Fan fiction : la Faille

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Bonsoir à tous amis de la poésie (et aux autres aussi ne soyons pas chien).

Je viens vous proposer un rôle play que je fini d'écrire, un peu long donc je le posterais en plusieurs fois. Si des personnes ont des soucis sur la lisibilité qu'ils n’hésitent pas à m'en faire part par mp et je leur enverrai une version pdf (il y a plus de 30 pages, donc je comprendrais). Merci d'avance pour toutes les critiques bonnes comme mauvaises !





La faille



« Le monde des 12…
Une terre dont la magie coule dans les veines de ses habitants comme un torrent en crue. Composée de douze races à l’image de leur dieu, elle possède une connexion unique avec un univers, l’Autre Monde, et de mémoire d’hommes existent trois lois qui ne peuvent être transgressées.
Première loi : Naissance, vie et mort sont régies par la connexion
Seconde loi : Les mondes sont infranchissables
Troisième loi : L’obéissance et la soumission totale doivent être dues à l’Autre Monde. »
Extrait du livre du Rêveur Eveillé

L’Antique


Ma conscience s’éveille et vient disperser mon néant. J’ouvre les yeux, puis les plisses pour m’habituer à la luminosité des plaines de Cania. Mon regard explore les alentours. Un troupeau de kanigrous somnole sous le soleil de ce début d’après-midi. Tranquilles, ces bestiaux paissent de quelques herbes desséchées : le désert n’offre pas de fraicheur. L’air est lourd, chargé de la musique cuivrée des serpentins cachés à derrières les rochers afin de trouver un peu d’ombre. Ici, aucun arbre pour m’abriter. Ma fine capuche sombre me protège du soleil mais le tissu léger laisse passer la chaleur étouffante. Allongée, je sens la chaleur de la terre se transmettre à mes membres qu’aucun vent ne vient rafraichir. Soudain, quelque chose retient mon attention. Je me redresse avec prudence et, debout, et hume l’air. Rien, absolument rien ne bouge. Puis je comprends. En un éclair je sors mes dagues et brise d’un coup le sort qui m’entourait. La trame du temps se déchire sous ma lame et je sens enfin la brise souffler autour de moi avec la fraicheur de l’eau des fleuves de Pandala. Le sentir à nouveau est si grisant que j’en oublie un instant avoir fait l’objet d’un ensorcellement. Je me concentre et entends distinctement le son d’un sort de fuite que l’on répète à court intervalle.
-« Zap… zap » il tourne autour de moi,
-« zap » il se rapproche ! Je pivote et, dans un demi-tour parfait, lance ma dague devant moi, m’accroupie en invoquant un piège d’immobilisation, puis me cache d’un bond derrière un rocher. Je n’entends pas le bruit caractéristique du déclenchement de mon piège. J’attends ce qui me semble une éternité puis, me redressant prudemment, vais récupérer ma dague à petites foulées. Une ombre immense découpe mon profil dans mon dos. Elle tient un énorme marteau levée au-dessus de sa tête.
