(Avec l'aimable autorisation de l'auteur original qui sévit sur Kirin Tor dans le Covenant Keen

)
Jour 1
Je suis Magnuz.
Et je suis un gnome.
Je ne hais personne…
Enfin pas vraiment.
Mais je sais que beaucoup vont devoir souffrir.
Et peut être mourir dans un avenir proche.
Certains devront peut être perdre leur âme…
Chacun ses soucis.
En ce qui me concerne, je n’ai que peu de temps et je dois dominer le monde.
Mes congénères sont mous et niais pour la plupart.
Ils sont petits aussi.
Moi je suis très grand.
Je dépasse facilement les autres gnomes d’une tête ou deux.
Mais cela n’a pas d’importance…
Les humains sont des sots aussi.
Ils ne sont pas si grand…
Ils sont surtout allongé.
C’est ridicule et disgracieux.
Heureusement certains gnomes sont plus malins.
Oh, il ne s’agit pas des ingénieurs loufoques qui montent des poules mécaniques.
Ils sont une disgrâce pour notre race les imbéciles.
Mais certains savent des choses…
Jour 7
Je les ai trouvé.
Et ils m’ont montré.
Ils ne voulaient pas au début, mais j’ai su les convaincre.
J’ai dû m’excuser et enlever toute la dynamite à l’entrée de leur caverne à Ironforge.
Mais ils ont bien compris mon potentiel.
Bien sûr je ne leur ai pas dit que je serais bientôt leur Maître.
Ils n’auraient pas compris. C'est un secret.
Ils ont du savoir, mais pas d'ambition.
Jour 8
Un Diablotin…
C’est la seule chose qu’ils ont trouvé à me donner à contrôler.
Un pitoyable rat geignard tout juste capable de mettre le feu à des lapins pour passer le temps.
Quel temps perdu.
Mais ils me sous-estiment.
J’ai vu leur bibliothécaire. Le plus vieux.
Il est sénile et naïf. Il n’aurait pas dû me donner ces tomes.
Le Diablotin s’est régalé. Il les a littéralement mangé.
C’est ça façon d’apprendre.
Et il a beaucoup appris le bougre.
Il est utile maintenant.
Mais il geint toujours autant.
Je dois le battre un peu. Beaucoup parfois.
Il est chétif mais il est malin. Maintenant il essaye de me faire plaisir.
Il me donne plus de vie et plus de santé.
Demain je lui apprendrais d’autre tours…
Jour 12
Ils ont trouvés les restes du vieux bibliothécaires.
Le Diablotin avait trop mangé de livre.
Il n'a pas pû tout finir le bibliothécaire.
Je suis sûr qu'il aurait dû dire où étaient passés les livres.
Il faudra que je sois un peu plus prudent...
Mais le Diablotin a bien appris.
Il m’amuse finalement. Il geint moins maintenant.
Peut-être est-ce parce qu’il peut tuer pas mal d’animaux.
Il aime bien les faire brûler, surtout les gros.
Ceci dit les humanoïdes brûlent bien aussi.
Jour 15
Je suis allé les revoir.
Ils n’ont pas trop aimé la taille de mon Diablotin.
Ils l’ont trouvé bien trop gros et intelligent.
Et quand il s’est renfrogné et qu’il s’est dématérialisé sous leurs yeux, là ils étaient vraiment furieux de voir ce que j’avais réussi à lui apprendre.
Qu’est-ce qu’ils croyaient ?
Que j’allais pouvoir raser des capitales et tenir tête à des armées avec simplement un rat savant ?
Du coup ils ont préféré « réorienter mes efforts » comme ils disent.
Ils m’ont montré comment appeler le Marcheur de l’Ombre.
Bien sûr j’ai dû le tuer lors de sa première invocation.
Je préfère lui montrer tout de suite qui commande.
Là il a compris je crois.
Jour 15 – le soir
J’ai essayé de le ré-invoquer tout seul.
Mais c’est long et plus difficile que prévu sans le pentacle.
Je dois trouver une astuce pour accélérer tout ça.
Je n’ai pas de temps à perdre avec ces protocoles désuets.
