Combats, revanches et considérations sociales
On peut dire que j'ai coulé des jours paisibles dans cet hôpital.
Et surtout je me suis vraiment amusée tous les jours.
Tenir les mouches à distance est tout un art.
Et avec moi, c'était devenu une discipline olympique.
... entendez par là que j'ai appris aux mouches comment voler pour de vrai.
C'est un tour que certains clowns connaissent fort bien: il s'agit d'utiliser sa force de volonté pour faire littéralement voltiger un cave en l'air. La personne décolle alors de deux mètres et demie/trois mètres avant de retomber lourdement au sol.
C'est grosso-modo une forme de télékinésie.
Vous me direz que ça doit difficilement suffire pour calmer un gang enragé par le fait de voir l'un des leurs sur le carreau ou un paparazzi excité à l'extrême par la présence d'un sujet brûlant aux alentours.
Je vous répondrais que l'hôpital d'Annie est bas de plafond.
... et qu'on peux encore y compter le nombre de mes interventions de l'époque au nombre d'impacts de boite crâniennes qu'on y trouve encore.
J'ai aussi eu l'occasion de côtoyer beaucoup de clowns, par la même occasion.
C'est d'ailleurs là que j'ai rencontré Natsume.
Natsume est une métisse japano-américaine qui a décidé de rempiler clown pour des motifs qui sont encore obscurs pour moi aujourd'hui.
Je me souviendrais toujours ses premières paroles, prononcées d'un air de petite fille peinée, après que les machines du centre médical l'aie réanimée: "*sigh* J'ai raté mon record de deux têtes..."
Il faut dire que possédant un caractère aiguisé comme un rasoir et un katana hérité de la famille de sa mère qui n'a rien à lui envier, Natsume pratique la chasse aux gangs comme une forme de sport à plein temps.
Et pour le compte, elle nous fournissait la majorité de nos clients voyous.
Aujourd'hui, manque de chance, elle avait épuisé ses forces avant d'avoir fini nettoyer le secteur ouest.
N'empêche qu'en voyant les cadavres semés au hasard des rues, on pourrait se demande qui sont au juste les véritable victimes dans cette ville.
A mon avis, ce sont les services de nettoyage de la voirie.
Remarquez que Natsume s'en moquait cependant éperdument, des victimes.
Moi aussi.
Une bonne raison pour sympathiser, en somme.
L'inconvénient toutefois avec son genre d'attitude, c'est qu'on revient souvent visiter l'hôpital.
Il y a des gens qui aiment sans cesse repousser leurs limites.
Natsume, elle, est du genre à être prête à s'exploser la tronche un nombre incalculable de fois dessus pour cela.
C'est le genre de fille qui est capable de débarquer pour la 17ème fois de la journée dans le bureau du boss mafieux qui l'a envoyée à l'hosto les 16 fois précédentes pour sa revanche.
Ou plutôt dans son cas la 4ème manche de la 3ème "dernière pour l'honneur" de la revanche de la 6ème belle.
Le pire c'est qu'elle finit toujours par gagner...
Je soupçonne les boss en question de finir par se laisser faire rien que pour se débarrasser d'elle.
Quoiqu'il en soit, c'est comme ça que nous avons un peu appris à nous connaître.
Et c'est comme ça que j'ai appris à mieux connaître le job de clown.
Le point important déjà a comprendre, c'est que Natsume n'a rien d'un clown hypocrite. Elle est parfaitement consciente de son rôle et des mécanismes de soumission protégeant/protégés qui régissent cette ville.
'Le job de héros c'est cool.
Tu manges et te fringues à l'oeil grâce aux dons des commerçants.
Tu es hébergée gracieusement là où tu veux parce que les gens sont toujours contents de pouvoir s'endormir sachant que grâce à leur voisine, ils pourront s'endormir sans se demander s'ils se réveilleront attachés sur un autel sacrificiel de magie noire.
Tu as l'assurance maladie la plus efficace du pays, grâce à la mairie qui paie tous tes frais médicaux et avec une ponctualité et une rapidité exemplaire.
... et tout ce que tu as à faire pour ça, c'est te promener tranquillement dans les rues, te rendre occasionnellement la où tu entends des cris, et à taillader en pièces toutes les personnes qui y sont sauf celle qui crie le plus fort.'
C'est vrai que dit comme ça, le job de superhéroine m'est apparu soudainement nettement moins glauque.
A entendre Natsume parler de son job, elle avait l'air de vraiment s'éclater d'ailleurs.
Souvent même dans le sens littéral du terme.
Mais ceci dit, quand on a une couverture sociale comme la sienne, on s'en fait pas trop à ce sujet.
Et dire que certains se posent encore la question de savoir à quoi est du le trou de la sécu...
Ils ne l'ont jamais rencontrée, c'est clair.
Déjà parce qu'il faut la soigner souvent, et ensuite parce que les voyous à remettre sur pied affluent dès qu'elle est dans les parages.
Surtout que même si avec moi dans le coin les médecins n'auraient rien à craindre de leurs potes en refusant de les réanimer, ça serait le coup à ce qu'ils foutent le quartier à feu et à sang en représailles.
Or il est hors de question que nous laissions autant de personnes se faire blesser!
Depuis les dernières restrictions budgétaires, les heures-sups ne sont plus payées...
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