Alphan et les disciples de l'Happeaukâlipse

Répondre
Partager Rechercher
[hrp] Bonjour à tous,
Je suis nouveau sur cette section (et même sur JoL en fait... ^^') et j'aimerais vous faire partager ce petit RP en plein cours d'écriture, pour lequel je suis assez inspiré... Un membre de ma guilde m'a conseillé de le poster ici plutôt que sur le fofo off' (allez savoir pourquoi), en bon contestataire (oopa) je poste sur les deux.

J'aimerais recevoir des avis, commentaires, critiques également, surtout sur l'aspect formel des dialogues, par exemple...

- Je suis un vigoureux aventurier, dit le jeune Sacrieur. Je vous prend tous, jusqu'au dernier !

Dans ce genre de cas de figure, devrais-je séparer par un code spécifique (gras, italique, souligné, couleur...) le dialogue de la narration ?

Pour éviter ce problème, serait-il mieux de contourner de cette façon ?
NomDuPersonnageParlant (ton/émotion/expression) : Texte
Le problème de cette méthode est qu'elle limite la possibilité d'interaction entre deux parties d'un dialogue, mais évite les répétitions de verbe (dire, hurler, crier, proclamer, vociférer, balbutier, murmurer, susurrer... Sur une page de dialogue, difficile d'éviter de se répéter, surtout si le ton de la conversation reste le même).

Pour résumer le problème, c'est devrais-je préférer la clarté à la richesse ?

Les dialogues du prologue sont dans ce "deuxième mode", le reste étant dans le premier... je vous laisse juger par vous-même.


Autre question : D'un point de vue RP, est-il correct de dire "Un Crâ" plutôt que "Un disciple/adorateur de Crâ'" ? Si oui, quel est le féminin du nom des classes ?

Je commence par le prologue et les trois premiers épisodes d'un seul coup, prologue et premier épisode étant assez courts... les autres épisodes ont grosso modo la longueur du troisième. Merci de votre attention, et place au spectacle [/hrp]


Prologue



Un soir d’automne, dans une maison de Bonta…

Homme : Qu’est-ce que tu fais ?
Femme : Ce que j’aurais dû faire il y a longtemps…
Femme : Je prends ce qui me revient et m’en vais.
Homme : Qu’est-ce que … !? (ton froid et calme) Ellynda, arrête toi. Pose cet oeuf, et ne fais rien d’irréfléchi s’il te plaît…
La dénommée Ellynda soupira et reprit : « Mais c’est tout réfléchi. Je pensais avoir trouvé mon bonheur, mais rester ici et mener cette petite vie minable ne m’apportera rien de bon. Mes talents dépérissent dans ce trou perdu. » Elle siffla ces derniers mots comme si c’était du poison.
Homme : Ellynda, as-tu perdu la raison ? Ce Dofus ne t’appartient même pas ! Pose-le avant que je ne m’énerve…
Ellynda pencha la tête en arrière et se mit à rire telle une démente.
Tu penses vraiment que tu me fais peur ? Regarde toi… tu trembles, alors qu’il y a dix ans tu étais si fort …
Elle soupira avant d’ajouter : « Quelle déchéance, si pouvais voir à quel point tu es devenu pathétique, tu en pleurerais. Soit, si tu veux te battre, alors en garde, vieux fou ! »
Sous les yeux de l’homme, Ellynda devint trouble et sembla se fondre dans la lumière du soleil couchant qui filtrait à travers les petites fenêtres de la maison, et disparut complètement.
L’instant après, l’homme gisait au sol, un flot de sang s’écoulant de son ventre.
Ellynda : Décidément, tu n’es plus celui que tu étais… Je reprend la route, j’ai déjà perdu suffisamment de temps ici, avec toi. De toutes façons, Bonta ne m’a jamais plu… Peut-être Brakmâr…
Elle pencha de nouveau la tête en arrière et émit à nouveau ce rire aigu et hystérique, jusqu’à ce qu’un cri d’enfant au loin l’interrompe. Elle se dirigea vers la source de ce cri, jusqu’à pénétrer dans une chambre à la décoration somptueuse qu’elle connaissait bien. Elle sortit sa dague, posa sa froide lame sur la gorge de l’enfant, croisa son regard, et se ravisa finalement.
Ellynda : J’espère qu’il sera au moins capable de t’élever correctement et qu’il ne conditionnera pas tes talents comme il l’a fait pour moi. Sois fort…

Elle sortit de la maison, ferma la porte, s’éloigna et se fondit dans l’obscurité de la nuit qui tombait.



Chapitre 1 : Une sombre menace.


Épisode 1 : L’homme au capuchon



Houatche était un disciple de Xélor reconnu pour ses exploits guerriers dans la milice de Bonta, sa droiture et son dévouement envers la population. Apprécié à Bonta, respecté et craint à Brakmâr, Houatche maniait le marteau et l’arc sans pareil, aptitude peu répandue chez les disciples de Xélor qui lui avait valu le surnom d’ « Œil du Temps ». Son physique ne laissait pas transparaître la moindre parcelle de ses capacités martiales : Houatche mesurait 1m60 debout sur un tabouret les bras levés, était aussi musclé qu’un Chacha anorexique, voyait lui pousser une barbe qui ferait pâlir d’envie un Sadida s’il ne la coupait pas, et, enfin et surtout, son visage respirait la paix intérieure et la bonhomie, avec le sourire avenant et les yeux tranquilles d’un homme ayant vécu une vie bien remplie. On disait de lui qu’il avait été aventurier pendant son jeune temps, et qu’il s’était installé à Bonta après avoir rencontré sa femme, morte 1 an après la naissance de leur fils.

Le fils en question, Alphan, âgé de 16 ans à ce jour, était la seule famille avec laquelle Houatche avait vécue pendant ces quinze dernières années. D’une taille comparable à celle de son père, qui lui avait valu des surnoms tout aussi variés que plaisants (Nain de jardin, Montre de poche, et j’en passe…), Alphan vénérait le même dieu que son paternel avec ferveur (mais ne me demandez pas qui est ce ferveur). Physiquement, le petit (c’est le cas de le dire) détail de la taille exceptée, il était à l’opposé de son père. La nervosité l’accablait de tics (mais pas de tacs) dont on pouvait facilement remarquer les marques : ses ongles étaient rongés jusqu’au sang, ses traits étaient tendus en permanence, ses rires étaient, tout comme ses paroles, courts et saccadés. Il était facilement embarrassé, à tel point qu’un rien le mette mal à l’aise, laissant apparaître sur ses joues des marques rosées auxquelles la gente féminine ne résistait pas plus qu’à son teint enfantin, son visage d’imberbe, qui n’avait pas changé depuis 3 ans, comme si Xélor lui-même lui avait accordé un sort pour que son visage angélique échappe aux effets du temps.

Notre histoire commença un beau jour de printemps 638, ce devait probablement être au cours du mois d’Aperirel vu la gaieté avec laquelle les tofus gazouillaient dans les champs. Un étrange homme encapuchonné vint frapper à la somptueuse porte en chêne de la petite maison. Houatche entrouvrit la porte et, après avoir jeté un bref regard à l’inconnu, le laissa entrer.

La porte refermée, l’inconnu se décapuchonna, révélant la chevelure vert sombre d’un disciple de Sadida. Le peu de vêtements qu’il portait laissait entrevoir ses muscles et cicatrices, preuves indéniables de rudes batailles menées et probablement remportées. Dans sa main droite, il tenait un long bâton à l’extrémité ornée de pierres précieuses qui n’étaient pas trouvables en Amakna, dont il semblait s‘aider pour marcher.
Alphan le regarda avec fascination. Qui était cet homme qu’il n’avait jamais auparavant, mais que son père devient bien connaître pour le laisser entrer dans sa demeure sans même avoir échangé un seul mot avec lui ? Sans accorder le moindre regard à Alphan, le disciple de Sadida fixait Houatche avec une intensité à faire frémir un Bouftou Royal.

Le silence qui régnait dans la pièce était plus éloquent que tous les discours du monde. Alphan voulut ouvrir la bouche pour prononcer une quelconque excuse improvisée pour sortir de la maison, mais son père l’interrompit : « Nous parlerons plus tard, mon fils. »
Alphan sortit donc de la maison, comme il le voulait, ou plutôt comme on le lui avait fait vouloir, mais il ne put s’empêcher de rester près de la porte, espérant grappiller la moindre information nouvelle.

- Alors, mon ami, quelles sont les nouvelles ? commença le Xélor
- Écoute moi attentivement, Houatche. J’ai beaucoup observé (il baissa la voix) ceux dont nous avons déjà parlé plusieurs fois ces derniers temps. Ils ont encore fait disparaître quelqu’un et ne semblent pas près d’avoir fini…
- Quoi ?! Les disciples de l’Happeaukâllipse ont encore frappé ?!
- Pas si fort ! Tu veux que tout Bonta nous entende ? D’ailleurs par précaution…

L’inconnu murmura quelques mots incompréhensibles, et Alphan put entendre un léger craquement provenant du sol, le bruit de plantes grimpant le long de la porte, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus rien entendre d’autre que le brouhaha qui s’élevait de la place marchande de Bonta, non loin de là.



Épisode 2 : Promenons-nous dans les champs…



Il laissa son esprit vagabonder quant à l’identité de cet individu, le motif de sa visite, et sur ce qu’il avait attendu, analysant la situation sous tous ses angles, retournant le problème dans tous les sens, jusqu’à être frappé par la promesse qu’il avait faite la veille à son ami Edrago d’aller l’aider à cueillir quelques champignons dans les Champs de Cania. Comme à son habitude, cela lui était sorti de l’esprit. Il se mit donc en route, et au pas de course s’il vous plaît, vers la porte sud de Bonta, où il retrouva Edrago comme ils l’avaient convenu le jour précédent.

« Toujours aussi à l’heure, à ce que je vois. » lança-t-il ironiquement, adossé au mur d‘enceinte, les bras croisés. « Tu parles d’un disciple du dieu du temps… »
Disciple de Féca aussi âgé que lui, Edrago était l’ami d’enfance d’Alphan. Ils s’étaient rencontrés par hasard alors qu’âgés de 9 ans, ils étaient allés se perdre dans les profondeurs des bois de Litneg, où Houatche les avait sauvés de justesse des griffes d’un Mulou affamé aux intentions visiblement pas très diplomatiques. Cette expérience les avait marqués, et un lien fort les maintenait depuis, une promesse silencieuse d’être capables de se défendre par eux-mêmes la prochaine fois. Depuis, ils passaient le plus clair de leur temps ensemble. Alphan avait appris à connaître Edrago, qui semble, de premier abord, un personnage froid et insensible, cassant par son cynisme et son ironie, mais qui cache (avec une certaine habileté) derrière cette froide carapace un cœur d’or, une dévotion sans pareilles pour ses proches et un tempérament de feu.

Sans répondre à la remarque de son ami, tout simplement parce qu’Alphan y était habitué et parce que la remarque en question était tout à fait fondée, ils se dirigèrent vers les Champs de Cania. Pour y avoir longtemps joué pendant leur enfance, ils connaissaient parfaitement l’endroit et se mirent en quête de quelques Champ Champs à assommer. Bien qu’étant jeunes, les deux compagnons étaient habitués à travailler en équipe et s’attaquèrent donc, à défaut de faune, à la flore des champs pour en prélever quelques précieuses ressources.

Poussés par la faim, ils marquèrent une pause au bout d’une heure et demie et s’assirent dans l’herbe pour déjeuner. Comme à leur habitude, Alphan sortit une miche de pain de seigle, qu’il avait fait de ses propres mains, et Edrago sortit quelques pièces de viande bien conservées que son père lui offre généralement lorsqu’il s’absente. Après avoir allumé un petit feu pour y rôtir leur viande, le duo savoura un repas et un repos mérités et se mit à compter le résultat de cette petite chasse.

- Pas mal du tout… nous avons un total de 87 champignons à nous deux. Je te laisse mes épines de Champ Champ, je n’en ai pas besoin, tu trouveras probablement quelque chose à en f…

Edrago s’interrompit et fit signe à son ami d’écouter attentivement. En tendant l’oreille, on pouvait entendre une respiration forte, saccadée, qui semblait de plus en plus proche. De toutes évidences, ce n’était pas humain. Alphan remarqua soudain du mouvement dans un buisson derrière son ami. Alors qu’il se penchait pour voir ce qui pouvait bien s’y cacher, il put voir distinctement deux défenses, et entendait cette respiration toujours plus forte et toujours plus proche. Le visage blême, il pointa d’un doigt tremblant la créature qui venait d’émerger du buisson et qui les regardait à présent avec une agressivité qu’un disciple de Iop aveugle aurait pu sentir. Lentement, sans geste brusque, Edrago se tourna vers la créature. Aucun doute, c’était bien un sanglier des plaines. Peut-être avait-il été attiré par l’odeur de la viande rôtie ? En tout cas, la viande ayant été dévorée par nos deux jeunes compagnons, le seul repas restant au menu du sanglier était face à lui, et il n’avait pas l’intention de le laisser filer.

