le terme d'invité, Seigneur" répondit l'homme sans se départir de son sourire. "Ils ont peur de vous, vous savez ?" "Ils n'ont aucune raison d'être inquiets" fit Rekk sourdement. "Pourquoi est-ce qu'aucun d'eux n'est venu me voir ? Ca fait des heures que je tourne en rond. On étouffe, ici !" "C'est qu'il y a la délicate question de la succession, Seigneur. Les maîtres sont tous en train d'avancer leurs pions et de compter leurs forces pour pouvoir présenter des requêtes claires à l'Empereur. Des messagers sont en train d'être envoyés à toutes les maisons pour s'assurer de certains soutiens." Il sourit. "Certaines bourses seront beaucoup plus remplies avant la fin de la nuit, je peux vous l'assurer" "Tu m'as l'air fin politique, pour un garde" "Oh. Eh bien, je suppose qu'on apprend à avoir l'œil pour ces choses-là, lorsqu'on travaille dans l'Académie." Il entreprit de déposer la nourriture sur la table. "Bon appétit, sur ce. Je vais devoir reprendre ma ronde" "Bon appétit" répondit Rekk d'un air absent. Il attendit que la porte se fût refermée et que les bruits de pas aient décru, puis il entreprit de faire passer la totalité de la nourriture par la fenêtre, à l'exception de la miche de pain. A ce qu'il savait, on ne pouvait empoisonner aussi facilement le pain qu'on pouvait le faire pour la viande. De plus, il mourait de faim. Il eut une pensée amusée pour le pauvre bougre qui s'aviserait de passer sous la tour à ce moment précis. Mais il y avait peu de risques. Pour ce qu'il en avait vu, la fenêtre donnait directement sur la rivière. Il n'avait pas confiance dans les maîtres de l'académie. Ils étaient certainement en train de comploter pour essayer de récupérer la place tant convoitée de Grand Maître à la place de feu Semos, mais certains pouvaient avoir quelques minutes de libre pour se dire qu'il y avait des manières expéditives de se débarasser d'encombrants barons pendant que l'empereur n'était pas là. Sans compter les gens qui avaient pu, tout simplement, apprécier Semos au point de vouloir le venger. Il doutait que ces individus-là soient nombreux, l'homme étant aussi asocial qu'il le paraissait, mais la possibilité existait. Et, surtout, Rekk n'avait aucune confiance dans l'homme qui lui avait apporté la nourriture. Ce n'était pas un garde ordinaire. Il avait l'air trop propre, trop net, pour porter la cotte de mailles et la lance comme les autres soudards. Par ailleurs, quelque chose était étrange dans son attitude, quelque chose sur lequel il n'arrivait pas à mettre le doigt. Puis il comprit: le garde n'avait pas peur de Rekk. Il avait plusieurs fois croisé son regard sans ciller, et il n'avait pris aucune précaution pour mettre de la distance entre eux alors qu'il avançait. A vrai dire, si Rekk l'avait souhaité, il aurait pu s'emparer de l'épée que le garde portait au côté, et se tailler un chemin vers la liberté. C'était étrange. Et c'était une raison de plus de ne pas manger. Son estomac se rappelant à lui, il entreprit de mordre à belles dents dans le pain. C'était une miche toute fraîche, juste sortie du four. Ce n'était pas très nourrissant, mais cela suffirait à caler son appétit le temps de sortir d'ici. Il eut une pensée émue pour le quart de vin qu'il avait jeté par la fenêtre, mais on pouvait trop facilement empoisonner un tel liquide. "Peut-être, un jour, pourrais-je boire et manger tranquillement sans craindre pour ma vie" murmura-t-il, fataliste. Mais il ne se faisait pas beaucoup d'illusion. Il se rappelait le vieil adage: vis par l'épée, meurs par l'épée. Et lorsqu'on était trop habile, cela devenait: vis par l'épée, meurs par le poison. La porte se rouvrit, interrompant ses pensées morbides. Le garde venait probablement récupérer les plats. Cela tombait bien. Il avait plusieurs questions à poser. "J'aimerais savoir quelque chose, petit…" commença-t-il. Il ne termina pas sa phrase. Tous ses instincts lui criaient au danger alors qu'un éclat métallique brillait dans la main de l'homme. Sans plus réfléchir, il se jeta de côté. Il y eut un tschink, et le carreau vint frôler l'épaule du Banni pour s'enfoncer dans le mur. "Maudit…" siffla l'homme. Il lâcha son arbalète de poing sur le sol. Une dague apparut dans chacune de ses mains alors que Rekk se jetait en avant. Surpris par la charge brutale du Banni, il n'eut pas le temps de les lancer que déjà il se faisait déstabiliser par un violent coup d'épaule. Le garde tomba cul par dessus tête dans le couloir, poussant un cri perçant. Il roula sur le côté avec souplesse. "Tu as de bons réflexes, Rekk" murmura-t-il. Le Banni s'empara d'une chaise et avança de quelques pas, prudemment. "Tu connais mon nom ?" "Bien sûr… Tu ne me reconnais pas ? Je te croyais plus physionomiste !" L'homme se mit en garde, et les dagues se mirent à danser dans ses mains. Le mouvement évoquait quelque chose, pourtant… "C'est… c'est toi qui nous a attaqué avec Comeral ?" murmura Rekk, incrédule. "Perspicace, avec ça." Eleon sourit, s'inclinant en une révérence moqueuse. "Je ne pouvais tout de même pas partir sans terminer mon travail" Rekk ne pouvait s'empêcher de