[L'Histoire] Groupe *Hapero*

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Kostia jeta un œil à la montre imaginaire sur son poignet. L’heure de la pause. En bon Roublard, Kostia en prenait régulièrement : pause-café, (Kostia ne boit pas de café) pause clope (Kostia ne fume pas), pause pipi (Kostia va aux toilettes, quand même), et sa pause préférée, la pause flemme (Kostia a souvent la flemme). Celui-ci laissa donc son établi au repos, et alla prendre sa bière à peine entamée sur la table, avant de s’étaler dans la magnifique chaise-longue que les propriétaires de la maison avaient acheté. Car oui, Kostia n’était pas chez lui. Les péquenauds possédant la maison étaient partis en vacances voir les Gelikans. Il s’était donc permis d’emprunter la maison le temps de leur voyage. On ne peut pas tout voler, une maison, c’est trop gros. Après un bon roupillon pas du tout mérité, Kostia se mit en route vers la Taverne d’Amakna, car une bière seul, c’est bien, mais beaucoup de bières avec plein d’amis d’un jour, c’est mieux. En arrivant dans la Taverne déjà animée, Kostia se dirigea vers le bar, demanda une bière, puis fracassa la tête du patron sur le comptoir, avant d’apercevoir son vieil ami Bédo, surnommé ainsi à cause de ses tendances à consommer des substances illicites. Il avait rencontré le Sadida voilà deux jours, alors qu’il faisait une démonstration de jonglage de bombes, ces dernières ayant fini par exploser à la tête des spectateurs. Bedo l’avait aidé à récupérer les pièces. Tout l’art du maître est là. S’il avait mis trop de poudre, tous les Kamas auraient disparus avec les crétins naïfs le regardant jongler, mais grâce à son génie, le dosage était parfait.

« Hééééé, Kostia, mon copain !, lui lança Bédo, déjà bien imbibé.

Le Sadida avait le cerveau qui baignait dans l’alcool, ce qui ralentissait légèrement ses fonctions motrices. Rien de très grave, son Q.I de base étant déjà très faible. Kostia se demandait si son sang pouvait prendre feu, vu la dose d’alcool présente à l’intérieur. Il se promit d’essayer un jour. Bédo avait aussi la fâcheuse tendance de mettre des « Hééé » partout, passablement énervant. Sans parler de sa conjugaison déplorable.

- Salut Bédo, alors, quoi de neuf ?

- Héééé, tu ne vas pas me croire, qu’est-ce qui paraîtra que l’autre Vil Smisse se sera fait chourer son trésor !, lui apprit Bédo, murmurant à peine. Pas assez, apparemment, puisque le Iop de la table d’à côté l’entendit.

- QUOI ?!, se mit-il à hurler, VIL SMISSE S’EST FAIT VOLER SON TRE… » PAN !

La balle d’air comprimé transperça le crâne du Iop, avant de répandre des morceaux rosâtres sur les (ex) amis du débile, présents à sa table. Le coup de feu avait jeté un froid dans l’assemblée. L’instant d’après, tous les ivrognes présents se mirent à hurler, gesticuler, encore hurler, puis tout le monde chercha à s’enfuir par la seule porte, renversant tables et tabourets. C’en fût trop pour Kostia, qui se mit à tirer dans la foule pour faire un peu de silence, et aussi pour payer sa bière, pour la première fois de sa vie. Ainsi, il irait peut-être au Paradis. Lorsque l’odeur de poudre laissa place au calme, Kostia alla fouiller dans les poches des victimes, puis jeta quelques Kamas sur le comptoir « Pour la bière, et les dédommagements », lança-t-il, avant de mettre le reste dans la poche droite de son pantalon. Le barman lui lança un « Merci » étouffé, avant de se rendre compte que les prétendues pièces étaient en fait des cailloux. Tant pis, au moins, il était vivant, se dit-il, avant d’apercevoir un objet cylindrique rouler vers lui. Sa dernière vision fut celle de Kostia, lui faisant au revoir de la main ; puis le souffle de l’explosion ravagea tout le comptoir. Le Roublard marchait à vive allure, le Sadida shooté titubant à sa suite.

« Hééé heu, maintenant, on faisa quoi, dis, Kostia ?

- Maintenant, on se casse en vitesse, tout ce capharnaüm va rameuter les gardes. Il est parti où, t’as dit, notre voleur ?

- Euuuuh, je te l’avions pas dit, j’croya.

- Alors dis-le-moi.

- Qu’est-ce qui paraîtrait qu’il serait parti vers Sufokia, j’croya qu’on m’avions dit.

- OKay, allons à Sufokia, alors, t’as une carte ?

Le Sadida fouilla dans sa barbe, avant d’en sortir une carte tâchée d’alcools en tout genre.

- Wip’, voilà-t-y !

- Bon, alors viens avec moi, t’as la langue bien trop pendue, mais je te préviens, une connerie, et tu pars au Paradis des alcooliques.

- Héééé, haha, j’croya qu’y ava pas de Paradis pour les alcooliques !

- Je peux t’en trouver un dès maintenant, si tu veux. Allez, cap vers Sufokia.
J'étais assis. Seul. Dix-huit ans que je suis de ce monde, et je n'en connais presque rien. Sufokia, havre de paix millénaire, se meurt. Moi et ma mère sommes parmi les derniers à y vivre, les autres sont partis il y a de cela bien longtemps, à la découverte d'Otomai. Ce port, cette mer, cette plénitude, cette vie tranquille, je n'en étais jamais sorti. Ma mère, bien qu'elle n'osait pas l'avouer, ne souhaitait pas mon départ. De l'égoïsme, de la peur aussi. Comment laisser partir son fils vivre sa vie ailleurs, en restant seul? Il faut un immense courage.
Parfois, un aventurier venait dans la région, et nous contais la vie la-bas, Bonta la Superbe, Brakmar la Fière, Otomai, le seigneur Bouftou, le légendaire et invincible Ougah, et tous ces utopiques endroits. Devant un pichet de bière, les langues se délient, et les voyageurs de passage parlent du monde. C'est l'occasion de rêverie sans bornes ni contraintes, d'espoir fou. Et si un jour, je voyais ça? Si un jour, je devenais un héros? Serais-je une légende? On racontait tant de choses! La vie devait être palpitante, dans ces zones éloignées...

Et la dure réalité revenait. J'avais dix-huit ans. Archer de cœur, je ne vivait que pour mon carquois, et les flèches que je décochais. Appeler la cible, coller son œil au bois, entendre vibrer la corde tel un violon endiablé, sentir l'air bruisser autour de la flèche, seul cela comptait à mes yeux. J'étais plutôt musclé pour un Crâ, de taille moyenne, sans signe particulier. J'étais comme tout les autres, quelconque. Si ce n'est la bague de ma main droite, que je portais telle une relique sacrée. Offert par mon père à sa mort, il y étais écrit:
La chance sourit lorsqu'on en a besoin. Appelle-la, sent-la, vit la, elle répondra.

Bien que je n'ai jamais constaté son efficacité, un tel objet ne se jette pas, il témoigne d'un temps où nous vivions heureux, à trois, un temps où Sufokia était réputée, pour sa gastronomie marine, et ses aires de repos d'une beauté à couper le souffle.

Je marche en silence, perdu dans mes sombres pensées. D'un pas machinal, je me dirige vers la Taverne. C'est la que se réunissent les derniers habitants de Sufokia pour noyer leur peine dans l'alcool, jouer aux cartes, ou écouter les voyageurs. C'est le dernier endroit où je ressent un sentiment de bonheur, avec ces amis que j'aime tant. Le soleil se couche sur le monde des Douze, les Pious rentrent dans leur nid, le Capitaine du Bateau d'Otomai rentre dans sa couchette en maugréant, Sufokia s'endort. Ne reste que la taverne éveillée, jouant à la belote, riant, discutant, entamant un partie de Tarot, le jeu régional. Je haïssais ce jeu, non pas pour ses règles, mais pour ce qu'il m'apportait: les moqueries sur mon nom, mon père Ecaflip dont je n'avais pas les talents... On se divertit comme on peut.
- As de Pique.
- Relance en Quarte, Six de Trèfle.
- Brelan, je passe.
- Triplette de reine.
Ce jeu, nommé "le Tarot Sufokien" était un mélange de jeux de cartes du continent. Les règles n'étaient pas écrite et bougeaient chaque jour, mais ce jeu vivait depuis tant d'années que personne n'aurait songé à dire que il s'agissait en fait de celui qui inventerait la règle la plus arrangeante. Il était d'habitude que ce jeu se déroule dans une pièce mitoyenne du Bar, et que la partie terminée, les joueurs aillent se désaltérer.
- Taro, à toi !
Quatre, Six, Neuf, Sept... Que pouvais-je faire? Pourtant, dans ce jeu, chaque personne avait une combinaison de carte gagnante, mais la trouver sans connaitre les cartes des autres relevait d'une chance totale. Tout le monde faisait silence comme de coutume en attendant que je joue. Et je ne savais pas quoi faire.
- Heu... Attendez... Je reflech...
- Relance de Neuf, Treize en Tierce, Etau de Sept. Passage.

