Le choix d'une vie

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Chapitre 7

En me voyant, Falkhen aurait rit. Je m’affairais à ce qu’il appelait le « syndrome du chauve » : je nettoyais mon armure. Comment pouvait-il comprendre qu’une armure rouillait rapidement, lui qui était un adepte du tissu ? Je devais quand même avouer que je la nettoyais plus que de raison. Narcissique le chauve tatoué ? Peut être un peu. En tout cas, suffisamment pour ne pas me considérer comme un moins que rien, une petite raclure comme j’avais pu en rencontrer au cours de mes quêtes. Mais pas assez pour me prendre pour le nombril du monde. Alors, oui, je nettoyais mon armure. Elle était pour moi une partie de ma vie. Pas une raison de vivre…quoi que, en y réfléchissant…

Nous avons tous un but à atteindre dans notre (courte ?) vie. Du moins, nous espérons en avoir un. Une raison de vivre dans Vana’Diel, notre monde qui cherche lui aussi sa voie. Il paraîtrait que tout tourne autour du Cristal et des Dieux. Nous sommes les enfants d’Altana. Ca me fait une belle jambe. A quoi peut donc bien servir d’être les enfants d’une déesse si nous passons notre temps à essayer de survivre ? Survivre aux épidémies, survivre à nous même, survivre aux dangers qui nous guettent à chaque instant : hommes bêtes, seigneur noir, dieu se réveillant pour tout détruire… Et je suis sûr que j’en oublie. Des fois, je me demande si nous ne sommes pas juste-là pour amuser nos déités. Vu comme ça, ce n’est pas enthousiasmant d’être enfants de déesse.

C’est pourquoi nous cherchons des raisons de vivre, de croire en des jours meilleurs ; chacun avec sa façon de faire ou voir les choses. Moi, j’avais ma wyvern, mon petit dragon aux pouvoirs et à la sensibilité des plus extraordinaires, une vision de la vie, des vies, bien particulière. Une façon de vivre. Un choix. J’avais aussi Petitetaru et Epok. En y réfléchissant un peu plus, je devais quand même avouer que j’avais de la chance. De la chance d’être aussi riche : ma wyvern, Petitetaru, ma voleuse Mythra revenue de je ne sais où, mes amis. Bien des personnes ne possédaient pas autant.

Après, il y avait notre part d’ombre.

Pas de fumée sans feu. Et bien, l’ombre existe à cause (grâce) à la lumière.

Nous avons tous nos secrets. Douloureux, dangereux, qui nous forcent à nous dépasser, qui nous plongent dans la plus profonde des fosses à purin. Bref, nous avons tous notre part d’ombre, que nous cachons par peur, superstition, ou je ne sais quelle foutue raison.

J’en étais là de mes réflexions quand Miala arriva en courant de la chambre, le visage tendu.
« Bonjour Miala. Déjà réveillée ? »
« Nous partir, Kalten. Je devoir trouver quelqu’un. Important. »
Bon, elle parle mieux. Ce n’est pas encore ça, mais ça viendra. Ou pas.
« Et je suppose que tu ne peux pas m’en dire plus pour le moment ? »
La petite hocha la tête et partit s’habiller. Des fois, j’avais l’impression qu’elle était plus âgée que ce qu’elle pouvait laisser paraître. Je regardai mon armure et ma lance, espérant ne pas rencontrer de pluie qui me forcerait à tout recommencer.
Pendant que je revêtais ma cuirasse, j’entendis Miala s’impatienter.
« Kalten ! Etre urgent ! » dit-elle en tapant du pied, le regard sévère.
« Une armure ne s’enfile pas aussi rapidement qu’une robe, Miala. Et j’en ai besoin pour te protéger. »
Elle roula des yeux et jura dans une langue que je ne connaissais pas. Je ne voulais pas non plus savoir ce qu’elle disait.

Une fois prêt, elle insista pour que nous nous fassions téléporter à Yhoat. Heureusement, il me restait des gils. Je pus payer le transport au Tarutaru qui me fit cadeau du passage de Miala.
« C’est gratuit pour les enfants de moins de huit ans » m’avait-il dit.
Quelques instants après, nous étions dans la jungle de Yhoat : luxuriante, humide, dangereuse.
« Pourquoi ne pas prévenir les autres ? C’est peut être dangereux là où tu nous emmènes. Je ne tiens pas à me retrouver face à plusieurs ennemis.»
« Non, pas maintenant. Kalten voir quelqu’un d’abord. Ensuite prévenir les autres. »
Elle me fit un grand sourire enfantin. Je déteste quand elle fait ça ; j’ai l’impression de me faire avoir à chaque fois.
« Je pas laisser faire mal à toi. »
Avec un soupir, je me dis qu’élever un enfant devait parfois être compliqué.
« Où devons nous aller ? »
« Avant poste de la forêt, Kalten »
« Comment connais-tu cet avant poste, Miala ? » demandais-je, étonné.
Elle haussa les épaules, comme si la réponse était évidente.
« Moi savoir. »
Pour aller plus vite, et pour éviter certaines rencontres, je décidai de prendre un chocobo. Le trajet se fit donc sans encombre, Miala collée contre moi, dormant. Son côté enfant me touchait plus que je ne voulais l’admettre. Je m’attachais à cette petite.

Arrivé à l’avant poste, je fis mon possible pour ne pas la réveiller. Ne voyant personne et ne pressentant aucun danger, je l’installai sur une couverture et commençai à la veiller. Qui donc voulait-elle me faire rencontrer ? Et pourquoi ? Et comment devais-je…
« Bonjour Kalten. »
Je bondis, ma lance prête à frapper.
« Ne vous énervez pas. Je ne vous veux aucun mal. »
Un Galka se tenait devant moi. Je n’avais rien entendu. Plus inquiétant, Azure n’avait rien ressenti non plus. Je sentais son agacement, mais pas d’avertissement.
« Qui êtes-vous ? »
Le Galka restait à une certaine distance. Je ne tenais pas à ce qu’il s’approche davantage.
« Je suis celui que Miala veut vous faire rencontrer. Vous êtes son gardien et je viens pour vous donner quelques explications. »
Voyant que je restais sur la défensive, il ferma les yeux et remua les lèvres. Miala se réveilla et eut un grand sourire en voyant le nouvel arrivant. Avant que je puisse réagir, elle couru vers le Galka.
« Tarik ! Miala contente de voir toi ! »
Le dénommé Tarik sourit en recevant Miala dans ses bras.
« Je suis content de te retrouver aussi, Miala. Pourrais-tu dire à ton gardien que je suis venu en ami ? »
Miala se tourna vers moi, un sourire aux lèvres.
« Tarik ami, Kalten. Devoir parler à toi. »
« Dites, si vous êtes son ami depuis longtemps, pourriez-vous lui donner quelques leçons de langage ? » dis-je en baissant ma lance.
Tarik haussa les épaules, défaitiste.
« J’essaie. Je n’ai pas beaucoup de succès de ce côté-là, mais j’y travaille. Miala fait un peu ce qu’elle veut par moment. »
Celle-ci nous gratifia d’un juron et nous tira la langue. Tarik s’assit sur l’une des marches de l’escalier. J’allais enfin commencer à avoir des réponses.

« Que savez-vous de Miala, Kalten ? »
A mon tour de hausser les épaules.
« Pas grand chose. C’est une petite fille, une incarnation d’Altana, si c’est vrai. Elle a besoin de gardiens pour je ne sais quelle raison et elle est recherchée par un ennemi que je ne connais pas mais qui semble déterminé. C’est à peu près tout.»
J’observais Tarik. Il est assez difficile de donner un âge à un Galka. Je n’arrivais pas à décider si je devais le considérer comme vieux ou jeune, malgré sa robuste constitution et sa démarche légère. Cependant, une impression de sagesse émanait de sa personne. Un autre fait m’étonnait : il portait une tunique blanche lui descendant jusqu’au cheville. Une ceinture, blanche également, lui serrait la taille. Yhoat était une forêt luxuriante et humide. Un vêtement en tissu devait donc prendre rapidement l’humidité et se salir. Mais la sienne semblait devoir rester immaculée.
« Je vais répondre à vos questions, Kalten. Vous devez savoir certaines choses concernant cette mission. »
Miala se promenait à côté de nous, ne s’éloignant pas de l’avant poste.
« Miala est bien une incarnation de la déesse Altana. Elle est une sorte d’envoyée sur Vana’Diel. Elle prend la forme d’une enfant car on s’apitoie plus facilement que s’il s’agissait d’un adulte. Et puis, on a tendance à plus embrasser une petite fille qu’un petit garçon. Miala adore ça. »
L’intéressée se retourna pour nous faire un grand sourire.
« Qu’est ce que je viens faire là-dedans ? » demandais je.
« Je vais y arriver. Tout d’abord, je vais vous expliquer ce que moi, je fais ici. Je suis son guide. Miala n’est pas Altana, mais comme je l’ai dit, une envoyée. Ce qui veut dire qu’elle ne connaît pas ce monde. Elle le découvre avec la vision d’une enfant. C’est pour cette raison que je suis là. Pour la guider. Je suis moi-même investi de certains pouvoirs divins. J’ai été recruté dès mon plus jeune âge pour cette fonction. Recruté par mon prédécesseur. Une fois prêt, je dois attendre l’arrivée de l’incarnation. S’il doit y en avoir une. Malheureusement, je ne connais pas l’endroit où elle apparaît. Je dois attendre qu’elle utilise ses pouvoirs pour savoir où la trouver. »
« Une minute. »
Quelque chose n’allait pas dans son discours.
« Vous dites qu’elle a utilisé ses pouvoirs, c’est ce qui fait que vous pouvez la trouver. Je ne l’ai pas encore vu faire quoi que ce soit. »
Tarik me sourit.
« Miala a utilisé ses pouvoirs. Je puis même dire sur qui. Vous souvenez-vous d’avoir entendu une voix chantée dans l’église ? Une voix enfantine qui vous a réconfortée ? »
Je le regardais, surpris.
« Comment….comment le savez-vous ? »
« Une fois qu’elle a utilisé ses pouvoirs, je peux la localiser. En tant que son guide, j’ai la possibilité de communiquer avec elle. Un peu comme vous et votre petit compagnon ailé. »
« Cette voix, c’était elle alors ? »
Tarik acquiesça.
« Mais moi, que… »
Tarik mit subitement sa main sur mes lèvres, se leva et ferma les yeux.
« Quelque chose de sombre approche, petit Hume. »
Cette voix ! Cela faisait un moment que je ne l’avais pas entendue ! Instinctivement, ma main se posa sur le foulard enlaçant mon cou. Pourquoi me mettait-il en garde ? Dans quel intérêt ? Miala se rapprocha de moi. Elle aussi semblait sentir que quelque chose allait arriver.
Tarik rouvrit ses yeux, son expression étant toujours sereine. Il se tourna vers la jungle. Une silhouette encapuchonnée sortit de la végétation et s’approcha tranquillement de nous. Etrangement, je me disais que je connaissais cette personne. Ce qui ne m’empêcha pas de pointer ma lance dans sa direction.
« N’avancez plus ! » ordonnais-je alors que l’inconnu était à dix mètres de nous. Et l’inconnu s’arrêta.
Tarik avança de quelques pas.
« Bonjour, déchue » dit-il d’une voix dure.
Déchue ? Comment connaissait-il cette personne ?
L’inconnue fit une petite révérence puis ôta sa capuche.
« Vous ! » m’exclamais-je.
« Bonjour Kalten. Je t’avais bien dit que nous nous reverrions. »

La Mithra aux mèches blanches ne souriait pas.
Chapitre 8


« Ainsi, vous vous connaissez. »
Tarik ne semblait pas surpris.
« Nous nous sommes rencontrés dans la cathédrale de San d’Oria. »
Le Galka eut un petit sourire.
« Il est étonnant qu’Altana t’ait accordé le droit d’entrer dans un Sanctuaire, déchue. »
La Mithra le foudroya du regard.
« Comment connaissez-vous mon nom ? »
« J’ai mes sources » me répondit-elle.
Tarik se tourna vers moi.
« Savez-vous ce qu’elle est, gardien ? Du moins, savez-vous ce qu’elle était ? »
En voyant mon air interrogatif, Tarik hocha la tête.
« Laissez-moi vous raconter une histoire que peu de mortels connaissent. Il est nécessaire que vous sachiez certaines choses. »
Miala regardait la Mithra avec tristesse. Pourquoi ?