Rompant le silence, le sanglier émit un cri strident avant de charger droit sur Edrago. Sachant qu’il ne pourrait probablement pas l’esquiver, celui-ci utilisa les dons de sa déesse pour réduire la violence du coup qui allait suivre. Alphan était paralysé par la peur. Il regarda, impuissant, son ami quitter le sol pour atterrir quelques mètres plus loin, avant de fixer la bête qui ne le quittait plus des yeux. Des yeux rouges, emplis de haine. Alphan voulut bouger, ralentir le sanglier, mais la peur bloquait tout mouvement, toute parole, toute pensée. Le prédateur fonça sur Alphan, mais celui-ci n’essaya même pas d’esquiver. Il ne pouvait que regarder avec une peur fascinée ces yeux qui se rapprochaient rapidement de lui…

Jusqu’à ce que la course de la bête s‘arrête brusquement. Une terrible décharge d’énergie venait de s’abattre sur elle, la surprenant tout autant qu’Alphan. Retrouvant possession de ses moyens, celui-ci ralentit la bête et aida son ami Féca à se relever, sans penser à l’origine de ce déchaînement d’énergie. Edrago sortit son bâton, une arme solide faite par un ami de son père avec différents bois rares, pria sa déesse de leur accorder sa protection et se prépara à affronter l’animal. Le sanglier leva ses pattes avant et sa tête, prêt à charger à nouveau, encore plus furieux après la blessure qui venait de lui être infligée, quand une autre déferlante d’énergie s’abattit sur elle. L’animal émit un cri qui aurait pu rivaliser avec les chants de Francisque Cabroule avant de s’écrouler au sol, pour ne plus se relever. Cette fois, Alphan avait pu voir son origine : derrière la bête se tenait une disciple de Iop aux cheveux pourpre. A en juger par son visage fin aux traits taillés, ses yeux marrons pétillants de malice, sa taille moyenne, elle devait être un ou deux ans plus vieille qu’eux. Accoutrée d’une tenue typique des adorateurs de son Dieu, un sabre à la lame rougeoyante à la main, elle les toisait maintenant d’un air supérieur et défiant. Amie ou adversaire ? Qui sait…



Épisode 3 : Une Iop intelligente ?



- Bien bien bien, qu’avons-nous là ? Un bébé Xélor trop peureux pour bouger, et un Féca qui se prend pour un Kwak ! Eh bien messieurs, félicitations pour cette démonstration de force ! leur lança l’inconnue avant d’éclater d’un rire cristallin.
Trop honteux pour répondre, Alphan se contenta de rougir de honte, et ce fut Edrago qui prit la parole.
- Et peut-on savoir qui tu es, et pourquoi tu surgis de nulle part pour attaquer notre proie ?
- Votre PROIE ? Laisse moi rire ! L’inversion des rôles dans une chaîne alimentaire ne te mènera à rien de bon, jeune disciple de Féca. Mais pour votre information, mon nom est Agatha, Agatha Cristalie, adoratrice de Iop, pour vous servir, nobles seigneurs (elle leur fit la révérence). Et vous êtes ?
- Alphan Cloque, disciple de Xélor, dieu du temps. Merci de nous avoir secouru, vaillante adoratrice de Iop. remercia Alphan.
- Edrago, disciple de Féca… Merci du coup de main, ajouta-t-il après que son ami lui ait fait comprendre par de nombreux coups de coude la gratitude qu’il était supposé exprimer à cette Iopette tombée du ciel.
Agatha jeta un regard réprobateur à Edrago, dont les remerciements semblaient complètement hypocrites. Elle posa ensuite ses yeux sur Alphan et le dévisagea intensément. Il lui semblait le connaître, ou tout du moins lui rappelait-il quelqu’un, peut-être n’était-ce pas la première fois qu’elle le voyait ?
- On ne s’est pas déjà rencontrés ? lui lança-t-elle.
Alphan eut beau réfléchir, cette disciple de Iop ne lui rappelait aucun souvenir.
- A moins que ma mémoire ne me fasse défaut, je ne crois pas.
- Je te confonds peut-être avec un autre disciple de Xélor… Vous êtes tous si petits, difficile de faire la différence !
Elle rit de plus belle. Sa voix aussi pure que celle d’une enfant naïve contrastait avec ses capacités martiales et son allure plus mature, pourtant Alphan ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle lui allait à merveille.
- Bien ! se reprit-elle, si cela ne vous dérange pas, j’aimerais utiliser le feu que vous avez fait là pour rôtir ce dîner.
Elle pointa le sanglier du doigt.
- Pas question ! la coupa Edrago, c’est NOTRE feu, et NOTRE sanglier, nous l’avons vu les premiers, c’est donc à NOUS qu’il revient. Maintenant, au revoir.
- Edrago ! siffla Alphan.
Face au regard sévère de son ami, Edrago se résigna à laisser Agatha utiliser ledit feu.
- Merciiii ! Si vous voulez, vous pouvez le manger avec moi, je ne pense pas être capable d’avaler un sanglier de cette taille seule… leur fit-elle en embrochant le sanglier.
Enthousiasmé par l’idée, Alphan s’assit autour du feu, imité (à contrecoeur) par Edrago dont l’appétit avait été ouvert par toutes ces émotions, bien qu’il n’en montrait rien.
- Dis-moi, Agatha, quelle était cette technique que tu as utilisé pour abattre ce sanglier ? demanda Alphan, intrigué par les capacités de la Iopette.
- Je comprends que tu te poses la question. Contrairement à la plupart de mes confrères Iops, je ne mise pas sur la force et le combat au corps à corps, bien que mon épée me permette de me défendre contre les ennemis plus collants, mais sur mon intelligence et un don peu utilisé par ceux de ma classe, qui consiste à déclencher une tempête de puissance sur un adversaire à quelques mètres de distance.
Edrago écarquilla les yeux et se rendit soudain compte que face à lui se dressait une disciple de Iop capable d’aligner une phrase de plus de dix mots sans commettre la moindre faute. Se rappelant des adorateurs de Iop qu’il avait pu rencontrer au détour d’une taverne, il écarquilla les yeux encore plus.
- Une Iop intelligente ? Voilà quelque chose qu’on pourrait qualifier d’original… lui dit-il, abandonnant son sarcasme.
- J’avoue que mes camarades Iops sont normalement peu versés dans les arts autres que les arts martiaux. Le fait est que c’est ma mère, disciple de Iop comme moi, qui a décidé que je suivrais ses pas, mais elle est décédée le jour de mon premier anniversaire. Mon père, un Eniripsa, m’a élevée en m’apprenant l’art de la parole, l’alchimie, la faune et la flore d’Amakna et les secrets du langage écureuil, mais, par amour pour ma défunte mère, a respecté sa volonté de faire de moi une adoratrice de Iop.
Alphan, visiblement embarrassé, s’excusa pour Edrago (qui devait probablement être désolé mais n’oserait jamais l’avouer) d’avoir amené Agatha à mentionner sa défunte mère. Il compatit d’autant plus en repensant à sa propre mère, morte peu après sa naissance.
- Le sanglier est prêt, dit Edrago, l’arrachant à ses pensées.

Effectivement, il était prêt. Sa viande était chaude et tendre, avec un goût très agréable, et chaque bouchée fut un régal pour nos trois jeunes compères. Alors qu’Edrago finissait la dernière cuisse, Agatha remarqua les champignons étalés sur un morceau de toile.
-Vous comptez faire une omelette ce soir ? demanda-t-elle, sa curiosité piquée au vif par l’amas de champignons.
- Je crois que notre amie a des problèmes de vision, 89 champignons pour une omelette ça ne te semble pas un peu surestimé ? rétorqua froidement le Féca.
- Ho, si on ne peut même plus poser de questions… répondit-elle, visiblement vexée.
- Je crois que le père d’Edrago en a besoin pour la confection d’un étrange chapeau… C’est bien ça, Edrago ?
Ce dernier hocha la tête.
- S’il vous en manque, je peux vous aider si vous voulez ! proposa la Iop, enthousiaste.
- N…
- Avec plaisir ! coupa rapidement Alphan, devançant la réponse de son compagnon à la mine fort peu réjouie.

Avec l’aide d’Agatha, le chiffre de 150 champignons qu’Edrago s’était fixé fut rapidement atteint. Sa vivacité au combat surprit les deux garçons. Elle courrait, bondissait, utilisait son puissant sort avec la grâce d’un aigle fondant sur sa proie, encourageait ses alliés, ne restait jamais encerclée bien longtemps, elle semblait partout à la fois. Une alliée de premier choix, pour sûr, même Edrago n’oserait pas émettre le moindre doute sur le sujet. Le combat semblait l’amuser, elle souriait tout le temps, et riait de son petit rire cristallin lorsque les ennemis qui croyaient avoir réussi à l’approcher fuyaient après avoir tâté de sa lame de feu.

Pendant que le disciple de Féca comptait les champignons pour s’assurer qu’aucun n’avait été perdu (ou mangé) en cours de route, Alphan s’approcha du sabre rougeoyant qu’Agatha avait déposé contre un arbre le temps d’aller donner une bonne leçon à un Maître Bolet qui la pointait bizarrement du doigt, et l’examina de plus près. Jamais il n’avait vu un tel travail d’orfèvre : la lame n’avait pas été teintée, son acier tranchant semblait perpétuellement en fusion. Voilà qui était pour le moins intriguant…

- La dernière œuvre de ma mère… répondit Agatha à la question muette du jeune Xélor, par-dessus son épaule. Elle a forgé et forgemagé ce sabre pour moi, peu avant de mourir, en utilisant ses talents, diverses potions de forgemagie, et en le frappant finalement du sort que j’utilise si souvent… Mon père me l’a offert à mon quatorzième anniversaire, quand il a jugé que j’étais prête à comprendre pleinement sa valeur et à l‘utiliser correctement. C’est une pièce unique. Ma mère l’a nommée Bréos... Sa lame semble véritablement obéir à la volonté du porteur. Touche-la, tu verras, lui dit-elle en tendant le sabre horizontalement au Xélor.

Apposant sa main tremblante sur la lame, Alphan eut la surprise de sentir la texture de l’acier trempé, froid, solide. Au toucher, le sabre semblait tout ce qu’il y avait de plus basique. Pourtant, lorsqu’il eût retiré sa main, Agatha lui demanda de ramasser une feuille de tournesol sauvage au sol et de la poser sur sa lame qu’elle tenait toujours à l’horizontale. Il s’exécuta et recula d’un pas. Sous ses yeux ébahis, la feuille sembla rougeoyer à l’instar de la lame et prit soudainement feu partout à la fois, comme si on l’avait jetée dans un énorme brasier. Il resta bouche bée face à spectacle qui venait de se dérouler devant lui, et ce fut Edrago qui le ramena sur terre en hurlant que « le compte est bon, il vaudrait mieux rentrer ».

Se contentant d’un vague signe de la main en guise d‘au revoir à leur sauveuse, le Féca se dressa sur la route menant à Bonta, à quelques mètres d’Agatha et Alphan, attendant son ami. Celui-ci regarda successivement la lame et Agatha, avant de la remercier de son aide d’un ton chaleureux.
- Mais de rien ! J’ai passé d’excellents moments en votre compagnie, jeunes aventuriers ! lui répondit-elle avec encore plus d’enthousiasme.
- Et… Moi aussi, ma mère est morte après ma naissance, ajouta-t-il à voix basse avant de s’éloigner.
Le sourire sur le visage d’Agatha se dissipa pendant un moment. Elle regardait ce petit bonhomme lui faisant des signes de la main s’éloigner, en écoutant ses dernières paroles résonner en boucle dans sa tête. Lui aussi avait perdu sa mère tout jeune… Peut-être est-ce de ce lien, de ce point commun qu’elle pressentait, que venait son impression de connaître le jeune Xélor. Elle reprit brusquement ses esprits et répondit aux signes de main du Xélor en agitant vigoureusement son bras. Ce n’était qu’un au revoir, elle le savait. Lui aussi.


/hrp/ voilà l'épisode 3, qui met en valeur la nécessité de séparer les dialogues de la narration par un code quelconque... /hrp/
/hrp/ Content que ça plaise, merci aux avis/remarques reçues en mp également, les personnes visées se reconnaîtront ^^ /hrp/



Épisode 4 : Edrago Inyifuje


Alphan se sentit stupide d’être allé murmurer, en guise d’au revoir à une Iop qu’il ne reverrait sans doute jamais, que sa mère était morte à lui aussi. De quel droit lui laissait-il des sujets de réflexion aussi tristes avant de partir sans même un au revoir... Cependant, un autre problème vint rapidement accaparer son attention. Un problème plus proche. Très proche, même.
Effectivement, bien qu’il n’ait jamais été très loquace, Edrago parut fort silencieux aux yeux de son ami : durant tout le chemin du retour, il n’avait pas prononcé un traître mot, pas même la moindre remarque sarcastique ou une quelconque plainte futile. Arrivés à la porte de Bonta, Alphan se décida à briser la glace et lui demanda la raison de son silence.
- Rien de spécial, reçut-il en guise de réponse fort peu convaincante.
- Edrago, je te connais depuis suffisamment longtemps pour voir qu’il y a quelque chose que tu as en tête mais que tu ne me dis pas.
- Cette greluche, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part, mais je ne me rappelle plus où… dit-il, pensif.
- Et c’est pour ça que tu restais silencieux ? répliqua sceptiquement son ami.
- Excuse-moi de réfléchir plus facilement dans le silence qu’en parlant… lança le Féca de son ton sarcastique habituel. Bien, ajouta-t-il, si tu veux bien me suivre, je crois que mon père sera ravi de te récompenser pour l’aide que tu as apporté.
- Non merci, répondit le Xélor en secouant la tête. Tu sais bien que je fais ça pour te rendre service, pas pour être récompensé.
- Par pitié, l’implora Edrago, tu connais mon père… Si tu ne viens pas, il te poursuivra jusque chez toi pour te remercier et t’inviter à la maison pour venir chercher ta récompense.
Se souvenant du point d’honneur que le père du jeune Féca met à être une personne parfaitement honorable, à un degré proche de l’obsession, Alphan ne put refuser l’invitation de son ami. Ils prirent donc ensemble le chemin de sa maison et y arrivèrent dans les 5 minutes qui suivirent.

