[Stratego Telenil]

Année 24 : le feu couve sous la cendre
A Stormwind, l'agitation commune à tous les jours de marché battait son plein. Stratego marchait entre les étals, observant d'un œil distrait les produits des marchands aux balances pas toujours équilibrées. Passant dans le quartier des mages, il passa devant la tarverne de l'Agneau Assassiné. Il y était entré une fois, et était tombé sur un groupe de démonistes en train d'invoquer des traqueurs corrompus. Il avait failli leur tirer dessus, même après avoir compris que leurs études étaient toélérés. Il était allé chercher un garde, qui avait certes convenu que les invocations en plein Stormwind étaient à proscrire, mais n'avait pas paru choqué outr mesure. Le mage était ressorti écoeuré. Déjà quelques mois plus tot...


Barrens.

Le soleil est déjà haut au dessus des steppes brunes. Dans une cuvette rocheuse, entourée par un bosquet d'arbre, se dresse des ruines, vestige de construction millénaires. Mais la zone est habitée. Un groupe de tente a été dressé près d'une grande maison détruite, et dans un grand cercle au centre de la cuvette se tient un conseil.

Ils étaient une cinquantaine peut-etre. Beaucoup de ceux qui étaient présents possédaient, sagement assis à coté d'eux, une créature qui auraient pu ressembler à un golem ou à un diablotin sans la lueur de flammes qui habitait leurs yeux ou la noirceur perceptible qui s'en dégageait. Tous regardaient l'orc qui présidait, une lueur d'appréhension, d'envie ou d'exaltation dans le regard.
« Oui, vous venez de Theramore, des Barrens, ou d'Ashenvale. Vous venez de Kalimdor ou des terres de l'est ! Et comme vous l'avez entendu, lnous pouvons vous offrir le pouvoir ! La puissance dont vous avez oujours rêvé, vous les déliassés, les faibles. Je sais que certains d'entre vous ont peur des démons, à cause de leurs agissements ces dernières années. Vous les prenez pour une force destructrice ? Balivernes ! Qui a tué le Roi Terenas, qui a détruit Quel'Thalas ! Il ne s'agissait pas des démons, mais bien des morts-vivants sans âme du Fléau. Et nombre d'entre eux se sont libérés de l'emprise du Roi Liche à Lordaeron. J'ai d'ailleurs le grand plaisir d'accueillir parmi nos rangs un des membres éminents de ces Réprouvés ! »
A la surprise de l'assistance, un petit groupe de morts-vivants arriva à sa rencontre et monta sur la scène. Il y eut un murmure général.
« Oui nos ennemis d'hier sont devenus les alliés d'aujourd'hui ! Car nombre de Réprouvés rejoignent Kalimdor en tant qu'invités ! Je souhaite la bienvenue aux nouveaux dans cette école, et souhaite une bonne formation au plus anc... »
L'orc s'interrompit. Un démoniste, relativement jeune, reprit plus fort : « Je confirme, mon oeil de Killrog a vu un mouvement ! Il... »
Il y eut une détonation et le démoniste fit un pas en arrière. Une langue de flammes avait calciné l'espion.
« On est attaqués ! cria quelqu'un. Alerte ! »
Tous les membres de la réunion se précipitèrent à leur postes de défense. Des collines alentour dévala un commando de guerriers portant les insignes de Theramore et de Quel'Thalas, envoyant vollées de flèches et sortilèges.