Le temps se figea. Qui avait parlé? Qui était cette personne, invisible, qui venait de proposer la combinaison de quarte victorieuse? Nous scrutions la pièce en attendant une manifestation de l'importun, guettant un bruissement, lorsque je le vis. Un Sram, dans l'ombre. Nonchalament adossé à une poutre. Une vision terrible, tant par ces yeux d'un noir de jais - la mort elle même n'aurait pas osé les regarder en face - que par sa voix, douce et susurrée. Sans attendre, il vint se placer parmi nous, se servit à boire, et éclaircit sa voix. Tellement surréaliste que nous ne pipions mot. Il s'assit à coté de moi, et raconta son histoire. Venu des pleines d'Orient, que nous savions peuplées de Craqueleurs sanguinaires, il était venu vers nous, ayant eu vent d'une affaire, qui chaque saison se reproduisait, afin de faire jour sur celle-ci.
- Chaque année, lorsque les feuilles tombent des arbres, lorsque les Abraknydes - des monstres terribles vivant dans une forêt maléfique - prennent une teinte de cuivre, un mal étrange s'empare du port de Madrestam. Tous les bateaux qui ont le malheur d'être de sortie à la nuit tombée sont, d'après les dire de plusieurs témoins dont la sobriété n'avait pas été vérifié, happés dans une nappe de brouillard. On n'a, a ce jour, retrouvé aucun des marins partis au soir. Pourtant, ces hommes étaient des Capitaines émérites, et savaient mieux que personne naviguer dans ces eaux. La liste de disparus est longue. Jeff Aziev, Nero Tolas, D'Eloam de Caunes, Terras Martas, Marie Oniris... Aucun n'est revenu. Je viens de l'île des Dragoeufs, je souhaite dormir ici, et reprendre ma route à l'aube. De plus, je viens vous informer que ce maléfice a touché l'un des votre... Un jeune Osamodas, qui était parti afin d'être mousse sur un de ces bateaux... Sincéres condoléances.

Le silence. Il est des silences bien plus déchirants que des paroles, celui là en était un. Tout le monde savait qui était cet Osamodas, parti conquérir la gloire et réaliser son rêve : servir sur un bateau. C'était notre ami. Il était parti il y a un mois, un mois sans nouvelles. Disparu... Sans doute mort...

Nous convînmes, le voyageur endormi, de nous retrouver le lendemain matin, à la taverne, afin de tenir un conseil. Nous souhaitions que le voyageur soit parti, c'était un Sram, après tout...
L'aube se lève sur Bonta. Une douce chaleur régne déjà sur la Ville Lumiére, les Tournesols Sauvages ne sont pas agressifs, le soleil est haut dans le ciel, c'est une belle journée qui s'annonce.
Je me lève en baillant, ouvre les rideaux de la petite maison dans laquelle je vis, en bordure Sud, prends mon sac, qui contient tout ce que j'ai pu amasser depuis que je me noie dans les ouvrages. Contrairement aux sacs des autres femmes, le mien ne contient que des notes, des calepins, des plumes, de l'Encre, des ouvrages empruntés, des textes rares. Je me refuse ces plaisirs futiles qu'ont les autres femmes oisives et sans intérêt, le maquillage, l'interminable coiffure, la mode. Je n'ai que faire de ce que les autres pensent de moi, ils ne m'interressent pas. Je vis seule, et n'adresse la parole à personne, si ce n'est au bibliothécaire, un vieil ermite qui partage ma passion pour les ouvrages. Dans ma quête du savoir, j'ai plus de connaissance sur les Empires éteints que sur la Bonta actuelle.

Je sors de la maison, et m'engage sur le sentier, d'un pas rapide. Je ne veux croiser personne. Un Maitre Bolet fait mine de m'attaquer, je suis pacifique, je m'entoure de piétres boucliers, qui éloignent tout de même la créature. Soupir...

Bonta se dresse devant moi, imposante. Les gardes de la porte Sud sifflent en me voyant, et se retournent lorsque je les ai dépassés. C'est pareil chaque matin, l'un d'eux a même essayé de me faire des avances. Je n'ai pas apprécié, sa joue s'en souvient encore. Ma main aussi.

J'entre dans la bibliothèque. L'ermite me salue d'un simple hochement de tête que je lui rend en souriant. Je suis ici chez moi. Depuis que mon pére est malade, j'ai passé plus de temps dans ce lieu que n'importe qui. Les livres ne parlent pas, transmettent le savoir. « Une pièce sans livres, c’est comme un corps sans âme. », disait un ancien Empereur. L'enseignement est le but de ma vie, j'éspere atteindre le degré de savoir qu'avait celle dont je porte le nom. On raconte que lors de l'aurore Pourpre, Alonara avait sauvé la ville, tuant l'invocation de Rushu en personne, un Minotore. Ma mère m'avait appelé comme ça dans l'espoir que je saurais rendre hommage à cette bienfaitrice, il n'en était rien pour le moment, et je désespérais que cela le soit un jour.

Je descendis dans la crypte du sous-sol. Là, les plus grands ouvrages sont rassemblés. En entrant, mon coeur bat la chamade. Que vais-je découvrir ici? Je contemple les ouvrages alignés que je connais par cœur, et opte pour un petit livre relié de cuivre rouge que je n'avais jamais vu, dissimulé derriere de gros dictionnaires.
Le Monde Disparu. Curieux titre pour un ouvrage d'histoire. Très creux, vide de sens. Je l'ouvre tout de même, on ne referme pas un livre ouvert. Ecrit en Sufokien Ancien, une langue morte de la péninsule, l'introduction attire mon regard.

A toi, voyageur égaré, et qui lit là ces vers.
A toi, personne interressée, qui ne veut pas te taire.

Ce livre contient un monde, ce livre contient un savoir oublié, ce livre contient toute chose disparue, ce livre contient la vie. Ce livre est le dernier d'un Empire disparu... Et il conduit à la connaissance.

Ce livre traite d'un Ancien Empire, sans donner son nom. Les personnes qui y vivaient étaient des gens sages, qui adulaient les Dieux et le Savoir.
Ils habitaient à l'Est de Sufokia, en harmonie. La vie coulait doucement, chaque jour voyait une nouvelle invention, une decouverte, un manuscrit. Les Dieux eux-même commencèrent à douter. Savoir, c'est se souvenir, clamait le roi de cet Empire. Les Dieux comprirent qu'un homme qui sait tout est un homme qui est omniscient, donc qui est Dieu. Si l'Homme est Dieu, Dieu est homme. Ils prirent peur, et décidèrent, l'âme emplit de remords, d'engloutir la ville, qui disparut de la carte. Ils firent disparaitre les livres, les inventions, les reliques. Mais un homme pourtant survécut au ras de marée. Tel Noé, il vainquit le déluge, et brava les éléments, ne conservant avec lui qu'un ouvrage, écrit par ses soins. Cette homme était le plus érudit de l'Empire. L'ouvrage était une sorte de journal intime. Il racontait la vie en ce temps là.

L'esprit enfiévré, Alona compulsait les pages du récit, une tension spasmodique parcourant son corps. L'auteur parlait de quelque chose de nouveau, quelque chose qui mettrait les hommes au niveau des Dieux. Il était fort avisé, et savait que cette invention les mènerait à la mort. Il n'osait la décrire à l'écrit, de peur que les Dieux apprennent son existence.

Les Dieux savent. Notre fin est proche. Si je venais à disparaitre, que celui qui lira ce livre sache que l'objet est indestructible, il ne peut être détruit. Les Dieux le savent. Le Savoir a conduit à notre perte. L'objet est au centre de l'Empire, dans la crypte de Lumière. Il y reposera à jamais. Je ne peux me taire. Il faut que ce savoir ne tombe pas dans l'oubli. Notre cité possédera toujours un moyen d'accès, situé...