Un cri de victoire.
« -Je t’ai eue !
-Non l’Antique, je t’ai eue. »
Dans son dos, ma seconde dague est bien calée entre ses omoplates, prête à découper le tissus et plus si nécessaire. Son marteau s’abat et mon double disparait dans une fumée blanche.
« -Un double ! J’aurai du m’en douter… Toujours aussi agile la Sombre » Son sourire se devine sous ses nombreuses bandelettes grises. Vêtu d’un simple chapeau bleu et d’une tunique de la même couleur au centre de laquelle trône l’étoile de son ordre, je perçois sa frustration, mais sa joie aussi.
« - Tu m’a manqué » Lâche-je dans un souffle en rangeant mes dagues.
« -Toi aussi, je n’aurai jamais pensé que tu aurais progressé aussi vite depuis mon départ tu sais. Ce coup-ci tu t’es surpassée je pensais vraiment ne pas t’avoir lâché des yeux un seul instant.
-Je n’ai pas beaucoup de mérite ; les Kanigrous ne me laissent aucun répit et, franchement, tu es bien moins imposant qu’eux… Et plus odorant aussi ! A propos d’odeurs, pourquoi les effluves du port de givre empuantissent-elle ta tunique ?
Il rit, et je le devine rougir. Malgré sa petite taille, il m’arrive à peine à la poitrine, il impose sa présence au paysage par son seul rire.
« -Je ne pourrais vraiment rien te cacher, et, comme tu l’a devin, j’en viens et je savoure d’autant plus la chaleur de notre vieux continent.
-Cette chaleur risque bien de nous griller tous les deux si nous restons debout comme deux idiots en plein soleil. Viens au moins t’abriter.
-Nous n’en auront pas le temps rassure toi, car nous allons bientôt partir d’ici. Un travail urgent nous appelle et nous n’avons pas le temps de tergiverser
-Nous ? Et un travail urgent ? Dis-moi l’Antique, qu’as-tu appris sur celle ile glacée qui te pousse à la fois à me demander de l’aide et à paraitre aussi angoissé que si tu avais Djaul lui-même à tes fesses ?
-Tu ne crois pas si bien dire… Mais il n’est pas encore temps de te raconter. Pour le moment je dois voir la personne qui pourra m’aider à comprendre ce que j’ai vu, une personne qui possède le plus grand savoir du continent.
-Le Maitre Corbac.
-Le Maitre Corbac oui. Sa bibliothèque est la plus ancienne et la plus grande de tout Amakna, je dois m’y au plus vite. Mais ayant eu vent de ta présence dans les parages, je n’ai pu résister à l’envie de te voir, ni te demander de… »
Je perçois sa demande avant qu’il ne la formule. Bien sûr que j’accepte de l’accompagner, faire la route ensemble sera plus agréable et puis, j’ai le sentiment de devoir le suivre, comme un besoin urgent de voir où ça me mènera. Je porte ma main à ma bourse et en sort deux potions de rappel, le lui en donne une puis nous buvons ensemble, à l’aventure. A l’inconnu. Nous nous évaporons dans un nuage de fumée. Des traces de notre passage, il ne reste que quelques herbes aplaties.

