|
Sombres présages : la fin de la forêt des murmures
(Une fois encore, le conteur faisait son apparition en un lieu ou le plus de gens l'écouteraient. La place, noire de personnes qui vaquaient a leurs occupations, qui s'activaient, semblables a des fourmis en quête de nourriture, bien que dans leur cas, la nourriture n'etait pas au centre des intêrets. La plupart avaient en tête des interêts plus lucratifs et bien moins essentiels, si bien que malgré la voix du conteur, qui etait pourtant aussi puissante que le fracas de moults épées sur le champs de bataille, ils ne furent toutefois qu'une minorité à l'écouter. C'etait toutefois plus qu'il n'en fallait au conteur pour débuter son histoire, car, quand bien même l'auditoire fût il a manquer, il l'aurait tout de même racontée, imperturbable. Sa voix etait puissante, mais mélodieuse et quelque peu fascinante, fluide comme une source qui se serait écoulée non loin. Il commença son histoire sans aucune mise en garde, ni explication : )
Les temps bienheureux etaient a présent révolus, tous le savaient a présent mais beaucoup se refusaient à y croire. La forêt des murmures, jadis si calme et si paisible etait en proie a de nombreux signes, tous plus inquiétants les uns que les autres. D'une part, certains animaux etaient devenus agressifs, sanguinaires et semblaient même désireux d'abattre le plus grand nombre d'elfes de la nuit possible et imaginable. Les furbolgs etaient de ceux là, jadis alliés et protecteurs de nos elfes de la nuit de la foret des murmures, les membres du clan de Souffle-vent, etaient devenus des ennemis ô combien hargneux. Le changement aussi soudain de leur comportement dépassait les elfes de la nuit qui furent obligés de se défendre des incessants assauts de ces imposantes créatures, non sans en souffrir.
Vanité ou faux espoirs? Quelle etait la raison de l'aveuglement des elfes, qui ne voulaient voir en ce changement d'attitude les prémisces de changements encore plus horribles? Se pouvait il que les elfes etaient à ce point confiants en leurs propres forces qu'ils ne crurent pas bon de préter attention aux présages, pourtant des plus évidents? Ou bien pensaient ils que les choses pourraient simplement revenir à la normale, sans qu'ils aient à faire quoi que ce soit en ce sens?
Lorsque les vents deviennent méphitiques, que la forêt perd de ses couleurs chatoyantes pour devenir d'un gris fade, que les animaux se mettent a changer et à devenir des aberrations, il est grand temps d'agir, et là ou les elfes auraient du le faire, un immobilisme teinté de confiance allait sceller a jamais leur destin.
Bien entendu, me direz vous, il est impossible qu'un peuple en son intégralité soit inconscient à ce point, et je vous donne raison sur ce point : il y eut bien quelques visionnaires, des devins qui avaient su interpréter les signes de la nature à leur juste valeur. Mais que peut faire une goutte d'eau qui voudrait aller a l'encontre du cours d'eau? Absolument rien, et ces visionnaires furent plus considérés avec dérision plutot qu'avec considération.
Bientôt, les doux eclats de ce cher soleil ne parvinrent plus a filtrer la foret, et un sombre manteau se déroula sur celle ci, accompagné de nombreux éclairs, et autres manifestations qui n'avaient rien de naturel. Les plus visionnaires avaient deviné l'approche de démons, car leur seule présence parvenait a flétrir et corrompre la faune et la flore ambiantes. Jaderaïn feuille-épine, que l'on nommerait plus tard "le sombre augure" sermonnait les elfes avec de plus en plus de virulence. Il exhortait ses pairs a quitter un endroit désormais maudit, car il etait trop tard pour le combattre. Eussent ils combattu plus tôt, une lueur d'espoir aurait pu naitre, comme en des lieux tels que l'actuel gangrebois, ou comme dans les maleterres, un mince espoir, mais pourtant bel et bien reel.