Les pages suivantes étaient arrachées. Une haine sans nom s'empara de Alona. Elle mît le livre dans son sac, maudit les Dieux, et partit sans un mot. Le Savoir la conduisait à Sufokia.

Dernière modification par Alc-Olemie ; 18/03/2012 à 11h09.
« Entre Shad’O nous t’attendions. »

La grande salle du conseil de Brakmar était sombre, seul un grand lustre avec quelques bougies permettait de distinguer les deux silhouettes dans le fond de la pièce.
Shad’O franchit la porte d’une démarche assurée, ce n’était pas la première fois qu’il venait chercher ses ordres directement auprès d’Oto Mustam et Emma Sacre. Les deux dirigeants de la ville sombre connaissaient la valeur de leur guerrier. Un ecaflip un peu superstitieux mais courageux et intraitable avec les ennemis de Rushu.

« Bonjour Maîtres, excusez mon retard, un petit contre temps…
- Ce n’est pas habituel chez toi, en effet, répliqua sèchement le chef de la milice brakmarienne »

L’Ecaflip au pelage gris ne répliqua pas et baissa le regard, il n’avait aucune raison de défier Oto. Il était en tord et il le savait. Emma Sacre prit la parole.

« Shad’O, nous avons encore une fois besoin de toi. Nos informateurs nous signalent une agitation inhabituelle dans le sud est d’Amakna. A Sufokia plus précisément.
- Sufokia ? il y a encore du monde qui habite par là ?
- Oui… sans être le lieu le plus stratégique pour notre cité, c’est un port qui permet de relier la plupart des îles de notre monde. Et un trop grand désordre nuit à notre commerce.
- Quel genre d’agitation ?
- Disparition, phénomène naturel étrange, vol… répondit Oto Mustam
- La dernière fois qu’Amakna a été ainsi secoué c’était juste avant les révolutions Bwork et Chafers, continua rapidement Emma. »

Shad’O se souvenait très bien de ces révolutions, Amakna avait été déchirée de part en part, devant gérer deux fronts. A l’Est les chafers et à l’ouest les Bworks. Même la paisible Astrub avait menacée. Il avait fallu l’intervention musclée et conjointe de Bonta et Brakmar pour ramener la paix dans le monde des Douzes. Le guerrier Brakmarien y avait gagné la gloire et perdu un bout de son oreille gauche.

« Quelle est donc ma mission ? reprit-il
- Va à Sufokia, notre espion ne donne plus de nouvelles depuis une semaine. Trouve-le et découvre ce qui se trame dans la région. Si la sécurité de Brakmar est en péril tu connais la procédure…
- Elimination du risque.
- Et si tu te fais prendre tu la connais aussi…»

Emma Sacre fixa longuement l’Ecaflip. Elle avait confiance en lui mais elle craignait sa mauvaise habitude de se fier aux cartes. Même si par le passé cela s’était avéré un atout inattendu.

« Oui Madame. »

Shad’O pris congé. Il passa à la milice pour récupérer ses deux épées courtes. Il les fixa solidement dans son dos et mis son jeu de carte dans sa poche.
Cette mission était la plus simple que l’on lui confiait depuis bien longtemps… mais c’était un ordre, il devait donc le suivre et défendre les intérêts de Brakmar. Ainsi était sa vie de soldat.
L'Ecaflip se dirigea prestement vers le zaap du centre ville et disparu dans l'aura bleue.
Kostia et Bédo passèrent enfin la porte de Sufokia, épuisés, boueux. Ils en avaient vraiment bavé pour en arriver là. Ils avaient d’abord suivi le fleuve qui coulait vers la mer de l’Est, puis étaient descendus lorsqu’ils étaient arrivés au niveau du Transporteur Brigandin. Ils étaient ensuite arrivés au niveau de l’Eglise, ils s’étaient bien marrés, à ce moment-là, en gâchant un mariage de nobles, puis en vandalisant ensuite l’Eglise, à la nuit tombée, d’inscriptions hérétiques, comme « Vil, va te faire *autocensure* », ou « Hééé, Père Joseph, j’t’aimions bien beaucoup ». Vous reconnaîtrez d’ailleurs facilement les auteurs respectifs. Suite à ça, ils avaient rencontré des aventuriers au Zaap, dont les deux compères avaient allégé la besace de manière drastique. Bédo n’avait jamais vu de portail Eliatrope, n’étant jamais sorti de sa terre natale, la Taverne. Ce fût pour lui une expérience enrichissante, Kostia lui ayant montré le fonctionnement en lançant des aventuriers dedans. Le reste du chemin se passa en ligne droite, ou presque. Ils firent des doigts d’honneur aux Chafers sur l’île en face, puis firent un tour au Chanil, où Kostia vola un Nomoon, qu’il nomma Arma. Enfin, ils passèrent la porte de Sufokia, et se précipitèrent vers la Taverne, nommée Taverne du Ripate. Quel nom pourri. Toutes les tavernes appartiennent à Kostia ! Ce dernier ouvrit la porte en cassant un gond. La salle était aux trois-quarts vide, occupée seulement par une bande de nullos jouant aux cartes, et de quelques péquenauds par-ci par-là. Un bruit de timbale qui tombe par terre se fit entendre. Un Enutrof rabougri s’était endormi sur sa chope, qui était tombée par-terre. Sacrilège ! Kostia se précipita dessus, mais le contenu était déjà fichu. Maugréant contre l’Enutrof, le Roublard se dirigea vers le bar, et pointa discrètement son pistolet vers le tavernier, lui intimant de lui donner une bière à lui et son pote, et de se taire. Celui-ci s’exécuta, tremblant. Kostia et Bédo partirent s’asseoir à une table proche du groupe de joueurs de Tarot, ce jeu de bouseux, et se mirent à siroter leur bière.
Seul dans le fond de la Taverne l’enutrof regardait avec amusement les différents clients de la taverne de Sufokia. L’Oracle avait donc raison… c’était aujourd’hui le dernier jour de sa vie…

« Le 18 Martelo de l’année 642 dans la taverne de Sufokia, tu rencontrera un jeune Cra, une belle Fécatte, un Roublard sentant la poudre et un guerrier Ecaflip à l’oreille coupée. Ce jour là tu leur délivreras le secret que tu porte depuis bientôt 250ans. En faisant cela tu seras libérer de ton fardeau et tu pourras mourir en paix. »

Le jeune Crâ, il avait tout loisir de l’observer ces dernières années à Sufokia. Par contre il avait tremblé en ne voyant pas les trois autres arriver. Et puis finalement ils avaient débarqué séparément et apparemment ne se connaissant pas.

Il est temps….

L’enutrof se leva difficilement, il sentait encore plus le poids des ans… 296 exactement… il ne voyait plus que ces cibles.
Quand Tiberius, car c’était son nom, se redressa, le silence se fit dans la taverne. Il était grand, voire immense. D’une voix forte il captiva la salle.

« Taro ! Alonara ! Shad’O ! Kostia ! Vous êtes ici pour des raisons différentes mais le destin vous a réuni. Un ami disparu dans le brouillard, un trésor volé, un peuple englouti, veiller à la sécurité d’une cité…. Et si tout était lié ?... Vous êtes surpris ? Moi non. »

Un large sourire illumina son visage, il était content de son effet, il toisait ses interlocuteurs. Même le roublard semblait être impressionné. Mais peut être plus par le fait d’être percé à jour que par le discours en lui-même.

« Alona ! tu en sais déjà beaucoup sur mon peuple. Il te manque une information d’importance pourtant. Taro, le chemin qui mène à ton ami est sur la même route. Shad’O fait attention les pirates rôdent, et qui dit pirates, mon cher Kostia, sous entend trésor. En vous dévoilant le chemin je vais rendre mon dernier souffle. Devenez une équipe et vos talents ouvriront les portes de tous vos rêves. »

Tiberius sentit son dernier souffle arriver. En regardant les quatre aventuriers, qui n’avaient pas vraiment réagi pour l’instant il murmura « Le Chouque, le chemin c’est Le Chouque…. ». L’enutrof s’écroula sur le sol, comme l’avait prédit l’oracle il y a presque trois siècles il allait mourir dans cette taverne…
Il s'effondre. Je ne me penche pas pour l'aider, la mort a déjà fait son œuvre.