A deux lieues de là, perchés sur un rocher, deux yeux aussi jaune et perçant que ceux d’un faucon se fendillent pour observer la fin de la scène puis, quand le dernier nuage de fumée blanche a disparu, se tournent vers le sol.
« -Ils viennent de partir, le Pâle, je ne sais où mais la Sombre avait l’air préoccupée par ce que lui a dit l’Antique. »
Les yeux s’adressent à une maigre silhouette repliée et adossée à la roche. La tête penchée sur son front, l’homme, s’il en est un, possède pour tout habit une culotte courte déchirée et un bonnet noir noué en arrière sur sa tête. Il se relève avec une lenteur voulue et provocante, et de sa bouche s’élève une voix douce et froide, presque glacée.
« -Ne t’en fait pas, je sais parfaitement où ils sont partis. Mais il n’est pas encore temps d’intervenir. Quand le moment sera venu, elle aura son rôle à jouer. »
D’un mouvement de doigts il créé un portail dans lequel il s’engouffre à la suite des deux yeux, ne laissant derrière lui qu’une plume noire qui volète délicatement le temps d’un instant avant de tomber et se poser délicatement sur une flaque rouge.


Rouge sang.
Le Déchu


La potion nous a transportés non loin du cimetière de Bonta, lieu morbide où pullulent chafers, fantômes et autres ribs féroces. Tandis que nous longeons cette zone peu fréquentée en prenant garde de ne pas trop s’approcher des tombes qui, de temps à autre, semblent nous susurrer un appel d’outre-tombe, l’Antique me raconte son voyage sur Frigost.
« -Tout a commencé il y a de cela un an, à la taverne du Wa Régent du village d’Amakna. Après une journée éreintante passée à explorer les champs de Farle Inglass à la recherche de quelques archis monstres, j’ai jeté mon dévolu sur cet endroit qui, bien que d’apparence aussi miteuse qu’un vieil Enutrof, pouvait m’offrir la détente dont j’avais besoin. Vue d’extérieur, l’ancienne bâtisse ne semblait pouvoir tenir debout que grâce à une quelconque magie, ce qui aurait paru naturel. D’épais étais en bois soutenaient une façade qui n’attendait qu’un souffle de vent plus fort qu’un autre pour s’écrouler. L’enseigne en bois, fendue en son centre, couinait en se balançant sur son support, créant une mélodie qui aurait effrayé plus d’un pèlerin. Loin de me repousser, cet aspect affermit ma conviction que ce que trouverais à l’intérieur ne pouvait qu’être le reflet de l’établissement. Et je ne fus pas déçu. Aujourd’hui encore je ne saurais te dire qui des clients ou des meubles étaient les plus crasseux. L’air, empuanti et rendu brumeux par la chaleur ambiante qui régnait, offrait à cette pièce une atmosphère étouffante. Bref, parfait pour y finir ma journée.
Je commandai au comptoir un jus de boufton, que le patron me servi avec autant de bonnes grâce que l’on chasse une mouche, puis pris place à la seule table libre de l’auberge ; c'est-à-dire la plus sale. Enfin, posé, je tendis l’oreille afin de capter les divers commérages des clients attablés. Ici et là on parlait du temps, des récoltes ou encore du dernier scandale à la cour du roi Allister quand mon regard se posa sur lui. Oh, il n’avait rien de particulier, aucun de ces petits détails qui d’aventure attirent l’œil. Simplement il murmurait, seul. Enfin, je suppose que c’est ce qu’il faisait, car bien que ses lèvres bougeaient, je n’entendais aucun son sortir de sa bouche. Sa capuche marron rabattue sur sa tête m’empêchait de distinguer son visage et, poussé par la curiosité, j’ai discrètement lancé un sort de vol temporel afin de dérober et d’enfermer ses paroles. »
Nous nous arrêtons un instant dans la plaine et je l’observe sortir de son sac une petite pierre bleutée qu’il s’empresse de poser à terre en marmonnant des invocations. Aussitôt des faisceaux lumineux turquoise en jaillissent et viennent s’assembler à notre hauteur pour dessiner une table, un individu, la taverne. Elle est effectivement miteuse. Une voix, hachée et triste, s’élève de la projection.
