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Chapitre 4
Ils n’avaient pas pu tous venir. J’avais appelé tous les membres de ma guilde, leur précisant que c’était très important. Je leur avais donné deux jours pour arriver. Pour une raison que j’ignorais, je sentais que je n’avais pas beaucoup de temps devant moi. J’avais loué une grande pièce à un habitant afin de disposer d’un lieu discret. Ceux qui ne pouvaient pas être présents allaient suivre la conversation par perle de communication. Par précaution, je leur avais demandé de venir avec des cotillons, comme pour un anniversaire. J’avais poussé ma méfiance jusqu’à commander un gâteau d’anniversaire à un artisan San d’Orien. J’espérais que quiconque nous verrait penserait qu’il s’agissait ni plus ni moins que d’une fête classique. En les voyant arriver un par un avec leurs accessoires de fêtes, je ne pus m’empêcher de penser que je devenais sans doute paranoïaque.
Petitetaru s’occupait de Miala. Elles jouaient toutes les deux aux poupées ou à se courir après. En voyant la petite, tous m’avaient demandé des explications. Je ne leur avais rien répondu, l’air soucieux. Je regardais mes compagnons, mes amis. Je me remémorais toutes les fois où nous nous étions aidés, tous les coups durs que nous avions passés, et que nous continuerions à passer. Du moins l’espérais-je.
Falkhen, notre chef de guilde, était présent. Hume blond de Bastok, c’était un invocateur réfléchi et à l’écoute de ceux qui en avaient besoin. Son frère, Loacoon, était bloqué à Windurst . Il faisait parti de ceux qui interviendraient par le biais de la perle de communication. A côté de Falkhen était assise une petite mage noire Hume, Yris, de San d’Oria. Il était évident que notre chef en pinçait pour elle. L’inverse semblait s’avérer vrai également. Yris avait un mauvais caractère, toujours grincheuse, prête à vous remettre à votre place si elle estimait que vous le méritiez. Apparemment, nous le méritions très souvent. Cependant, à s’aventurer avec elle, on découvrait une jeune femme fragile, cherchant ses repères, et quelque chose d’autre, mais ne voulant pas le montrer. Venaient ensuite nos paladins, au nombre de trois. Tout d’abord, Midgard, grand Hume barbu San d’Orien et à l’armure rutilante. Sans doute un brin narcissique mais une foi inébranlable envers la Lumière. Et prêt à se sacrifier pour sauver une vie. Une valeur sûre en cas de coup dur. Darkenz, autre Hume blond, de Bastok. Toujours présent quand vous avez besoin d’un coup de main, le premier à se jeter dans la mêlée, le dernier à en sortir, c’était un compagnon à l’efficacité prouvée. Notre troisième paladin était une paladine, Mariana. Comme la grande majorité des Mithras, elle aimait plaisanter. Ainsi que connaître les derniers potins. Du moins, tant que sa double personnalité lui permettait. Quelques fois, une autre Mithra paraissait devant vous, avec une grande faux et une armure noire à la place de l’épée et de l’armure brillante des paladins. Cette Mithra là semblait beaucoup moins attirée vers la Lumière. Cependant, on pouvait toujours compter sur son soutien. En tout cas, pour le moment. Au fond de la pièce se tenait un mage bleu, Micka. Pour le qualifier, les mots discrétion et efficacité étaient appropriés. Il était aussi une source intarissable de renseignements sur l’histoire de notre monde. A côté de lui, Kurashuji, marionnettiste Elvaan San d’Orien et barde à ses heures perdues. D’une amabilité et d’une gentillesse sans égales, il nous avait soutenu de bien nombreuses fois avec ses chants. Maintenant, il s’était trouvé une passion pour sa marionnette. Passion cependant secondaire par rapport à celle, dévorante, qu’il éprouvait pour une belle Elvaane nommée Eolya. Eolya, originaire de San d’Oria, était notre puit de sagesse. Malheureusement, elle n’avait pas pu arriver à temps. Les derniers membres présents étaient Petitetaru et Peepolopee, Tarutarus de Windurst, tous deux mages blancs, et tous les deux actuellement occupés à faire rire Miala. Peepolopee débutait dans son art. Cela ne l’empêchait pas de vouloir faire de son mieux pour nous aider. Gourmand, comme tous les Tarutarus, il était jeune et avait encore du mal à appréhender les difficultés du monde l’entourant. Espérons qu’il gardera toujours un peu de cette innocence qui nous plaisait tous. Restait donc Petitetaru, notre mascotte. Débordante de vie, elle avait l’art de nous charmer. Elle aimait utiliser des poupées nous représentant. C’était aussi une dévoreuse de nourriture et une mage blanche hors paire. C’était aussi ma petite sœur de cœur, une part importante de ma vie. Outre Loacoon et Eolya, je savais que d’autres n’avaient pas pu venir. Mais ils étaient à l’écoute, leur perle de communication prête. Nomahios, Satines, Shapiras, Lisa, Tiddus. Et Epok. Ma bien aimée Epok, celle à qui appartenait mon coeur. Disparue il y a plus d’un an, je n’avais jamais eu de cesse de trouver un indice pouvant me dire ce qu’était devenue ma voleuse. Je me refusais à croire qu’elle était morte. Au fond de moi, je savais qu’elle était vivante. Mais où ?
C’est en pensant à elle que je sentis quelqu’un me donner un petit coup de pied dans mon armure.
« Allez Kalten. Ca va être le moment de commencer. »
Petitetaru vint s’asseoir à côté de moi, Peepolopee ayant fait de même. Du coin de l’œil, je vis que Miala jouait avec l’une des poupées de Petitetaru. Bien. Il était temps de se lancer.