Jour 15 – tard dans la nuit
Il ne m’a pas fallu longtemps, mais c’est normal je suis génial !
J’ai siphonné un Kobold avec la malédiction violette.
C'est sympa comme malédiction, ça fait une jolie pierre aux reflets bleutés.
J’aime bien ces pierres.
Elles sont chaudes et murmurent tout doucement…
Le Marcheur les aime bien lui aussi.
Du coup on a négocié un arrangement.
Je lui en donne une à chaque appel.
Cela ne m’enchante guère, mais c’est un marché acceptable.
Des pierres bleues je peux en faire tout le temps.
Mais ça le marcheur ne le sait pas.
Il suffit de tuer des choses, c’est facile.
Je n'ai pas eu le temps de me pencher sur la provenance de la pierre d’ailleurs.
Je crois que c’est une sédimentation de l’âme de la victime…
Enfin bon, c’est juste un détail.
Je n’ai pas le temps de m’occuper de tous les détails.
Jour 17
Le Marcheur est un gros balourd.
Très utile, mais vraiment balourd.
En y pensant bien il est peut être plus sot qu’un elfe, si cela est possible.
Ceci dit il ne va pas faire des bisous aux arbres non plus.
Il est donc forcément moins bête qu’un elfe.
En plus il est plus petit qu’un elfe… Il est forcément moins bête.
Je pense qu’en revanche il est légèrement plus grand que moi.
Pas grand chose.
Mais ce sournois doit se tenir sur la pointe des pieds.
Je ne vois bien comment il fait : il avance toujours dans un gros nuage bleu foncé.
Ce n’est pas grave.
Du coup je l’envoi à chaque fois se prendre des baffes à ma place.
Et comme je suis très rusé et adroit, mes cibles ne me voient pas.
Ils ne font attention qu’au Marcheur.
Ca lui apprendra à se tenir sur la pointe des pieds.
De toute façon il encaisse bien ce balourd.
C’est bien utile.
Jour 18
J’essaye de faire venir le Diablotin avec le Marcheur…
Nous gagnerions du temps.
Mais le petit geignard refuse d’être là en même temps.
Il me parle de règles de matérialisation sur notre plan matériel et de lois dictées par les seigneurs des Abysses ou des Enfers je ne sais plus.
Quelle bande d’abrutis ces seigneurs !
Un jour j’irais leur expliquer ma manière de voir les choses...
Jour 19
Les choses se compliquent.
Certaines factions semblent avoir percé à jour une partie de mes plans.
Il n'est pas évident pour quelqu'un de ma stature de passer inaperçu.
Hier encore des crocodiles pourvus de trois paires de pattes m'ont attaqué dans les marais.
Ce n'est pas naturel.
Quelqu'un aussi versé que moi dans les connaissances occultes le voit tout de suite.
Les crocodiles normalement n'ont que quatre pattes.
Je pense qu'une puissance terrible me jalouse déjà.
Mais je prends mes précautions maintenant.
J'ai appris à ne plus respirer.
C'est pratique et je peux voyager sous l'eau incognito maintenant.
Je dépasse de plus en plus les contingences des simples mortels.
C'est bien normal.
J'ai aussi appris à me régénérer de plus en plus vite.
Hier pour voir je me suis coupé un orteil.
Il a repoussé en quelques minutes.
Peau de Démon... C'est le nom qu'ils donnent à cette faculté.
Jour 23
Leurs machinations sont pitoyables.
Ceux qui essayent de me stopper sont de plus en plus désespérés devant mes pouvoirs grandissant.
Ils sont arrivés à dresser toute la faune d'une région pour m'attaquer.
M'attaquer moi seul !
Les imbéciles, ils pensent que je ne voient rien.
Qui pourrait croire qu'il est normal que toutes les araignées, tous les busards, tous les loups et tous les ours d'une région cherchent à l'attaquer ?
Pas moi. Je vois clair.
Mais leur sortilège est quand même puissant il faut le reconnaître.
Transformer tous les paisibles animaux en prédateurs féroces simplement pour m'abattre quelle débauche d'énergie !