Alphan aimait la maison de la famille d’Edrago. Vu de l’extérieur, elle semblait petite et pittoresque à côté du grand manoir qui l’avoisinait, mais une fois à l’intérieur cette impression laissait place à un émerveillement qui n’en finissait pas de si tôt. Non seulement la maison était beaucoup plus grande que ce qu’elle semblait, mais elle était superbement décorée. Des trophées de chasse variés ramenés par la père d’Edrago lors de ses aventures passées ornaient le mur : défenses de sanglier de tailles diverses, peau d’ours et de Kanigrou, cuir de Bouftou Royal, de Minotoror, pétales de fleurs exotiques de l’île d’Otomaï… les murs entiers de la maison en étaient couverts, avec, annotés sous le trophée, son nom, lieu et date d’obtention, et le nom du monstre sur lequel la ressource avait été prélevée.
Au centre de la pièce se tenait un très bel atelier de couture, où le père d’Edrago, un vieux Féca aux cheveux grisés, passait le plus clair de son temps depuis sa retraite de sa vie d‘aventurier, et on pouvait entendre, depuis l’étage supérieur, le bruit de liquides que l’on transvasait.
A l’arrière, on remarquait une étrange pièce fermée par une porte massive et marquée d’un sortilège qui abritait, à en croire les dires d’Edrago, une chambre froide où son père entreposait un stock de viande suffisant pour tenir deux hivers rudes sans ravitaillement d’aucune sorte.
Une agréable odeur d’edelweiss flottait dans toute la maison, apportant à tout visiteur une sensation de fraîcheur dès l’instant où il en franchissait le seuil. A l’entrée, une peau de Meulou ornait le sol, sur laquelle on avait fait broder « Bienvenue chez les Inyifuje » en lettres d‘or. Alphan se demandait souvent comment Edrago pouvait passer autant de temps loin d’une telle demeure.

- J’ai ramené tes champignons, père, dit le jeune Féca en s’avançant vers l’atelier de son paternel.
- Pose les sur la table, répondit celui-ci sans même accorder un regard à son fils.
S’exécutant, le fils ajouta qu’il avait failli se faire tuer par un sanglier agressif. Le père marmonna vaguement une réponse incompréhensible, visiblement peu préoccupé de l’état de santé de son enfant.
- Alphan m’a aidé, il est d’ailleurs venu te saluer… lança Edrago d’une voix amère.
Relevant les yeux de son atelier, M. Inyifuje accorda enfin un regard à son fils et à la porte d’entrée, où se tenait depuis tout ce temps Alphan, lui-même trop fasciné par la maison, comme à chaque fois qu’il s’y rendait, que pour remarquer l’absence d’attention de son hôte.
- Ha, Alphan, que c’est bon de te revoir ! fit-il d’un ton qui se voulait chaleureux. Merci beaucoup d’avoir aidé mon Edragounet à récolter ces précieux champignons, j’en avais vrrrraiiiiiiment besoin aussi vite que possible.
« Edragounet » émit un soupir retentissant à l’annonce du surnom hypocrite que lui donnait son paternel en société.
- Je vous en prie, ce n’était pas un travail, c’était un plaisir d’aider Edrago… et ça l’était d’autant plus que cela vous aidait grandement, s’empressa-t-il d’ajouter.
- Allons, allons, pas de fausse modestie, tu as bien travaillé… Et comme disaient mes ancêtres, tout travail mérite salaire. Chérie ? Tu peux venir un instant, chérie ?

Le bruit de liquide qui se déversait s’arrêta soudain. Sans un bruit, lévitant à quelques centimètres du sol, une jolie disciple d’Eniripsa descendit les escaliers, fixant de ses petits yeux le jeune Xélor. Si le père d’Edrago ne pouvait nier les effets du temps qui passe marquant son visage, ce n’était pas le cas de sa mère. Elle semblait toujours aussi jeune qu’à ses 20 printemps, sa peau avait un teint frais, légèrement rosé, ses ailes luisaient d’un bleu marine tacheté de marques argentées, rappelant ainsi la couleur d’un lac au clair de lune. Elle était coiffée d’un très joli Chapeau Feudala portant les initiales de son mari, et tenait dans sa main droite une fiole contenant un liquide violet, probablement du poison.

Elle le posa délicatement près des champignons et salua Alphan d’une voix qui débordait de gentillesse, puis s’enquérra auprès de son mari de la raison pour laquelle il pouvait se permettre de la déranger pendant la confection d’un dangereux produit. Son mari lui ayant expliqué la situation, elle adressa un grand sourire au jeune Xélor avant de remonter dans son atelier, pour en redescendre les bras chargés d’un grand sac rempli de fioles.
- Accepte ceci en gage de remerciement pour ton aide, ce sont des fioles de soin préparées par mes soins, expliqua-t-elle à Alphan en lui tendant le grand sac.
- Mais enfin, c’est trop, je ne peux pas accepter… objecta celui-ci.
Le regard à la fois insistant, grondant et plein de gentillesse de Mme Inyifuje lui fit comprendre qu’il valait mieux ne pas se faire prier, et il accepta donc le lourd sac que celle-ci semblait impatiente de lui donner, tant par reconnaissance pour les services rendus que par volonté de se débarrasser au plus vite de cet énorme poids qui lui semblait arracher progressivement ses petits bras du reste de son corps.

Un silence pesant s’installa, embarrassant Alphan qui commençait à sentir que ce n’était plus sa présence mais son absence qui était désirée ici. Il jeta un regard apitoyant à Edrago, qui improvisa une excuse pour justifier le départ précipité de son ami et lui ouvrit la porte.
- Merci… murmura le Xélor au Féca.
- Demain, midi, Bonta sud ?
Alphan savait ce que cela signifiait. Il approuva d’un signe de tête et prit le chemin du retour, marchant dos au soleil couchant.



Épisode 5 : Les Disciples de quoi ?


Dans une sombre ruelle de Bonta, Alphan fit la rencontre fortuite de trois étranges individus. Le premier, tout à gauche, était un disciple de Sacrieur, son torse nu laissant apparaître des cicatrices multiples qu‘il ne semblait pas vouloir bander, vêtu d’une cape rougeâtre. On pouvait voir sur son épaule un étrange tatouage, dont les formes rappelaient un papillon aux ailes de différentes nuances de rouge et de bleu, à l’intersection d’un violet à la pureté sombre fascinante. Une nuance jamais atteinte par aucune fleur, aucun objet, aucun croisement de bleu et de rouge, mais qui pourtant semblait être l’essence même de la couleur violette tant elle était pure. Des mains du Sacrieur s’écoulaient un sang visiblement assez frais. A en juger par le début de coagulation qui s’opérait, cela devait faire une heure qu’il avait coulé des veines de sa victime.
Le second, à droite, était une disciple d’Osamodas, affublée de la tenue traditionnelle des adoratrices de son Dieu. Sa ceinture, dont on devinait qu’une grande partie de cuir noir avait servi à sa conception, laissait entrevoir la gaine d’une fine rapière argentée au pommeau incrusté de rubis. Ses bottes, crées à partir de cuirs tannés de différentes créatures exotiques, étaient plus sombres que la ruelle dans laquelle ils se trouvaient. Elle portait la même cape que son compère, et était coiffé d’une capuche de Ouassingue, de sorte que son visage reste caché, bien qu’on pouvait cependant voir un rictus sadique qui en déformait les traits.
Le troisième, qui marchait devant les deux autres, était un disciple de Crâ à la longue chevelure d’ébène. Sa cape, d’une couleur mauve lilas s’accordant parfaitement avec ses cheveux, était tissée dans ce qui semblait être de la laine de Bouftou Royal. Il marchait devant les deux autres, entre eux, et respirait suffisamment la puissance pour que n’importe qui avec un minimum de sens de l’observation comprenne qu’il devait être leur chef. Il portait un bandeau oculaire orné d’un motif de cible sur son œil droit, interrompant ainsi une balafre qui partait du sommet de son crâne jusqu’à sa lèvre supérieure, et s’étendait indubitablement sous le bandeau. A sa ceinture incrustée d’émeraudes était accroché un arc en bois d’orme d’un ouvrage magnifique, incrustés d’étranges symboles, et était doté, en qualité de corde, d’une ficelle qu’Alphan n’avait jamais vu auparavant. Il trainait sur son dos, à côté d’un carquois rempli de flèches, un grand sac en toile sur lequel était brodé le symbole du malt. Alphan passa timidement à côté d’eux, dissimulant sa tête derrière son sac à potions, sans oser les interpeller, de peur de se retrouver dans le sac du Crâ.

Alors qu’il marchait, l’identité et les activités de ces trois individus, ainsi que le contenu du sac de toile furent les sujets qui ne cessèrent de stimuler l’imagination de notre héros. Il se trompa d’ailleurs deux fois de chemin et dut revenir sur ses pas pour se concentrer sur la route à suivre.
Finalement arrivé chez lui, à la tombée de la nuit, il ne remarqua rien d’anormal en poussant la porte de sa maison. Le calme plat qui y régnait, par contre, n’échappa pas à sa vigilance. Il ferma doucement la porte et appela plusieurs fois son père, recevant pour seule réponse l’écho de ses appels résonnant contre les murs de la maison. Cherchant à tâtons la lampe à huile de son père, sa main tomba sur une dague au manche d’os, à l’épaisse lame d’acier, enfoncée sur la table. Effrayé, il recula et tomba à la renverse en cognant son pied contre ladite lampe posée sur le sol. Sa tête heurta violemment le sol et sa vision se brouilla.

La prochaine chose qu’il put voir était deux yeux. Deux yeux bleus, plus bleus que le ciel, plus bleus qu’Aguabrial avait dû l’être, qui le fixaient intensément, qui se déversaient dans les siens. Troublé par cette vision, il tourna la tête, mais les yeux étaient toujours là, fixant les siens. Il secoua la tête, ferma les yeux, en vain, ces yeux ne le quittaient pas, le dévisageant, lisant ses pensées, s’infiltrant dans son esprit.
Alphan se redressa vivement et hurla, avant de se rendre compte qu’il était seul et que le jour s’était levé. Alors qu’il se demandait ce qu’il faisait allongé sur le sol, la douleur qui résonna violemment dans son crâne eut vite fait de lui rappeler les événements de la veille.
Oubliant ce rêve étrange, il appela de nouveau son père, sans plus de succès que la dernière fois. Ses yeux se rivèrent vers la dague au manche d’os qu’il avait touchée la veille, et le jour étant levé il put voir, à la pointe de la lame, un morceau de parchemin, sur lequel un message écrit à l’encre noir, d’une fine écriture, indiquait : « Ceux qui savent doivent disparaître. Happeaukâlliptiquement vôtre, Cracka Cid ».

Le Xélor céda à la panique. Il se mit à chercher partout des traces de sang, de l’éventuel cadavre de son père. Mais tout ce qu’il put trouver fut des traces de bataille, le désordre qui régnait dans la petite maison habituellement si ordonnée, l’un des murs fracassés comme si on y avait projeté quelque chose de lourd, quelques taches de sang sur le sol… Que diable s’était-il passé ici ? Il s’assit un instant, afin de reprendre son sang-froid et de mieux réfléchir à la situation. Visiblement, son père n’était pas mort, vu l’absence de corps ou de grandes mares de sang. Il se repencha alors sur le message laissé sur la table.

Qui était ce Cracka Cid, d’abord ? Et surtout, où était son père ? Soudain, le souvenir des trois individus de la veille le frappa de plein fouet. Le sac que le Crâ transportait sur son dos était plus qu’assez grand pour y mettre un vieux disciple de Xélor… Mais si ces gens avaient bien enlevé son père, pourquoi le faire ? Que lui voulaient-ils ?

Sans pour autant parvenir à chasser le flux de question qui harassaient son esprit, Alphan repensa à la conversation, ou plutôt au court morceau de conversation qu’il avait entendu entre son père et cet étrange disciple de Sadida. Ils parlaient des « Disciples de l’Happeaukâllipse »… Happeaukâllipse, Happeaukâlliptiquement… Ces disciples étaient donc venus s’en prendre à son père ? Mais pourquoi ? Et si c’était ce disciple de Sadida qui les avait amenés ? Sentant qu’il perdait le contrôle de ses pensées, Alphan se mit à hurler à s’en percer les tympans pour évacuer ce flux d’émotions qui le submergeait.
/hrp/ Tiens, j'aurais juré avoir posté... tant pis ^^' /hrp/

Épisode 6 : Une lueur d’espoir ?

Lentement, ses idées redevinrent claires. Se poser toutes ces questions n’avancerait à rien. Tout ce qu’il pouvait conclure, c’est que les trois individus qu’il a croisé hier ont plus que probablement enlevé son père, et sont membres des Disciples de l’Happeaukâllipse, une organisation que son père et son ami devaient garder à l’œil, et qui font disparaître ceux qui en savent trop sur eux, ce qui devait probablement être le motif de la disparition de son père.