« -Non, non, je dois disparaitre, ne pas l’écouter. Ne pas l’écouter ? Mais ses paroles sont si douces, et il m’a promis. Je dois partir, le village, Frigost, maintenant. Si je fais ça je serai banni, maudit. Maudit, c’est eux qui le sont, j’ai le droit, le droit de vivre. Mais Il l’a dit, celui qui vient du village mort, je ne pourrais pas le faire.
Bien que je n’arrive pas à saisir le sens de son discours, cet homme me terrifie, qui est-il ? A quel dieu a-t-il vendu son âme pour agir ainsi ?
« -Visiblement la raison a abandonné cet homme, ses mots sont aussi vides que son esprit.
-Je ne les ai pas saisis non plus, mais ils m’avaient suffisamment intrigué pour que je décide de le suivre lorsqu’il se décider à sortir de la taverne. Je pris soin de lui poser un traceur de chakra pour ne pas le perdre s’il venait à prendre une potion puis, à distance respectable, j’empruntais ses pas. Nous avons erré des jours durant, parcourant l’étendue du continent, des méphitiques landes de Sidimote aux luxurieux champs de Bonta, des rivages maudits de Sufokia aux marécages sans fond de la montagne des koalaks. Il lui arrivait parfois de s’arrêter pour pleurer, recroquevillé sur lui-même. Il m’a fait l’effet d’un être menant une bataille perdue d’avance, et dont l’issue ne pouvait être que sombre. Chacun de ses pas était une souffrance, un combat pour continuer à vivre. J’ai suivis cet être perdu 6 mois durant, l’observant perdre chaque jour un peu plus son humanité. Puis, par un froid matin de Descendre, alors que nous séjournions depuis plusieurs semaines déjà dans la sombre caverne des fungus, il s’est levé et , comme transfiguré, a pris une potion et s’est volatilisé. Mon sang n’a fait qu’un tour. Faisant appel à toute la puissance de ma race j’ai retracé son chakra puis, dans un élan d’inconscience sûrement, l’ai suivi dans son enfer. Ce fut le blizzard glacé des champs de glace qui m’accueillit. J’étais donc sur Frigost, la terre de tous les dangers, le fief du comte Harebourg. Malgré ma sombre intuition, je ne voulus pas renoncer maintenant, mais je sentais néanmoins que je m’engageais sur une route qui pouvait, à terme, me détruire. Bravant mon sentiment je suivis alors mon mystérieux compagnon de route involontaire à travers les étendues glacées de des champs, puis le berceau de l’Alma et ses terres fantomatiques. Bref, je te passe les détails, nous avons marchés six mois durant, se rapprochant du mont Torrideau chaque jour un peu plus. Lui luttait contre sa folie et moi contre les froides nuits de Frigost. Enfin, nous arrivâmes devant le village enseveli. C’est là qu’il me fut donné de voir ce qui me tourmente tant aujourd’hui. L’homme, vaincu par son voyage, s’évanouit devant l’entrée du village. Aussitôt, des dizaines d’habitants miséreux s’approchèrent de lui, marmonnant dans une langue qui leur était propre. Puis l’un d’eux a saisi une étrange lame et l’a plongée dans le torse de de l’homme toujours inconscient. Aussitôt, de sa blessure surgirent en tournoyant des fantômes mugissant plus forts que la tempête. Mon inconnu s’est alors redressé, les yeux révulsés et, se cambrant les deux bras en arrière, hurla à la mort de douleur tandis que son torse vomissait encore un torrent de spectre ; Un cri glacial, insupportable, et qui dura ce qui devait être une éternité. Quand le dernier esprit eu quitté son corps, l’homme s’effondra dans les bras de son tortionnaire qui l’emmena aussitôt dans le village. Sans un bruit, le reste de la foule se dispersa en silence et il ne resta bientôt plus que la neige rougie pour témoigner du drame qui venait de se dérouler sous mes yeux. Assis contre un arbre, je pris le temps de me calmer, reprendre mes esprits, et réfléchir à ce que je venais de voir. Le temps je me convainquis que ce qui s’était déroulé sous mes yeux était la naissance d’un Déchu, et que le village en était infesté. Je décidais alors de rentrer et de chercher la réponse à mes questions dans les livres de la bibliothèque du Maitre Corbac. »