Après avoir lu les dernières pages de l'histoire, j'ai été prise d'une fureur sourde et sans nom en constatant les pages arrachées. Si un meurtrier ou un voleur sont pour moi vils, il n'est pas d'engeance plus méprisable qu'une personne qui arrache, brule ou détruit des ouvrages. Un autodafé à mes yeux, c'est une tuerie des plus sanguinaire, c'est un génocide.
Ma soif de Savoir m'a amenée à partir de la Ville Lumière, pour aller dans des terres lointaines, et presque désertes. Jadis, Sufokia était une terre prospère, notamment car elle était le seul port pour Otomai. À l'arrivé de l'Ile glaciale, de nombreux habitants, les yeux remplis par l'appât du gain, avaient quitté le Rivage pour la Bourgade. Puis il y avait eu cet assaut Bwork, qui avait ravagé les terres et exterminé un grand nombre des Sufokiens restants.

À dos de Dragodinde, le voyage fut court. Il faut dire que depuis l'avènement de Bonta, le commerce va bon train, et de nombreuses routes ont été aménagée.

Ce n'est qu'en vu du port que, scrutant cette mer qui contenait, disait l'ouvrage, un monde, je me suis demandé ce que je faisais là. Fonçant sans réfléchir ni demander conseil, à aucun moment je ne m'étais dit que je n'avais aucun but, aucun indice, aucune aide quelconque, aucun endroit où aller. J'étais juste perdue.

Mais il est trop tard pour reculer. Déposant ma monture au Chanil, j'étais entrée en terre Sufokienne. Quel changement par rapport à Bonta ! Les vendeurs à la criée, les acheteurs, les marchands, les hôtels de vente, les ateliers, les touristes, rien de ceci ne s'imposent à mes yeux. Seulement un vague assemblage de pont précaire s'étendant à perte de vue sans nulle âme qui vivent.
Je me dirige précautionneusement vers une sorte de maison plus haute que les autres, la seule qui laisse paraitre un signe de vie, un filet de fumée.

Cette bâtisse, bien que biscornu et usée, a vécu bien des choses. Du temps prospère à la décadence, du conseil de Guerre Bwork à l'arrivé de Frigost, que de souvenirs transpirent de ces murs ! Bien que je ne sois jamais venu ici, l'atmosphère lourde et silencieuse me rappelle un endroit familier, je me sens chez moi. En m'approchant de la porte de l'endroit, je vois un panneau. Il est écrit : Taverne duRipate.
Poussant légèrement la porte qui s'entrouvre, j'entends des éclats de voix, des paroles, des chants, des annonces semblables à celles du Poker de Bonta.
Je referme la porte, effarée. Tant de gens, tant d'agitation ! Je n'ose entrer, de peur des moqueries, des alcooliques, et tout simplement qu'on me parle.
La nuit tombe, le vent fraichit, nous sommes au bord de la mer. Je grelotte, et prenant mon courage à deux mains, je m'entoure d'invisibles boucliers dans l'espoir utopique qu'ils pourraient me cacher, et pousse lentement la porte.
Certains se retournent pour voir la nouvelle arrivante, et plusieurs me saluent. Bafouillant une faible salutation, je regrette déjà d'être entrée.
Au fond, sur une table, des joueurs, cinq je crois, jouent au jeu que j'ai entendu tout à l'heure. Un Iop, un Sadida, deux Pandawas, et un jeune Crâ. À part ce dernier, tous trichent, ce qui me révolte.

Je m'assois sur un tabouret éloigné des Sufokiens, qui me dévisagent d'un air étonné. Tout comme moi, un Ecaflip habillé de rouge et un homme de noir vêtu, sûrement Roublard et malhonnête, sont à l'écart. Ne sachant que faire, je me tourne vers la table de jeu, et observe. Relance, pique, Quarte, tierce d'As, doublon de Sept, soyons franc, c'est du grand n'importe quoi. J'aurais pu rester seule longtemps pour mon plus grand plaisir si le Crâ, ayant fait tomber une carte, ne m'avait pas vu. Il me dévisagea, avec des yeux d'une bleutée incroyable qui n'exprimait que la surprise la plus totale. Son visage s'empourpra, il toussa, essaya de se reprendre. Posant ses cartes sur le bois, il prévint ses camarades de son départ, et se leva, faisant tomber sa chaise bruyamment. Il se dirigea vers moi et, s'arrêtant à quelques pas, se racla la gorge, essaya de faire une phrase articulée, ce qui, couplé à son baffouillement et à son désir de bien faire, eut pour effet de prononcer un dialecte Gobelin. Il réessaya.
- Comment tu... Euh... Moi je suis... Euh... Taro, voilà !
D'un ton froid et distant, je lui répondis un cassant:
- C'est très intéressant...

Je n'ai que peu de contact avec les gens, et ce n'est qu'en le voyant partir, déboussolé, que je compris que je ne me ferais pas des amis en procedant ainsi. Sans doute était-il déçu, je constatais que j'avais fait une légère erreur de communication. Le regard qu'il avait jeté à mon corps m'avait énervé, mais je cherchais des informations, tenir compte de ces légers détails était inutile.
J'allais présenter mes excuses ( ou du moins essayer ) au jeune Crâ, lorsque la porte s'ouvrit dans un grincement. Un très vieil Enutrof entra. De petite taille, le poids des âges se ressentait dans son pas saccadé. Il se mît à parler. À me parler, ainsi qu'au Roublard, au malheureux Archer, et qu'à l'Ecaflip Brakmarien.

Et il s'effondra. Je ne me penche pas pour l'aider, la mort ayant déjà fait son œuvre. Un arrêt cardiaque sans doute, après avoir accompli la mission qu'il semblait avoir mené à bien : rassembler quatre inconnus dans un même but. Les personnes de la Taverne se précipitèrent. Ils connaissaient ce vieux, il souhaitait mourir, c'était une forme de soulagement pour les Sufokiens. Une rapide prière suivit, puis ils décidèrent d'emmener le corps à l'hôpital, et de préparer les funérailles du lendemain. Tristes, ils l'étaient un peu, mais soulagés, également.
Ils quittèrent tous la taverne. Tous, sauf les trois étrangers, et Taro, qui n'avait d'yeux que pour moi.
L'enutrof nous avait rassemblé là, ce n'était sans doute que le fruit d'une longue et lente prophétie.
Le Cra toussa, l'Ecaflip se racla la gorge, et le Roublard dit:
- Quel con, ce vieux.

Puis des présentations s'engagèrent. L'Ecaflip pourchassait des soit-disant pirates, le Cra cherchait un soit-disant ami, le Roublard cherchait un soit-disant trésor. Je suis cynique, car après tout, que cherchais-je? Un soit disant Empire disparu? Le Roublard, en retrait de nous trois, ne parlait pas, ou peu. Grossier personnage. Le Crâ me dévorait du regard.
Je leur apprit ce que je savais, ma lecture, mon but, ma quête. Si le Roublard parut amusé, l'Ecaflip ne pipa mot et Taro sembla intéressé, quoique une recette de cuisine l'eut surement également frappé.
Le vieux avait parlé du Chouque, ce monstre, terreur de Moon, vexé que l'île ne porte pas son nom.
Je vous passe les détails, je décidais d'y aller, et fit part de mes intentions. L'Ecaflip, fidéle à sa mission, décida de venir avec moi. Le Crâ accepta, sans dire la raison, bien qu'il n'en avait surement pas besoin tant son admiration transpirait. Le Roublard ne parlait toujours pas.
- Et toi... Viens-tu?