L’idée de fouiller dans les affaires de son père lui traversa l’esprit. Peut-être y trouverait-il quelque chose, des informations sur ces « disciples », n’importe quoi qui puisse lui être utile. Il se dirigea donc vers l’atelier de son père, et se souvint de ce tiroir auquel il lui avait toujours interdit l’accès.
Tendant sa main tremblante vers la poignée, il la tira d’un coup sec, en vain car le tiroir ne bougea pas d’un pouce. L’examinant de plus près, il constata la présence d’un cadenas magique présentant un code de sécurité de 7 chiffres. Il se mit donc à essayer diverses combinaisons. 1234567 : non. 7654321 : non plus.
C’était donc quelque chose de plus élaboré qu‘une combinaison passe-partout. Il tenta sa propre date de naissance, sans succès. Celle de son père, raté également. Lui vint l’idée d’essayer celle de sa mère. Son père lui avait déjà parlé d’elle, deux ou trois fois, quand le fils le lui demandait. Il se souvint que sa mère était née le 15 Juinssidor 582, et entra donc la combinaison 1506582.

À sa surprise, le tiroir émit un léger cliquetis, et Alphan put l’ouvrir pour constater que le fameux tiroir en question, celui auquel son père lui avait si formellement interdit l’accès sous peine d’extrêmes punitions, contenait… un petit livret tout ce qu‘il y a de plus ordinaire. Sa couverture était tout à fait modeste, une simple feuille de papier renforcée avec du cuir de Bouftou.
Il l’ouvrit à une page quelconque et reconnut l’écriture de son père. En début de page était indiquée la date du 08 Martolo 633, ce qui correspondait à plus ou moins un mois et cinq ans auparavant. Houatche y racontait comment Alphan avait réagi en recevant sa première arme, un marteau de boisaille que Houatche avait utilisé lui-même quand il avait son âge.
Il relut avec émotion la joie que son père avait éprouvée en voyant son fils utiliser son vieux marteau avec tant d’aisance, le trouvant maniable et léger mais solide également. Les larmes aux yeux, Alphan survola l’ensemble des pages et comprit qu’il tenait entre les mains le journal de son père. Il regarda les dernières pages, espérant glaner des informations intéressantes. Deux entrées retinrent son attention.

A la date du 13 Aperirel 638, Houatche semblait heureux d’avoir reçu des nouvelles par missive d’un certain « C. F. », son vieux camarade d’aventures, bien que les nouvelles en elle-même n’aient apparemment rien de réjouissant. « Les Disciples sont beaucoup mieux installés qu’on ne le pensait… […] J‘ai rangé sa lettre sous mon oreiller. » écrivait Houatche dans son journal. Mais qui était ce « on » ? Combien de personnes exactement étaient au courant de l’existence de cette organisation ?

La seconde entrée à attirer son attention fut celle de la veille, le 16 Aperirel. « Phyllies », qui devait être, d’après les suppositions d’Alphan, le nom du disciple de Sadida qui avait rendu visite à son père, s’était mis en chasse de Cracka Cid.
Les yeux du Xélor se fixèrent sur ce nom, et l’espoir commença à le regagner : Si un guerrier de cette envergure s’attaquait aux ravisseurs de son père, il lui était permis d’espérer qu’un jour il puisse retrouver et venger son paternel. La suite fut pourtant moins encourageante : le dénommé Cracka Cid semblait introuvable et disparaissait dès qu’une piste menait vers lui, mais ses agissements continuaient dans l’ombre.
De plus, d’après Phyllies, les Disciples s’en prenaient, non seulement à ceux qui en savaient trop sur eux, mais aussi à des membres des conseils civils de Bonta et de Brakmâr, là où étaient prises les importantes décisions concernant l’administration des deux cités, ce qui excluait la possibilité que ces « Disciples » soient des adorateurs de Rushu.

Alphan réfléchit un instant. Son père était membre du conseil ET en savait un rayon sur eux. Peut-être que Phyllies était resté là pour le défendre et qu’ils s’étaient battus côte à côte. Ou peut-être l’a-t-il emmené lui-même en faisant croire à son enlèvement…
Quoi qu’il en soit, la spéculation ne le mènerait à rien. Il posa le journal, fila jusqu’au lit de son père, en souleva l’oreiller, fut heureux de voir que la lettre y était toujours mais découvrit avec tristesse qu’une partie de l’encre de la lettre s’était étendue sur l’oreiller en question, rendant impossible la lecture de quelques passages.



lettre10.jpg

Apparemment, la milice de Bonta n’était pas au courant et il valait mieux qu’elle ne le soit pas, puisqu’une mobilisation paniquerait la population, ce qui était probablement la raison pour laquelle ils semblaient tout faire pour garder les agissements des Disciples inconnus du grand public.
Une phrase l’intriguait fortement cependant : Pourquoi Allister jouerait-il un jeu dangereux en mettant la tête d’un dangereux criminel à prix ? D‘après ce qu‘il pouvait déduire, il semblait évident que la tête de l‘un d‘entre eux avait été mise à prix, si du moins ses déductions étaient correctes…
Il relut attentivement les passages concernés. « mort »… « pour l’interroger »… le voulaient-ils vivant ? Le roi serait donc au courant de cette affaire ? Alors, sans doute possible, si le roi n’avait pas rendu publique l’apparition des Disciples, c’est qu’il valait mieux que le plus petit nombre soit au courant. Allister avait beau être un roi flegmatique, il avait tout de même un minimum de bon sens.

Au terme d’un moment qui lui parut interminable, Alphan prit une décision. Rester ici ne ramènerait pas son père. Sa destinée l’appelait, à Astrub, la ville neutre réputée pour ses rudes habitants et sa brochette d’aventuriers en tous genres. Même s’il n’y trouvait pas C.F., peut-être serait-il à même de glaner quelques informations sur Cracka Cid.
De plus, il devait voir par lui-même à quoi ressemblait le membre des Disciples dont la tête avait été mise à prix. Si c’était l’un de ceux qu’il avait croisé la veille, peut-être pourrait-il s’informer sur lui et remonter jusqu’à son père. Il prit un grand sac à dos, y mit des provisions pour quelques jours, les potions de Mme Inyifuje et une tente en toile, s’empara de sa bourse (et subtilisa avec une discrétion inutile celle de son père), ramassa son marteau qui traînait dans un coin de la pièce et l‘accrocha à sa ceinture, enfila ses bottes, son chapeau et sa cape, et partit vers la porte Sud de Bonta, d’où démarrait la route qui le mènerait à Astrub.




Épisode 7 : Tous les chemins mènent à Astrub…


Alphan approchait de la porte Sud de Bonta, résolu à partir pour Astrub.
- Hé, où tu vas comme ça ? cria une voix familière derrière lui.
Lentement, Alphan se retourna. Comme il l’avait prévu et craint, c’était bien Edrago qui venait à sa rencontre. Son ami sentit immédiatement que quelque chose n’allait pas.
Il était à l’avance, ce qui était loin d’être dans ses habitudes. Ses yeux étaient rouges, sa mine sombre contrastait avec son visage jovial habituel, il était vêtu de la tenue qu’il emporte toujours lorsqu’ils partaient camper dans les plaines de Cania, équipé de la tête au pied, la bourse à la ceinture, un grand sac sur le dos. De toute évidence, il ne partait pas pour une petite cueillette matinale.

Le Xélor fixa son compagnon intensément, prêt à lui dire au revoir. Sur le visage d’Edrago se lisait une profonde inquiétude face au mutisme de son ami, et face à toutes ces étranges circonstances qui suggéraient l’inimaginable : il ne pouvait quand même pas quitter Bonta ? Pourquoi partirait-il au loin ? Où ? Il n’allait quand même pas voyager seul par les sinistres temps qui courent ?
Tandis que les mots d’adieu se dessinaient sur les lèvres d‘Alphan, les souvenirs des moments passés avec son ami commencèrent à l’assaillir. Il vacilla et tomba sur les genoux, les mains au sol, face contre terre, à 4 pattes, comme l’animal qui les avait attaqués la veille. Il sentit monter en lui un torrent d’émotions auquel s’ajoutaient celles de la veille qu’il n’avait pas pu déverser.
Alors que les larmes lui montaient aux yeux, et qu’avant même qu’il ne puisse s’en rendre compte, elles coulaient déjà le long de ses joues, il balbutia quelques mots de sa voix brouillée, dont Edrago ne put saisir que « …Père…disparu… »

Edrago se figea, l’air interdit. Houatche, l’ancien lieutenant d’élite de la milice Bontarienne, celui qu’on surnommait l’ « Œil du temps » avait disparu ? A voir l’état dans lequel son meilleur ami était plongé, il n’avait pas simplement pris quelques vacances sur l’île de Moon. Mais qui, où, quand, comment, pourquoi ?
Tant de questions… Et pour seule réponse, les pleurs incessants de son meilleur ami, qu’aucun de ses efforts ne parvenait à arrêter. Il eut beau s’accroupir à sa hauteur, lui saisir les épaules, le secouer un peu, lui taper dans le dos, rien ne semblait l’atteindre. Il semblait être dans un autre monde. Loin, si loin de lui.

Ils restèrent dans cette position une dizaine de minutes. Les quelques passants leur jetaient un regard de mépris avant de continuer leur chemin comme s’ils n’avaient jamais croisé la route des deux jeunes gens. Certains ne daignaient même pas leur adresser le moindre regard.
Lorsque Alphan fut finalement relevé, il invita son ami à le suivre en dehors de Bonta, quelque part où il se savait à l’abri des oreilles indiscrètes. Ils marchèrent donc, le Xélor en tête, jusqu’à ce qu’ils furent assez éloignés de la ville où Alphan invita son ami à s’asseoir, s’assit à son tour et prit une profonde inspiration.
D’un seul coup, il lui conta l’entièreté des événements de la veille, retraçant l‘histoire dans tous ses détails. L’étrange disciple de Sadida et le nom des « Disciples de l’Happeaukâllipse » qu’il avait surpris dans la matinée, puis la troublante rencontre qu’il avait faite en partant de chez son ami, l’absence totale de réponse en arrivant à la maison, le morceau de parchemin sous la dague en os, le journal de son père, et finalement la lettre de « C.F. » et toutes les déductions qu’il avait pu tirer de tout cela.

Edrago écouta attentivement son récit, hochant la tête, ouvrant la bouche, se la couvrant, ouvrant grand ses yeux, passant de façon spontanée d’un état d’âme à l’autre. Lorsque Alphan eut terminé son récit, il demeura silencieux à son tour. Le jeune disciple du dieu du temps était sur le point de s’excuser quand son ami de toujours lui coupa la parole.
- C’est décidé. déclara-t-il d’un ton solennel.
- Quoi donc ? demanda son ami, l’air surpris.
- Je viens avec toi.
Alphan parut sur le point de protester, mais à nouveau le jeune Féca l’interrompit.
- Et c’est pas la peine de refuser. Je viens quoi que tu dises, quoi que tu fasses. Tu ne feras PAS ce voyage SEUL.
- Mais… et tes parents ?
- Ce que tu as vu hier ne t’as pas suffi ? Tu veux d’autres exemples de toute l’attention qu’ils me portent ?

Alphan ouvrit la bouche pour protester, trouver quelque chose à redire. Edrago était sur le point de quitter Bonta pour une période indéterminée, avec une destination et un sort plus que vague, dans un voyage dont il ne savait même pas s’il y avait un retour… Pour le suivre, lui, Alphan, son meilleur ami, son compagnon d’armes d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
- Allez, fillette, pleure pas va, j’vais chercher des affaires et j’arrive de suite ! lui dit le Féca, l’arrachant à ses pensées.
- Besoin d’aide, mon ami ? questionna le Xélor.
- Tu penses vraiment qu’ils vont remarquer ma présence … ? répliqua l’ami d’une voix amère.
Sans lui laisser le temps de répondre, Edrago tourna les talons et s’en retourna vers Bonta.
- Edrago… merci… marmonna Alphan, laissant le vent emporter son murmure au loin avec les fleurs de pissenlit démoniaque qui germaient avec le retour du printemps.

Une vingtaine de minutes plus tard, temps qu’Alphan avait minutieusement mesuré parce qu’à chaque minute il assommait le monstre le plus proche, Edrago réapparut, vêtu de sa cape favorite, un anneau, une ceinture et des bottes constitués de Blop griotte, une étrange alliance rouge qui semblait importée de Pandala, une amulette à la forte odeur d’aisselle, probablement porte-bonheur, et une coiffe Feudala, l‘identique réplique de celle de sa mère, qu‘il portait de travers, de façon à masquer son visage… Ce dernier objet, celui qui lui conférait le plus d’allure, était, ironiquement, une création de son père. Force était de reconnaître qu’il avait du talent.

- J’ai amené avec moi une carte, lui annonça son ami, comme ça on pourra couper au court sans passer par les grandes routes, qui de toutes façons sont toujours beaucoup trop fréquentées à mon goût.
« Antisocial… » pensa Alphan en souriant légèrement.
- Hé ben quoi, dis quelque chose ! clama le Féca.
- Heu, oui, désolé… Pas de problème, je suppose que le plus court sera le mieux, et puis camper près des routes avec tous ces passants… C’est peut-être pas une bonne idée, donc autant s‘en tenir loin. De toutes façons, comme disait mon grand-père, tous les chemins mènent à Astrub !
- Le plus rapide serait d’aller par l’est, (monte le volume de sa voix, ton sarcastique) en évitant le bois de Litneg, on passe (il s’interrompit, le temps de déplier sa carte) près des plaines rocheuses ici, puis il nous faut contourner la forêt de Cania qui se trouve là, passer par la plaine des Porkass comme ceci , la prairie des Blops comme cela, et on devrait alors arriver dans la zone d’Astrub, en commençant par la forêt, puis les champs, et enfin la ville même ! Ok ? Alphan ? Alphan, tu m’écoutes ? ALPHAN !!