Je dois leur faire terriblement peur maintenant...
Et je n'ai même pas encore annexé Ironforge ou Stormwind !
Jour 24
Un Druide...
Ils m'ont envoyé un Druide pour me convaincre de leur innocence.
Ils me sous-estiment encore trop. Tant mieux.
Le Druide avec ses longues oreilles de lapin m'a dit que c'était normal.
Que certains animaux étaient féroces et s'attaquaient à tous les voyageurs.
Imbécile.
Tous les voyageurs peut-être.
Mais je suis Magnuz.
Les animaux, prédateurs ou non, le sentent bien.
En temps normal ils n'oseraient pas m'attaquer.
Soyons sérieux.
Comment un petit grizzli de trois cents kilos pourraient spontanément penser qu'il peu faire de moi son goûter ?
Ca ne tient pas la route une seule seconde.
Au petit matin j'ai poussé le Druide dans la cave de l'auberge avant de partir.
J'ai laissé le geignard avec lui pour jouer à faire du feu au milieu de la réserve d'alcool.
A midi sur la route, je voyais encore la colonne de fumée à l'horizon.
Jour 26
Je dois prendre de plus en plus de mesure pour me protéger.
Le gros bleu tout mou est de plus en plus utile.
J'ai trouvé un moyen de le sacrifier rapidement.
Quand je fais cela il y a quelque chose qui vient de lui qui me rend invulnérable.
C'est excitant.
Et très efficace.
Je pense que c'est encore une histoire d'âmes, mais ces détails techniques sont inintéressants.
Jour 27
Je suis amoureux.
Je ne peux pas en dire plus pour l'instant.
Mais j'ai découvert une possibilité extraordinaire.
J'espère que le Grand Maître Démoniste de Stormwind ne verra pas trop vite quels sont les tomes manquant.
Ce nabot est totalement incompétent de toute façon.
Et si je m'y prends bien elle sera là sous peu.
Elle m'ouvrira de nouvelles possibilités.
Mes ennemis vont bien être surpris.
Elle est aussi belle qu'utile.
Mais je n'ai pas encore assez de matériel pour la faire venir...
C'est vraiment difficile à stocker tout ce sang.
Le Seigneur des Ténèbres Roz’Trrzluk déployait avec irritations ses nombreux appendices caudaux et, avec une humeur plus noire qu’à l’accoutumée, face à un ciel sans étoiles il s’arc-boutait en hurlant sa colère au sommet de sa gigantesque tour de pouvoir.
Balise cyclopéenne et abominable, il marquait le centre du huitième plan infernal qu’il dirigeait depuis des éons, sous la double bannière du vice et de la brutalité.
L’air s’emplissait depuis plusieurs cycles de ses lourds grognements rageurs. Ses nombreuses paires d’yeux jaunes se plissaient tels d’insalubres meurtrières horizontales sur la partie supérieure de son corps massif. Et dans l’une de ses huit serres noire il tenait encore broyé l’essence d’un Diablotin messager qui lui avait apporté la nouvelle.
Un impudent occultiste sur le plan matériel d’Azeroth était en train de faire des essais qui l’insupportaient d’une façon extrême…
Quelle idée incroyable pouvait torturer le cerveau malade d’une créature aussi insignifiante qu’un gnome (c’est ce qu’avait eu le temps de lui préciser le Diablotin avant qu’il ne soit transformé en pulpe grisâtre) pour tenter de rentrer en contact avec Sheela’z, l’une des Succubes favorites de Roz’Trrzluk ?
En dépit du fait que le Seigneur des Ténèbres Roz’Trrzluk était la quintessence même de la perversité et du sadisme, il n’avait pas moins été rendu sage et prudent par des éons de luttes intestines et fratricides dans les plans infernaux. Il savait que la moindre anecdote, la menace la plus insignifiante, l’événement le plus anodin, pouvaient être en fait les prémices d’une vaste machination ourdie par ses frères moins puissants. Il n’y avait en effet strictement aucune explication aux actes qu’on lui avait rapporté. Même le plus dément des êtres peuplant le plan d’Azeroth ne se risquerait jamais à seulement envisager d'approcher une des favorites d’un Seigneur des Ténèbres.