Au lieu de fuir, comme le leur préconisait Jaderaïn, ils se résolurent a affronter un ennemi trop puissant pour eux. Les parents de Tenelorn et Keshindraë d'un côté, et ceux de celryndel de l'autre, obligés de combattre, confièrent leurs enfants au dit Jaderaïn, avant de partir au combat, les visages tendus. Tous et toutes furent sollicités pour sauver leur contrée natale, car ils savaient qu'en cas d'echec, il n'y aurait plus de lendemain. Je revois encore la mère de Tenelorn et Keshindraë, Kyalee, reprendre lames en mains sans dire un dernier adieu. Son passé de chasseuse de démons allait la rattraper.
Je revois leur père, Allanon, le plus grand archer de la forêt des murmures, a l'oeil perçant et aux membres lestes, capable, dit on, de toucher une cible a plus de mille lieues de distance.
Je revois les parents de Celryndel, si chaleureux d'ordinaire, mais si résignés en ce jour. Que de gens bien allaient être envoyés à la mort, pour la seule faute d'avoir cru jusqu'au bout en la paix et le bonheur. Pourtant, tout semblait bien se passer pour les elfes, qui luttèrent avec une vaillance et une férocité décuplées par leur désir de vivre et de protéger ce qu'ils avaient de plus cher. Mais une fois de plus, les choses allaient tourner en leur défaveur au moment ou ...
(Le conteur prend une profonde inspiration, et change de voix, comme s'il faisait revivre l'un des guetteurs de la forêt des murmures : )
Par Elune ! Le sinistre mannoroth est arrivé ! Il vient en aide aux légions des orcs
Tel fut le dernier cri de ces elfes. Que pourraient ils faire face a une telle entité alors qu'eux n'etaient que des créatures de chair. Ils furent les premiers a découvrir que les orcs avaient eu recours a une alliance contre nature, et que cette même alliance etait la raison de leur attaque ainsi que des transformations de leur chère forêt, qui en même temps etait dévastée par ce flot de peaux vertes. Un instant plus tard, tout n'etait plus que cris et hurlements. La mort emportait des centaines et des centaines d'âmes dans chaque camp, tandis que le gigantesque démon avançait, lentement mais surement.
La terreur, tel etait le nom de ce sentiment nouvellement vécu par les enfants, qui heureusement avaient été confiés a Jaderaïn. Le visionnaire avait pris soin de les emmener hors du village, qui fut rapidement dévasté, sous leurs yeux impuissants. Ils pouvaient tous entendre les pas des créatures vertes qui se rapprochaient, car leurs pas etaient plus rapides que ceux d'enfants, et que leurs habitudes martiales les avaient habitués aux longues marches, tandis que les enfants n'etaient guère accoutumés à de tels efforts ,sauf peut etre Celryndel, dont les marches quotidiennes s'avéraient en cet instant infiniment utiles pour elle.
Le groupe d'enfants essoufflés pour la plupart, mené par Jaderaïn, reprenait courage au fur et a mesure qu'ils se rapprochaient du grand arbre monde. Tous sentaient la terreur diminuer en leurs coeurs, mais ce fut encore là une erreur, car leur vigilance s'etait amoindrie, surtout celle de Jaderaïn qui ne parvint pas a détecter un groupe d'orcs qui les avait pris à revers, et qui se dressait à présent devant eux, pret à tous les massacrer. Jaderaïn fut le premier a succomber, non sans avoir intimé aux enfants l'ordre de fuir vers le majestueux arbre, ce furent la ses dernieres paroles, car, sous l'horreur générale, il fut déchiquetté par les lourdes haches orques.
Fuir, fuir très loin, voilà quelle fut la pensée première de Tenelorn. Fuir pour sauver sa vie. Voilà ce que tout être sensé aurait fait, et c'est ce que fit Tenelorn dans un premier temps, avant d'entendre les cris de ses compagnons, en particulier ceux de Keshindraë et de Celryndel.