Ce dernier cri fit sursauter le jeune z’héros, jusqu’alors fasciné par la taille du monde qui s’ouvrait à lui.
- Désolé… c’est juste que… Woaw ! Le monde est ... grand ! Mon père ne m’avait jamais parlé de toutes ces îles, et ces différentes régions…
- Pour les îles, on verra plus tard, mon père m’a raconté quelques anecdotes de ses voyages là-bas, à l’époque où il voyageait encore… On les visitera peut-être un jour, qui sait ? (il marqua une pause, fixa son ami et lui tendit la main droite avant de reprendre) Bien. On fait ce voyage ensemble, quoiqu’il arrive. Alors… Prêt ?
Les regards des deux jeunes aventuriers se croisèrent. Alphan tapa amicalement dans la main que son ami lui tendait.
- Prêt ! répondit-il d’une voix convaincue.

Ils se mirent donc en route vers leur première étape, les Plaines Rocheuses de Cania, en se racontant des blagues vaseuses sur les Boo que leurs pères leur avaient racontées, et qu’ils ne comprenaient d’ailleurs toujours pas, mais ce n’est pas comme s’ils s’en souciaient, n’est-ce pas ?


/HRP/ Fin de mise en place de l'intrigue, début de l'aventure /HRP/
/HRP/ Une très bonne année, bonne santé, (bon drop et bon xp) à tous et à toutes ! /HRP/


Chapitre 2 : Le début d’un long voyage



Un bref résumé pour les flemmards qui débarquent : Alphan Cloque, jeune disciple de Xélor âgé de 16 printemps, natif de Bonta, y mène sa petite vie paisiblement avec son père, Houatche, et son meilleur ami Edrago Inyifuje, disciple de Féca de son âge, jusqu’au jour où un étrange Sadida vient rendre visite à son père, et, alors qu’Alphan écoute leur conversation par delà la porte, mentionne le nom des « Disciples de l’Happeaukâllipse ». Le temps qu’Alphan parte à la cueillette, rencontre une étrange Iop non acéphale répondant au nom d’Agatha Cristalie, fasse un détour par chez Edrago et revienne, son père a été enlevé avec pour seul trace un billet mentionnant que « ceux qui savent doivent disparaître », signé par un certain Cracka Cid, des Disciples de l’Happeaukâllipse. D’après l’absence de trace de sang, il semblerait que son père soit toujours en vie, Alphan investigue donc au plus profond de cette affaire à partir des éléments qui lui sont donnés. Après une recherche dans les documents personnels de son père, le jeune Xélor découvre que son paternel se tenait au courant des agissements desdits disciples depuis un moment déjà, et qu’un de ses meilleurs amis, « C.F. », vivant à Astrub aurait pas mal d’informations sur eux. De plus, l’un des généraux des Disciples aurait sa tête mise à prix à Astrub, avec une belle récompense.
Misant tous ses espoirs sur les promesses qui l’attendaient à Astrub, Alphan prend la route pour la cité des aventuriers, et son compagnon d’armes et ami de toujours Edrago lui emboîte le pas, malgré les protestations du jeune Xélor. Ils prennent maintenant la route vers les Plaines Rocheuses, première étape de leur long voyage…


Épisode 8 : S.P.A.M. ?


Arpentant fièrement les Champs de Cania, traversant héroïquement (ou pas) les champs infestés de flore sauvage et agressive (à défaut de faune, encore que pour les Maîtres Bolets on hésite, animal ou végétal ?), nos deux jeunes héros marchaient paisiblement vers les Plaines Rocheuses de Cania. Ce n’étaient sûrement pas les Pissenlits Diaboliques qui, en ouvrant ce qui leur servait de bouche, la retrouvait percée d’Aiguilles Xélor, qui se dressaient en travers de leur route. Ce n’étaient pas non plus les Roses Démoniaques, qui, en tentant de les empoisonner, se voyaient brûlées par un Glyphe Enflammé. Bah oui, comme quoi un petit dessin au sol peut faire mal. Même les Maîtres Bolets ne tenaient pas longtemps face à la combinaison du Glyphe Enflammé et des Aiguilles, rendant toute tentative d’invocation obsolète et leur vie qualifiable du même adjectif.
Nos deux amis se réjouissaient de la facilité avec laquelle ils progressaient à travers champs, se demander quand cela allait cesser, tant c‘était facile. Alors qu’ils passaient près des fortifications de Bonta, ils s’amusaient, entre deux combats, à resituer les divers ateliers et artisans qu’on pouvait trouver dans tel ou tel coin : Dur-en-drill le forgeur d’épée, Hachment-Mieu le forgeur de haches, Totomar le forgeur de marteaux, Alapehl le forgeur de… dagues (vous vous attendiez à quoi, franchement, hein ?), ces quelques choses qui allaient leur manquer, ils le savaient.


Leur énumération fut interrompue par un cri bestial. Au détour du dernier rempart des fortifications de Bonta, à quelques mètres d’eux, se tenait une créature haute de plusieurs mètres, qui les regardait d’un air avide. Ses griffes suintaient le sang de sa dernière victime, et du long de ses crocs suintait une écume de rage bestiale. Ils voulaient de la faune, les voilà servis. Un Mulou se pourléchait à présent les babines à l’idée de son prochain repas, bien qu’ils aient l’air un peu maigrichons… Mais que faisait-il hors du bois de Litneg ?
La réaction des deux compagnons ne se fit pas attendre. Edrago dégaina son bâton tout en récitant ses prières à sa déesse, demandant sa protection et celle de son ami qui, à n’en pas douter, serait nécessaire au vu de la taille des crocs acérés qui allait probablement fendre leur chair dans les minutes à venir. Alphan ne prit pas de risques non plus. Il se décida rapidement à attaquer le premier. Ralentissant le Mulou au préalable, il fit tout pour le blesser en entravant sa progression grâce au panel de sorts que son dieu mettait à sa disposition.

Néanmoins, les quelques dégâts qu’il pouvait infliger au Mulou ne suffisaient pas à la ralentir suffisamment. Le canidé gagnait rapidement du terrain sur eux, et ils durent vite admettre qu’aussi vite qu’ils pussent courir, la fuite n’était définitivement pas une option. Invoquant les pouvoirs de sa déesse, Edrago lança au sol un Glyphe Enflammé et un Glyphe d’Immobilisation afin de ralentir la progression du Mulou un maximum. Peut-être en combinant leurs efforts parviendraient-ils à le blesser suffisamment pour qu’il meure en arrivant devant eux…
L’animal poussa un cri de douleur en posant ses pattes dans les glyphes, vacillant un bref instant avant de reprendre son équilibre, plus féroce que jamais. Hélas, si les Glyphes du Féca étaient, sans l’ombre un doute, efficaces sur le Mulou, la bête semblait inarrêtable, sa progression était inexorable. Sentant la fin de leur petit stratagème arriver, Edrago décida d’un changement de tactique, il encaisserait un maximum de coups pendant qu’Alphan attaquerait le Mulou au marteau par derrière.
Le Xélor alla donc se cacher derrière son bouclier vivant, attendant la venue de la terrible bête. Le jeune disciple de Féca savait ce qui l’attendait. Implorant sa déesse, il fit face à la bête, son bâton à la main, sa coiffe Feudala relevée, regardant son ennemi dans les yeux, tant en signe de défi que de courage. Son haleine putride s’étant rapprochée à 10 centimètres de sa tête n’affecta en rien sa volonté.
Pendant que son ami faisait discrètement le tour, il envoya un puissant coup de bâton droit dans l’estomac du Mulou, qui émit un cri perçant déstabilisant Edrago, et répliquant par un coup de griffe. Le coup en question glissa sur les armures magiques du Féca, et la bête comprit qu’un simple coup de griffe tranchante ne suffirait pas à pénétrer ces protections magiques. Elle enchaîna donc avec un deuxième coup de griffe, destiné droit dans l’estomac du Féca, un coup perçant plutôt que tranchant.
Et elle avait vu juste. Les protections magiques, aussi résistantes puissent-elles être, ne pouvaient retenir une attaque perçante et aussi concentrée sur un seul point. Avec une puissance néanmoins fortement réduite, la griffe du Mulou s’enfonça légèrement dans le ventre du jeune Féca, laissant une entaille dont s’écoulait un mince filet de sang tachant sa tenue.
- Maintenant ! vociféra le blessé.
Sans plus attendre, Alphan sauta sur le dos du canidé et fracassa son crâne d’un puissant coup de marteau, pendant qu’Edrago lui infligeait un deuxième coup de bâton de telle sorte à assurer qu’il n’aurait aucune descendance.


Sans pousser le moindre cri supplémentaire, l’animal s’écroula au sol, sans vie. Voyant la blessure de son ami, le Xélor se rua vers lui, inquiet pour son état de santé.
- Edrago !! Tu vas bien ? Laisse moi voir ta blessure… s’inquiéta Alphan.
- Je suis en pleine forme, ça ne se voit pas ? rétorqua le Féca avec son sarcasme habituel. T’en fais pas mon vieux, c’est superficiel…
Soulevant sa tunique, Edrago laissa apparaîtra sous son foie une entaille d’une dizaine de centimètres de diamètre, mais apparemment peu profonde. Il avait eu de la chance, la blessure n’était pas importante, mais ce n’est pas Alphan qui serait d’accord de considérer cela comme une blessure superficielle. Il sortit une des potions de soin de Mme Inyifuje de son sac et en fit avaler le contenu à son ami. L’espace d’un instant, une peur panique traversa l’esprit du jeune Xélor : et si les potions que Mme Inyifuje n’étaient pas des fioles de soin, mais… du poison qu’elle avait préparé ?
D’un geste brusque, Alphan envoya la fiole au loin, répandant son contenu sur le tronc du châtaigner contre lequel elle se brisa, mais il était déjà trop tard, son ami en avait déjà avalé une bonne partie. Quel ne fut pas son soulagement lorsqu’il vit les tissus se recoudre et la blessure se cicatriser comme si Xélor lui-même avait décidé d’accélérer le temps plus qu’il ne l’avait jamais fait auparavant.
- Hé ben vieux, qu’est-ce qui t’as pris ? Tu voulais me laisser moisir ici peut-être ? suggéra l’adorateur de Féca, adressant un regard soupçonneux à son camarade.
- Mais non ! se défendit le camarade en question. C’est juste que... l’espace d’un instant, j’ai cru qu’il s’agissait de poison, que ta mère avait fait une erreur et ne m’avait pas donné le bon sac… J’ai paniqué, désolé.
Son ami lui rit au nez.
- Bon, bah, si on prélevait ce qu’on peut sur notre proie ? Je prends ce qu’il a failli m’arracher, c’est-à-dire son scalp. Je te laisse le reste.
Sans protester, notre héros entreprit donc de piller la queue, les griffes et les crocs du Mulou. Alors qu’il se préparait à couper la queue, une voix impérieuse hurla, non loin :
« Non mais, ça va pas la tête !! Reculez, jeune Xélor ! »
Surpris par cette interpellation inattendue, Alphan releva la tête et aperçut un milicien de Bonta, ou du moins ce qui y ressemblait, qui s’approchait d’eux…


- Le meurtre et le pillage d’un Mulou, espèce déclarée protégée par la ville de Bonta depuis l’officialisation de la Société de Protection contre l’Agression des Mulous, est un crime puni d’une peine d’emprisonnement de trois ans minimum à Brâkmar ! leur déclara le soldat.
Nos deux héros sentirent les frissons descendre le long de leur échine à la simple annonce du nom de la cité des adorateurs de Rushu.
- Protection des Mulous ? C’est pas plutôt dans ta tête que ça ne va pas ? répondit le sarcastique Féca.
- Edrago… chuchota le Xélor prévenant son ami du danger dans lequel il allait les fourrer.
- Il a failli nous scalper, ton Mulou ! Alors désolé, mais le premier animal en danger que je protège, c’est moi-même, pas le Mulou ! reprit Edrago, feignant la surdité aux interpellations de son camarade.
- Edragooooooooo… murmura le Xélor, espérant que son ami comprendra qu’il était temps d’arrêter là le sarcasme.
Le milicien les dévisagea d’un air abasourdi. Reprenant son air sévère, il les déclara « en état d’arrestation pour crime contre la SPAM et la ville de Bonta avec tentative d’obstruction à la justice », et « en droit de garder le silence et de le suivre ».