Le premier groupe de sappeurs détruisit la plupart des tours avant que davantage de gardes ne puissent se mettre en position. Les démonistes surpris tentèrent tant bien que mal d'organiser une riposte, mais Stratego ne se faisait aucun souci. Les premiers traits des ténèbres et les immolations frappèrent les plus avancés, mais la première ligne était formée d'une quinzaine de brisesorts spécialement entraînés qui n'eurent aucune difficulté à dévier les sorts. Les démonistes tentèrent de faire appel à leur compagnon animaux, mais les brisesorts pouvaient briser les liens unissant le démon à leur maître, les plus doués parvenant même à les prendre temporairement sous leur contrôle. Les lames de Quel'Thalas frappèrent les démonistes, déclenchant une réaction enflammant leur mana à chaque attaque. Les premiers défenseurs étaient avant tout des recrues peu expérimentées que les brisesorts dispersèrent avec facilité.
« Au centre ! cria quelqu'un. Il nous faut leurs chefs ! »
Ce culte démoniaque allait finir aujourd'hui.
Le combat devenait plus rude. Les traits des ténèbres se mélaient aux boules de feu des assaillants. Mais les warlocks n'avaient aucune chance. Les brisesorts s'emparaient de totues les malédictions et à les retournaient contre leurs lanceurs. Face à cette menace, un groupe de fanatiques armé d'épée et de poignards engagea les hauts-elfes par surprise. Face à eux, animés seulement par leur rage de vaincre, les brisesorts durent rompre et céder le passage aux guerriers traditionnels. Mais le combat était joué d'avance.
L'orc et le mort-vivant se battaient encore au centre des ruines , mais presque tous leurs hommes étaient tombés. Une flèche dans l'œil eu raison de l'orc. L'autre finit par s'écrouler sous les assauts d'un guerrier nain.
Une vingtaine de démonistes étaient morts, presque tous ceux qui n'en étaient pas n'avaient pas luttés et s'étaient rendu. Les derniers démonistes, une douzaine, s'étaient barricadés dans les tours en ruine. Stratego vit un mouvement près d'une maison. Il lança une boule de feu à l'aveuglette. Manqué. Il courut vers son ennemi qui avait réussi à rentrer dans la bâtisse. Il poussa soudain un hurlement de douleur. Un puissant sortilège d'Affliction, à peine atténué par ses protections, l'avait frappé de plein fouet. Il plongea au sol, basculant à moitié. Cela lui sauva peut-être la vie, car un trait des ténèbres lui passa juste au dessus de la tête. Son adversaire était le jeune orc qui avait invoqué l'œil de Killrog. Le démoniste tenta un nouveau sort, mais Stratego lança un contresort et dissipa l'énergie. Il riposta par un trait de feu. L'homme esquiva le plus fort de la flamme, mais la flamme lui brûla la joue. Il poussa un grondement de douleur. Quelques échange plus tard, Stratego comprit qu'il aurait la victoire. L'orc était inventif mais inexpérimenté.
« Tes chefs sont morts, lança Stratego. Inutile de te faire tuer. Rends-toi.
Le démoniste eut un rictus.
- Tu es bon. Je regrette de ne pas avoir fait mes entraînements plus à fond, j'aurai pu te puni comme tu le mérite. Pauvre esprit. Tu n'as pas compris où est le pouvoir.
Il fit un mouvement mais n'attaqua pas.
- Non. C'est vous qui n'avez rien compris. Tous autant que vous êtes, n'êtes que des idiots qui jouez avec des forces qui vous dépassent.
L'orc éclata d'un grand rire. Il baissa les mains, mais ne sembla pas pour autant prêt à se rendre.
- Mage naïf. Ne me prends pas un de ces idiots faibles d'esprit, qui invoquent les démons pour maudire leur créancier. Je sais parfaitement quels sont les buts de la Légion Ardente.
- Je ne suis pas là pour écouter ça. Rends-toi.
- D'accord, fit l'autre avec un sourire. Ca fait longtemps que je n'ai pas pu parler à quelqu'un capable de comprendre tout ça. Ecoute-moi et je me rends. Quand d'autres nous vengeront, tu ne mourras pas ignorant.
Stratego, déconcerté, ne bougea pas mais resta sur ses gardes.
- Alors dis-moi, cher jongleur d'explosifs instables, pourquoi tu invoques des démons qui vont tueront si ils se libèrent et ne visent à la destruction totale.
- Tu es vraiment un idiot si tu envisages que notre rôle est d'invoquer des démons. Nous avons répandu notre science en tant qu'études magiques sur l'invasion démoniaque. Nous avons des instructeurs la plupart des grandes villes, Stormwind notamment. Nous y sommes tolérés parce que les plus charismatiques des démonistes se présentent aux empêcheurs de tourner en rond tels que toi sous leur meilleur jour. Les autorités considèrent que nous utilisons les démons pour nous-mêmes, et que nous pouvons être dirigés dans la direction qui les arrange. Ce en quoi ils n'ont pas faux, la grande majorité des démonistes à trop peur du Grand Au-Dela Obscur pour se livrer à des expériences inconsidérées. Bien sur, ce genre de pouvoir peut avoir des effets pervers sur certains, mais vos autres mages aux sortilèges si scrupuleux n'êtes pas sans le savoir.
Tout a changé. La Légion est brisée. Archimonde est mort, les plus grands des Nathrezims également. Les démons n'ont plus de chefs capables de les fédérer. Il ne tient qu'à nous de les apprivoiser. Car nous ne sommes pas des serviteurs de la Légion, quoi que vous ayez pu vous imaginer. Nous sommes une nouvelle branche de la magie, plus audacieuse. Les risques sont plus importants, mais les récompenses également. Un jour, nous aurons accès à des secrets que tu ne pourras pas soupçonner. La science démoniaque n'est plus le bourbier qu'elle était. J'ai marché sur ce terrain, et les sables mouvants sont devenus terre. Un être avec une volonté suffisament forte peut briser les démons, les soumettre à sa volonté. la "corruption" des arcanes n'est plus un danger si les démons qui nous murmurent à l'oreille sous son notre controle absolu."
Stratego écoutait, incrédules. Était-il possible que des gens considèrent les démons, depuis la chute de la Légion, comme des animaux domestiques ?Et qui plus est, avaient réussi à en dominer, sans servir la Légion ? Presque tous les démonistes engagés dans la bataille avaient pour compagnon une succube, un Marcheur du Vide, ou un chien maudit. Il secoua la tête.
- Non. C'est toi le crétin. Tu t'imagines que vous êtes forts, et que les démons sont plus faibles qu'avant. Tu parles d'une nouvelle époque, d'une situation changée. Mais j'ai déjà vu ses propos dans les écrits de démonistes morts depuis des siècles. Il y a 800 ans, Aegwynn avait également détruit les plus grands officiers de la Légion. Elle est pourtant revenu, et a failli détruire le monde. Votre assemblée souffle sur... les braises d'un incendie. Tant que des gens comme vous seront en liberté, la Légion pourra à nouveau s'infiltrer dans ce monde. Tu es intelligent, et toi-même, si tu regardais la vérité en face au lieu de te cacher derrière des promesses de pouvoir, tu le saurai. »
L'orc releva les bras, et ses yeux s'emplirent d'une lueur noire.
« Malheureusement pour toi, lâcha-t-il, nous avons déjà gagnés. Car les Réprouvés qui ont rejoint la Horde depuis peu, nous ont appris qu'à Stormwind et Ironforge, les lois punissant de mort la démonologie sont sur le point d'être abrogées, tant que ses pratiquants se soumettent au contrôle strict des maîtres mages compétents. Theramore sera bien forcé d'accepter notre éxistence elle aussi. »
Cette fois, Stratego tiqua.
« Eh oui, vous avez peut-être gagnés aujourd'hui, mais très bientot, nous serons couverts par tes propres maîtres.
Le regard de l'humain se durcit. Les flammes entourèrent ses poignets, et ses yeux luirent à leur tour.
- Vous êtes peut être prêt à courir le risque de massacrer des innocents, mais pas moi. Tu as bien vu que tu ne peux me battre, et je n'ai pas envie de te détruire. Dernière chance. Rends-toi.
- Je ne vais pas t'offrir cette satisfaction, humain, dit-il d'un ton soudain plein de hargne. Si tu veux m'arrêter, il faudra me tuer.
Il poussa une clameur, rassemblant ses énergies pour une dernière attaque.