« Je vais vous expliquer qui est cette petite fille. »
Je leur fis alors un compte-rendu détaillé de notre rencontre avec Miala et de ce que Petitetaru avait découvert dans son sac à dos. Après mon discours, le silence dura plusieurs secondes. Ce n’est pas tous les jours qu’une incarnation de la Déesse vous demande de l’aide.
« Tant que nous ne connaissons pas notre ennemi et ses intentions vis-à-vis de la petite, il va être difficile d’établir une stratégie. »
La voix d’Eolya résonnait dans nos têtes.
« A mon avis, se cacher ne servira pas à grand chose. De toute façon, ils finiront par retrouver la trace de Miala. »
« Pour cette raison, soyez sur vos gardes » répondis-je. « Involontairement, je vous ai tous mis en danger avec cette histoire. »
« Tu n’as pas eu le choix, Kalten » me dit Kurashuji. « Et puis, le danger fait partie de la vie d’un aventurier, qu’on le veuille ou non. »
« Attirons-les. »
Nos yeux se tournèrent vers Micka.
« Premièrement, nous ne savons pas qui est notre ennemi. Deuxièmement, nous ne savons pas pourquoi ils sont à la poursuite de Miala. Troisièmement, se cacher ne sert à rien sur le long terme, sauf à la mettre en danger. »
Le mage bleu me regarda.
« Kalten, je pense que tu devrais te promener en ville avec la petite. Il faut que l’on sache qui veut l’enlever. Ensuite, nous pourrons définir la marche à suivre. »
« Non mais ça va pas la tête ! »
Yris semblait hors d’elle.
« Miala n’est pas un objet que je sache. C’est une petite fille. Et toi, tu veux la mettre en danger. »
« Yris, as-tu mieux à nous proposer ? » répondit Micka. « Certains d’entre nous vont rester à San d’Oria pour aider Kalten. Nous le suivrons, cachés. Dès qu’un problème apparaîtra, Kalten nous appellera par la perle de communication. »
Yris marmonna.
« Il doit y avoir une autre solution. »
Falkhen soupira.
« Je dois reconnaître que la solution de Micka est loin d’être sans dangers. Mais je ne vois pas ce que l’on peut faire d’autre. »
Yris lui lança un regard noir.
« Ca me convient. » Plus j’y pensais, plus je me disais que nous ne pouvions pas faire autrement. « Je ferai visiter la ville à Miala. Avec toutes les attractions de la Saint Valentione, elle aura de quoi s’amuser. Je serai à côté d’elle et si notre ennemi se dévoile, je prononcerai les mots vous aimez le chocolat ?. Ce sera le signal d’un danger. »
Ils acquiescèrent tous. Même Yris.
« Che vais aller me rencheigner à la bichebliothèche. »
En baissant les yeux, je vis Petitetaru et Peepolopee en train de manger des parts énormes du gâteau que j’avais commandé.
« Il est bon ? » demanda Midgard avec un sourire amusé.
Peepolopee haussa les épaules.
« Cha che laiche manger. »
« Tu disais, Petite ? » demandais-je gentiment.
« Che dichais… » Elle avala un morceau. « Je disais que je vais aller à la bibliothèque. La cathédrale de San d’Oria regroupe un nombre très important de livres en tout genre. Je vais voir si je peux trouver des renseignements sur des histoires d’incarnation d’Altana. »
« Bonne idée » répondit Falkhen.
Je me levai de mon siège. Tout semblait avoir été dit.
« Bien. On commence demain. Je vous avertirai de mon itinéraire au fur et à mesure. »
Midgard s’approcha.
« Je te raccompagne jusqu’à ta chambre. Darkenz, Yris et Falkhen viennent également. La maison mog de Darkenz est juste à côté de la tienne. Je dormirai chez lui ce soir. Nous serons deux en support si tu as un soucis.»
« Alors, allons-y. »
Nous nous quittâmes une fois arrivée à ma maison mog. Après un brin de toilette, je mis Miala au lit en lui souhaitant une bonne soirée. Elle me retint par le bras.
« Une histoire, s’il te plaît ? » me demanda t’elle, les yeux pleins d’espoir.
« Je suis désolé, Miala. Je n’ai pas de livres d’histoires pour enfants. »
Petitetaru me tira par la manche et me mit un livre sous le nez.
« Tiens, en voilà un. »
Je pris le livre. Un petit Elvaan était dessiné dessus, entouré par des animaux.
J’étais surpris.
« Mais, Petite, je n’ai jamais… »
« Tu t’en sortiras très bien, tu verras »répondit-elle.
Myala me regardait, curieuse. Je soupirai.
« D’accord, Miala. Une histoire, et après, tu dors. Demain, on va se promener. »
« Promis » me dit-elle, l’air enjouée.
Je m’assis sur le bord du lit, et ouvris le livre.
« Voici l’histoire du petit Ranel » commençai je.
Petitetaru était assise sur une chaise, en face de moi, un grand sourire aux lèvres tout en nous regardant.
La lune était pleine ce soir là. Le ciel ressemblait à une guirlande brillant de mille feux. Quelques nuages servaient de décoration comme des boules sur un sapin. Il faisait frais mais cela ne semblait pas gêner la Mithra, perchée sur l’un des toits des maisons mogs. D’un gracieux mouvement, elle remit en place l’une de ses mèches blanches.
« Ainsi, tu as trouvé un autre gardien, Miala. Tu es débrouillarde, c’est bien. A bientôt, petite fille » murmura t’elle.
Un nuage cacha quelques instants la lune, plongeant le quartier résidentiel des aventuriers dans le noir. Quand la lumière revint, la Mithra avait disparu.
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