Un simple regard désabusé suffit aux deux comparses pour improviser leur plan face au ridicule de cette situation. Alphan n’aimait pas l’idée d’enfreindre la loi de sa cité, mais être arrêté pour avoir défendu sa propre peau au profit d’une autre ? Et puis quoi encore ?
Ils ramassèrent leurs affaires, sous l’œil satisfait du garde qui pensait les avoir convaincus de se résigner à leur « inévitable » triste sort, lancèrent leurs sortilèges respectifs de téléportation sous les yeux ébahis du même garde qui n‘en revenait décidément pas, et se mirent à courir toujours plus loin vers l’est, malgré le garde qui les poursuivait en braillant, à un rythme saccadé vu qu’il s’obstinait à courir malgré une armure épaisse pesant sur ses épaules, quelque chose ressemblant à « délit de fuite… pas sortis de l’auberge… ». Mais quelle importance que ce soient ses paroles exactes ou non, puisqu’il ne les rattraperait jamais. Cours, Forest, cours…



Épisode 9 : Une rencontre percutante


Nos deux jeunes comparses couraient depuis un moment déjà quand l’idée de ralentir le rythme leur vint à l’esprit. Effectivement, pourquoi ne pas se remettre à marcher, maintenant que le mili-chien à qui ils voulaient échapper n’était même plus visible au loin ?
Baissant la cadence de marche, ils reprirent donc péniblement leur souffle après cette escapade et commencèrent à réfléchir à ses conséquences. Si ce que le milicien avait dit était vrai, ils étaient maintenant en état d’arrestation pour infraction des lois Bontariennes. Même si cela n’entravait pas leur voyage à Astrub, et qu’ils ne seraient certainement pas poursuivis par la milice Bontarienne une fois hors de Bonta, ils n’allaient pas pouvoir retourner à Bonta avant un moment…
Les premiers regrets, déjà. Leur fuite loin de ce garde commençait à avoir les apparences d’un adieu symbolique à la cité qui les avait vu grandir, leur laissant un arrière-goût amer dans la bouche. Leurs portraits seraient-ils communiqués à la milice de Bonta ? Quelles peines encourraient-ils s’ils revenaient ? Ces pensées, cette impression d’exil, les rendit silencieux pendant quelques minutes.


Devant passer à travers le petit morceau des plaines de Cania qui faisait office de frontière entre les champs de Cania et les plaines rocheuses, ils entrèrent donc ces lieux où les céréales séchées au soleil laissaient place à d‘immenses étendues de verdure. Les Kanigrous les regardaient avancer de leur air idiot, avant de retourner embrocher les aventuriers qui les attaquaient sans relâche.
Alors qu’ils marchaient sans obstacle aucun, un petit point noir à l’horizon se dessinait et se rapprochait rapidement d’eux, accompagné d’un cri vague, dont l’acuité et l’intensité augmentait au fur et à mesure que l’étrange chose se rapprochait.
- C’est petit, des antennes et des ailes qui dépassent… On dirait une fée… Une Eniripsa peut-être ? observa Edrago.
- Mais pourquoi elle court ? s’interrogea Alphan.
- Aucune idée…répondit le Féca.
- Et pourquoi elle crie ?
- Demande-lui, elle approche.
- Et pourquoi elle avance en agitant les bras comme une hystérique ?
- Tu viens de le dire toi-même, une hystérique…
- Et pourquoi elle ferme les yeux alors qu’elle est en train de courir ?
- Et pourquoi tu poses toutes ces questions ? cria Edrago, exaspéré.
- Parce qu’elle se rapproche de plus en plus vite mais n’a pas l’air de nous remarquer ! fit le Xélor en la pointant du doigt.
- Ha, effectivement… remarqua son ami, désabusé par l’imprévue pertinence de la réponse. Mademoiselle ? Mademoiselle ? MADEMOISELLE !! hurla-t-il.


Sans résultat. L’Eniripsa ne se rendit compte de la présence des deux jeunes aventuriers que quand elle heurta de plein fouet le bouclier qu’Edrago avait pris un plaisir sadique à lancer pour se protéger de cette folle, sachant parfaitement qu’elle s’y cognerait et finirait face contre terre.
Alphan se pencha vers elle. L’Eniripsa semblait très jeune, tout au plus lui donnerait-il 12 ans, à peine une pré-adolescente. Les traits de son visage étaient fins, sans la moindre plissure, à l’exception de ses pommettes saillantes. Ses joues étaient rosées, mais cela devait sans doute être dû à sa récente course, et son nez et son menton étaient quasiment inexistants. Elle avait de beaux cheveux blonds et lisses qui descendaient en cascade jusqu’à ses épaules, s’arrêtant juste à la hauteur de ses ailes d’une couleur aussi verte que l’herbe sur laquelle elle était couchée.


Elle ouvrit ses yeux, de petits yeux verts qui clignèrent plusieurs fois, se plissèrent en fixant le jeune disciple de Xélor qui les regardait et s’écarquillèrent finalement. L’Eniripsa ouvrit ses fines lèvres, découvrant une bouche béante, et se remit à hurler.
- Tais-toiiiii ! Arrête de hurler ! beugla Edrago en planquant ses deux mains sur la bouche de la fée criarde.
Contrairement à ce qu’Alphan aurait cru, l’expression de la jeune fille changea brusquement, et le cri cessa. Le Féca retira prudemment sa main, prêt à la reposer aux premiers signes d’un autre hurlement, découvrant le visage souriant de la petite Eniripsa qui se releva doucement.
- Vous parlez l’Amaknéen ? Oh, par Eniripsa, quelle joie, quelle joie ! dit-elle, d’une voix beaucoup plus agréable à l’audition que celle qu’elle avait quelques minutes avant.
- Non, pour ma part je ne parle que le dialecte secret des Ouginaks de la région sud. Ca s’entend, non ? envoya le Féca avec tout son sarcasme.
- Pourquoi ne parlerait-on pas l’Amaknéen ? questionna Alphan. Et pourquoi courais-tu ainsi, en criant si fort, sans même regarder où tu allais ?
- Et on peut savoir ce qu’une petite fille comme toi fait seule dehors ? ajouta le cynique.
- Mais !! Je ne suis pas une petite fille ! se défendit la fée. J’ai 14 ans, d'abord ! Et je courais pour échapper à des gens bizarres, qui ne parlaient pas l‘Amaknéen justement. Je revenais du cimetière et en passant près du zaap, au beau milieu des plaines rocheuses, j’ai rencontré ces gens bizarres. Ils avaient l’air normaux, mais ils ont commencé à me parler dans une langue étrange. Enfin, ça ressemblait un peu de l’Amaknéen, mais déformé jusqu’à l’incompréhensible… Ils m’ont approchée, et m’ont abordée en me disant « slt nini txp ? », « jrecrut pr dj blop ou kani on a 1 bon team, tvien? ». Je leur ai dit que je ne comprenais pas, un peu intimidée par leur langage bizarroïde, tout en reculant doucement, et ils m’ont répondu « ziva fpa chié », « vi1 ou jramèn mé kouz ». Ils ont commencé à s’approcher de plus en plus de moi, alors j’ai eu peur… J’ai paniqué, et je me suis enfuie en courant sans même regarder où j’allais…
- En criant aussi, la coupa Edrago, mais il y a quelque chose qui me frappe plus encore que cet espèce de dialecte Iop. Qu’est-ce qu’une fille de ton âge allait faire seule dans un endroit aussi dangereux que le cimetière, et même de façon générale, qu’est-ce qu’une fille de ton âge fait seule ?
Les yeux de la jeune Enripsa s’embuèrent alors, et une larme perla à son œil droit. Avant que le jeune sarcastique ne comprenne la taille de la bourde que son caractère de cochon venait de lui faire commettre, elle éclata en sanglots dans ses bras.
Rougissant, il lui tapota l’épaule en s’excusant, la consolant, la berçant tendrement, avec une expression visiblement embarrassée qui ne lui était pas du tout familière, mais qui semblait donner à Alphan l’envie d’éclater d’un fou rire malgré l’état de la petite fée et les regards foudroyants de son ami. Séchant ses larmes, elle s’éloigna finalement des bras d’Edrago.
- Désolée… s’excusa-t-elle. Si je suis toute seule, c’est parce que… (elle renifla bruyamment) parce que mes parents sont morts quand j’avais 12 ans, en me protégeant. Ils étaient tous les deux des disciples d’Eniripsa, comme moi, et ils sont tombés au combat quand notre maison avait été attaquée par des bandits. On habitait à deux pas de la porte est de Bonta, et quand mon père est sorti ce jour-là, des Brakmâriens essayaient de s’introduire dans la ville… Ils ont vu mon père et ils l’ont agressé directement, à 5 sur 1, comme des lâches qu’ils sont. Ma mère a directement remarqué l’agression de mon père et elle m’a envoyé chercher les miliciens aussi vite que je pouvais pendant qu’elle aidait mon pauvre père… Quand je suis revenue avec 6 miliciens, l’un des Brâkmariens s’écroula au sol, mais avec lui, embroché sur son épée, tombait mon père…. (elle laissa échapper un sanglot).
Edrago sembla vouloir faire un geste vers elle, mais elle l’interrompit et se reprit.
- Ca ira, merci. se reprit-elle. Je dois terminer cette histoire, maintenant que je l’ai commencée. Ca fait si longtemps que je ne l’ai pas racontée… Les Brâkmariens se battaient comme des sauvages. Ils se concentraient toujours sur une cible à la fois, de sorte que ma mère ne puisse pas le soigner suffisamment, mais c’était mal connaître ma mère. Au rythme où les miliciens leur rendaient leurs coups, ces lâches allaient vite baisser en effectif. Ils ont donc changé de tactique et, pour déborder ma mère, qu’ils ne pouvaient atteindre, ont commencé à attaquer plusieurs miliciens à la fois. Ma mère tentait bien de prodiguer des soins aux uns et aux autres, mais à peine finissait-elle d’en soigner un que l’autre semblait tomber. Lorsque l’un des soldats s’écroula au sol, transpercé de part et d’autre par l’épée d’un Iop ennemi, ma mère commença à perdre courage, mais les Brâkmariens montraient eux aussi des signes de faiblesse.
Elle marqua une pause pour reprendre son souffle, se moucha, puis reprit.
- Sans Eniripsa dans leur camp, leurs blessures ne pouvaient être pansées. Ma mère fit donc ce qu’elle avait à faire. Je me souviens de son regard résigné, et de sa voix si bienveillante quand elle m’a dit « Elonie, tu es une grande fille maintenant. Les miliciens s’occuperont de toi. Promets seulement à ta mère que tu seras toujours une bonne fille, que tu feras toujours ce que ta conscience te dit de faire, et que jamais tu ne deviendras une mauvaise personne… ». Entre deux sanglots, je lui ai promis, en lui demandant ce qu’elle allait faire. Elle s’est relevée et a marché vers les soldats. Comme elle ne répondait pas à ma question, je lui ai fait promettre à son tour qu’elle serait toujours avec moi. Elle me l’a juré, en utilisant l’ancien langage des Eniripsas qu’elle m’avait appris. Elle s’est ensuite retournée vers les soldats, et elle a utilisé le mot de dernier recours… le sacrifice ultime. Le Mot d’Altruisme. Toutes les blessures des soldats se sont régénérées instantanément, ce qui leur a redonné du courage, mais en échange de ce formidable miracle, ma mère avait donné sa vie… Elle s’est écroulée, sans même un cri, le visage souriant. J’ai couru vers elle et j’ai tout essayé… Tous les mots de soin qu’elle et mon père m’avaient appris. Sans effet. J’ai regardé son visage souriant, baigné de mes larmes, pendant que les Brâkmariens mourraient ou fuyaient, dépassés par les soldats. L’un d’entre eux est venu vers moi tout de suite après. Il m’a ensuite emmené, avec mes deux parents, chez un guérisseur… qui n’a pas fait mieux que moi. Il était déjà trop tard. Guérir les blessures était une chose, mais réanimer l’étincelle de la vie après son extinction était impossible. Après les avoir enterrés, les miliciens ont voulu me recueillir et m’enrôler dans la milice, mais je n’ai jamais eu l’intention de combattre, alors je me suis enfuie comme une malpropre. J’ai récupéré quelques affaires chez moi et j’ai fui…


Malgré eux, les deux garçons sentirent leurs propres yeux s’embuer au cours du récit. Même Edrago ne put retenir une larme qui perla au coin de son œil, tant il était submergé d’émotions que son sarcasme n’avait pas eu la possibilité de déformer. Tant de tristesse dans l’histoire de cette petite fille… La mort de ses parents sous ses yeux impuissants, au nom de la pure sauvagerie de quelques aventuriers, la promesse et le sacrifice de sa courageuse mère, sa tentative pour ramener sa mère à la vie, mais aussi le courage de cette petite disciple d’Eniripsa, qui avait pris son indépendance a seulement 12 ans, et qui vivait en dehors de la ville, comme une aventurière, depuis 2 ans déjà.


- Je suis… sincèrement… désolé, s’excusa Edrago après avoir séché l'unique larme qu'il n'avait pu retenir, je… nous n’aurions jamais pensé que tu aies eu à vivre de pareilles horreurs. Je respecte et j’admire sincèrement le courage dont tu fais preuve pour vivre en portant un tel poids sur tes épaules depuis 2 ans déjà.
Alphan fut surpris. Son ami avait vraiment dû être ému pour s’exprimer avec une telle sincérité.
- C’est pas grave… euh… tiens, comment vous vous appelez ? répondit l’Eniripsa, réalisant qu’elle ne connaissait même pas le nom de ceux à qui elle venait de se confier.
- Edrago Inyifuje, disciple de Féca, pour te protéger. fit-il en s’inclinant.
Personne ne sembla remarquer le teint rose vif que prirent les joues de la petite fille quand le Féca s’inclina pour elle tel un preux chevalier.
- Alphan, Alphan Cloque, adepte de Xélor. Enchanté. lui dit le petit Xélor de sa timide voix.
- Moi c’est Elonie, Elonie Verba, petite disciple d’Eniripsa mais grande aventurière, même si on ne peut pas dire que je sois allée à beaucoup d’endroits différents. se présenta-t-elle.
Elle les dévisagea un instant, et remarqua qu’ils semblaient être des aventuriers eux aussi.
- Mais, dites-moi, que font un petit Xélor et un Féca, équipés pour partir à l’aventure, dans un lieu aussi désert ? Vous vous entraîniez ?