sentir une certaine admiration devant l'habileté du tueur. Jamais il n'aurait pu le reconnaître. Il avait coupé ses longs cheveux noirs, et les avait teints en blond. Il avait maintenant un début de moustache, et ses yeux n'étaient plus de la même couleur. Il avait une corpulence plus imposante, également; probablement portait-il plusieurs couches de vêtement sous l'armure. "Celui qui te payait est mort. Tu n'as plus rien à faire ici" "Ah, mais tu oublies Comeral. Il faut bien que je venge ce grand balourd. Et puis, je n'aime pas lorsque quelque chose me résiste" Rekk resta un instant silencieux. "Il y avait du poison dans la nourriture, n'est-ce pas ?" "Bien sûr. Même si je n'espérais pas vraiment que tu la manges. Tu l'as jetée, n'est-ce pas ?" Rekk hocha la tête. "Je le savais. Qu'est-ce qui m'a trahi ?" "Ton comportement global" fit simplement Rekk, avançant d'un pas. "Tu peux peut-être ressembler à un garde, mais il t'est difficile de changer ton caractère aussi radicalement" Eleon soupira. "Je m'étais toujours cru bon acteur. Helas, trois fois helas. C'est donc pour ça que tu as pu éviter mon carreau d'arbalète ? Il était empoisonné aussi, tu sais ? Une simple éraflure aurait suffi, mais non, il ne t'a même pas touché. Tu es contrariant, Rekk. Je ferai plus attention la prochaine fois" "Il n'y aura pas de prochaine fois" "Tu crois ça ?" Eleon tendit son index en l'air, laissant une dague en équilibre dessus. "Il me reste des cartes à jouer" "Comme ?" "Celle-ci, par exemple" Prenant une grande inspiration, il se mit à hurler. "A moi, la garde ! Le prisonnier cherche à s'évader !" "Que…" Pris par les événements, Rekk n'avait pas envisagé ce qu'il faisait sous tous les angles. Il gémit intérieurement alors que le cri d'Eleon se réverbérait dans les murs du château. Les choses n'allaient pas tarder à se compliquer. "Je ne joue jamais sans un atout dans ma manche, Rekk" fit Eleon. "Maintenant, à toi de choisir. Vas-tu essayer de me tuer, pour ensuite te justifier auprès des gardes qui arrivent ? Ou vas-tu te laisser trucider par moi entre temps ?" Il se jeta en avant, lançant ses deux dagues au visage du Banni. Rekk se retrancha derrière sa chaise, et les deux lames vinrent s'enfoncer dans le bois, arrachant des copeaux qui lui griffèrent le visage. Déjà, Eleon avait deux nouveaux couteaux dans les mains, et il était maintenant à portée de main. Il se jeta de côté, tentant de nouveau de parer le coup avec la chaise. Il grogna lorsqu'une des deux lames vint lui érafler l'épaule gauche. "Est-ce que cette arme était empoisonnée aussi, Rekk ?" chantonna Eleon, dansant vers la gauche. "Veux-tu le savoir, veux-tu le savoir ?" Rekk pouvait maintenant entendre les bruits de bottes qui martelaient les dalles du couloir. Il lui fallait réfléchir, vite et bien. Eleon avait tissé sa toile soigneusement, mais maintenant il était bel et bien englué dedans. Avec ce qu'il avait fait dans la cour, aucun garde ne voudrait prendre de risques avec lui. S'il tuait Eleon, et encore fallait-il qu'il en soit capable, les hommes d'armes ne prendraient probablement pas le temps de comprendre et l'abattraient sans hésiter, dans le pire des cas. Dans le meilleur, il se retrouverait en prison, mais sous une meilleure garde encore. L'empereur serait-il prêt à le soutenir même jusqu'ici ? Mais s'il ne faisait rien, il allait se faire dépecer sur place. Le bougre était habile avec ses dagues ! "Quel effet cela fait, de sentir la mort se rapprocher, Rekk ?" sussura Eleon, allongeant une botte vicieuse des deux bras à la fois. Rekk pivota et bloqua de nouveau. La chaise était peu maniable, mais elle était assez large pour faire un bouclier convenable. "Quel effet cela fait de soudain se sentir mortel ?" "La même chose qu'une botte trouée" grogna le Banni, tentant pour la première fois de contre-attaquer d'un mouvement de chaise. "Ca me dérange, mais ça ne m'empêche pas d'avancer". Eleon esquiva d'une feinte de corps, et tendit sa jambe pour lui faire perdre l'équilibre. Mais Rekk se rétablit sans effort et parvint enfin à toucher. Le dossier de la chaise vint se briser sur le tueur, le projetant au sol. Portant la main à son visage ensanglanté, Eleon éclata de rire. "Trop tard, Banni, trop tard ! Les gardes sont là !" Les bruits de bottes se firent plus insistants. Une demi-douzaine de gardes arrivèrent sur les lieux du combat, arbalètes au poing; le premier poussa un juron en découvrant la scène. Rekk eut un rictus sauvage. Les choses se compliquaient. Eleon avait vraiment bien manœuvré. Ce que les gardes devaient voir, après avoir été attirés par les cris de l'un des leurs, c'était leur prisonnier, une chaise fracassée à la main, en dehors de la pièce qu'il n'était pas censé quitter, et frappant un garde sur le sol. L'image parfaite de l'homme cherchant à s'échapper, et prêt à user de violence pour se faire. Six arbalètes se tendirent vers lui. "Abattez-le !" hurla Eleon, sur le sol, imitant à la perfection une voix déformée par la peur. "Il va me tuer ! Tirez, tirez !" |
25/04/2003, 23h28 |
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