Les mots me manquants, je ne parle pas tout de suite. Je tente de comprendre, d’assimiler ce qu’il vient de me raconter. Mais tout me semble si… irréel. Je tremble à l’idée que mon ami ait pu se trouver un instant en si grand danger. Mais me reprenant, je tente d’esquiver une réponse que je veux intelligente.
« -Effectivement, la réponse ne peut se trouver que dans les livres, espérons que le propriétaire nous laissera le temps de les feuilleter.
-Ne t’inquiète pas pour ça me répond-il taquin, ce vieux corbac m’en dois une depuis longtemps, c’est l’occasion ou jamais de régler nos dettes. »
Nous marchons le reste de l’après-midi en silence. Son mutisme pensant me gêne, mais je l’attribue à l’approche des réponses à ses questions. Quant à moi… Je crois que je n’ai jamais autant apprécié que maintenant la douce chaleur de notre continent. Alors que nous approchons de la tanière du Maitre Corbac, je devine un changement dans l’air. D’infimes modifications de l’environnement font naître en moi un mauvais pressentiment.
« -Attention l’Antique, il se passe quelque chose ici, le chant des corbac s’est affaibli et l’air est lourd, comme chargé d’un sombre présage.
-Tu as raison, et je crois que nous ferions bien d’accélérer le pas »
C’est donc mi marchant mi courant que nous arrivons sur le territoire des corbacs. Devant moi, à perte de vue, des centaines de cadavres d’oiseaux jonchent le sol, démembrés, explosés, et déjà en train de pourrir sous la chaleur du soleil. L’air sent la haine, pue le sang et la mort. Ne pouvant supporter toute cette horreur, je vomis mes tripes le long d’un arbre. L’Antique, lui, garde son sang-froid mais je sens la transpiration perler sous ses bandelettes. Sans un mot nous avançons au milieu du carnage vers la bibliothèque du maitre de ces lieux. A l’intérieur du bâtiment, l’air est plus étouffant encore. Le sang des animaux a souillé les étagères des salles, éclaboussant les livres, tapissant les murs et les tentures. Pour moi-même, je maudis trois fois l’auteur de ces atrocités. Nous cherchons en vain le Maitre Corbac dans les salles lorsque soudain un bruit attire notre attention. L’Antique m’attrape le bras.
« -Arrête-toi ! J’ai entendu un souffle. Il y a quelque chose qui vit encore et qui n’est pas loin. »
Avec prudence nous approchons du lieu d’où viennent les râles. A l’intérieur, Une une immense cape blanche ornée d’une croix rouge est penchée sur ce qui semble être le Maitre Corbac, ou du moins ce qu’il en reste. Nous voulons nous précipiter mais à cet instant une volonté nous terrasse. Les genoux à terre, je ne peux pas me redresser. A ma droite l’Antique lutte pareillement pour s’échapper de la puissance mentale qui nous maitrise, mais sans succès. Je réussi à relever la tête vers l’homme qui, agenouillé à coté de l’agonisant, nous tourne le dos. Lentement, il se redresse puis se retourne. Sa cuirasse d’or lui d’un éclat chatoyant et sur sa surface courent d’étranges symboles qui paraissent vivant. Au bout de son bras, sa main droite est enfermée dans un gant en acier sur lequel est gravé en lettre d’argent « Divin ». A sa main gauche c’est le « Rédemption » qui est imprimé sur un gant de vermeil. A sa ceinture pend une épée aussi longue que ses immenses jambes et dont le fourreau luit d’une dangereuse lueur bleutée. Je réussi à distinguer le commencement d’un arc à lamelle dans son dos avant que ses yeux ne rencontrent les miens. D’un bleu océan, ils sont cernés, enfoncés, et terriblement hypnotiques. Je sens qu’il me fouille, à la recherche de mes intentions, tandis que je ne peux me détacher de ce regard. Enfin il se désintéresse de moi. Sa figure est brute, comme coupée à la hache et l’on peut deviner le poids de sa vieillesse à la fine barbe blanche qui lui court sur les joues. Des extrémités de sa bouche naissent des rides alors qu’il se met à parler. . Sa voix est un supplice et un plaisir à la fois. Elle emplit ma tête, tempête dans mon esprit.
« -Au nom de la Voix du Nord je vous sommes de me révéler vos intentions ! ».
Je reste figée, paralysée par sa puissance. Je réussi à entendre la voix de l’Antique.
« C’est…le Héraut du Nord ».