Il y avait donc forcément là l'indice d'un plan extrêmement complexe qui commençait à se mettre en œuvre et qui, peut-être même, touchait déjà à sa conclusion…
Il y a un cycle, Roz’Trrzluk s’était résolu a se préparer au pire et avait fait rappeler mille de ses légions infernales les plus fidèles autour de lui. Si tant est que la fidélité ait eu un sens quelconque pour ces esprits d’une noirceur totale et absolue… Il avait d’ailleurs aussitôt exécuté lui-même les mille généraux de ces mêmes légions, et les avait remplacé sur-le-champ, afin de parer à toute trahison prévisible dans ce genre de situation.
Ses plans de bataille pour envahir Azeroth et y éradiquer toute forme de vie étaient à jour et prêts à être mis en oeuvre sous peu. Il suffisait que l'insignifiante sous-créature cherche encore à invoquer sa favorite pour qu'il réponde à sa place à l'appel. Lui est ses mille légions.
Mais il restait courroucé et incertain.
Bon sang… Un gnome ?
Jour 27 - Quelques minutes avant minuit
Je vais bientôt réussir.
Cela aura été long.
Vraiment beaucoup plus long que prévu.
Au début cela avait été facile.
Localiser ma belle au travers des différents plans a été un jeu d’enfant.
J’étais chagriné au début par cette histoire de bottes à talons hauts qui figuraient sur la description du chapitre 69 (Stupre et Lucre) du De Vermis Mysteriis.
Mais je me suis dit que des bottes ça pouvait se changer…
Mais tout est prêt.
J’ai réussi à m’infiltrer dans les caves d’une sorte de confrérie de Stormwind.
La cave est grande il y aura assez de place…
Mais foutrejaune, qu’est-ce qu’elle pue le vin cette cave !
J’ai du nettoyer toutes les bouteilles cassées pour tracer les huit pentacles.
C’était un sale travail.
Le sang des deux clans de gobelins et d’une famille entière de nains au visage gris a à peine suffit pour matérialiser la Pierre d’Appel.
Elle est vraiment jolie cette pierre.
Elle flotte au centre des pentacles entrelacés avec sa lueur rouge toute douce.
D'ailleurs depuis que je l'ai placée à l'endroit prévu je n'attends plus rien.
Tout les bruits de la ville se sont arrêtés.
C'est forcément bon signe.
Ma belle va forcément bien aimer cela.
Au plus tôt elle sera là, au plus tôt je pourrais commencer à prendre le pouvoir dans la région.
Et une fois les contrées humaines asservies je m’occupe des oreilles de lapins !
Il faudra me décider : dois-je les éradiquer sous une pluie de feu de sept jours, ou dois-je opter pour la classique peste noire ?
Bah, nous verrons bien.
Il ne me reste plus maintenant qu’à entonner les chants prévus.
Allons-y !
Il est minuit passé de trois secondes dans la cave à vin du Covenant Keen
Au travers d'un disque vertical sans épaisseur, flottant au centre d'un entrelacs de pentacles vraisemblablement tracés avec du sang d'humanoïdes, on aperçoit dans une perspective déformée, une sombre tour d'obsidienne sur un fond de nuit sans étoile. Des milliers de formes semblent massées au pieds de cette tour en une sorte de marée hérissée de crocs, de griffes et de dards. Une odeur de charogne et des fumées noires viennent petit à petit supplanter l'odeur de vin répandue dans la cave.
Le silence est absolu depuis que le gnome famélique aux toupes de cheveux roses assorties à ses lunettes d'ingénieur, a cessé de psalmodier le chant infernal qui a fissuré la réalité un moment plus tôt. Tout les êtres vivants conscients du plan de réalité appelé Azeroth sentent au même instant leur âme secouée par la promesse d'un évènement terrible.
Le gnome, lui, s'approche un peu plus du disque qui oscille paresseusement au bord des réalités.
Et d'une voie à la fois troublée et enjouée il lance :
"Youhou... Ma Puce ? C'est Magnuuuuuz !"