« Les peuples de Vana’Diel connaissent Altana et Promathia, Déesse et Dieu aux destinées différentes. Mais très peu d’entre vous connaissent Soria, Déesse des vents. »
Soria…. Ce nom me disait quelque chose…
« En voyant les enfants d’Altana, et après en avoir discuté avec elle, Soria décida de les protéger en donnant naissance aux Pahalgrins et aux Raihgrins. »
Tiens donc ! Cela ne te rappelle personne, petit Hume ?
Cette voix dans ma tête ! Il fallait toujours que ça arrive au moment le moins opportun.
Trop étonné par ces déclarations, je n’eu pas le réflexe de la faire taire.
Tarik vit ma surprise.
« Qu’y a-t-il, Kalten ? Savez-vous ce que sont les Pahalgrins et les Raihgrins ? »
« J’ai croisé une fois un aventurier qui m’a déjà parlé d’une certaine Déesse Soria. C’est tout. »
Un rire dans ma tête…
Et bien, petit Hume. Tu ne veux pas leur dire la vérité ? Tu ne veux pas leur dire que tu connais personnellement des Raihgrins et des Pahalgrins ?
« Ferme là ! » murmurai-je.
Tarik et la Mithra me regardèrent, étonnés. Miala me fixait, songeuse. Trouver une réponse, vite !
« Je réfléchissais. Ce n’est rien. »
De nouveau un rire dans ma tête.
« Les Pahalgrins avaient pour mission de vivre parmi les enfants d’Altana, de les aider et de les aimer. Les Raihgrins, quant à eux, devaient veiller sur ces mêmes enfants. Ils disposaient d’ailes, comme les anges, et avaient la faculté de lire dans les cœurs. »
La voix de Tarik se chargea de tristesse.
« Mais la nature instable des enfants d’Altana provoqua une guerre entre les Pahalgrins et les Raihgrins. Ces derniers ne bénéficièrent plus de l’amour de Soria. Ils se tournèrent alors vers Promathia, apportant folie, mensonge, tristesse et mort dans Vana’Diel. »
« Certains survécurent à cette guerre et continuèrent à œuvrer. Les Pahalgrins aidèrent les peuples d’Altana. Les Raihgrins reprirent leur travail de peur et de destruction. Altana entendit les pleurs de ses enfants et prit la décision d’intervenir. »
Une intuition me forçat à prendre la parole.
« Laissez-moi deviner. Altana, pour une obscure raison, a décidé d’envoyer une petite fille. En fait, Altana n’est pas Miala et Miala n’est pas Altana, mais elle en est une partie. »
Tu comprends vite, petit Hume.
Cette fois, je m’attendais à une de ses interventions. Je réussis à ne pas broncher. Tarik hocha la tête.
« C’est à peu près ça. Miala est investi de l’esprit d’Altana. Cependant, c’est une petite fille. Pour sa mission, un adulte aurait compliqué les choses. »
Miala était à côté de moi, nous regardant tous les trois. Elle avait ce regard étrange, intemporel et sage.

Petit Hume, des forces obscures approchent.
« Comment le sais-tu ? »
Je me rendis compte un peu tard que j’avais parlé à voix haute.
« Parce que je suis son guide. »
Tarik avait répondu le plus laconiquement du monde. Il ne s’était rendu compte de rien. A l’inverse, la Mithra et Miala me regardaient avec attention.
N’oublie pas qui je suis, petit Hume. Je sens ce genre de choses. Ce qui s’approche est dangereux.
« Nous ne sommes pas seuls, on dirait. »
Je regardai la Mithra.
« Tu nous a tendu un piège. Voilà pourquoi tu restes là sans bouger. »
Son regard vert émeraude était menaçant.

Ils sortirent de la forêt à ce moment. Au nombre de cinq, ces créatures étaient plus grandes que moi. Elles n’avaient pas de pieds et semblaient flotter à quelques centimètres du sol, une vapeur noire s’échappant de leurs corps, noirs eux aussi. Je ne voyais pas de bras, mais leur tête était dotée de sortes de petits tentacules vaporeux. Leur bouche émettait un petit sifflement persistant. Quant à leurs yeux, ils me donnaient l’impression de plonger en eux, de tomber dans un vide sans fin, me prenant…
NE REGARDE PAS LEURS YEUX PETIT HUME !
Ce cri dans ma tête ! Douleur ! Mais je reviens à la réalité. La douleur passe, lentement. Le sifflement des créatures continue, entêtant.
« Pas la peine de crier » dis-je les dents serrées. « J’ai entendu. »
La Mithra n’avait pas bougé. Elle me fixait, menaçante.
« J’ai compris » murmura t’elle.
Je tenais solidement ma lance, tournant autour de Miala, Tarik à mes côtés. Les créatures s’approchaient. Elles semblaient obéir à cette Mithra. Elles avançaient doucement, pourquoi ?
Surtout, ne les laisse pas te toucher. Je peux te protéger de leur contact mais elles sont nombreuses.
« Fais de ton mieux » rétorquai-je. Pas le moment de poser des questions.
Tarik leva les bras.
« Tu n’auras pas ce que tu cherches aujourd’hui, déchue ! »
Mais la Mithra n’écoutait pas. Elle me regardait, étonnée. Miala, elle, chantonnait doucement, ce qui avait pour effet de diminuer le sifflement des créatures, apaisant mon esprit.
« Ainsi, tu n’es pas seul, toi aussi » me lança t’elle.
Soudain, un vent terrible se leva, entravant l’avancée des créatures.
« Kalten, je dois te parler. »
La voix de Petitetaru résonna dans ma tête. Désolé, Petite, je ne pourrai pas te répondre. Je suis légèrement occupé.
Le vent s’intensifiait. Les créatures, ne pouvant plus avancer, tendaient leurs tentacules mais une barrière invisible les bloquait. Miala continuait à chantonner, accrochée à ma ceinture. La Mithra me fixait toujours, mais je n’entendais pas ce qu’elle disait. Tarik, que je soupçonnais être l’auteur de cette mini tempête, marmonnait quelque chose. Et moi, je tenais ma lance, prête. Prête à quoi, je ne le savais pas, mais c’était toujours mieux que de ne rien faire.
« Kalten, réponds, crâne d’œuf. J’ai des informations très importantes. Ca te concerne personnellement. »
Encore Petitetaru. Tu choisis mal ton moment, petite sœur.
Soudain, Tarik baissa les bras. Immédiatement, le vent s’arrêta, mais Miala continuait à chanter. La douleur arriva au moment où nous disparaissions. Un tentacule m’avait touché. Je ne pus retenir mon hurlement. Avant de m’évanouir, j’entendis Miala crier mon nom, puis ce fut le noir total.

Les branches des arbres arrêtèrent de remuer. Les animaux, effrayés, se cachaient. Il ne restait près de l’avant poste qu’une Mithra aux mèches blanches, les yeux dans le vide, et ses serviteurs, noires créatures, se regroupant autour de leur maitresse.
« Toi aussi tu es deux » marmonna t’elle. « Tu as fait comme moi. »
Pas de sourire sur son visage, plutôt un air attristé par ce qu’elle avait discerné.
« Alors tu es comme moi. Qu’as-tu fait pour mériter ça, Kalten ? »
Elle reprit ses esprits et regarda autour d’elle.
« Repartez d’où vous venez. Attendez mon appel. »
Les créatures disparurent en quelques secondes. La Mithra matérialisa dans son esprit la Cathédrale de San d’Oria et incanta un sort de rapatriement.

La forêt retrouva son calme. Pas un bruit ne pouvait parvenir à un éventuel aventurier passant par là. La forêt semblait comme figée. A côté de l’avant poste, cinq traces de brûlures apparaissaient sur le sol.
Chapitre 9


J’ouvris les yeux. Il faisait noir, je n’y voyais rien. Mais où suis-je ?
« Dans ton esprit, petit Hume. »
Encore lui.
« Tu as été touché par un tentacule. »
« Je croyais que tu devais me protéger de leur contact » rétorquai-je.
« C’est ce que j’ai fait. Tu n’es pas mort et tu as gardé ton âme. »
« Comment ça ? Je ne comprends pas. »
« Les créatures que tu as vues s’appellent des Manges-Morts. Si jamais un Mange-Mort touche un être pourvu d’une âme, il la perd ainsi que sa vie. Je t’avais promis de te protéger mais pas de leur contact. C’était ton travail. »
« Que s’est-il passé alors ? »
« Au moment où le sort du Galka allait se déclencher, il y a eu un laps de temps suffisant pour l’un des Manges-Morts de lancer une attaque. Ce qui est étonnant, c’est que tu étais la cible. Tu étais directement concerné. »
« Une coïncidence peut être. »
« La Mithra dirigeait les Manges-Morts, petit Hume. Ce genre de créatures n’a pas de volonté propre. Soit ils sont dirigés pour attaquer, soit ils sont provoqués. Je te laisse deviner ce qu’il s’est passé. »
« Pourquoi m’aurait-elle visé ? C’est Miala sa cible, pas moi que je sache. »
« C’est pour cette raison que je voulais te parler, petit Hume. »
Le noir dans lequel je me trouvais me rendait mal à l’aise.
« J’aurais préféré que l’on se voit à une table d’une taverne, un feu de cheminée me chauffant le dos et une choppe à la main. J’ai l’impression d’être dans un vide, actuellement. »
« Ton esprit ne s’est pas encore remis de l’attaque. »
Tout à coup, je me sentis aspiré vers l’avant. Je me dirigeais à une vitesse vertigineuse vers un point brillant. Le point grossissait au fur et à mesure que je me rapprochais. Pour une raison que j’ignorais, je n’avais pas peur. En quelques secondes, je me retrouvai assis dans ce qui ressemblait à une salle de taverne. Plusieurs tables, vides, étaient disposées de façon géométrique. En me retournant, je vis un feu crépitant dans une cheminée. La chaleur diffusée était agréable. Tenue par un crochet, une odeur de ragoût émanait d’une petite marmite. Mon ventre se mit à grogner.
« Bon sang, où suis-je encore ? »
« Dans une taverne, petit Hume, comme tu le voulais. »