Que faire? Il ne pouvait pas venir en aide aux deux elfes qui comptaient le plus à ses yeux et devait faire un choix. D'un coté celryndel etait trop loin de lui pour qu'il parvienne a temps, et puis, celryndel avait toujours su se debrouiller quoi qu'il en dise, ce qui motiva sa décision d'aller secourir sa soeur, qui semblait en bien mauvaise posture.
Rongé par le regret de devoir laisser celryndel, il se hâta en direction des cris de Keshindraë. En parvenant pres de Keshindraë, il eut le sentiment d'avoir fait le bon choix, tant celle ci etait en mauvaise posture. La massive silhouette d'un orc faisait balancer sa hache pres d'elle, s'appretant à la pourfendre. La jeune elfe, acculée, ne pouvait même pas se défendre. Il fallait agir à la vitesse de l'eclair pour détourner l'attention de l'orc et Tenelorn fut prompt à le faire. Quelques pierres dans la tête d'un orc peut souvent suffir a faire diversion, et il ne s'en priva pas. Les yeux rouges et dépourvus d'intelligence de l'orc se tournèrent vers lui, laissant dans le coeur de Tenelorn l'impression lointaine que cet orc obéissait à "quelque chose" de peu naturel et que le fait qu'il ne soit qu'un pantin sans volonté allait peut être lui sauver la vie.
Certes, l'orc courrait plus vite que le jeune elfe, mais Tenelorn connaissait chaque recoin de cette forêt qui l'avait vu naître. Il espérait donc semer la masse de muscles qui petit a petit se rapprochait de lui. Tenelorn sentait dores et déjà l'haleine puante de cet être des plus immonde lorsqu'il vit un sentier que l'orc ne pourrait pas suivre, car il etait trop etroit pour lui. S'engouffrant dans le sentier, Tenelorn eut l'impression d'être sauvé pour un moment, mais qu'il ne fallait qu'il s'eternise. Son instinct lui recommandait de fuir, de fuir très loin jusqu'a ce que le grand arbre soit tout proche, ce qu'il fit.
Lentement, il entendait les clameurs du combat, les grognements inhumains, les déflagrations et autres bruits troublant la quiétude de la forêt devenir plus distants, ce qui etait rassurant. Il avait courru durant des lieues et des lieues, beaucoup plus que sa propre condition physique de jeune elfe ne le lui permettait. Ce fut avec une pensée pour Keshindraë et Celryndel qu'il sombra dans l'inconscience, tandis que des mains amies l'emportaient loin, si loin que le grand arbre ne serait plus visible...
Trois êtres en cette nuit fatidique, si proches en temps normal, avaient été séparés. Chacun d'entre eux, bien entendu, finira par retrouver les autres, mais ce ne sera que bien des années plus tard. Chacun d'entre eux aura sa propre histoire, mais je leur laisse le soin de la raconter eux même. Sachez, avant que je ne m'efface afin de leur laisser la parole, que ce jour la fut le début de la fin de la foret des murmures, qui a été entièrement dévastée. Quand bien même les rescapés des murmures seraient a même de se souvenir de l'emplacement exact de leur forêt, ils n'y verraient plus que des terres désolées, sans vie et foulées par moults créatures corrompues voire démoniaques. Mais j'ai assez parlé ce soir, et laisse a nos amis le soin de raconter leurs propres histoires:
(Le conteur se met doucement en retrait, et désigne d'un geste précis trois silhouettes très proches les unes des autres, qui, sortant de l'ombre, révèlent les visages et les corps de trois elfes de la nuit ayant quitté depuis peu l'adolescence. Aux descriptions du vieil elfe, il apparait évident qu'il s'agit de Celryndel, Keshindraë et Tenelorn. Ils semblent, a voix basse, essayer de déterminer qui racontera son histoire en premier...)
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
(hrp : merci pour vos encouragements, cela me fait chaud au coeur)
|