Dernière modification par Alc-Olemie ; 24/03/2012 à 21h45.
Pour la première fois depuis longtemps, Kostia se mit à ruminer. Toutes ces courses-poursuite et ces vols commençaient à le lasser. Peut-être qu’une vie plus stable lui conviendrait mieux… Mais hors de question de travailler ! Kostia rejeta donc l’idée. La simple idée d’être sous les ordres de quelqu’un le répugna. Qui étaient-ils, ces gens, pour se sentir supérieurs ? L’arrivée d’une jeune Feca l’interrompit dans ses pensées. La jeune femme portait un sac rempli d’on ne savait quoi ; les formes cabossant le support de tissus laissent cependant penser qu’elle transportait des livres. Elle avait l’air perdue, et se dirigea timidement vers une table libre, alors que plusieurs alcooliques la dévisageaient d’un regard vitreux. Kostia écarta la jeune Feca de ses pensées, et se tourna vers Bédo, qui en était déjà à sa septième bière.
« J’ava besoin d’me mouiller un peu l’estomac, après toute cette marche !
Le Roublard se contenta d’acquiescer, c’était Bédo qui payait, pas lui.
Puis, d’un coup, l’Enutrof qui avait fait tomber sa bière se leva. Le silence se fit dans la salle. Celui-ci était en fait d’assez grande taille, malgré le poids des années reposant sur ses épaules. Les joueurs de Tarot arrêtèrent de jouer, mais pas de tricher, l’un d’eux dissimulant une carte en la cachant dans sa manche. Le vieil homme se mit à parler d’une voix forte, puissante. Il cita quatre noms, et Kostia entendit distinctement le mot « trésor » parmi les mots suivants, ce qui éveilla légèrement son attention. Il parla ensuite à la jeune Feca qui venait d’arriver, au Crâ jouant au Tarot, puis à un Ecaflip assis dans un coin, et finit par Kostia, leur demandant de s’allier pour retrouver il ne savait quoi. Puis le cœur de l’illuminé lâcha, et celui-ci s’écroula, en murmurant quelques mots
: « Le Chouque, le chemin c’est Le Chouque… », avant de rendre l’âme.
La plupart des gens présents dans la Taverne se précipitèrent vers le vieux, et le transportèrent en dehors de la Taverne. Kostia et Bédo se retrouvèrent seuls, avec le jeune Crâ et la jeune Feca, ainsi que l’Ecaflip.
« Quelle mouche l’a piqué, ce vieux ?, lança le Roublard.
L’Ecaflip haussa les épaules, et le Crâ baissa la tête.
- Nous pourrions nous présenter, peut-être ?, proposa la Feca.
L’Ecaflip commença donc, suivit du Crâ, de Kostia, puis de la jeune Feca. Le Roublard ne retint que leurs prénoms, leurs motivations l’intéressant peu. La Feca conclut en disant que l’Enutrof leur avait dit d’aller voir Le Chouque sur Moon, et demanda qui venait. L’Ecaflip et le Crâ acceptèrent immédiatement. La jeune disciple du Dieu Protecteur se tourna vers Kostia : « Et toi… Viens-tu ? ». Le Roublard réfléchit. Le Chouque possédait apparemment une somme considérable. Puis, ainsi, il aurait un peu de compagnie, autre que celle d’un Sadida aussi lucide qu’une Larve. Ce serait peut-être l’occasion d’avoir une vie un peu plus tranquille, grâce au trésor.
« Oui, je viens. Mais j’emmène le Sadida, ou ce qu’il en reste, qui est étalé là-bas. »
- Fais bien comme tu veux.
Kostia se dirigea vers Bédo, et en lui plaça une bière devant la bouche. Ceci eu un effet immédiat. Le Sadida se réveilla de suite
.
« On s’en va, Bédo. Laisse tomber le trésor de Vil.
- Hééééé quoi ? Le trésor ? Quel trésor ?
- Le trésor de Vil, celui qui vient de lui être volé.
- Heuuuu, je me souviendra de rien, moi.
Kostia fut pris d’un instant d’hésitation. Que Bédo lui ai menti lui paraissait étrange. Mais on ne ment pas lorsque l’on est bourré. Il devait à coup sûr être dans un de ses délires, lorsqu’il le lui avait dit.
- Bon, laisse-tomber, viens, on y va.
- On alla où ?
- Sur Moon.
Kostia se dirigea vers les trois compères qui l’attendaient, Bédo claudiquant derrière lui.
- Nous sommes prêts.
- Bien, allons-y. Nous allons prendre le bateau, lui répondit Shad’O.
- Prenons plutôt le canon, c’est plus rapide.
- C’est aussi plus dangereux.
Le Roublard fronça les sourcils. On lui imposait déjà quelque chose, ça commençait mal.
- Allons-y pour le bateau, lança Kostia à Shad’O, accompagné d’un regard venimeux. Mais je ne suis pas sous tes ordres, souviens-toi en.
Le groupe hétéroclite composé d’un Crâ, d’une Feca, d’un Ecaflip, d’un Roublard, d’un Nomoon, et d’un Sadida toxicomane, sorti donc de la Taverne, et alla chercher de la nourriture à l’épicerie, avant de se diriger vers le port. Après s’être perdus plusieurs fois sans rencontrer âme qui vive, ils rencontrèrent une Xelor à l’âge incertain, dont le regard bleu-gris semblait venir d’un autre âge, si profond que l’on pourrait aisément s’y perdre si l’on maintenait le contact visuel.
« Hum, balbutia Taro, excusez-moi, sauriez-vous où l’on pourrait trouver un bateau ? »
La Xelor, apparemment insensible à la gêne qu’elle produisait, fixa Taro quelques secondes, puis répondit :
« Suivez-moi. »
Ils la suivirent donc quelques minutes dans les dédales de ruelles, dans un silence de cimetière. Seul Kostia semblait ne pas être gêné par le regard de la Xelor. Puis ils arrivèrent près d’un pêcheur à bord de son petit bateau, qui pouvait contenir une dizaine de personnes.
« Voici. C’est, à mon avis, la personne la plus susceptible de vous louer son bateau. Je vous laisse vous débrouiller avec lui, ajouta la Xelor.
- Merci, mademoiselle, lui répondit Kostia de son ton le plus enjôleur. Puis-je vous demander vôtre nom ?
- Cyplane, première du nom, de la famille Ether. Bonne chance pour me retrouver.
Sur-ce, elle fit volte-face, et s’en alla, droite.
- Je ne sais pas d’où elle vient, et j’espère ne plus la revoir, dit Taro.
- En effet, elle est… étrange, approuva Shad’O.
- Bon, allons donc demander à ce pêcheur son prix pour la location de sa barque, coupa Alonara.
Ils s’approchèrent de l’homme, qui devait avoir la quarantaine, et semblait avoir pêché toute sa vie. Alonara s’avança.
- Monsieur, excusez-moi, commença Alonara, pourriez-vous nous louer vôtre bateau ?
Le pêcheur, qui ne les avait pas vu arriver, fut surprit, et la barque tangua quelque peu.
- Eh bien, ça pourrait se faire. Vous proposez combien, et pour quelle durée ?
- 1500 Kamas, et une caution de 1000 Kamas, pour une durée indéterminée.
- Disons un mois. Si vous dépassez cette durée, ce sera 100 Kamas de plus par jour.
- Soit. Marché conclu.
Alonara lui donna une bourse, et ils se serrèrent la main. Avant qu’ils n’embarquent, le pêcheur les prévint :
- Je ne sais pas où vous allez, mais il parait que des pirates rôdent, faites attention.
- Merci du conseil, l’ami, lui répondit Taro. Nous ferons attention. »
Shad’O monta le premier à bord, portant la nourriture dans ses bras musclés, suivit d’Alonara, que Taro laissa passer, puis de Kostia. Ce dernier se retourna, et vit Bédo hésiter.
« Alors, tu attends quoi ?
- J’avions le mal de mer, gémit Bédo.
Kostia se frappa le front de la paume.
- Eh bien attends-nous à la Taverne, mais je ne sais pas quand nous reviendrons. »
Bédo s’en alla piteux.
- Courage, Bédo, nous allons nous dépêcher de revenir, ne t’inquiète pas, cria Taro, les mains en porte-voix, qui semblait avoir pitié du pauvre Sadida.
Alors que Bédo leur faisait au revoir de la main, le bateau avançait, la proue fendant les flots. Shad’O tenait le gouvernail d’une main de fer, laissant à Kostia et à Taro la dure tâche de ramer, alors qu’Alonara lisait une fois de plus le livre qu’elle ne quittait jamais. Arma, quant à elle, s’était cachée sous le sac de victuailles, effrayée. Alors que les compères faisaient une pause, se laissant légèrement dériver, le brouillard fit son apparition. Un brouillard dense, épais, qui ne laissait pas même voir à 1 mètre. Les compères commencèrent à paniquer, ils n’avaient plus aucun repères visuels. Le stress atteint son comble lorsqu’ils virent un drapeau pirate flotter au-dessus du brouillard.
« Des pirates, s’exclama Taro, terrorisé.
Shad’O prit les choses en main.
- Alonara, Taro, restez en arrière et couvrez-nous, moi et Kostia !, ordonna-t-il.
La coque du bateau pirate percuta le leur, et ils entendirent un « Plouf ! » retentissant, sûrement l’ancre. Des hurlements guerriers s’ensuivirent, alors que les pirates débarquaient sur le bateau.
Shado'O semblait rompu aux arts guerriers, et savait se maitriser en toute circonstance. D'un ton précis, il nous ordonna, à moi et à Alonara, de le protéger, ainsi que Kostia.
Cette brume m'avait pétrifié. Était-ce cela, le brouillard de mort qui avait emporté les plus robustes marins? Mon cœur, déjà glacé et raidi par les embruns, m'avais semblé exploser lorsque, au devant de la brume, s'était avancé un mât de bateau, surmonté du drapeau pirate bien connu, un Nakunbra percé de deux rapières. Sans doute aurais-je hurler si je n'avais senti une détermination chez mon camarade démon, ainsi qu'un désir de pyrotechnie chez Kostia.