Les deux compères échangèrent un regard embarrassé. Que convenait-il de dire à cette Eniripsa ? Toute la vérité ? Une partie ? Elle avait pourtant été sincère avec eux, ils pouvaient bien l‘être en retour…
- Pas exactement, se lança Alphan, nous sommes des natifs de Bonta partis à la recherche d’une personne qui a disparu, nous allons à Astrub pour y chercher des traces et des indications sur l’emplacement possible de cette personne à présent…
La fée avait beau être petite, elle n’était pas idiote pour autant. Elle comprit vite qu’il évitait volontairement de mentionner la personne en question, et était bien décidée à s’en servir pour les accompagner, après avoir rencontrés ces effrayants individus près du zaap... Qui sait, peut-être y en avait-il encore plus dans Amakna ? Si tel était le cas, elle ne pouvait pas se permettre de s’aventurer seule. Et puis, elle n’était jamais allée plus loin que la plaine des Porkass, Astrub lui était donc une parfaite inconnue. C’était peut-être le bon moment pour voir du pays, et peut-être y trouverait elle ce qu‘elle cherche… Peut-être qu’elle s’y trouvait.

- Ho… Je peux vous aider à retrouver cette personne ? leur demanda l’Eniripsa, un grand sourire aux lèvres, le regard plein d’espoir, son irrésistible visage de petite fille les suppliant presque, déjà, de la laisser les accompagner.


Edrago était encore sous le choc de l’histoire et n’émit donc aucune objection. Seul avec la responsabilité de décider en main, Alphan réfléchit… Outre ce que l’Eniripsa leur avait raconté, elle s’aventurait seule, dans des contrées qui n’étaient peut-être pas les plus sûres du monde des Douze, avec, sans aucun doute possible, un très grand nombre d’aventuriers sollicitant son aide, car, après tout, un(e) disciple d’Eniripsa était toujours utile. Qui d’autre dispensait des soins aussi efficaces que les leurs ?
- Bien sûr que tu peux ! consentit Alphan, le visage souriant.
- Meeerciiiiiiii ! cria-t-elle de sa voix aiguë.
Le cynique Féca sentit déjà monter en lui les premiers regrets de n’avoir émis aucune objection, mais préféra garder le silence, ce qu’Elonie semblait loin de faire pendant qu‘ils marchaient à travers les plaines de Cania.
- … et ce jour là, c’était la première fois que je voyais un Kanigrou, je me suis dit « Mais pourquoi il me regarde comme ça lui ? » et heureusement mon copain Sacrieur, il était bizarre mais qu’est-ce qu’il était fort celui-là, eh bah il a mis une raclée au Kanigrou comme ça, pan pan et pan ! Par terre la sale bête !…
« Quel moulin à paroles… » se lamentait mentalement Edrago, désespéré d’avoir accepté la petite Eniripsa. « Un fardeau pour nos pauvres cerveaux… Ce voyage va être long, trèèès long… »
Et tandis qu’ils continuaient à traverser les plaines, et que la jeune fille continuait à déverser un flux de paroles ininterrompu, derrière eux déjà se couchait le soleil, fier lui aussi de sa journée bien remplie.
Épisode 10 : Campons…


- Voilà que déjà le soleil se couche, emportant avec lui la lumière et les événements de la journée… déclara Edrago d’un ton las mais néanmoins lourd de sens, contemplant le coucher de soleil.
- Tu fais de la poésie ? le surprit Elonie, l’arrachant ainsi à ses pensées.
- Euh… Si on veut ! bredouilla-t-il. Bref ! C’est pas tout ça, mais il faudrait qu’on pense à monter le camp, il se fait tard. Elonie, tu as apporté ta tente ?
L’éloquent silence qui s’en suivit ne fut interrompu que par un Moskito qu’on pouvait entendre voler au loin.
- Mais c’est pas vrai… reprit le Féca sur son ton froid, pendant que la jeune fille détournait les yeux avec embarras. Quel boulet !
- Edrago ! réprima Alphan. On se calme, on va bien trouver une solution… fit le Xélor comme pour se rassurer lui-même, n’étant pas pleinement convaincu de la justesse de ses propos. Zen. Respire un bon coup, dit-il à son camarade en lui faisant une tape amicale dans le dos.
- Mouais… on peut monter les nôtres en attendant. suggéra celui-ci. Ce sera toujours ça de fait.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils auraient pu débattre du problème, mais le soleil n’aurait pas ralenti sa course pour autant, comme s’il était pressé de céder la place à sa partenaire lunaire.
A défaut de bois et de bûcheron compétent, Alphan invoqua quelques aiguilles qu’ils plantèrent dans le sol, droites comme des I, afin d’enrouler les cordages tenant les tentes autour. Les cordes devaient être solides, et les aiguilles profondément enfoncées, car Edrago émit un violent juron en trébuchant sur la ficelle que l’Eniripsa venait de tendre. Conformément aux suggestions de son meilleur ami, il alla prendre l’air un peu plus loin pour « sentir s’il était plus frais », pendant que les deux autres allumaient un bon feu de camp.

- Ne t’en fais pas pour lui, dit le Xélor à voix basse à Elonie, s’assurant que son ami ne pourrait l’entendre, même s’il s’éloignait de plus en plus.
- Pourquoi je m’en ferais ? Il a simplement trébuché, il s’en remettra ! lui répondit la petite fée de son air enjoué.
Alphan pouffa de rire. Peut-être n’avait-elle vraiment pas compris.
- Je parlais de son comportement. Edrago n’est pas toujours une référence en matière de politesse, de courtoisie ou de gentillesse.
- Ha ça ! J’avais remarqué ! fit la jeune fille, troquant sa naïveté contre une mine renfrognée plus vite qu’un Sram ne vole une bourse.
- Il faut l’excuser… Edrago dit rarement ce qu’il pense vraiment… Il garde presque tout pour lui. Même à moi, son meilleur ami, je sens qu’il y a des choses qu’il ne me dit pas. Mais que veux-tu ! C’est un Féca, en bon disciple de sa déesse il protège tout. Son cœur ne fait pas exception à la règle. Mais quand tu grattes sous ce bouclier là, tu découvres un cœur d’or, crois-moi. Il a bon fond.
Elonie soupira. Quelque part, elle sentait qu’il avait très probablement raison. Qu’Edrago ne devait pas être si rude et avoir un bon fond. Après tout, c’est naturellement vers lui qu’elle s’était tournée quand les larmes lui étaient montées aux yeux. Même si elle préférait ne pas y penser.
- Tu as probablement raison… je crois, s’exprima-t-elle finalement. Il ne doit pas être si méchant que ça, sinon vous ne seriez pas amis, n’est-ce pas ?
Le jeune Xélor sourit à nouveau. Elle avait marqué un bon point.

Assis dans l’herbe des plaines de Cania, Edrago regardait avec nostalgie, comme il avait toujours eu coutume de le faire, la lune qui montait déjà fort haut dans le ciel. Elle n’était pas pleine, mais ne perdait rien de sa magnificence pour autant. La pure beauté du spectacle de sa lumière argentée dans la nuit noire, suspendue dans le ciel sans nuages, tout au plus parsemé de quelques étoiles, qui chaque soir éblouissait l’adorateur de Féca, lui rappela ces soirées qu’il passait, il y a longtemps de cela, avec son frère. Aussi stupide que cela lui aurait paru en temps normal, il fixa intensément la lune et se mit à chuchoter.
- Déjà 3 ans… et pourtant… j’ai l’impression que ça fait tellement plus longtemps. Si tu savais ce que le temps me semble long, ce que Mère a pu pleurer, à quel point Père s’est laissé aller, depuis que… tu es parti… Mon frère… où es-tu quand ton cadet te demande ? Où es-tu quand ta famille a besoin de toi ?
Repensant au récit de leur nouvelle amie, Edrago se sentit terriblement coupable d’avoir laissé sa famille derrière lui. Oui, son aîné le surpassait dans tous les domaines, et il était le centre de toute l’attention. Oui, le jeune Féca lui-même était plutôt le centre de toute la tension. Mais il avait quitté ses parents pour une durée indéterminée sans même leur adresser un mot. Qu’allait-il se passer lorsqu’ils s’en rendraient compte ? Et quid de ce qu’il allait pouvoir leur dire quand il reviendrait ? Si seulement il revenait un jour…

Ses réflexions furent interrompues par un craquement derrière lui. Il se retourna brusquement, dégaina son bâton et tendit l’oreille. Son père lui avait dit un jour que des Craqueleurs des plaines rôdaient dans les plaines rocheuses, mais ils étaient toujours dans le territoire des plaines de Cania, ce qui excluait la possibilité du Craqueleur. De plus, il n’entendait plus d’autre bruit. De toutes façons, peu importe ce qui viendrait, ça ne ferait pas long feu : sur ses lèvres se formaient déjà les mots d’incantation du Glyphe Enflammé.
- Hé ben ! T’étais passé où ? On a fini depuis un moment ! lança Alphan en surgissant de la pénombre.
Edrago s’interrompit juste à temps et jeta à son ami un regard furieux.
- T’aurais pu t’annoncer avant de surgir de nulle part comme ça ! J’ai failli te tuer, sombre idiot !
- Toi, me tuer ? Laisse-moi rire ! s'esclaffa le Xélor. Si tu crois que c’est ton petit dessin sur le sol qui va me faire mal… Bah, allez, fais pas la moue. Je venais simplement te chercher pour te prévenir que le repas était prêt.


Le repas se déroula dans un silence troublant. Edrago faisait la moue, de toute évidence vexé, même si son comparse savait que cela lui passerait vite. Il mâchait peu et avalait vite, contrairement à Elonie, qui, contre toute attente, était loin d’avoir été éduquée dans une famille de gastronomes : elle mâchait à l’excès, alors que sa viande devait déjà être hachée menu, et avalait en émettant un retentissant bruit de déglutition. Clou du spectacle : lorsqu’elle finit enfin son sandwich au porc, elle émit un rot sonore qui résonna au loin.
- Hum, quelle finesse, quel raffinement mademoiselle, on ressent là la bonne éducation d’une famille d’Eniripsas, envoya le Féca avec toute l’ironie possible dans sa voix.
- Tiens, t’as retrouvé ta langue ? se défendit la jeune fille.
Cette dernière réplique suffit à perdre à Edrago son sourire sarcastique au profit d’une moue plus terrible encore que la précédente, et l’envoya dans un mutisme total, laissant place à la jubilation d’Elonie d’avoir si bien répondu au cynisme du Féca.
Alphan ne pouvait contenir un sourire devant le comique de la scène : Elonie répondait au feu par le feu et c’était son ami, cynique invétéré, qui se retrouvait désarmé face à une réplique teintée d’ironie. Pour peu qu’on connaisse Edrago, il y avait de quoi rire.

- Bon, alors, elle dort où ? grommela-t-il finalement après avoir avalé son dernier morceau de lard de Porkass, fixant son ami.
A vrai dire, Alphan n’avait pas vraiment réfléchi à la question. Il était évident qu’ils le pouvaient pas la laisser seule. Mais aucun des deux n’était suffisamment à l’aise que pour la prendre, mais paradoxalement ne voulaient pas infliger cette charge à l’autre.
- Si je peux me permettre… fit timidement Elonie.
- Oui ?
- Je pensais que, comme vous vous connaissez tous les deux, bah vous pourriez partager votre tente ensemble plutôt qu’avec moi…
L’idée avait du bon. Alphan et Edrago avaient déjà partagé leur tente un jour venteux de Septange l’année passée, après que la tente d’Alphan ait été emportée par une rafale alors qu’il était en train de la déployer. Répéter l’expérience ne les dérangeait pas… en tout cas pas autant que dormir aux côtés de la jeune fille. C’était probablement la meilleure solution. Alphan jeta un coup d’œil à son ami qui hochait la tête en signe d’approbation. Celui-ci éteignit le feu et ils allèrent se coucher selon le plan prévu.


- Edrago, qu’est-ce que tu faisais seul là bas ? questionna le Xélor à voix basse, dos à dos avec son ami.
- De quoi tu parles ? répondit l’intéressé d’une voix tout aussi basse.
- Bah, tu es resté bien longtemps loin du camp… chuchota Alphan.
- Au cas où tu aurais oublié, c’est toi qui m’y as envoyé.
- Arrête de me prendre pour un con… Je te connais.
Silence.
- Hé ben ? demanda le jeune Xélor.
- Je fixais la lune et les étoiles. Si tu ne les trouves pas magnifiques c’est ton avis, je suis pas obligé de le partager.
- Mouais…
- T’as pas l’air convaincu.
- Pas plus que ça. rétorqua Alphan en se retournant, cherchant les yeux de son compagnon. Tu aurais employé le même ton pour me dire d’aller me faire cuire un œuf de Tofu.
- … Tu m’as entendu c’est ça ? interrogea Edrago, sans se retourner, après un long silence.
- Entendu parler oui. Comprendre un mot de ce que tu disais, non. précisa l’interrogé.
- Tant mieux. conclut le Féca.
Nouveau, troisième, pesant et profond silence.
- Tu y repenses encore, c’est ça ? demanda l’autre.
Ne recevant aucune réponse de son ami, notre héros se laissa doucement bercer par les bras de Morphée, sous sa chaude couverture en laine de Bouftou.