Je perds connaissance.
J'en prends le risque !

Le Héraut du Nord


Je me réveille avec lenteur, les membres engourdis. Mes sensations me reviennent peu à peu. Je suis allongée sur une paillasse dans ce qui semble être une chambre vétuste qui sent le feu de bois. Je me redresse. La chambre s’avère être la pièce principale d’une chaumière forestière.
« -Ha, vous vous réveillez enfin. » Je me retourne. La voix provient du Héraut du Nord, attablé dans un coin de la pièce. La sensation est différente de notre première rencontre, je me sens en sécurité. Il reprend.
« -Veuillez excuser la brutalité de notre première rencontre, de dramatiques circonstances m’ont fait perdre le contrôle et je dois confesser vous avoir pris pour les auteurs de ce drame.
-Le Maitre Corbac…
-N’a pas survécu. Je n’ai rien pu faire pour le sauver, l’auteur de ces atrocités ne lui a laissé aucune chance. »
Je tente de me remettre les idées en place. Regardant par la lucarne à droite du lit, j’aperçois plusieurs arbres qui se détachent dans la lueur diffuse d’une matinée ensoleillée. Je suis donc dans les bois de Litneg. Depuis combien de temps, et comment m’a-t-il transporté ici ? Je l’observe à nouveau. Il n’a plus rien à voir avec l’homme en colère que nous avons croisé à la bibliothèque. J’ai du mal à imaginer que celui qui est assis en face de moi puisse perdre son calme ou même être dangereux tant son aura m’apaise. Soudain je m’affole : l’Antique n’est pas avec moi.
« -L’Antique, où est-il ? » Demandais-je anxieuse.
« -Il a disparu lorsque je me suis relevé, juste après que vous vous soyez évanouie, un sort de téléportation évidement, il a dû prendre peur. Il doit être malgré tout terriblement puissant pour réussir à s’extraire de mon entrave. »
En faisant le clair en moi je me remémorais ce que l’on racontait au sujet des Hérauts. Gardien de la paix sur le continent, ils étaient quatre ; un pour chaque point cardinal, à protéger les habitants d’Amakna des différents dangers qui les guettais. Ils sont choisis parmi les guerriers les plus puissants de ce monde par l’intendant de Bonta lui-même. Paladins chevalier de l’ordre saint, les inscriptions sur leurs gants sont là pour rappeler à qui ils doivent obéissance mais aussi qui leur donne le pouvoir de rendre justice. Que le Héraut du Nord se soit rendu dans la tanière du Maitre Corbac ne pouvait signifier qu’une chose : de terribles événements s’ourdissaient. Je pris le parti de lui narrer toute l’histoire, les Déchus, le livre, Frigost. Lorsque j’eu fini il se leva et pris la parole.
« -Ce que tu me dis-là m’inquiète au plus haut point la Sombre. Le livre contenant l’information que ton ami et toi cherchiez a surement été dérobé par ceux qui ont perpétrés ce massacre. Lorsque je suis arrivé près du Maitre Corbac agonisant, j’ai remarqué qu’il serrait des fragments de pages, certainement le livre convoité qu’il protégeait. Hélas, après les avoir lues à maintes reprises je n’arrive toujours pas à en comprendre le sens. »
Je me levais puis, avisant les parchemins sur la table, m’emparais d’eux pour les lires.

« Quand le premier né descendant[ …] rencontra le premier mort […] alors s’ouvrira l’Œil interdit et […] ce qui conduira cette terre dans le néant. Ainsi parle le Rêveur Eveillé. »