Notre coque heurta la leur. Nous étions quatre à bord du bateau, confrontés à une dizaine de pirates fidèles à Gourlo le Terrible, me semblait-il. Le bruit de l'ancre heurtant l'eau me paniqua, déjà les premiers assaillants montaient à bord du frêle esquif. Tanguant, le bateau a tout moment pouvait se retourner, et nous plonger dans la mer. Un cri de douleur me sortit de ma léthargie. Shad venait d'être blessé à la main, ce dont il s'était vengé, sectionnant l'artère de l'ennemi. Qu'avait-il dit? De les couvrir ! Déjà Alonara s'activait, mettant des glyphes, essayant de reproduire, comme je l'avais compris, les gestes d'une guerrière dont elle portait le nom. Je pris mon Arc, et sortit quelques flèches de mon carquois. Alonara me regarda, effarée. Voulant l'impressionner, je n'avais pas eu la présence d'esprit de me souvenir que tirer des flèches sur un bateau était peu viable, voire très stupide. Bafouillant des piètres excuses, je dégainais mes Dagues incurvées, dont je me servais pour aider ma mère en cuisine.*
Shad et Kostia faisaient grand carnage, mais les boucliers étant épuisés, la fatigue se faisant ressentir, et croulant sous le nombre, ils laissèrent passer un pirate, qui s'approcha vers Alona.
Mon sang ne fit qu'un tour. Cette Fecatte... Dès que je l'avais vue, ces prunelles ombres, ce corps magnifique, ces cheveux roux et en bataille, ce visage parfait, bien vite j'avais perdu pied, désirant l'embrasser, ou même plus, comme le prouvait le renflement qui s'était alors créé sur mon pantalon de toile.*
Et là, ce bijou envoyé par les Dieux était en danger. *Sautant sauvagement sur l'agresseur, je lui donnais un coup à l'aine, qui le fit tomber au sol. Alona s'éloigna, terrifiée, et me regarda, reconnaissante. Lacérant le ventre du Nakunbra de mes dagues affûtées, je le tuais, avant de m'élancer à la rescousse de mes deux autres amis. Je fis un massacre, tuant les cinq derniers pirates. Revenant vers Alona qui se jeta dans mes bras avec un faible "Merci", je me sentis fort.*
Ça, c'était ce qui me passa dans l'esprit lorsque je vis l'agresseur. Parfois, les songes se réalisent, et comme disait mon père: La chance appartient à tout le monde. Je sautais donc sur le Pirate, qui me donna un simple coup sur la tête, que je n'avais pas protégée. Mon sang coulant et m'obscurcissant la vue, je tombais sur une poutre, ce qui m'assomma à moitié. Alona, Alona... Je me relevais tant bien que mal, et me présentais à mains nues devant le monstre, prêt à en découvre. Il me fit une entaille profonde au bras, je hurlais au secours en m'effondrant. Devant Alona. J'aurais préféré être torturé des années dans une cave obscur plutôt que d'être la où j'en étais, pleurnichant comme un gosse devant la femme de mes rêves. Profitant de la surprise du monstre, qui ne devait pas souvent combattre d'aventurier aussi faible, elle le poussa par dessus bord.
J'aurais voulu mourir de honte. Oui, c'est cela. Je veux mourir. Je veux mourir. Je veux
- Relève toi et tire bordel !
Les boucliers étaient rechargés, la bataille changea de stratégie. Les pirates étaient arrivés par l'arrière du bateau, et avaient tenté, dans l'étroitesse du pont, d'atteindre la protectrice. Or, suite à un tangage plus violent que les autres, les pirates s'étaient retrouvés vers l'avant du bateau, et Taro et Alona à l'arrière. Les pirates se retrouvaient donc coincés mais en surnombre vers la proue. Kostia, qui jusque là s'était gardé de lancer ses bombes, oublia que nous étions sur un navire, et lança une bombe verte qui ralentit les ennemis, en tua un, et perça un trou dans l'embarcation. Le bateau prit l'eau.
Je contemplais nos vies raccourcies d'un coup lorsque une idée me vint. Il faut dire que jusqu'ici, je n'avais été en rien utile, voire même un poids, et outre notre mort, cette bataille était pour moi un cauchemar de honte. C'est pourquoi je ne prévins personne, et sautais sur le bateau pirate vide. Donnant des coups de dagues sur le bois qui retenait l'ancre, chaque craquement était synonyme d'espoir et de rattrapage. Un dernier ahanement, et l'ancre tomba dans les eaux troubles d'Asse. Donnant un coup de pied à notre ancien bateau pour m'en éloigner, je hurlais à mes alliés de sauter à bord. Shad m'entendit, et, repoussant les adversaires d'un coup de sa griffe de Ceangal, sauta sur le bateau pirate, qui s'éloigna encore plus de Alona et de Kostia. Elle se retourna pour nous voir, et s'élança. Malheureusement, un coup de dagues dans le ventre la plia en deux avant qu'elle n'ai pu sauter. Elle tomba dans la mer. Hurlant, je me préparais à sauter lorsque, telle une bombe, Kostia sauta à son secours, sans aucune douceur. Nageant avec Alona sous le bras, il la porta jusqu'à mes bras, qui peinèrent à la hisser. Nous n'étions plus en danger, à ceci prêt que les pirates décidèrent de nous poursuivre avec notre ancien bateau. Je regardais Kostia encore dans l'eau, lorsque ce dernier ouvrit la bouche, et dit :
- Boum.
Le bateau où les pirates reposaient explosa. Sacré Roublard.
Shad’O qui ne montrait que très rarement ses émotions ne pu retenir un « ouf » de soulagement. Il s’était embarqué tête baissé. Plus pour assurer la survie de ses compagnons que pour continuer sa mission. L’attaque pirate, et le brouillard avant l’avait ramené à la réalité. Il était parti totalement inconscient du danger. Il avait fallu une idée lumineuse du jeune cra et l’habileté du roublard pour les sortir d’une situation plus que délicate. Il commençait à avoir une meilleure opinion de la capacité guerrière de ce groupe.

« Elle est blessé vite, il faut retourner à Sufokia ! »
Taro était en panique, il était tombé amoureux au premier regard d’Alonara et ça se voyait à 20 lieues. La jeune fécatte avait sombré, sa blessure au bras avait une sale allure. De son côté le crâ était aussi mal en point. Seul Kostia s’en était sorti sans trop d’égratignures.

Tout en gardant son calme Shad’O s’approcha de la jeune femme et lui claqua une grande gifle sur la joue droite.
« Hey ! Mais tu es fou ! cria l’archer en colère.
- Tais-toi ! si elle reste inconsciente, elle y passe, il faut qu’elle lutte. Tu lui demanderas si j’ai pas raison une fois que je l’aurais soigné. Mais pour l’instant, tu reste tranquille dans ton coin et tu compresse ton bras, répondit Shad’O sèchement en lui tendant un tissu. »

Taro resta coi un instant devant l’autorité de Shad’O puis s’aperçut qu’il n’y avait sûrement pas grand-chose de mieux à faire.
Shad’O qui n’était pas médecin avait quand même une bonne expérience de la guerre et des soins à prodiguer après. Et surtout il avait suivi la formation de tout bon soldat Brakmarien. Trouvant une bouteille de rhum sur le pont du bateau pirate il nettoya la plaie de la fécatte.

« Taro, ça va mieux ? »
Le crâ acquiesça en montrant son bras avec le garrot de fortune.
« Viens m’aider ! Tu vas la tenir pendant que je recouds rapidement sa blessure.
- La recoudre ? tu veux faire ça ici ?
- Oui puis après je le ferais sur ton bras. »
L’Ecaflip chercha le Roublard du regard. Celui-ci était en train de fouiller un coffre. Il en retira une bourse plutôt bien remplie. Après l’avoir empochée il croisa le regard de l’Ecaflip. Shad’O ne releva pas et lui demanda de prendre la barre. Il n’avait que faire de l’argent, il voulait juste mener sa mission à bien.

