Lotsë, Ayame, Keyra...de sublimes reines, détruites par un vampire revendiquant son héritage. Il ne savait pas encore Voir au fond, il effleurait les essences, s'en enivrait un court moment puis les abandonnait pour d'autres, plus chatoyantes, plus amusantes. Ce n'était qu'un enfant, un enfant que sa divine mère n'avait pas assez allaité, un rejeton mal formé, une divinité bancale et fumeuse...combien encore?
Elle était là. Comme une statue fatiguée par le temps. De fines fissures courraient le long de son corps, fissures qui semblaient sans fond. J'avais peur. Le froid risquait de la faire exploser, sans doute ne passerait-elle pas l'hiver. Quel gâchis...
Elle n'osait pas pleurer. Rester "forte", les apparences, les masques, sans doute lui avait-il appris cette bêtise. Je voulais voir ses larmes. Sadique? Peut être...juste esthète me répétais-je comme toujours. Elles apparurent enfin. Magnifiques.
Je me crispais nerveusement. Il fallait un coupable, un responsable de ces destructions répétées, qu'il paie le prix un jour de son égoïsme...mais je ne pouvais pas en vouloir à un enfant. Encore plus si il était mal formé. Je regardais la Lune et une haine violente jaillissait en moi. Mère indigne qui abandonnait ses enfants...
Il ne faut pas lui en vouloir...
Elle me regardait, mais ses yeux étaient ailleurs. Dans d'autres contrées où l'hiver est moins rude. Peut-être trouvera-t-elle un artisan capable de colmater ses brèches...une si belle oeuvre d'art...
Je pris sa main. Je souriais. Mon "frère" avait peut être ôté sa virginité, il restait toujours quelque chose de beau dans cette âme. Une énergie pure. Belle. Puissante. Keyra avait conservé sa virginité d'âme. Cela, il ne savait pas encore la dérober, ce voleur...
J'aurais souhaité lui éviter cela. Je voulais la prévenir, elle ne m'a pas écouté. Elle croyait que je la détestais alors que je voulais la protéger. Peu importe. L'inévitable. Peut être même était-ce qu'une épreuve pour la bergère, pour la rendre plus forte; une épreuve où le vampire dans le fond n'était qu'une victime, un pantin de la volonté divine...
Dans ce théâtre de marionnettes, on était tous dupés. Mon"frère" n'était qu'un pantin ridicule des puissances supérieures qui dans sa folie, pensait être le maître des fils; c'était sa propre fin qu'il tenait dans ses mains. Et moi je m'opposais vainement aux volontés des dieux, tout aussi ridicule. Et plus la tragédie avançait, plus les victimes étaient nombreuses...
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