Quand Stratego ressortit de la pièce, il ne restait plus du démoniste qu'une silhouette figée dans un bloc de glace, un dernier sourire en coin au moment de sa mort. Le mage essuya une larme de rage qui lui brouillait les yeux.

Syldur Windstriderr, était non loin. Il enleva son casque, laissant ses cheveux blonds tomber en cascade sur ses épaules.
« Stratego ! s'exclama-t-il. Ca a été dur, mais on les a eu. Les chefs sont morts, et leurs démons sont exterminés. »
Une pause.
Un nain disait : « Les sorciers rescapés se disent prêts à parlementer. Vie sauve contre capitulation. Quelques-uns ont pu s'enfuir, mais les orcs vont venir les cueillir."
Stratego se contenta de hocher la tête. Syldur le regarda d'un air un peu inquiet. "Ca va ?"
"Il se trouve que les mentalités ont moins évoluées que je ne le croyais. Les royaumes de l'est ne comptent plus interdire la démonologie, mais plutôt contrôler ceux qui l'étudient. Ils n'ont visiblement pas compris le danger auquel ils s'exposent. »
Ses deux compagnons furent stupéfaits.
« Jamais les elfes de la Nuit ne leur permettront ! s'écria Syldur. Ils mourront plutôt que d'accueillir un démoniste à Ashenvale !
- Je ne crois pas, répondit le nain d'un ton lourd. J'ai déjà entendu un orc parler des débats animés à Orgrimmar sur une nouvelle étude de magie. Je comprends tout maintenant... Si ils sont placés face aux réprouvés qui pratiquent déjà la démonologie, et à l'assouplissemnt des lois anti-démons, les gens comme nous ne pourront pas faire le poids.
Un silence suivit cette déclaration.
- On a pas le choix... nous avons agi ici, mais nous ne pourrons plus continuer. Désormais, nous allons devoir accepter des études démoniaques... je ne suis pas sur qu'on puisse faire quelque chose pour l'empêcher... On ne pourra plus rien faire contre les cultes ne vénérant pas officiellement la Légion sans s'attirer des ennuis.
- Ca doit bien leur faire plaisir à ces ordures, siffla Stratego en regardant autour de lui. Plaisir posthume, mais plaisir quand même.
- Je le sais. Très bientot, pour le meilleur ou le pire, les démonistes seront parmi nous.