« Eh bien, te voila en bien meilleur état ! »
Deux jours après, la fécatte émergeait enfin durablement. Shad’O servit un grand verre de rhum à Alonara. Puis la laissa doucement se remettre de ses émotions. De toute façon Taro était aux petits soins pour elle.

L’Ecaflip alla s’asseoir à la proue du navire. Il devait faire le point. Arma le petit singe de Kostia courrait sur pont. L’Enutrof avait eu raison les pirates rôdent… mais pas les bons, que faisait les hommes de Gourlo à l’Est de Sufokia ? Emma Sacre avait-elle une fois de plus raison ? La révolte allait-elle venir des Pirates ?

La suite de l’aventure semblait se profiler à Moon, mais il allait falloir être prudent la chance ne tournerait peut-être pas tous les jours du bon côté.
« Terre ! » cria Kostia qui malgré ses airs bourru semblait au fond de lui avoir un grand cœur. Il n’avait pas lâché la barre et avait fait route plein Est vers Moon depuis l’épisode des pirates.

Quelques heures plus tard du sable fin crissait sous les pieds des quatre compères. La jungle très dense de Moon se dressait devant eux. Naturellement Shad’O ouvrit la marche, Alonara et Taro se soutenaient mutuellement, Kostia fermait la marche suivant du regard Arma qui se balançait d’arbre en arbre. Ils devaient trouver le repaire du Chouque. Mais sans carte cela pouvait s’avérer long et difficile…
Remontant depuis le bas de mon dos, la douleur lancinante m'écrasait sous son poids. La bataille avait été rude en bien des moments, et même si Taro avait failli causer notre mort, je ne pouvais formuler de griefs à son égard. En effet, la gentillesse et les soins qu'il m'avait prodigué avaient, sans que je l'admette, fait leur effet, je me sentais mieux, et marcher m'était -bien que ce n'était pas encore ça- moins douloureux. De plus, je n'osait penser à ce qu'il se serait produit si il n'avait pas eu cette idée lumineuse. En cela, je commençais à le trouver, bien que cela soit paradoxal, sympathique, bien que trop dévoué et protecteur. Vivant seul, je n'avais pas besoin de quelqu'un pour m'aider, le fait qu'il me dévore du regard n'ayant déjà rien de plaisant, peut-être tout au plus une légère satisfaction personnelle en tant que femme, sans grand intérêt à mes yeux. Les hommes ne m'avaient jamais intéressée, tout comme les femmes d'ailleurs, ils parfois futiles et peu intelligentes.*
ll y a plus de différences d'homme à homme que d'homme à bête.
Nous marchons dans la jungle. De totem en totem, nul ne songe à dire que nous allons sans cesse au gré des ressacs du terrain, sans cartes ni chemins précis. Shad'O et Taro étaient en conversation devant moi, bien que ce dernier se retournait fréquemment pour me regarder. Kostia fermait la marche et, bien que ne parlant que peu, dégageait une certaine sympathie. Sûrement qu'il était plus amical et doux que l'air qu'il voulait se donner, il n'en restait pas moins dangereux, et pour le moins peu catholique.
Tout en claudiquant à moitié, je pensait à mon univers, à la vie, à mes innombrables ouvrages, à Alonara la Bontarienne. Tout ces livres d'histoires n'étaient-ils pas fait d'aventures? Ma prédesseceuse n'avait-elle pas bravé des dangers pour atteindre la gloire? C'était un peu ce que j'avais toujours espéré intérieurement, et que j'accomplissait maintenant.
« C'est lorsque vous avez chaussé vos pantoufles que vous rêvez d'aventure. En pleine aventure, vous avez la nostalgie de vos pantoufles. »



Nous passons devant un Totem rouge semblable à ses congénères Totem, lorsque nous nous apercevons que nous ne sommes plus que trois. Suspense et peur quand tu nous tiens, avant de nous apercevoir que Kostia s'était arrêté quelques pas en arrière, et nous regardait.
- Que fait-tu?
- Avancer sans connaitre son chemin, c'est stupide. De plus, réveillez-vous... c'est la troisième fois que l'on passe ici...
Personne ne lui répondit, car il avait raison. Mais la fatigue, la trop grande chaleur, les arbres tous semblables avaient causé dans le groupe comme un certain sentiment d'aigreur et de résolution. Totem Rouge, Totem Bleu, Jaune, Vert, Rouge, re-Totem Bleu, de nouveau le même... Que pouvaient-ils faire? Seul le petit Nomoon semblait être à son aise dans sa Terre natale. Sautant d'arbres en arbres, il s'amusait à courir après les Fourbasses, et s'échappait devant les Gloutovores et les Trukikols.
- Alors? On fait quoi? On reste ici et on meurs?
Shad ne savait quoi dire. Taro s'assit au sol, épuisé, ainsi que Kostia. Shad restait debout, moi de même, pensive. Une Fourbasse me tira la jambe. Je baissais la tête, et vis que ce que j'avais pensé être un végétal était en fait Arma, qui me donnait des coups. Je le repoussais, mais il revint à la charge, me donnant des coups de tête. Lui donnant un léger coup de talon, ce stupide animal, vexé, prit dans ses mâchoires ma chaussure, et tira dessus. Passablement énervée et fortement irritable au vu de la situation dans laquelle nous nous trouvions, je regardais le Nomoon puis Kostia dos à moi, et shootait dans le familier, qui s'écrasa contre un arme dans un petit cri. Je constatais avec amertume que j'étais une femme Feca, et que j'étais meilleur au football qu'en protection. Soupir...
Me retournant comme si de rien n'était, je me raclais la gorge, et demandais à mes comparses si leur coscient intellectuel avaient décelé une quelconque solution. Alors qu'ils soupiraient en haussant les épaules, le Nomoon encore passablement étourdi revint à mes pieds, me poussant. Je demandais l'autorisation à Kostia de le lancer dans la cambrousse, mais celui-ci refusa d'un froncement de sourcils. Soupirante, je me mit en tailleur au sol, et commençais à parler à l'animal, sous le regard amusé du Roublard, qui peut importe la situation ne désespérait pas. Parlant encore, je lui demandais si, à toute hasard, ce charmant primate savait retrouver le chemin pour nous sortir d'ici, voir même nous emmener au Chouque. D'un coup de dent, il me lacera le devant de ma chausse, et partit en courant. Il était temps de bouger, je me mettais à courir, souhaitant, dans la plus grande illégalité vis à vis des lois de la SDF ( Société de Defense des Familiers ) broyer un membres Lémuriens évolué et sournois. Me voyant courir ainsi dans la Jungle, Taro, craignant que je me blesse, se lança à ma suite. J'entendis plus loin Shad et Kostia proférer des insultes Bworkes à mon encontre, mais me suivre néanmoins, quels gentlemans. Une course effrénée s'ensuivit, suivant le singe à travers des chemins improbables que nul homme n'avait jamais arpenté. Lorsque le singe s'arrêta enfin a quelques pas, le groupe ralentit, épuisé, haletant, et pestant contre le singe et moi. Nous marchâmes vers le fautif, et Kostia l'attrapa, et le blottit dans ses bras, une image touchante s'il en est, le multiple meurtrier câlinant son animal plus ou moins domestique. Nous nous trouvions au centre d'une clairière entourée de Totems, et de dessins de singe. Le sol craqua derrière nous. Surpris, Kostia lâcha Arma, et nous nous retournâmes. Un singe nous regardais de ses grands yeux globuleux. Minuscule, nous avions envie de le prendre dans les bras, si nous ne l'avions pas reconnu. Arma vint se placer à coté du maitre de l'île. Ce traître de singe nous avais conduit auprès de son illustre roi. Le légendaire Moon allait enfin combattre.
L’excitation se propagea dans le corps de Kostia, passant par les veines, alimentée par le cerveau. Celui-ci senti l’odeur fictive de la poudre familière lui monter au nez. Le Nakunbra qui s’approcha n’eut pas le temps de comprendre. Le poing de Kostia lui pulvérisa le crâne, et le cou approcha du point de rupture, brisé. Shad’O ne se débrouillait pas mal, lui non plus ; ses deux lames vrombissaient, tranchant l’air et la chair, brisant les os des plus téméraires. Les boucliers d’Alonara s’avérèrent efficaces lorsqu’un pirate tenta de trancher Kostia en deux : l’épée ne fit que ricocher à cM de son ventre, et un coup de Dague le cueillit en retour, lui ouvrant le ventre en deux, déversant tripes et sang sur la coque du bateau, qui tangua dangereusement. Le Roublard se retourna pour remercier Alonara, et vit Taro brandir un Arc, avant de se rendre compte de sa bêtise. Après plusieurs minutes de combat, les boucliers commencèrent à s’épuiser, et Shad’O fut touché. Ce dernier et Kostia avaient l’air épuisés, l’air entrant bruyamment dans leurs poumons. Dernier recours. Les bombes. Kostia en lança une, qui explosa en répandant une substance collante qui ralentit les pirates touchés. C’est à ce moment là que Taro sauta sur le bateau pirate. Shad’O s’élança à sa suite, ce qui éloigna encore plus les deux bateaux ; et alors qu’Alonara s’apprêtait à sauter, un coup de Dague la fit s’écroula avant d’avoir pu tenter quoi que ce soit. Kostia vida son sac de bombes, et lâcha son zippo avec, après l’avoir allumé en vitesse. Le Roublard musclé attrapa Alonara avec force, et se jeta à l’eau, la jeune Feca dans les bras, avant de la tendre à Taro, qui paraissait affolé par sa blessure, mais aussi par les Pirates, qui s’étaient mis à ramer avec leurs mains pour rattraper la petite troupe en fuite. Peine perdue.