« -Quel est cet homme, le Rêveur Eveillé ?
-C’est une vieille légende, presque une fable qui ne rencontre guère plus de succès aujourd’hui. Il est dit que dans des temps immémoriaux, les Premiers Nés avaient la connaissance du monde et de ses limites. Ils tenaient ce pouvoir des mythiques dragons avec lesquels ils pouvaient converser. Pour ne pas succomber à la tentation d’obtenir par cette connaissance un pouvoir immense, ils en scellèrent le secret en eux même et se le transmirent par différents codes complexes. Nul ne sait ce que contient en substance le secret des Premiers Nés, beaucoup parlent de magie infinie ou d’immortalité. Le Rêveur Eveillé serait le dernier Premiers Nés, disparu depuis des siècles il serait l’élu que les dragons ont emmené dans leur exode. Bien sûr, tout cela n’est qu’une fable que l’on raconte aux enfants pour les faire dormir ; il est aussi peu probable que les dragons aient pu un jour communiquer avec les hommes qu’un homme survive à travers les siècles. Ce qui m’intrigue c’est que certaines légendes racontent une histoire à propos d’un Œil aux pouvoirs immenses, faisant étrangement penser à cet Œil interdit. Le mythe veut qu’aux premiers jours du monde, une connexion s’est faite entre notre monde et un autre univers. Liés et dépendants la séparation était cependant absolue. Seul l’Œil permettait de voir de l’autre côté. Mais ce ne sont que de vieilles histoires que les Enutrofs racontent les soirs d’hiver.
-Imaginaire ou pas, il semblerait qu’une personne croit en la véracité de cette fable, et voudrait bien en savoir plus sur le sujet. C’est d’autant plus préoccupant qu’elle semble s’être liée aux Déchus. »
Le Héraut du Nord sembla réfléchir un temps. J’en profitais pour rassembler les fragments de ce que nous savions. Une vieille légende prophétique parle de mondes et d’Œil, un homme qui rassemble les Déchus sur Frigost. Soudain une phrase me revint en mémoire.
« -Sais-tu ce qu’est le village mort ? Dans sa folie, un homme que l’Antique a rencontré en a parlé comme d’un endroit à éviter.
-Le village mort… Oui, mais il y a bien longtemps que je ne l’avais pas entendu nommé ainsi. C’est un village ancien, oublié car il y a des siècles de cela, un démon y a lancé es armées pour la gloire de Rushu. Ce fut une véritable boucherie, et il n’y eu pas un survivant. Aujourd’hui abandonné aux gobelins et bworks, le village mort est plus connu sous le nom de Gisgoul, le village dévasté. »
Gisgoul… De nombreuses légendes, terrifiantes pour la plupart, circulent encore à son sujet. Et si la réponse était cachée dans ces ruines ?
« -Il faut que je m’y rende, je dois comprendre ce qui se trame.
-Prends garde à toi la Sombre, Gisgoul n’est pas un endroit d’où l’on revient indemne. Et je ne pourrai t’accompagner, je dois contacter les trois autres hérauts pour prendre des mesures et discuter de ce qu’il vient d’arriver. Si l’on peut trouver des réponses là-bas notre ennemi aura surement pris soin de placer de grandes protections.
-Je serais prudente. Mais je dois me mettre en route dès à présent car le temps joue contre nous. Merci d’avoir été là pour les derniers instants du Maitre Corbac.»
Tandis qu’il apportait sa bénédiction sur mon périple je rassemblais le peu d’affaire que j’avais et, sortant de la maison, pris la direction du sud. Je ne pouvais pas utiliser de potions ici car sur la terre où je me rendais suintais encore la corruption des démons qui pervertissait toute magie.

Le soleil n’arrivait pas à percer la couche de nuages qui assombrissait le ciel et donnait à la pièce un aspect gris et triste. Le Pâle s’avançait entre les colonnes immenses et sombres de la pièce. Ses pas résonnaient encore lorsqu’il arriva devant l’homme qui se tenait assis sur un trône de glace et de fer. Il posa un genou à terre et inclina la tête dans un signe soumission.
« -Elle est en marche maitre. J’ai peur qu’elle ne sache pour la prophétie. »
L’homme assis sur le trône regarda par la fenêtre à sa droite, son regard semblant traverser la distance pour venir s’abimer sur le mont enneigé que l’on devinait au loin.
« -Tu m’a bien servi. Va rassembler les Déchus, car le temps est bientôt venu.
-Bien maître »
Le Pâle disparu dans un nuage de fumée blanche. L’homme assis regardait toujours vers la montagne, vers l’avenir.
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