Me retournant à nouveau, je vis quelqu’un adossé derrière le bar. « Il » approcha et je découvris, stupéfait, que j’étais face à Falkhen. Voyant ma surprise, « il » sourit.
« J’ai rajouté quelques petits détails par rapport à ce que tu voulais. Comme un ragoût de lapin, derrière toi. Tu peux en prendre, si tu veux. Il est bien chaud. Mais je préfère te dire que tout ceci se passe dans ton esprit. Tu ne mangeras pas vraiment, même si tu en auras la sensation. »
« Il » me tendit une choppe.
« Vin rouge de San d’Oria, première qualité. Tu m’en diras des nouvelles. »
Tremblant, je pris la choppe que je portai à mes lèvres. Le liquide coula dans ma gorge, rempli de saveurs à la fois fruitées et boisées.
« Délicieux » dis-je, émerveillé.
« Il » me fit une petite révérence.
« Je te remercie. L’avantage des illusions, c’est que l’on peut tout se permettre. Veux-tu des danseuses ? Des bardes ? Tout est possible. »
« Ca devrait aller » répondis-je. « Mais pourquoi as-tu fait ça ? Et pourquoi as-tu pris cette apparence ? »
« Il » s’assit en face de moi, une chaise apparaissant comme par miracle.
« Il faut que l’on parle. Tu dois connaître quelques petites choses. Alors, comme tu parlais d’une taverne, je me suis dit que ce serait plus tranquille pour toi que dans ton esprit encore traumatisé. Bien que nous soyons toujours dans ton esprit. »
« Quant à mon apparence ce sera plus facile pour toi de discuter devant quelqu’un que devant le vide. J’ai donc pros l’apparence d’une personne que tu sembles apprécier. Tu ne veux pas goûter à ce ragoût ? »
Une assiette apparut devant moi, remplie à ras-bord de ragoût. Un délicieux fumet s’en échappait.
« Pourquoi tout ça ? Je veux dire, tu es un démon. Tu veux mon âme, ce que j’ai accepté en échange de ton aide pour ce que tu sais. Alors, pourquoi toutes ces attentions ? »
« Il » ne put se retenir de rire.
« Tu as beaucoup à apprendre, petit Hume. Alors, pour toi, parce que je suis un démon, je devrais te torturer l’esprit, commettre des crimes, effrayer les enfants et tout ce que le folklore Hume te dit ? Pourquoi n’aurais-je pas le droit de faire autrement ? »
Je ne savais pas quoi répondre. Depuis l’enfance, les enfants d’Altana apprennent que les démons sont mauvais, prêts aux pires atrocités. Et voilà que je me retrouvais habité par un démon qui me montrait le contraire. C’est ce que je lui expliquai.
« Il » hocha la tête.
« Je ne te dirai pas que nous sommes tous gentils, agréables ou ce que tu veux. Ce serait bien évidemment faux. Je vais commencer mon explication par ça. »
« Il » fit apparaître deux autres choppes. « Il » m’en offrit une, gardant la deuxième pour lui.

« Je suis bien un démon. Du moins, c’est comme ça que vous autres, enfants d’Altana, m’appelleriez. Le monde d’où je viens est un univers parallèle à Vana’Diel. Je ne t’en dirai pas plus, ce serait assez compliqué. Saches juste que là d’où je viens, nous avons la possibilité de rejoindre ton monde, sous certaines conditions. Mes « compatriotes » et moi-même ne sommes pas faits de chair et de sang. Nous sommes des consciences, des entités vivantes, et nous prenons forme dans votre monde car nous n’avons pas d’autres possibilités. Et tout comme sur Vana’Diel il existe des personnes suivant des vies différentes, il y a des « démons » aux caractères différents. »
« Il » me laissa quelques secondes pour digérer ces informations. Ces déclarations étaient à la limite de l’hérésie pour certains ecclésiastiques. Même moi j’avais du mal à accepter tout ça.
« Mais pourquoi venez-vous dans notre monde ? » demandai-je à mon professeur.
« Pour les mêmes raisons qui vous font vivre, vous autres enfants d’Altana : la curiosité, la jalousie, l’envie, l’amusement. Pour nous occuper, aussi. Pour toutes ces raisons et bien d’autres. Et parce que nous avons le choix de le faire ou non, tout comme toi et tes semblables avez des choix à faire durant votre courte existence. Comment trouves-tu mon ragoût ? »
« Délicieux. Je vais même en reprendre. Il faut que tu saches que j’ai du mal à croire ce que tu me dis. Non pas que je ne veuille pas te croire, mais cela ébranle tout ce que j’ai appris, toutes mes certitudes sur ce sujet. »
« Il » leva la main.
« Je te comprend. Nous n’irons pas plus loin dans cette discussion. Je continuerai une autre fois. Mais cela ne veut pas dire que je suis un enfant de chœur. Nous avons conclu un pacte. Tu me donnes ton âme et en échange, je t’aide dans ta quête, aussi insensée soit-elle. »
Gavé, je repoussai mon assiette. Et dire qu’en réalité, c’est comme si je n’avais rien mangé.
« Très bien. Que voulais-tu me dire à propos de ce qu’il s’est passé ? »

« Il dort. »
Le Galka se tourna vers les personnes derrière lui, attendant le verdict.
« Il dort mais son esprit n’est pas au repos. Je ne peux accéder à l’endroit où il se trouve, ni moi ni Miala. »
Falkhen s’approcha du lit et regarda le Hume chauve, allongé et semblant serein.
« Que pouvons-nous faire ? » demanda Petitetaru.
« Attendre » répondit Falkhen. « Attendre qu’il se réveille. Petite, je vais commencer à le veiller. Va te reposer un peu. Ce n’est pas la peine de tous rester dans la chambre. »
Midgard s’approcha de Tarik.
« Nous allons protéger Miala en attendant que Kalten puisse reprendre sa charge. En tant que chef des Pahalgrins de Soria, j’aurais quelques questions à te poser, Tarik, par rapport à votre rencontre avec cette déchue. »
Tarik et Midgard sortirent de la chambre, accompagnés des autres membres de l’alliance. La chambre retrouva son calme, laissant Falkhen seul à veiller son ami.

« Tu sais maintenant que tu avais face à toi des Manges-Morts et que ceux-ci n’ont pas de volonté propre. Ces créatures peuvent être invoquées par certains de mes semblables. »
Il me laissa réfléchir à la conclusion. J’ouvris de grands yeux.
« Tu veux dire que cette Mithra est elle aussi possédée ? »
« Tout à fait, petit Hume. Elle est possédée par un esprit beaucoup plus belliqueux que moi. Et tout comme moi, cet esprit n’intervient pas dans les décisions prises par la Mithra. »
« Connais-tu celui qui l’habite ? »
« Non, je n’ai pas eu le temps de le reconnaître, si je le connais. »
« Pourquoi ne le connaitrais-tu pas ? »
« Il » me répondit d’un air agacé.
« Connais-tu tous les enfants d’Altana, petit Hume ? Connais-tu seulement tous les habitants de Bastok ? »
Je me sentais soudain très bête.
« C’était une question stupide, en effet. J’aurais du le savoir. »
« Lui non plus ne m’a pas reconnu. Dans le cas contraire, j’aurais ressenti quelque chose. Cependant, méfies-toi d’une chose, petit Hume. »
« De quoi dois-je encore me méfier ? »
« La Mithra sait que tu es possédé. Elle avait des soupçons. C’est pour cette raison qu’elle t’a attaqué. »
Je réfléchis quelques secondes à ce que cela impliquait.
« Sait-elle que je suis encore en vie ? »
« Tu n’as pas réagi comme ceux qui perdent leur âme. Elle sait donc que tu es vivant. De ce fait, elle sait aussi que tu abrites une entité. »
« Il » se leva.
« Il va falloir que tu partes. Non pas que je n’apprécie pas ta compagnie, petit Hume, mais ton esprit est suffisamment reposé maintenant. Il te faut retourner dans ton monde. »
« Une dernière question avant. As-tu un nom ou quelque chose s’en rapprochant ? »
« Il » sourit et retourna vers le bar, disparaissant progressivement de ma vue.
« J’ai un nom. Mais tout comme je n’utilise pas le tien, tu n’utiliseras pas le mien tant que la condition n’est pas remplie. Peut être un jour, mais n’espère pas trop, petit Hume. »
Sa voix était de plus en plus lointaine.

« Quelle condition ? »
« Et bien, je ne m’attendais pas à ce genre de réveil. »
J’ouvris les yeux et je vis des poutres en bois. J’entendis des pas se rapprocher et Falkhen entra dans mon champ de vision.
« Content de te voir réveiller, Kalten. De quelle condition parles-tu ? »
Je le regardais, l’esprit encore un peu brumeux.
« Tu ne sais pas… ? » je réalisai à ce moment que j’étais revenu dans mon monde.
« Non, ce n’est rien. J’ai fait un rêve, c’est tout. »
Un rire dans ma tête.
Chapitre 10


Merenil avançait prudemment. La lune était haute et illuminait les plaines du Gustaberg mais il avait toujours un peu de mal à s’orienter la nuit. Ici, l’air était frais et pur, pas comme dans les rues de Bastok. Ce soir, il allait enfin pouvoir finir sa quête. Il avait la viande qu’il fallait pour trouver ce loup se promenant sur les pentes de la Vomp Hill. Evidemment, il fallait faire attention aux Gobelins, mais il était suffisamment entraîné pour les éviter. Il obtiendrait bientôt la récompense de ses efforts et pourrait enfin acheter la bague qu’il comptait offrir à cette jeune couturière du marché. Il ne connaissait pas son nom mais, dès leur première rencontre, il avait su qu’il ne lui était pas indifférent, et lui avait été subjugué par son sourire.

Un bruit sur sa gauche le ramena à la réalité. Il s’accroupit, attendant d’en connaître l’origine. Il fut soulagé de voir passer un mouton. Se relevant, il remarqua alors une faible lueur devant lui. Il savait que les Gobelins ne faisaient pas de feu, afin de passer inaperçu. Ne restait qu’une possibilité : des aventuriers. Il hésita quelques secondes, se disant qu’il arriverait à se débrouiller seul. Puis il se dit qu’à plusieurs, il parviendrait rapidement à trouver ce loup. Tout en avançant, il remarqua quelques cadavres d’animaux et de Gobelins. Il mit sur le compte de l’obscurité le fait de ne voir aucune trace de coups. Arrivé à portée de voix, il préféra s’annoncer. Ce serait stupide de se faire tuer parce qu’un aventurier aurait entendu du bruit.
« Bonsoir. Puis-je m’approcher de votre feu ? »
Aucune réponse ne lui parvint. Il décida de s’approcher et vit alors une Mithra, assise en tailleur.
« Mademoiselle ? Puis-je m’approcher ? »
Merenil se dit que cette aventurière était stupide de ne pas se protéger d’une éventuelle attaque. Elle semblait dormir debout et rien n’y personne ne la protégeait.
« Vraiment n’importe quoi » se dit-il.

Tout à ses réflexions, Merenil ne vit pas la silhouette se faufiler derrière lui. La douleur qu’il ressentit le fit crier. Se retournant, il vit une créature qu’il n’avait encore jamais rencontrée, semblant flotter dans les airs. En voulant sortir son épée, il entendit une voix murmurer.
« Ton âme m’appartient désormais. Il est inutile de lutter. Tu es déjà mort. »
Paniqué, il oublia la Mithra et prit la fuite, se demandant ce qu’il se passait ici.
« Cours si tu veux, petit Hume. Ce qui est fait est fait. »
Merenil sentit ses jambes devenir lourdes, son esprit s’embrumer. Il ne pouvait plus courir.
« Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir…. » murmurait-il.
Etrangement, il ne doutait pas de la voix. Il sentait au plus profond de lui-même que son âme s’étiolait. Il avait l’impression de se vider. Et cela lui faisait peur.
Il marchait maintenant, les yeux fixés vers les lumières de Bastok, si loin de lui. Il voulait sentir l’odeur minière des rues de la cité. Il voulait attendre dans les files menant à l’Hôtel des Ventes. Il voulait parcourir à nouveau le monde à dos de chocobo. Il voulait vivre !

La dernière chose qu’il vit en s’effondrant fut un lapin se nourrissant d’une touffe d’herbe. La dernière pensée qu’il eut fut pour cette jeune couturière du marché. Il ne pourrait jamais plus revoir ce sourire. Quand Merenil rendit son dernier souffle, il pleurait.

Voyant sa proie morte, le Mange-mort revint doucement vers le campement et reprit sa ronde de surveillance.

Faire le vide. Ne penser à rien.

Elle arrivait de mieux en mieux à se concentrer. « Il » lui avait expliqué la théorie et l’avait guidé les premières fois. Maintenant, elle se débrouillait seule.

Ne pas réfléchir, ne pas méditer, juste….faire le vide.

Au début, le fait de se savoir vulnérable pendant cet état de transe l’empêchait de se concentrer convenablement. Elle avait appris à faire confiance à ses sentinelles pour se consacrer entièrement à sa tâche.

Sentir la vie autour de soi, sentir son propre corps, sa propre âme.

Elle se sentit sortir de son enveloppe charnelle et s’élever au-dessus du sol. La sensation n’était pas désagréable, au contraire, mais il fallait s’habituer. En se retournant, elle vit son corps. Celui d’une Mithra assise en tailleur devant un feu de camp. Elle ressentit plus qu’elle ne vit ses Manges-mort circuler autour, la protégeant. Ils récoltaient des âmes. Beaucoup de lapins et de gobelins. Elle vit même le corps d’un aventurier et en fut attristée. Une victime innocente de plus payait pour les autres. Mais ce soir, autre chose lui importait. Elle devait trouver une issue, une possibilité. Se retournant encore une fois, elle vola en direction de ces minuscules points de lumière qu’elle sentait au loin, vers Bastok.

Les premières fois, elle avait été émerveillée de pouvoir se faufiler à travers les rues. Elle n’était même pas une ombre, pas même un reflet. Elle était une entité pouvant s’aventurer où elle voulait sans jamais être vue, une conscience s’insinuant dans les pensées de celui ou celle qu’elle désirait. Cela l’excitait et lui faisait peur en même temps. Mais « il » n’était jamais loin pour la rassurer, lui rappeler sa promesse.

En arrivant dans Bastok, elle se dirigea rapidement vers le quartier des aventuriers. Elle savait qu’elle trouverait ceux qu’elle cherchait là-bas. Elle sentait leurs âmes, ces petites lumières qu’ « il » aimait par-dessus tout.

Ils étaient là. Pas tous, mais suffisamment pour qu’elle puisse chercher. Malheureusement, Elle vit une lumière différente, une âme capable de la repérer. Elle devait attendre que ses proies s’éloignent de ce chevalier dragon, ce Kalten. Si elle avait eu encore des doutes, ce qu’elle voyait lui prouvait qu’elle avait raison. Le protecteur de Miala était possédé par une entité, comme elle. Elle s’éloigna juste ce qu’il fallait pour ne pas se faire détecter. Quant elle « lui » en avait parlé, « il » lui avait expliqué pourquoi l’âme du chevalier était inaccessible, ainsi que ses pensées. Elle s’aperçu que d’autres lumières étaient différentes elles aussi. Différentes mais accessibles. Elle devait juste attendre avant de pouvoir commencer.

Son premier choix se porta sur un couple de Humes, un invocateur et une mage. Elle s’insinua dans leurs esprits, conscience discrète violant les pensées les plus intimes de ses proies. Elle sourit quand elle découvrit la vérité les concernant. Elle pourrait toujours s’en servir le moment opportun. Mais ce soir, elle les laisserait se rapprocher encore plus, se découvrir et s’ouvrir l’un à l’autre. Cela lui rappelait tant de souvenirs. Elle les envia et quitta leurs esprits, leur souhaitant silencieusement le plus pur des bonheurs.
Elle décida alors de s’approcher de ces âmes différentes des autres. Curieuse, elle dériva lentement vers eux quand, soudainement, elle comprit. Elle s’arrêta, pensant que cette guilde était vraiment particulière. Elle avait en face d’elles des âmes appartenant en partie à des Pahalgrins et des Raihgrins ! Elle préféra ne pas s’approcher davantage et « lui » expliqua pourquoi.
Elle partit vers une nouvelle proie, de nouvelles pensées. Elle fit le tour des personnes présentes, découvrant leurs secrets, leurs peurs, leurs désirs, mais aussi leurs joies, leurs volontés. Cela la déroutait quelquefois, la faisait sourire à d’autres. Mais par-dessus tout, elle trouvait parfois ce qu’elle voulait. Ce groupe était différent de ceux qu’elle avait déjà sondés dans le passé. Chacun avait ses particularités, bien sûr, mais celui-ci était vraiment étrange. Ils étaient à la fois si différents les uns des autres et si proches en même temps. Elle se surprit à penser qu’elle aimerait les connaître, partager leurs vies.
« Il » lui rappela qu’elle devait revenir, son corps physique commençait à fatiguer. Elle les quitta donc, retournant vers ses pensées à elle, ses secrets. Tout en survolant le Gustaberg, elle repensa à cette mage Tarutaru qui accompagnait souvent le chevalier dragon. Son âme était limpide, ses pensées claires (et utiles) mais une sorte de mur l’empêchait de découvrir le fond de son âme. La Tarutaru semblait ne pas se rendre compte qu’il lui manquait une partie de sa vie, et cela dérangeait la Mithra. Elle devait « lui » en parler.

Quand elle ouvrit les yeux sur le monde réel, les premières lueurs du jour apparaissaient. Elle était contente, elle avait trouvé plus que ce qu’elle espérait. Elle allait pouvoir se préparer pour la suite. « Il » lui confirma qu’ils approchaient du but. Tout en souriant, elle prit la direction de Bastok et s’arrêta devant le corps de l’aventurier. Quand elle repartit, le corps avait disparu. A la place, il y avait un petit monticule de terre avec une croix faite de branchage.
Chapitre 11


Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis mon réveil et le quotidien avait repris sa place. Peepolopee était reparti s’entraîner dans les Dunes de Valkurm, mais cette fois en tant qu’invocateur, ce qu’il avait toujours espéré. Petitetaru avait repris ses cours de cuisine, mettant les bouchées doubles pour rattraper son retard. Le reste de la guilde vaquait à ses occupations : entraînement, mission, découverte de nouveaux lieux, ou tout simplement repos. Je faisais parti de cette dernière catégorie. J’appréciais ces moments de calme après tout ce qu’il s’était passé. Et j’avais besoin de réfléchir aux paroles de Petitetaru.

Notre conversation datait d’hier. Nous avions accompagné Peepolopee à Selbina, puis nous nous étions tous séparés. Ne restaient dans le petit village côtier que Tarik, Midgard, Petitetaru, Miala et moi. Je m’étais dit que l’air marin ne pouvait pas faire de mal à la petite. De plus, j’avais l’impression d’être en vacances. Je voulais profiter quelques jours de ce moment délicieux. Nous étions tous les cinq sur la plage, Miala courant après les Pugils et autres Crabes. Petitetaru me donna un coup de pied, signe chez elle qu’elle voulait capter toute mon attention.
« Kalten, il faut que tu saches certaines choses sur ta mission. »
Je m’assis à côté d’elle, Tarik et Midgard faisant de même.
« La bibliothèque de San d’Oria renferme quelques trésors dans ses rayons » commença t’elle « et j’ai trouvé quelques renseignements. »
Petitetaru sortit des gâteaux de son sac.
« J’ai cru un moment que je ne trouverais rien, et je suis tombé sur un livre parlant de légendes et de contes pour enfants. Toutes ces histoires avaient un point en commun : Altana. »
Elle croqua dans un cinnacookie. Nous dûmes attendre qu’elle finisse son gâteau avant d’entendre la suite.
« L’une d’elles, cependant, a retenu mon attention. Un aventurier avait un jour trouvé un bébé au pied d’une statue représentant Altana. Etrangement, le bébé était calme. L’aventurier prit le bébé avec lui et rejoignit le village le plus proche. Il trouva un couple de fermiers acceptant de prendre le nouveau-né. Mais au moment où il voulut repartir, le bébé se mit à crier. Le couple n’arrivant pas à calmer l’enfant, l’aventurier, un voleur du nom de Kernt, repris le bébé qui se calma aussitôt. Après plusieurs tentatives, les fermiers dirent à Kernt que l’enfant semblait vouloir rester avec lui. Notre voleur essaya avec d’autres couples qu’il rencontra mais la même chose arrivait : à chaque fois qu’il voulait partir, l’enfant se mettait à crier. Sachant qu’il ne pouvait pas garder ce bébé avec lui, il arriva à la cathédrale de San d’Oria pour leur remettre le nourrisson. Le prêtre, après avoir entendu l’histoire de notre aventurier, emmena celui-ci voir le père abbé. Ce dernier lui dit alors qu’il avait été choisi par Altana pour protéger l’enfant. Kernt rejoignit sa guilde plusieurs heures après avec le bébé dans les bras et leur raconta toute l’histoire. »
Petitetaru fit une pause en mangeant un autre gâteau. Il y avait beaucoup de similitudes avec le cas de Miala mais je ne voyais pas en quoi cela me concernait directement.
« Kernt garda donc l’enfant avec lui. Il vivait avec une aventurière, voleuse également. Les années passèrent et le bébé grandit. Il s’agissait d’une petite fille. Sa croissance semblait s’être arrêtée vers l’âge de huit ans. Tout se passait bien jusqu’à un évènement tragique. »

Quelque chose commençait à m’inquiéter dans cette histoire. Il y avait beaucoup trop de ressemblances avec Miala. Je jetai un œil à mes compagnons. Midgard regardait gravement Petitetaru. Miala courait autour de nous et Tarik avait le regard perdu au loin. Petitetaru regarda le Galka avec un sérieux que je ne lui connaissais que quand la situation était grave.
« Je pense ne pas me tromper si Tarik peut raconter la fin de l’histoire » dit-elle.
Quoi ? Tarik ?
« Une chose encore, crâne d’œuf, à propos de cette histoire. La compagne de Kernt était une voleuse Mithra aux mèches blanches, et la petite s’appelait Miala. »
Heureusement, j’étais assis.
« Tarik, explique-toi ! » dis-je d’un ton froid.
Celui-ci expulsa un soupir puis me regarda.
« Cela faisait parti de ce que je devais te dire dans la forêt avant que nous soyons attaqués. »
Midgard émit un petit rire, sans conviction.
« Oui, je comprends mieux maintenant. Kalten, tu sais que j’ai une double personnalité et qu’il s’agit du chef des Pahalgrins de Soria. A l’époque, il n’était que simple soldat de cet ordre et avait une identité propre. Il connaissait cette Mithra car elle aussi faisait partie des Pahalgrins. Par contre, ce qu’il ne sait pas, c’est pourquoi elle a disparu du jour au lendemain. »
Tarik hocha la tête.
« Je vais aussi pouvoir l’expliquer. Miala avait grandi ce qu’il fallait pour commencer sa mission. Elle avait choisi elle-même ce Kernt pour la protéger. Ne me demander pas pourquoi, je n’en sais rien. Elle a sa propre façon de penser, à la fois enfantine et infiniment sage. Elle savait également que cette Mithra, qui s’appelle Sorane, était une Pahalgrin, chargée de veiller sur les enfants d’Altana. Un guide existait déjà à l’époque, et c’était moi. »
Le Galka secoua la tête, tristement.
« Kernt et Sorane formaient un couple. Ils vivaient l’un pour l’autre. Un jour, des Raihgrins les ont attaqués. Ils en voulaient à la fois à Miala en tant qu’envoyée d’Altana et à Sorane en tant que Pahalgrin. Kernt et moi étions présents et avons participé au combat. Des renforts de leur guilde sont arrivés et nous avons pu nous en sortir. Sauf Kernt. Il s’est fait tué par un Raihgrin en voulant protéger celle qu’il aimait. Sorane a tué son agresseur mais il était trop tard. Elle a supplié Miala de le faire revenir, que ce combat ne concernait pas Kernt. Miala s’est contenté de regarder tristement Sorane et de pleurer à côté du corps de Kernt. Voyant l’impuissance de Miala, Sorane a hurlé de détresse et s’est effondrée. Quand elle s’est relevée, son regard avait changé. Elle prononça des paroles de menaces envers Miala et devant tous ceux présents rejeta son affiliation à Soria et Altana, jurant de faire revenir celui qu’elle aimait de n’importe quelle façon, quitte à tuer la petite. Je me suis interposé alors qu’elle avançait vers Miala, son arme à la main. J’ai été blessé et les membres de sa guilde sont intervenus pour la maîtriser. J’en ai profité pour m’enfuir avec Miala. J’ai du la laisser trouver d’autres gardiens le temps de guérir. Je suis revenu pour te voir, Kalten. »
Tarik se permit un petit sourire.
« Le temps ne passe pas de la même façon là où j’étais. Cette histoire a été écrite par l’un des membres de la guilde. Il reste encore la fin à te raconter.»
Petitetaru sortit le parchemin trouvé dans le sac de Miala et me le tendit.
« Regarde le premier nom de la liste, crâne d’œuf. »
Je pris le parchemin et ne put retenir un juron.
« Comme tu dis » rajouta Petitetaru.
Le nom du premier gardien était Kernt.

Midgard reprit la parole.
« Ca explique pourquoi elle a quitté les Pahalgrins. »
« Mais ça n’explique toujours pas exactement la mission de Miala » insistai-je.
L’intéressée s’était assise entre Petitetaru et moi.
Tarik s’éclaircit la gorge.
« En plus d’essayer de ramener le calme entre les Pahalgrins et les Raihgrins, elle symbolise l’amour d’Altana pour ses enfants. Elle tente de réconcilier ceux-ci entre eux. »
Je ne pus me retenir de rire. Miala me regarda avec énervement.
« Tu n’y es pour rien, Miala, je le sais bien. Mais pour le moment, le résultat est le suivant : nous avons une ancienne Pahalgrin qui cherche vengeance suite à la mort de celui qu’elle aimait. Celui-ci ayant été tué par un Raihgrin. Raihgrins les ayant attaqué car une Pahalgrin et Miala étaient présentes. C’est d’une logique à toute épreuve. »
Tarik me foudroya du regard.
« Tu es un gardien aux paroles acides, Kalten. »
« Je n’avais rien demandé ! » dis-je, énervé. « Je n’ai pas choisi d’être son gardien. Je suis même étonné de ce choix vu ce que je pense des Dieux. »
Je regardai Miala, celle-ci semblait triste de ce que je disais.
« Malgré ça, je me suis attaché à elle. Je ne supporterais pas qu’on lui fasse du mal. »
Miala se leva, un sourire aux lèvres, et m’embrassa tendrement sur la joue.
Midgard lança une pierre dans l’eau, soucieux.
« Une autre question se pose. Sorane semble utiliser des pouvoirs étranges. Comment a-t-elle pu les avoir ? »
« Je peux y répondre » dis-je.
Un rire dans ma tête.
Ainsi, tu te décides à leur dire la vérité ?
Tous me regardaient, sauf Petitetaru qui savait déjà.
« Sorane est habité par une entité venue d’ailleurs. Elle a passé une sorte de pacte pour disposer de ses pouvoirs en échange d’une promesse. Cette entité n’intervient pas dans sa vie, mais peut la guider et l’aider. »
« Et comment peux tu être sûr de ce que tu dis ? » m’interrogea Tarik.
« Pour une bonne et simple raison. Je suis, moi aussi, habité par une entité. Depuis plusieurs mois même. »
Chapitre 12


J’attendis leur réaction.
« Kalten, tu te rends compte…. ? »
« Mais comment as-tu pu… ? »
Petitetaru regardait ses cinnacookies. Miala, elle, me tâtait de ses doigts.
« Habitant faire mal ? » me demanda t’elle le plus sérieusement du monde.
J’éclatai d’un rire franc et joyeux.
« Non Miala, rassure toi, il ne me fait pas mal. Il m’a fait comprendre que d’autres formes de vies pouvaient exister ailleurs et qu’elles n’avaient pas forcément de mauvaises intentions. »
Ni forcément de bonnes, petit Hume.
« Pour couper court à vos remarques et à vos questions, cette entité, cet être vivant devait m’aider à retrouver Epok. Il disposait de certains pouvoirs pour cela. Maintenant qu’elle m’est revenue, sans qu’il y soit pour quelque chose ma t’il affirmé, je dois honorer ma part du marché. Mais cela ne regarde que moi. Je ne vous en dirai pas plus pour le moment, ce n’est pas le plus urgent. »
« Et tu peux me dire ce qui est urgent alors ? » me questionna Midgard.
Nos perles se mirent à vibrer. La voix d’Eolya résonna dans nos têtes.
« Attention à vous tous. Kurashuji et moi avons été attaqués par des hommes de mains de cette Mithra. Je viens d’être avertie que Falkhen, Yris et Nomahios également»
Midgard se leva rapidement.
« Kalten, regarde. »
Tournant la tête vers où il regardait, je vis un groupe de guerriers courant vers nous, armes à la main.
Les vacances semblaient se finir.

Midgard sortit son épée.
« Tarik, Petite, vous restez en arrière avec Miala. Kalten, avec moi. Il y a un mage avec eux. Il faut le tuer en premier. »
Tout en courant vers nos assaillants, j’invoquai ma wyverne. Dans le même temps, je sentis l’effet d’un sort de bouclier. Je fis un bond pour interrompre une incantation du mage, passant au-dessus des guerriers. Midgard en profita pour trancher la tête d’un de nos assaillants et lança une dague en direction du mage. Dans le même temps où le mage se pencha pour éviter la dague, je lui plantai ma lance dans le ventre. Il s’écroula, mort. Il ne restait plus que deux assaillants. C’était trop simple.
« KALTEN, AU SECOURS ! »
Petitetaru criait dans la perle.
Me retournant, je vis la Tarutaru se débattant avec un assaillant, Tarik l’aidant du mieux qu’il le pouvait. Un peu plus loin sur la plage, je vis deux autres guerriers s’approchant du groupe de Miala. Une diversion !
« Vas-y Kalten. Je m’occupe de ces deux là »
Remerciant silencieusement Midgard, je courus vers Petitetaru. Son assaillant semblait autrement plus coriace que ceux de Midgard.
Je n’avais que quelques dizaines de mètres me séparant de Petitetaru mais je m’aperçu que je n’arriverais pas à temps. Si je ne tuais pas le premier guerrier, Petitetaru et Tarik ne pourrait pas se protéger pour l’affrontement suivant. Je pris instinctivement une décision.
« AZURE ! » criai-je.
Entendant et comprenant mon appel, la petite wyverne frémit de tous ses membres. Elle rapprocha ses pattes de son corps et augmenta la cadence de ses battements d’ailes. Rapidement, elle me distança, fondant à une vitesse folle sur l’assaillant de Petitetaru. J’avais demandé à Azure d’abandonner toute prudence et de se jeter sur un ennemi, au risque de se sacrifier. Et elle avait décidé de me faire confiance.

Le guerrier ne vit rien venir. Il entendit juste un feulement plein de fureur et ne put voir une wyverne se fracasser contre lui, griffes et dents en avant. L’impact fut si violent qu’il fut projeté plusieurs mètres en arrière, le visage et le torse sérieusement tailladés. Azure s’effondra au sol, à moitié assommée. Petitetaru prit rapidement la wyverne dans ses bras, pour la protéger. Tarik en profita pour abattre son bâton sur le guerrier. Un craquement sinistre précéda sa mort. S’apercevant que l’effet de surprise n’avait pas joué en leur faveur, les deux guerriers restants firent demi-tour et s’enfuirent. La promesse d’une longueur de lance dans le ventre et d’un coup de bâton meurtrier eurent raison de leur ardeur.
Le temps d’arriver auprès de Petitetaru, Azure avait tout juste repris ses esprits.
« Merci Azure. Tu as été très courageuse » dit la Tarutaru.
« Comment va-t-elle ? » demandais-je, inquiet.
« Elle n’a rien » me répondit Petitetaru. « Elle est juste un peu sonnée. Après un tel choc, ç’est bien normal. »
« Tu as un étonnant compagnon ailé, Kalten » me fit remarquer Tarik.
J’acquiesçai de la tête.
« J’avais déjà remarqué. »
Je pris Azure dans mes bras. Celle-ci me regarda et me gratifia d’un petit hululement.
« Elle a tout de suite su ce que je voulais d’elle sans que je lui dise quoi que ce soit. Et elle l’a fait sans penser à sa propre sécurité. »
Je lançais Azure et la wyverne pris son envol, allant de mieux en mieux.
« Une sacré wyverne que tu as là, Kalten. »
Midgard arriva en essuyant son épée avec la cape de l’un des guerriers.
« Preuve s’il en est que tu ne formes qu’un avec elle. »
De nouveau, j’opinai de la tête. Me tournant vers le cadavre à nos pieds, une question me brûlait les lèvres.
« Question à mille gils : cette diversion avait pour but de kidnapper ou tuer Miala. Mais est-ce vrai ? N’y at’il pas quelque chose d’autre caché derrière cette attaque ? »
« Et pourquoi n’avons-nous pas été les seuls à être attaqués ? » reprit Midgard.
Nos perles vibrèrent à nouveau. La voix de Falkhen résonna dans nos têtes.
« Tout le monde semble avoir été attaqué. Les autres membres de l’alliance viennent de me contacter, mis à part Peepolopee et Loacoon. »
« Nous irons voir Peepo» répondis-je. « Il s‘entraîne actuellement. »
Tarik leva son bras en direction des dunes.
« Je crois que ce n’est pas fini. »

En effet, un guerrier venait d’apparaître au loin. Mais il semblait seul et était à l’arrêt. Nous le vîmes bander un arc et lancer une flèche haut dans le ciel. Il était évident qu’il ne visait aucun d’entre nous ? Alors quoi ? La flèche se planta dans le sol de sable et le guerrier partit en courant. Nous demandant ce qu’il se passait, nous nous approchâmes de la flèche et je vis un parchemin attaché dessus. Je pris le papier et, après l’avoir déplié, commençai à le lire. Je tendis le parchemin à Midgard qui lâcha un juron après avoir parcouru ce qui était écrit.
« D’accord avec toi, Mid. »
Midgard se concentra sur la perle.
« Falkhen, on a un problème. Nous ne pourrons pas joindre Peepo et Loacoon. Ils ont été capturés. »
Une pléthore de jurons répondit à ses paroles.
« Ca signifie que toutes ces attaques avaient pour but de s’emparer de nous au cas où Miala n’aurait pas été kidnappée » signifia Falkhen.
« Ce n’est pas tout » continuai-je « On nous demande de venir avec Miala à l’Arbre Boyahda pour un échange ce soir.»
« On nous demande ? » s’étonna Eolya.
« Ca sent le piège à plein nez » remarqua Petitetaru.
« Bien sûr que c’est un piège » répondit Falkhen. « Je pense même que nous sommes actuellement épiés. »
« Quelle est ta décision, Kalten ? »
« Comment ça quelle est ma décision ? »
Midgard haussa les épaules.
« Tu es le Gardien de Miala. Le choix t’appartient. »
Je lançais un regard noir au paladin. Mais il avait raison. Le choix m’appartenait d’y aller ou pas. Je savais que si j’acceptais, ils viendraient tous. Sans hésiter. Sans peur. D’un côté, la vie de deux de mes compagnons, de l’autre, celle d’une petite fille élue de la Déesse.
« Bon sang ! » fulminai-je, m’étant éloigné des autres.
Je sentis une petite main dans la mienne. Baissant les yeux, je vis Miala me faire un grand sourire.
« Nous devoir aller là-bas, Kalten. »
Je pris la petite dans mes bras.
« Cette Mithra veut t’échanger, Miala. Tu sais ce qu’elle est et ce qu’elle veut. »
Je déposai un baiser sur sa petite joue. Elle me gratifia d’un autre sourire.
« Et je ne sais pas comment tout ça va finir, Miala. Plusieurs personnes risquent de mourir. »
« Kalten pas avoir peur » dit elle en passant ses bras autour de mon cou. « Moi être élue d’Altana. Moi pas peur. Tout finir un jour de toute façon. »
Je regardais cette petite fille. Petite par la taille et ses manières d’être mais combien de vies avait-elle déjà pu vivre ? Qu’avait-elle déjà pu voir de la nature des Enfants d’Altana ? Et malgré ça, elle restait souriante et pleine de vie.
Je revins près de mes compagnons.
« Très bien. Je vais aller à ce rendez-vous. Ca va être très dangereux et ce n’est pas votre mission. Je comprendrais tout à fait si vous ne vouliez pas venir. Cela ne regarde que cette Mithra et moi. »
« Compte là-dessus », « Chouette, un peu d’exercice », « Tu sais rien faire sans moi, crâne d’œuf », « On parle où on y va alors ? », « Attendez moi, je dois juste passer à l’hôtel des ventes pour me prendre une nouvelle arme »…
Ils avaient tous décidé de m’accompagner. Pas un ne voulait rester en arrière. Une fois de plus, je leur étais redevable. Une fois de plus, l’Alliance de Vana’Diel partait en guerre, d’un seul mouvement commun.

Quelques minutes plus tard, nous avions décidé de tous nous retrouver au Sanctuaire de Zi’Tah.

Dans ma tête, une petite voix me répétait : Vous n’êtes pas prêt !
HRP / Attention : pavé ! De plus, pour bien comprendre ce qu'il se passe avec le personnage de Petitetaru, je vous recommande de lire son rp le sommeil blanc (qui n'est pas fini) sur le site vdalliance.info (section forum / roleplay) \ HRP


Chapitre 13

En arrivant à l’entrée de l’Arbre Boyahda, un comité d’accueil nous attendait. Des hommes de main et des Mange-Mort formèrent un demi-cercle devant nous. L’un des Humes s’approcha, nous regardant un à un.
« Vous êtes lourdement armés à ce que je vois. Vous prévoyez des complications ? »
« Il m’arrive d’être prudent » répondis-je.
Je montrai les Mange-Mort du doigt.
« Et vous ? »
Le Hume eut un sourire.
« Je n’aime pas les surprises. Suivez-nous. »
« Nous y voilà » murmurai-je pour moi-même.

L’Arbre Boyahda. Un vaste réseau de galeries et de salles sous le Sanctuaire de Zi’Tah. Des couleurs, une faune et une flore étonnante et exubérante. La dernière fois que j’étais venu ici, je cherchais une paire de vieux gants pour mon équipement de Chevalier Dragon. Un agréable souvenir. Mais cette fois, ce n’était pas aussi réjouissant.
Nos guides nous amenèrent dans une vaste salle voûtée. Une rivière souterraine traversait la caverne et, en regardant autour de soi, rien ne laissait penser que nous nous trouvions sous terre. Une légère brise soufflait et on pouvait voir les animaux manger tranquillement des baies ou de l’herbe. Trouver cette végétation sous terre était toujours à mes yeux une surprise de la nature.
Sur une hauteur, je pus voir la Mithra avec deux Humes encadrant Loacoon et Peepolopee. Celui-ci était bâillonné. Arrivé à quelques mètres les uns des autres, nous nous arrêtâmes. Miala était à côté de moi. Pendant quelques secondes, rien ne vint troubler la quiétude des lieux. Nos deux groupes se faisaient face. On entendait le clapotis de la rivière ainsi que la légère caresse du vent.

La Mithra rompit le silence en désignant Epok.
« Je vois que tu as retrouvé celle que tu aimes, Kalten. Je suis sincèrement contente pour toi. »
« Merci » fut ma seule réponse.
Les deux Mithras se défièrent du regard.
« En effet, elle me ressemble comme deux gouttes d’eau. »
« La ressemblance s’arrête là » répondit Epok.
Sorane la gratifia d’un sourire.
« Pourquoi Peepolopee est-il bâillonné ? » demanda Falkhen.
« Rien de grave, je vous rassure. »
Sorane regardait le Tarutaru.
« J’ai été obligée de le faire car il parle vraiment beaucoup. Il n’a pas arrêté de poser des questions ! Et en plus, il faut toujours qu’il dise monsieur, mademoiselle ou madame ! Il ne veut pas simplement utiliser nos prénoms. Comment faites-vous pour le supporter ? »
Je ne pus m’empêcher de sourire.
« Nous avons le même problème » répondit Nomahios en riant. « Il fait la même chose avec nous. »
« Bon, vu que Peepo et Loacoon sont présents, que faisons-nous ? » demandais-je.
Sorane haussa les épaules.
« Voici comment je vois les choses. Miala s’avance et je fais avancer vos deux compagnons. Je récupère la petite et nous repartons chacun de notre côté. »
J’opinai de la tête.
« Ca me semble correct. »
Mon ton se durcit.
« Sauf que je garde Miala avec moi. »
Les hommes de main et les Mange-Mort nous encerclèrent immédiatement.
Petitetaru se rapprocha de Falkhen.
« Normalement, il n’aurait pas du utiliser le plan A ? Il n’aurait pas du essayer de ruser un peu ou de gagner du temps ? »
Falkhen sourit à la remarque de la Tarutaru.
« Tu sais bien que Kalten n’a jamais été porté sur la stratégie. »
Loacoon se mit à rire.
« Je vous avais prévenu qu’il n’accepterait pas. »

La Mithra soupira.
« Tu ne me facilites pas la tâche, Kalten. Il n’y a plus beaucoup d’options maintenant. »
« En effet » répondis-je. « Première possibilité, Loacoon et Peepo viennent et nous repartons avec Miala. »
« Tu sais bien que ce n’est pas possible » me dit-elle.
« J’en suis conscient. Deuxième possibilité, tu les tues par représailles et comme il n’y a plus de monnaie d’échange, nous nous battons tous jusqu’à la mort. »
« Je n’ai aucune raison de les tuer, Kalten » s’offusqua Sorane.
« Heureux de te l’entendre dire. »
« Kalten, des fois, tu me fais peur » dit Nomahios.
Je fixais les yeux de la Mithra. Elle faisait de même.
« Il ne reste plus que la troisième possibilité, Sorane. »
« Dans ce cas, j’ai l’avantage » Elle désigna ses Mange-Mort.
Midgard et Nomahios s’avancèrent.
« C’est là que tu te trompes, Sorane » Midgard souriait presque en parlant.
« Cet Elvaan et moi sommes des représentants Raihgrin et Pahalgrin. Nos âmes ne sont pas à porté de tes Mange-Mort. Nous pouvons donc les combattre. »
Sorane hocha la tête.
« J’avais bien discerné que vos âmes étaient différentes. Ainsi que la tienne, Kalten. »
« Oui, moi aussi je suis habité par une entité qui peut me protéger de tes Mange-Mort. »
« Je comprend » dit-elle.
Elle fit un signe et les Mange-Mort disparurent.
« Dans ce cas, il ne me reste qu’une seule chose à faire. « Il » avait raison. »
Elle recula de quelques pas et se concentra.

L’air sembla s’alourdir anormalement. Autour de Sorane, une boule ténébreuse commença à se former.
Il sort, petit Hume. Elle est en train de l’invoquer pour vous combattre.
Avant que je ne puisse réagir, les hommes de main encerclèrent la Mithra pour la protéger de nos attaques.
« On est mal » dis-je. « Elle invoque son entité. Le temps de tuer ses hommes et elle aura fini. »
Nous sortîmes nos armes, prêt à combattre.
La boule ténébreuse pris une vague forme insectoïde au fur et à mesure qu’elle enflait. Après un dernier effort qui sembla lui faire mal, Sorane s’effondra au sol, haletante.
L’entité avait pris forme et nous regardait.
« Vous allez me donner vos âmes, petits êtres. »
Les hommes de main de Sorane ne savait pas trop quoi faire. Nous combattre ou fuir devant cette apparition ?
Je ne pourrai pas protéger tes compagnons, petit Hume. Uniquement toi.
« Merde » pensai-je.
L’entité tendit un membre vers nous.
« Vous allez me donner vos âmes. MAINTENANT ! »
Un flash nous aveugla tous et une forte douleur nous assaillit. Tous tombèrent à terre, haletants et ne comprenant pas ce qu’il s’était passé. Tous, sauf Midgard, Nomahios et moi.
« Il les a eu ! » cria Nomahios, horrifié.
« Oui, petit être. Leurs âmes sont maintenant miennes. Ils n’ont plus que quelques minutes à vivre. Après, je m’occuperai de vous trois. Et ensuite, je m’occuperai de ce monde que vous appelez Vana’Diel. »
« NON ! » cria Sorane, en larmes.
« Tu devais m’aider à retrouver celui que j’aime en échange des âmes de mes ennemis ! Tu ne devais rien faire d’autre ! »
L’entité se mit à rire.
« Tu étais tellement désespéré, petit être, que tu aurais accepté n’importe quoi. C’était tellement facile de te tromper. »
« Tu m’as menti ! Tu ne m’aideras jamais ! »
« Bien sûr que si, petit être. Je t’ai promis que tu retrouverais celui que tu aimes. Tu va le rejoindre….dans la mort. »
Sorane bondit, ses lames prêtes à frapper. Mais au moment de porter son coup, l’entité l’intercepta et l’envoya atterrir lourdement sur une roche. Sorane ne put se relever, à moitié assommée.
Tout semblait perdu. Mais ce que personne ne savait, c’est que le destin allait s’en mêler.

En effet, Petitetaru semblait réagir différemment. Comme tous autour d’elle, elle savait que l’entité avait réussi : il les avait dépossédés de leurs âmes. Mais elle n’avait pas reçu cette impression de décharge, de vide absolu et de peur. Au contraire, elle se sentait sereine. Quelque part dans sa petite tête, quelque chose s’était enclenchée, comme en réponse à cette agression. Elle se sentait soudainement consciente des problèmes et de la douleur de Vana’Diel. Elle se sentait remplie d’une sagesse, d’un savoir qu’elle ne connaissait pas mais qui lui rappelait un vague souvenir d’enfance. Elle regarda ses compagnons, ses amis qui eux aussi savaient. Ils savaient qu’ils allaient mourir. Et ça, elle ne le supportait pas !
Son visage, d’habitude si enjoué, se durcit. Son regard, d’ordinaire si pétillant de gaieté, se fronça tout en regardant l’entité qui buvait les âmes de ses amis.
« D’accord » murmura t’elle « c’est un défi. J’aime les défis. »
Alors Petitetaru se concentra. Sans se demander pourquoi ni comment elle le savait, elle allait les sauver. C’était son rôle, ce pour quoi elle était née.

L’entité sentit une vague d’énergie qu’il ne connaissait pas. Essayant d’en déterminer l’origine, il vit la petite Tarutaru debout, sereine, comme si rien n’était arrivé. Pourtant, il savait que son âme lui appartenait. Il la vit s’élever dans les airs au fur et à mesure que la vague d’énergie enflait autour d’elle.
« Tu n’arriveras à rien, petite idiote. »
Et il lança sur la mage blanche une énorme boule de feu.
Je me sentais faible. « Il » m’avait prévenu qu’ « il » ne pourrait pas me protéger de la puissance de cette entité.
Il nous restait à tous quelques minutes à vivre. Il fallait faire quelque chose ! Nous ne pouvions pas mourir si facilement !
« Petit Hume, une magie très puissante est apparue. »
Je l’avais également ressentie. En regardant mes compagnons, je m’aperçu qu’ils observaient tous quelque chose derrière nous.
« Pas quelque chose, petit Hume, mais plutôt quelqu’un » me dit-« il ».
En me retournant, je vis Petitetaru flottant dans les airs. Elle semblait si….tranquille.
« Petite sœur » murmurais-je « qu’est ce qu’il se passe ? »
C’est alors qu’une boule de feu s’écrasa sur elle. La déflagration fut si puissante qu’elle nous projeta tous dans les airs. Je me relevai avec peine, sentant ma vie s’écouler à chaque battement de cœur.
« Mon dieu, Petite ! » pensai-je.
Je regardai avec la peur au ventre ce qu’il lui était arrivé.
Elle n’avait rien eu ! La boule de feu semblait ne lui avoir rien fait. Elle flottait toujours dans les airs, concentrée, avec toujours cette impression de sérénité. Elle ouvrit alors les yeux !

Petitetaru pouvait ressentir le monde autour d’elle. Elle ne cherchait même pas à savoir ce qu’il lui arrivait. Elle n’avait qu’une idée en tête : trouver la solution qui les sauverait tous.
Dans sa tête, elle entendit alors une voix très ancienne, mais qui lui rappelait un être cher.
« Bonjour Leeloa, bonjour ma fille. »
Ma fille ? Petitetaru ne comprenait pas. Une image se forma dans son esprit. Un Tarutaru apparut. Elle savait qu’elle le connaissait ! Elle chercha alors dans les moindres recoins de son esprit, la magie affluant encore plus vite dans son petit corps. Elle remontait les années, les dizaines d’années de sa vie. Et elle trouva.
« Papa » murmura t’elle.
Le Tarutaru sourit.
« Oui Leeloa. Je suis Awakaru, ton père. »
« Papa » répéta Petitetaru. « Que se passe-t-il ? Où étais-tu ? Et pourquoi m’appelles-tu Leeloa ? »
« Cherche, ma fille. Remonte dans tes souvenirs et tu trouveras les réponses. »
Petitetaru obéit. Sans savoir pourquoi, elle savait qu’il s’agissait bien de son père. Elle remonta encore une fois le fil de sa vie. Ses compagnons de guilde, sa rencontre avec Kalten, son apprentissage de mage blanche, sa famille d’adoption. D’adoption ? Elle fronça les sourcils, se concentrant encore et encore. Et elle comprit ! Un nouveau déclic se fit dans son esprit !
« Oui Leeloa. Tu es la dernière de notre clan. Tu es détentrice d’un pouvoir dépassant l’imagination, d’une sagesse infinie. Mais il a fallu te protéger de nos ennemis le temps que tu sois suffisamment mûre. Nous avons choisi de mourir pour que tu puisses vivre. Il a fallu te faire oublier ta véritable identité, tes véritables dons et te faire adopter. En attendant que tu retrouves un jour la mémoire pour sauver ce qui doit être. »
Awakaru prit son enfant dans ses bras. Petitetaru pouvait sentir le contact doux et réconfortant de son père.
« Maintenant, tu vas devoir faire un choix, ma fille. Toi seul a le pouvoir de décider. »
Elle leva ses petits yeux d’enfant vers son père. A cet instant, elle était Leeloa, elle était cette petite fille joyeuse et espiègle qui aimait les courses de chocobos agrippée aux jambes des disciples de son père et qui mangeait goulûment des cinnacookies.
« Tu es en mesure de sauver tes compagnons. Le don ultime de toi-même, sans peur, mais sans retour. »
Petitetaru comprenait ses paroles.
« A toi de choisir ma fille. Tu es la Vie, tu es le Choix. »
L’image d’Awakaru devenait floue.
« Papa ! Ne t’en vas pas ! »
La petite fille avait les larmes aux yeux.
« Ne pleure pas Leeloa. Je ne m’en vais pas. Je retourne là où je dois être. Dans ton cœur, dans tes souvenirs. Et lorsque le moment viendra, nous nous retrouverons. C’est une promesse. »
La petite fille souriait.
« Je t’aime Leeloa. »
« Je t’aime papa ».
Awakaru avait disparu. La petite fille réfléchit alors aux paroles de son père. Le don ultime, sans peur, mais sans retour.
Elle savait ce qu’elle devait faire. Elle avait choisi.
Elle ressentit alors une vague d’énergie. Sans regarder, elle savait que l’entité l’avait attaquée. Elle ne fit rien pour éviter la boule de feu. Elle l’accueillit, comme on accueille un ami. Elle était la Vie, elle était le réceptacle de toutes choses.
Leeloa repartit elle aussi dans ses souvenirs. Elle avait fait son choix, sans peur, sans retour.
Et Petitetaru ouvrit les yeux.

L’entité vit que la petite mage le regardait et il prit peur. Pour la première fois de son existence, il douta.
Falkhen tenait aussi fermement que possible Yris. Il ne voulait pas qu’elle meurt. Il avait peur pour elle. Elle lui sourit, essayant de le rassurer. Elle savait que leur fin était proche et lui prit la main, se tournant vers la petite mage. Falkhen suivit son regard. Il connaissait Petitetaru, et malgré ses taquineries, il avait vite compris qu’elle était un peu le ciment de leur guilde. Elle apportait beaucoup d’amour et de gaieté au groupe.
« Ne fais pas de bêtises, Petite. Cette fois, ce n’est pas un jeu » pensa t’il.
Petitetaru regarda autour d’elle. Ses amis étaient tous là, l’observant. Elle sentait la vie s’écouler de leur corps comme une rivière remplissant un trou béant. Elle se tourna alors vers ce trou. Elle reconnu son ennemi. Il prenait la vie pour se nourrir, elle donnait la vie par amour. Elle sourit. La lutte éternelle du bien contre le mal. Elle vit alors Sorane, terrifiée, se rendant compte de ce qu’elle avait fait. Petitetaru lui envoya un message d’amour. La Mithra s’apaisa, regardant avec étonnement la petite mage.
Petitetaru se tourna alors vers Miala. Leurs regards se croisèrent et elles se sourirent mutuellement. Elles se comprenaient. Miala hocha la tête. Le temps était venu.
Petitetaru écarta les bras et parla d’une voix douce et réconfortante.
« Vous tous qui vous battez pour sauver ce qui doit être, recevez ce que j’ai de plus précieux, recevez mon amour. »
« BENEDICTION » cria-t-elle.
Soudain, un vent violent envahit la caverne, suivi immédiatement d’une aveuglante lumière blanche. Dans le même temps, l’entité hurla de douleur. Une vague de magie curative d’une puissance inimaginable souffla. Un à un, chaque membre du groupe sembla renaître. Et aussi vite que cela était apparu, tout redevint calme.
Petitetaru retoucha terre et s’assit tranquillement, le dos contre une pierre.
« Je me serai bien amusée. » Elle souriait. « Fais attention à toi, grand frère. Pas de bêtises » dit-elle en me regardant.
Elle ferma alors les yeux.
Rien n’est plus exubérant qu’une Tarutaru pleine de vie. Rien n’est plus discret qu’une Tarutaru qui se meurt.
Petitetaru avait fait son choix, sans peur, sans retour.
HRP/ Nouveau pavé. Ce chapitre a été fait conjointement avec Falkhen, notre chef de guilde. Je le remercie encore une fois. Bonne lecture. \HRP


Chapitre 14

« NOOOONNN ! »
Je criais en courant vers Petitetaru. Elle avait réussi à sauver tout le monde, mais au prix de sa vie ! Je m’écroulai devant son petit corps et le prit dans mes bras.
« Réveille-toi Petite ! Réveille-toi Petite ! »
Je ne pouvais penser à rien d’autre qu’elle. Elle devait vivre ! Je regardais désespérément Miala.
« Sauve là ! Fais la revenir ! Elle n’avait pas à se sacrifier ! »
Miala me regardait, les larmes aux yeux.
« Fais quelque chose, Miala ! »
La petite fille pleurait, ne faisant rien. Et « lui », toujours dans ma tête !
Elle a fait son choix, petit Hume. Librement.
« La ferme ! » hurlais-je. Tous se tournèrent vers moi.
« Tu ne peux rien faire ! » criais-je en fixant Miala.
Je déposai Petitetaru au sol et pris ma lance.
« Pourquoi ne fais tu rien ? Tu es l’enfant d’une Déesse et tu ne peux pas sauver ceux qui t’aident ? »
Une autre voix se fit entendre.
« Oui, petit être. Elle ne sait que se cacher derrière les autres. Et tu laisses faire ? »
Je me tournai vers cette voix. Vers l’entité. L’insectoïde semblait avoir été ébranlé par la magie curative de Petitetaru et avait du mal à récupérer.
« Cacher derrière les autres » répondis-je.
« Oui, petit être. Tu dois te protéger et protéger tes amis. »
« Protéger…mes amis. »
« Kalten, non ! »
Un coup de poing me fit reculer. Sortant de ma stupeur, je fis face à Sorane, elle aussi les larmes aux yeux.
« Ne l’écoute pas ! Regarde ce que j’ai fait en acceptant ce qu’il me disait ! » Elle me criait dessus. Et moi, je la regardais, hagard.
« Tu veux tuer ceux que tu veux protéger ? Tu veux tuer celle que tu aimes ? Tu veux tout perdre ? Alors fais comme moi ! »
« Non, petit être. Toi et moi, nous pouvons faire de grandes choses. »
Je regardais mes compagnons. Certains essayaient de combattre l’insectoïde, mais n’arrivaient pas à le toucher. Les autres étaient autour de moi et Petitetaru.
Petitetaru….
Une main se posa sur mon épaule. Me retournant, Epok se blottit dans mes bras.
« Penses à Petite, Kalten. Elle nous a sauvés. »
Petitetaru…petite sœur…
Je souris tendrement à ma voleuse et me rapprochai de Miala, les yeux lourds de chagrin.
« J’ai failli à mon rôle de gardien, Miala. Puisses-tu me pardonner un jour. »
Soudain, une idée me traversa l’esprit et je mis un genou à terre devant la petite fille.
« Je fais le serment de te protéger, toi et tous ceux dans le besoin. Je fais le serment d’être ton gardien, petite Déesse. »
Miala se mit à applaudir de ses petites mains et déposa un gros baiser sur ma joue.
Je me tournai vers l’entité. Il reprenait peu à peu ses esprits et donnait beaucoup de difficultés à ses assaillants.
« Maintenant, à nous deux. »
Ainsi soit-il, petit Hume.

Eolya quitta le combat pour nous informer d’une mauvaise nouvelle.
« C’est de la magie, de l’énergie pure. Les armes ne lui font rien, nos sorts non plus. »
Je peux le combattre, petit Hume. Je suis comme lui.
« Pourquoi ferais-tu ça ? » demandais-je.
J’ai mes raisons.
« Peux-tu m’aider à le tuer ? »
Je peux passer mon énergie dans ta lance, si c’est ce que tu veux dire.
« Eolya, dis à tout le monde de s’éloigner. »
Et je bondis vers l’entité.
« Kalten, reviens ! »
Non, Epok. C’est à moi et à lui de jouer.
« Reculez. Vous ne pouvez pas le toucher. »
Ils reculèrent donc. Loacoon, Peepolopee, Mariana, Satine, Micka et tous ceux qui combattaient. Je m’approchais de l’insectoïde, celui-ci ayant retrouvé ses esprits. Du coin de l’œil, je vis certains de l’alliance se répartir autour de nous. Que les guérisseurs.
« Hey l’insecte ! Ca te dit de tenter ta chance avec moi ? »
L’entité me regarda, menaçant.
« On va jouer tous les deux. Une seule règle : mort au perdant ! »
Je fis un saut qui me permit de lui asséner un coup. Il hurla quand ma lance le toucha, créant un éclair bleu.
« Tu utilises ton entité, petit être ! » cria t’il.
« Une seule règle, l’insecte. Je n’ai jamais dit que je ne tricherais pas. »
Le duel s’engagea. L’entité était rapide et précis. D’autant plus que j’avais du mal à voir ses mouvements vaporeux. Mais dès qu’il me touchait, je pouvais ressentir un soin prodigué par l’un des guérisseurs. De son côté, l’insectoïde ne pouvait pas se permettre d’attaquer l’un des mages car il se recevait dans la seconde un coup de ma lance.
Nomahios s’approcha du groupe qui n’était pas occupé à me protéger.
« Ca semble marcher. Je ne sais pas combien de temps Kalten va tenir, ni nos mages, mais il arrive à le blesser. On va se répartir autour d’eux, prêt à intervenir. On ne sait jamais. »
Tous acquiescèrent, se demandant ce qu’ils pourraient faire à un ennemi qu’ils ne pouvaient pas toucher. Mais s’ils devaient mourir, ce serait en combattant.
Le combat dura un certain temps avant qu’ « il » n’intervienne. L’entité ne semblait pas contre un répit.
Il nous faut prendre l’avantage, petit Hume. J’ai une idée.
Me concentrant sur l’insectoïde, j’attendis la suite.
Je vais l’affronter directement. Mais je vais donner une petite partie de mon énergie à chacun d’entre vous. Vous pourrez tous le combattre. Il est suffisamment épuisé et énervé pour que ça marche.
« Tu ne tiendras pas longtemps si tu n’utilises pas ton énergie au maximum. »
Je sais, petit Hume. Mais de cette façon, nous avons une chance de gagner.
« Tu risques d’être tué. Pourquoi fais-tu ça ? »
Disons que j’ai appris certaines choses à tes côtés.
« Non ! Je ne veux pas prendre le risque de te sacrifier aussi. »
J’évitai une attaque fulgurante de l’entité.
Tu ne veux pas que je meure, petit Hume ? Et pourquoi ça ? Je t’offre la possibilité de rompre notre pacte.
Je bondis pour asséner un coup et me mettre hors de portée. Azure virevoltait autour de l’insectoïde en le griffant et le mordant.
« Et alors ? J’ai appris aussi à te connaître et je ne veux pas que tu prennes ce risque. »
Désolé, Kalten. A mon tour de choisir.
Ma lance se mit à briller intensément. Si intensément que personne ne put garder les yeux ouverts. Chose étonnante, l’entité semblait attendre. Quelques secondes passèrent sans que quiconque ne puisse bouger. En rouvrant les yeux, nous n’arrivions pas à croire ce que nous voyions.
Une nébulosité lumineuse et tout aussi vaporeuse faisait maintenant face à l’entité. Mais le plus incroyable, c’est que cette nouvelle nébulosité semblait avoir pris la forme d’une…..Tarutaru !
Retrouvant mes esprits, je communiquai rapidement avec les autres.
« Préparez-vous. Vous allez pouvoir toucher l’insecte maintenant. Mais il va falloir faire vite. Ce…cette….la Tarutaru que vous voyez vous a passé une partie de son énergie. Elle ne pourra tenir très longtemps. »
Tous convergèrent alors vers les deux formes vaporeuses.
Un nouveau combat commençait.

Ce fut notre entité qui attaqua en premier. Nous suivîmes immédiatement. L’insectoïde commença à reculer devant le nombre de coups qu’il recevait. Chaque fois que nous le touchions, un éclair bleuté apparaissait et il hurlait en conséquence. Mais bizarrement, il ne nous attaquait pas. Il se contentait d’essayer d’esquiver nos attaques et se concentrait sur notre nouvel allié.
« Bon sang, il est tenace le bougre ! » cria Darkenz.
« Frappe au lieu de parler ! » lui répliqua Yris, récupérant son mana.
Il fallait se rendre à l’évidence. Nous n’aurions pas assez de temps pour le vaincre. Notre entité allié s’affaiblissait de plus en plus.
« Reviens te protéger dans mon corps » hurlais-je.
« Non, Kalten. Je dois rester pour que vous combattiez. Si je reviens, il aura le temps de vous terrasser. »
Je grinçai des dents. Encore un innocent qui allait mourir. Il fallait trouver une solution.
« Kalten, rappelle ton ami. »
Alors que la linkperle nacrée me rapportait son ordre, je trouvai Falkhen loin du combat, hors de vue de l’insectoïde.
« Je l’ai senti moi aussi. Sa force baisse. Mais il a choisi. Je ne peux aller contre ça. Et de plus, si je le rappelle, nous sommes tous morts ! C’est lui qui nous permet de le toucher ! »
« Si tu ne le rappelles pas maintenant, il va finir par perdre le peu d’énergie qui lui reste, bien avant que l’entité soit inquiétée, et le résultat sera le même… Nous serons tous perdus. »
« Tu l’as vu comme moi… Petite s’est sacrifiée pour nous… Et tu voudrais que nous baissions les bras maintenant ? JAMAIS ! »
Il y eut un silence de quelques secondes. Falkhen était loin de moi mais je le sentais bouillir. Malgré tout, il me répondit d’une voix calme.
« J’ai un plan, Kalten. Mais pour ça, je vais avoir besoin de toi et de ton ami. »
« Tu penses à quoi ? »
« Je vais tenter une invocation qui pourrait nous tirer d’affaire. Mais elle requiert beaucoup d’énergie. Pour la mener à bien, je vais avoir besoin que tu me couvres. Et pour ça, il faut que ton ami réintègre ta lance. »
« Tu es dingue ? Sans son aide, tu ne pourras pas toucher ce monstre. »
« Il ne pourra pas esquiver ce sort, j’en suis certain. »
« Je ne sais pas… »
« Kalten, ça fait des années que tu m’appelles chef ! Alors, pour une fois, essaie de m’obéir, tête de mule ! Il faut tenter quelque chose ou on va avoir un gros problème ! »
Je devais reconnaître qu’il n’avait pas tort. Il fallait que je « lui » demande son avis.
« Ca peut marcher, Kalten. J’espère juste que ton ami sait ce qu’il fait. Ne penses pas à ce qu’il peut m’arriver. Je vais transférer mon énergie sur ta lance, tout ce qu’il me reste. Je vais faire de mon mieux, mais je ne te promets pas de pouvoir tenir longtemps. »
Je m’écartais du combat pour pouvoir communiquer tranquillement avec tout le monde.
« Faites attention, Falkhen va tenter quelque chose. »
« Il va faire quoi ? » s’inquiéta Yris.
Falkhen tourna la tête vers celle qu’il aimait et eut un regard triste. Il jouait gros sur ce coup et il comptait sur moi. Je n’avais pas le droit de le décevoir.
« Maintenant, Kalten ! » cria notre allié.

Je sentis immédiatement un flux d’énergie envahir mon corps. Azure hulula d’étonnement.
Sans prendre le temps de réfléchir, je hurlai en courant sur l’insectoïde. Celui se retourna vers moi, ne réagissant pas. J’étais devant l’entité, et Falkhen se trouvait derrière elle. Je le vis écarter les bras et commencer à réciter les vers de son invocation. Son corps se nimba d’une faible aura orange. Il fallait que je gagne suffisamment de temps. Je bondis, Azure à mes côtés et portai une multitude d’attaques, ne retenant aucun de mes coups. Les guérisseurs faisaient de leur mieux pour me maintenir en vie. Malgré tout, je sentais leur sort de moins en moins efficace. Parallèlement, l’énergie qui entourait ma lance faiblissait sensiblement elle aussi. J’entendais Yris crier et se débattre. Elle était difficilement retenue par Kurashuji et Nomahios.
Je portai deux autres coups de lance puissants, mais j’eus la mauvaise surprise de voir qu’ils ne lui firent aucune blessure.
Je… Je n’en peux… plus, Kalten…
L’insectoïde se cabra en arrière et hurla à sa victoire.
« C’est fini… Vous êtes finis ! HUHAHAHAHAHAHA ! »
Son rire éclata, résonnant dans la caverne, mais s’évanouit rapidement quand il se rendit compte qu’il se trouvait au milieu d’un énorme pentacle lumineux.
Falkhen avait fini son incantation. Connaissant le pouvoir d’un invocateur, je savais qu’il avait ouvert au maximum les portes de son flux astral. L’énergie l’enveloppant en témoignait.
Un geyser de feu jaillit du pentacle, faisant hurler la bête. L’avatar pouvait donc blesser l’entité. Nous avions une chance. Mais « il » me parla.
Tiens-tu à ton ami, Kalten ?
« Je… Bien sûr, quelle question… »
Alors, arrête-le… de suite.
« Mais c’est notre seule chance ! Et puis… Falkhen est un bon invocateur. Que risque-t-il ? »
Regarde plus haut.
Les flammes qui avaient jailli m’avaient fait penser qu’il avait appelé Ifrit… Je restai ébahi devant l’avatar qui surplombait l’aire du combat.
Un magnifique oiseau au plumage enflammé déployait ses ailes gigantesques au-dessus de notre ennemi.
Phénix, Kalten. C’est un spectacle rare que nous avons là. Mais ton ami est condamné. L’oiseau immortel ne se déplace pas pour rien. Vous allez gagner…et perdre…
Je repensai au regard triste qu’il avait lancé à Yris.
« Que… NON ! »
Je hurlais, lâchant ma lance et tendant la main vers notre chef de guilde, vers mon ami.
« FALKHEN ! ARRETE CA ! »
Le mage, nimbé de lumière, faisait face à l’entité qui avait compris que son salut résidait désormais dans l’élimination de l’invocateur. Falkhen sourit.
« Merci » fut la seule réponse que nos perles nous transmirent.
L’insectoïde s’élança vers Falkhen. Au même moment, celui-ci sembla hurler un ordre. L’oiseau replia alors ses ailes sur la surface de combat et le feu l’entourant s’intensifia. La lumière et la chaleur devinrent difficilement supportables, si bien que nous dûmes tous détourner le regard. Presque immédiatement, un vacarme assourdissant et une déflagration nous projeta tous dans les airs. J’atterris lourdement, épuisé. Pourtant, il fallait se relever. Tant bien que mal, je réussis à me mettre debout.
Tout à coup, Yris hurla le nom de Falkhen. Je la vis tomber à terre, ne pouvant se retenir de pleurer. Tous semblaient épuisés et regardaient tristement le résultat de notre tentative.

Il ne restait plus de la surface de combat qu’un énorme cratère. La chaleur de l’explosion avait vitrifié la roche encore fumante. Et ce cratère était vide. L’entité insectoïde avait bel et bien disparu. Avec Falkhen.
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