Quand il se réveilla, il faisait toujours aussi noir. Il ne voyait rien d’autre que le noir absolu qui semblait les recouvrir tout entier de son sombre manteau. Subitement, une paire d’yeux émergea de l’obscurité, face à lui. Deux beaux yeux, parmi les plus beaux qu’il ait jamais vu. Deux beaux yeux bleus, d’un bleu plus pur que l’éclat du saphir à la lumière du soleil. Deux beaux yeux bleus qui le regardaient, le dévisageaient, le fixaient. Deux beaux yeux bleus qui ne le quittaient pas de leur regard perçant, à l’en rendre fou.
« Alphan… ».
Au loin, une voix l’appelait. Une petite voix, que ces yeux assassins avaient vite fait de dominer par leur rugissement silencieux
« Alphan… ». Mais la voix tenait bon. Elle l’appelait, par à-coups, et il pouvait l’entendre résonner dans ses tympans comme il sentait son sang pulser dans ses artères.
« Alphan ! » Les yeux s’évanouirent, retournant brusquement d’où ils étaient apparus : nulle part.

L’interpellé se redressa et remarqua qu’en fin de compte, l’obscurité n’était pas si totale que ça. Son ami, dont il pouvait distinguer la silhouette, était assis en tailleur, tourné vers lui, et semblait le regarder fixement comme si quelque chose d’inquiétant venait de lui arriver.
- Alphan ! Ça va ?
Bien qu’il eut voulu le faire, Alphan ne put répondre instinctivement par l’affirmative à cette question. Son corps tout entier était encore moite et un désagréable frisson lui parcourait l’échine, ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait. Et bien qu’il espérait le contraire, il pouvait sentir que ce n’était pas la dernière.
- Ça va aller. finit-il par répondre. Un mauvais rêve…
- A voir la façon dont tu te tortillais et murmurais « non » à répétition, ça ne devait effectivement pas être un rêve de Boufcoul…
- Très drôle. coupa froidement le Xélor. Allez, désolé pour le dérangement, bonne nuit.
- Bonne nuit…
Tournant le dos à son ami, Alphan rabattit la chaude couverture de laine sur lui et se laissa sombrer dans un profond sommeil.







Épisode 11 : … et décampons !


Ce qui réveilla Alphan ce matin-là fut une vague touche de fraîcheur. De fraîcheur… et d’humidité.
Un grognement s’élevait tout proche de lui, probablement Edrago qui marmonnait quelque chose…
- DEBOUT LES FAINEANTS !! hurla une voix de fille dans la tente.
Il se redressa d’un bond et se rendit alors compte, outre le fait que le soleil était levé, qu’il était mouillé de la tête aux pieds. A l’ouverture de la tente, on pouvait voir la tête d’Elonie, un seau qui avait probablement contenu de l’eau à la main, l’air furieux.
- Il est 11 heures, bande de Sadidas ! Ha, si j’avais su que je ferais équipe avec des vauriens aussi paresseux… reprit-elle en s’éloignant.
Le grognement proche d’Alphan ne s’était pas tu, au contraire il s’élevait de plus en plus, jusqu’à ce qu’il put clairement reconnaître un Edrago bougon et mal réveillé à sa gauche.
- Je… sors… de… cette… tente… et… je… la… tue… grommela lentement le Féca d’un ton meurtrier, insistant sur chaque syllabe de sa phrase.
Bien qu’un réveil à l’eau fraîche n’avait rien de plaisant, le Xélor gloussa face à la réaction de son ami. Il dégagea la couverture, également mouillée elle aussi, et se leva pour aller respirer l’air frais du matin.
- Hé ben quand même ! gronda la jeune fille. Si on veut arriver à Astrub en voyageant de jour avant l’hiver on ferait mieux de se mettre en route au matin les garçons…
Alphan ne put répondre qu’un vague grommellement. Elle n’avait pas tort, et il le savait. Mais elle n’avait aucune idée de ce que sa nuit avait été…


Il alla chercher sa couverture et la laissa sécher au soleil qui s’élevait de plus en plus haut mais dont les rayons se ressentaient déjà assez fort, et se demanda soudain d’où venait l’eau que l’Eniripsa leur avait lancé : ils étaient dans les plaines de Cania, il n’y avait aucun lac autre que celui qui entourait la maison du célèbre Maître des clefs, qui se situait à des lieues d’ici. Il posa donc la question à Elonie.
- Bah, dans mon sac. Et pourquoi tu me regardes avec cet air idiot ? Qu’est-ce qu’il y a d’anormal à voyager avec des fioles d’eau ? Je ne sais pas si tu es au courant, mais l’eau est un élément vital pour tous les habitants de ce monde. 3 jours sans eau peuvent mener à une mort par déshydratation, d’après mon père…
Le z’héros se sentit terriblement stupide. Il avait fait un inventaire quasi-complet de ce qu’il emporterait avant de partir : sa tenue de combat, son marteau, son arc et des flèches pour s’entraîner un peu au tir, sa couverture, sa tente, des cordes, du pain, quelques kamas, les potions de Mme Inyifuje… Il lui semblait ne rien avoir oublié. Il s’était déjà mordu la joue en voyant son compagnon ramener une carte, de la viande et un peu de bois au cas où ils ne pourraient en trouver. Cette fois, c’était un élément vraiment vital qu’il avait oublié. Et si Elonie n’en avait pas parlé, il ne s’en serait probablement pas rendu compte avant d’être tiraillé par la soif.
« Enfin, de toutes façons, y’avait toujours les potions de Mme Inyifuje… » pensa-t-il pour se déculpabiliser.

Edrago sortit finalement de la tente, le regard assassin posé sur Elonie.
- Toi… grogna-t-il.
- Quoi, moi ? demanda Elonie d’une voix innocente.
Il ouvrit la bouche pour proférer la première insulte qui lui viendrait à l’esprit, mais il se retrouva incapable de penser à la moindre remarque cinglante à jeter à sa tortionnaire. Il gémit finalement en secouant les épaules, comme s’il pleurait sans larmes, et s’en alla un peu plus loin.
- Il est bizarre… chuchota ladite tortionnaire.


Une demi-heure plus tard, ils avaient fini de remballer leurs affaires. Les tentes étaient rangées, restaient les couvertures séchant au soleil. Edrago, carte déployée à la main, Alphan à ses côtés, évaluait leur position approximative, et le temps qu’il leur faudrait pour parcourir la distance restante.
- On doit être à une vingtaine de minutes de marche du zaap, qu’il nous faut éviter tant qu’elle (il jeta un regard arrogant vers Elonie) sera avec nous, donc le mieux serait de le contourner par le sud…
- Excusez-moi, les garçons ? interrompit la jeune fille.
- Quoi encore, tu vois pas qu’on est occupés là ? la cassa Edrago.
- J’ai quelque chose à vous demander. reprit-elle en feignant de n’avoir rien entendu. Vu que je vais partir de la région de Cania pour peut-être un bon bout de temps j’aimerais passer dire au revoir à mes parents…
- Euh… je croyais que tes parents étaient morts ? demanda le Xélor avec étonnement.
- Ben oui, et ? questionna Elonie de son air naïf, comme si parler aux morts était parfaitement normal.
Alphan ouvrit la bouche, estomaqué par la simplicité de la réponse.
- Et, quel est le besoin d’aller les revoir, d’autant plus que tu revenais du cimetière quand on t’a croisé, si j’ai bien suivi ton histoire. fit Edrago, volant au secours de son ami désarmé.
- Haaaaa je vois… Forcément vous n’êtes pas au courant, j’aurais dû y penser ! dit l’Eniripsa pour elle-même.
Les deux garçons se regardèrent avec une certaine perplexité. De quoi parlait-elle ?
- Vous voyez, répondit-elle à leur question muette, dans les traditions Eniripsa, les mots sont sacrés. Ils sont l’expression la plus pure de la pensée, la concrétisation physique de quelque chose qui nous échappe. Tu vas me dire, continua-t-elle en visant Edrago de son regard malicieux, que les mensonges sont des mots qui n’expriment pas la pensée, mais c’est faux, même ces mots expriment la pensée de ceux qui les disent. C’est simplement leur pensée qui est tordue… Bref, je n’ai fait que te citer un passage du livre du culte Eniripsa, mais comme je le disais les mots ont un très grand pouvoir. C’est pour ça que je souhaiterais aller voir mes parents. Même à travers la mort, je sais qu’ils peuvent entendre mes mots, mais étant donnés qu’ils sont limités par la portée de ma voix, il faut que j’aille là où ils peuvent m’entendre… sur leur tombe…


Alphan frissonna. Aller au cimetière ? Son père lui avait raconté maintes histoires à propos de gens disparus dans de mystérieuses circonstances après s’y être aventurés… Mais après tout, si une jeune fée de 14 ans pouvait s’y aventurer et en revenir en un morceau, pourquoi pas ?
Pris dans ses pensées, il n’entendit pas Elonie lui crier de faire attention, et se retrouva plaqué au sol par Edrago une seconde avant qu’une lance effilée ne passe là où s’était trouvée sa tête. Il releva les yeux et vit un de ces tigres jaunes et idiots qu’ils avaient croisé la veille.
Depuis quand les Kanigrous étaient-ils agressifs ? Voilà qui était nouveau. Habituellement, d’après « La grande encyclopédie de faune et flore », ils regardent passer les aventuriers sans jamais porter le premier coup. Là, c’était une meute entière de Kanigrous qui commençait à les encercler. Un, deux trois, quatre… onze de ces bestioles. Comment pourraient-ils en venir à bout, en combat rapproché et dans une telle position ? De toute évidence, ils n’y arriveraient pas… Le trio recula, ramassant et fourrant dans leur sac les quelques affaires qu’ils avaient laissé traîner au passage, et se regroupa finalement là où s’était trouvé le feu la veille, dos à dos, arme à la main. Elonie avait sorti une baguette en if avec une pointe en os qu’on distinguait à peine de par la couleur quasiment identique des deux matériaux. Pourtant, l’arme n’en semblait pas moins dotée d’étranges pouvoirs.
- On ne peut pas se permettre de mourir ici… geignit Edrago.
- T’as un plan peut-être, Monsieur Remarques-Intelligentes ? répondit son ami.
- Euh, les garçons, je crois que c’est pas le moment de faire de l’humour… les interrompit Elonie.
- Et pour votre information, oui, j’ai un plan. reprit le Féca pour sa défense.
- Hé bien vas-y, génie en herbe, déballe nous ton chef-d’œuvre stratégique ! ironisa Alphan, inversant les rôles.
- On en tue 3 vite fait et on s’enfuit en courant, et toi tu continues de les ralentir pendant qu’on fuit tous.
C’était débordant de simplicité, même Elonie aurait pu y penser. Mais ça valait la peine d’essayer. De toutes façons, c’était ça ou périr sous les coups des Kanigrous.
- Ok, Monsieur Fin Stratège, va pour ton plan ! fit le Xélor en souriant.


Le Féca utilisa sa magie pour invoquer un glyphe enflammé au sol. Alors que les mots de l’incantation se dessinaient sur ses lèvres, un dessin ressemblant à un carré qu’on aurait tourné de 45° apparaissait au sol, là où les Kanigrous allaient se trouver dans quelques instants.
Elonie tenait fermement sa baguette, mais on pouvait facilement voir son extrémité qui tremblait face à la terreur que la jeune fille ressentait. Malgré sa peur, elle restait néanmoins courageuse, et prête à prêter main-forte.
Alphan balançait nerveusement son marteau d’une main à l’autre. Même si lui-même n’était pas un grand habitué des batailles, le vieux Ragnarok de son père était loin d’être hors d’usage. Il l’avait prouvé face au Mulou, il allait le prouver une fois de plus si nécessaire. Il n’attendait qu’un mot de son ami, un seul, et il ralentirait tous ces Kanigrous à la fois pendant qu’ils courraient à travers l’ouverture qui était sur le point d’être faite.

Un cri déchira l’atmosphère tendue. Ou plutôt, une multitude de cris. A peine Edrago avait-il terminé l’incantation du Glyphe Enflammé que les Kanigrous y posaient déjà leurs viles pattes jaunâtres, souffrant milles et une brûlures dont ils ne se remettraient pas de si tôt. Edrago n’eut même pas besoin de donner le moindre signal. Il sortit son bâton et se mit à courir le Kanigrou sur le bord droit du Glyphe, le poussant d’un grand coup de bâton vers l’intérieur du symbole au sol.
Alphan imita son ami du côté gauche.
Le coup de marteau qu’il envoya au Kanigrou lui fit quitter le sol, atténuant pour un court instant la souffrance du Glyphe… pour la démultiplier ensuite, alors qu’il tombait, couché, son corps tout entier en plein dans le centre du glyphe, heurtant au passage le Kanigrou qui se trouvait en son cœur.
Elonie lévitait à quelques centimètres au dessus du sol, juste assez pour ne pas tomber dans le glyphe au travers duquel elle vola, pointa sa baguette sur le Kanigrou face à elle. Un étrange rayon en sortit et frappa le Kanigrou à une vitesse hallucinante, l’envoyant au sol pour de bon.

Sorti du cercle mortel, Alphan regarde les autres Kanigrous, décrivit un cercle avec son doigt dans le sens opposé à celui des aiguilles d’une montre et murmura quelques mots. Les Kanigrous se mirent alors à bouger plus lentement, comme si on leur avait attaché un gros boulet à chaque patte. Profitant du répit accordé par le sort du Xélor, le trio courut sans se retourner, tout au plus jetant un regard par-dessus leur épaule de temps à autres. Ils commençaient à les semer, mais cela allait-il durer ?
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés