Pour vous votre plus grand plaisir...Le texte bien que prévu pour le concours n'entre pas dans les restrictions imposées. De plus, j'ai un peu dévié du sujet...
Bonne lecture.
Un baiser volé?
Je nais :
J’étais plaqué entre sa main et sa bouche, et me voilà dans les airs. C’est étrange. Il me semble avoir une âme, mais je n’ai pas de substance. Je flotte.
Je regarde cet homme. Il ne sait pas que j’existe. Ses rêves me parcourent de part en part. Tout est clair maintenant. Le pauvre, il a dû y penser si fort.
J’aurai une vie brève, mais je ferai le bonheur d’une personne - peut-être deux. Je fais partie des êtres n’ayant pas de prix, ne valant rien, si ce n’est aux yeux des personnes que nous servons…
Ce n’est pas vrai ! Il ne pense déjà plus à moi, il continue de penser à sa belle, à ce qu’elle pourrait faire en cet instant précis ! Il est déroutant de voir les humains agir de la sorte ! Ils supposent qu’il suffit d’un mot, d’un geste, d’un instant fugace pour que nous agissions selon leurs bons désirs. Eh bien ! Cher monsieur, non ! Il ne se rend même pas compte de tout le travail qu’il vient de me donner. Pff, je ne veux pas faire mon égocentrique mais tout de même. Allons ! Après tout, comme les enfants qui ne peuvent choisir leurs parents, je ne peux choisir ni le mien, ni l’existence qui va avec.
Mais pourquoi faut-il qu’elle soit si éloignée ? Pourquoi ne se tient-elle pas juste à quelques mètres de lui ? Ce geste, qui nous donne vie, est plus souvent réalisé quand les deux êtres, unis par un quelconque amour, se trouvent séparés par une vitre, ou quelques mètres tout au plus, mais ici, rien que d’y penser, j’en transpire déjà.
Je me suis assez lamenté sur mon sort...Au travail !
Je lis son esprit :
D’après ses informations, et elles sont exactes étant donné qu’il ne peut me mentir, elle a dû subir un voyage éreintant puisque, après quatre heures de vol pour Moscou, sa correspondance a eu un léger problème technique, l’obligeant à patienter la journée entière dans la zone de transit de l’aéroport. Quelques heures plus tard, les pieds de sa dulcinée ont foulé le sol arménien – voyage étrange d’ailleurs – hier, pour ensuite, se diriger vers sa destination finale.
Je réfléchis :
Et c’est tout ? C’est tout ? C’est tout ce qu’il sait au sujet de son voyage? C’est n’importe quoi ! Comment veut-il que je réalise une si grande distance avec...si peu d’informations ? Je n’y crois pas. Je vais avoir la vie la plus merdique qu’un être, tel que moi, puisse avoir. Une vie…de merde, je ne trouve pas d’autre mot. Il aurait pu faire ce maudit geste juste avant le décollage de son avion. Ah non ! J’oubliais, ce nigaud ne l’a même pas accompagnée lors de son départ. Quel crétin ! Et dire que je dois « bosser » pour un gars comme lui. Si je pouvais lui vomir dessus, je n’hésiterais pas une seconde. Qui plus est, de ce que j’en ai vu, elle méritait qu’il se déplace.
Je me répète : quel con !
J’agis :
Je sors de chez lui par la fenêtre de sa chambre. Il fait noir dehors. C’est une belle soirée d’été. Belle, sans doute pour des milliers de gens, mais certainement pas pour moi. Je suis désolé de me plaindre autant, ce n’est normalement pas dans notre nature. Je crois néanmoins bénéficier de circonstances atténuantes, je me permets donc.
Objectif : trouver la mère de son ineffable afin de recueillir de vraies informations sur le voyage de sa fille, et ensuite, la trouver. Je connais bien l’endroit où elle habite. Cela ne devrait donc pas me causer trop de soucis. Quelques instants plus tard, je me trouve en face de sa maison. Il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans, je suis un être surnaturel : je peux voler, je me déplace également à la moitié de la vitesse du son. Une rapide incursion dans la cuisine me permet de récolter tout ce dont j’ai besoin de savoir. Je vais enfin pouvoir accomplir ma tâche.
En route pour l’Arménie ! Je vous épargne les détails : je traverse la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Roumanie, la Mer Noire, la Turquie, et enfin, j’arrive en Arménie.
Je dois avouer que je panique un peu. Les vieilles légendes n’oublient pas qu’autrefois, les pays de cette partie du monde étaient dirigés par des sultans possédant très souvent une myriade de djinns dont l’unique but était d’accomplir leurs souhaits, dans la mesure de leurs possibilités bien entendu. Ce sont des cousins éloignés d’une certaine manière, mis à part le fait que moi, je ne peux quasiment pas interagir avec le monde physique et que je disparais une fois ma mission finie. S’ils sont toujours là et, si mon chemin devait croiser les leurs, il y a de forte chance pour que je passe l’éternité à écouter leurs sarcasmes. Quelques dizaines de kilomètre me délivrent de cette angoisse.
J’arrive finalement dans ce coin oublié du monde capitaliste.
Je meurs :
Entourée d’une aura puissante et rosâtre, afin que je la distingue sans difficulté je suppose, ou bien est-ce parce que son inconscient est bercé d’amour, je la vois lisant un livre, son livre à lui, alors que lui, repensant à leur dernière nuit passée ensemble, il écoutait ses chansons, ses chansons à elle.
J’en suis tout ému. Je me souviens avoir vu dans ses souvenirs cette phrase qu’il lui a dite : « L’amour ne se vit pas dans le présent, ce n’est que par après, que l’on se rend compte que c’était de l’amour. » Je suis peut-être d’accord avec lui, mais quand même, l’amour, cela s’observe.
L’acte que je m’apprête à commettre sera mon dernier, j’en suis conscient. Eh quoi ? Qu’y a-t-il de plus beau que de mourir pour les yeux d’une femme ? La vie n’a de sens que si, lorsque la mort survient, tout l’être s’est mis au service de son cœur. Devant elle, maintenant, ce sera le cas.
Un frisson, empli d’une douceur incomparable, parcourt la jeune femme, qui finissait de lire son chapitre, parcourt le jeune homme, qui finissait d’écouter sa chanson.
Leurs âmes tressaillent-elles ? Je l’espère.