- Boum.

Le bateau explosa littéralement, des morceaux de coque s’envolèrent sous l’onde de choc, et atterrirent dans la mer, aux alentours. Kostia se hissa à bord, alors que ses deux compagnons étaient penchés au-dessus de la Feca au ventre ensanglanté. Taro était paniqué, au point qu’il voulait retourner à Sufokia. Shad’O s’approcha de la Feca, et la gifla d’un coup sec, sûrement pour la sortir du coma. Une dispute s’engagea alors entre Shad’O et Taro, ce dernier n’appréciant pas du tout le geste violent de son compagnon envers la fille de ses rêves. Kostia laissa les guignols se débrouiller, et alla explorer le navire. Il trouva une bourse bien remplie dans un coffre. Elle pourrait leur servir. Le Roublard croisa le regard de Shad’O, qui était en train de recoudre la plaie d’Alonara.

« Va donc prendre la barre, lui demanda-t-il. »

Kostia se dirigea donc vers la poupe du bateau, et prit la barre.
Deux jours plus tard, tout le monde était sur pied, et une terre se profilait à l’horizon. Sûrement l’île de Moon. Le Roublard le signala à ses compagnons sur le pont. C’est avec soulagement qu’ils accostèrent sur l’île, qui était bel-et-bien l’île de Moon. Pendant plusieurs heures, ils marchèrent, sans relâche, jusqu’à l’épuisement, et alors qu’ils passaient un totem rouge, Kostia s’arrêta. Ils firent encore quelques pas, avant de se rendre compte que le Roublard manquait à l’appel. Ils se rendirent comptes quelques secondes plus tard que Kostia était en fait juste derrière eux.

« Que fais-tu ?, lui demanda Alonara.

- Avancer sans connaitre son chemin, c'est stupide. De plus, réveillez-vous... C'est la troisième fois que l'on passe ici...

Ses compagnons ne répondirent pas. Le constat était là : ils avaient marché pour rien. C’est alors qu’Arma, qui les avaient jusqu’à présent seulement suivis, se mit à gigoter au sol, donnant de petits coups à Alonara. Celle-ci l’éjecta contre un arbre, alors que Kostia avait le regard ailleurs. Arma revint à la charge. Cette fois, Alonara demanda l’autorisation à Kostia, qui était maintenant face à elles. Celui-ci refusa d’un froncement de sourcils. Alonara se mit alors à essayer de parler à l’animal, après leur avoir demandé, par dépit, si leur quotient intellectuel avait trouvé quelque chose ; apparemment pas. D’un coup, Arma mordit le pied d’Alonara, et s’enfuit à toutes pattes. Cette dernière la suivit, essayant de rattraper l’agile Nomoon. Taro s’élança à sa suite, bientôt suivi de Shad’O et Kostia, proférant des insultes à l’adresse de la Feca. La course effrénée dura quelques minutes, puis ils arrivèrent dans une clairière, sûrement jamais explorée. Le groupe s’arrêta, essoufflé, haletant. Arma s’était arrêtée au milieu de la clairière, l’air malicieux. Kostia s’approcha d’elle, la prit dans ses bras, et la pressa contre son cœur. Une brindille craqua derrière eux. Le cœur de Kostia s’emballa, et il lâcha Arma, par surprise. Ce n’était en fait qu’un Nomoon. Un Nomoon avec un gros marteau. Le Moon. Maître de ces lieux. Kostia regarda Arma avec un mélange de colère et d’interrogation. Pourquoi avait-elle fait cela ? A côté de lui, ses compagnons commençaient à s’agiter. Le Moon ne leur laissa pas l’occasion d’extrapoler sur la responsabilité d’Arma dans l’affaire ; le marteau s’abattit au sol à deux doigts de Taro, qui poussa un hurlement aiguë. Shad’O sortit son jeu de cartes, les enflamma, et les propulsa vers le Moon, qui dût s’écarta pour les esquiver.

« Pas de feu, hurla Kostia, Tu veux mettre le feu à la forêt, ou quoi ?! »

Shad’O s’injuria mentalement, et sortit ses deux épées courtes. Alonara les protégea, et Taro sorti son Arc et ses flèches. Kostia, quant à lui, ne pouvait se résoudre à attaquer le Moon, sous peine de se mettre Arma à dos. Cette dernière était d’ailleurs suspendue à un arbre par la queue, et semblait bien s’amuser. Le Roublard s’écarta discrètement de la zone de combat, et grimpa à l’arbre pour rejoindre la petite Nomoon. Ses compagnons le regardèrent avec des yeux ronds, croyant qu’il essayait de s’enfuir. Kostia leur fit signe de se taire, en mettant son index devant sa bouche. La troupe comprit qu’il avait un plan, et s’essayèrent à distraire le Moon. Pendant ce temps, Kostia essayait de dialoguer avec Arma, qui n’en faisait qu’à sa tête. Après quelques minutes, pendant que ses camarades s’escrimaient à repousser le Moon. Enfin, Arma comprit sa mission, et sauta de l’arbre, puis couru vers le Moon, avant de communiquer avec lui, à grands renfort de cris aigus et de gestes. Celui-ci comprit, et se mit à dessiner sur le sol avec le manche de son marteau, puis s’enfuit rapidement, emportant avec lui le sac de Kamas volé par Kostia sur le bateau.
Ça ne représentait rien. Rien de connu, tout au plus.
Soulagé, je l'étais, le nier ne servirai à rien. Voir le Moon et mourir, disait le célèbre adage que l'on apprenait dans les écoles Sufokienne. Le monstre, créature minuscule aux pouvoirs démesurés, était craint de chaque Moonien, et des enfants Amakneens, à qui l'ont inculquait que si ils ne se couchaient pas le soir, désobéissaient, ou encore avaient des mauvaises notes, le petit singe viendrais les transformer en Totem.
Voir le Moon... Et mourir. C'était que que j'ai pensé, avant de comprendre la manoeuvre de Kostia, et de voir Arma convaincre son roi de nous accorder la vie sauve. Ce dernier, parlant dans un dialecte étrange, se mît à tracer avec frénésie un dessin au sol, avec le manche de son marteau. Des traits continus, des points.
Puis, avant même que nous ayons pu faire un geste, le Moon s'enfuit, non sans avoir volé une bourse à Kostia. Shad'O essuya la sueur de son franc, Alona jeta un regard assassin au Nomoon, Kostia pesta, et nous nous avançâmes lentement vers le dessin, craignant une menace invisible. On ne sait jamais, il est bien connu que les singes sont malins et fourbes.
Si jamais tu dois croiser des singes le roi,
N'oublie jamais cet adage,
Il a beau être bien fourbe et sournois,
Il n'attend qu'une chose: que faiblisse ton courage


De part et d'autre du dessin circulaire, nous scrutions ces creux et ces courbes, cherchant à en comprendre le sens. Arma piaillait, perché sur son arbre, et dans la nervosité ambiante, il en aurait fallu peu pour que je ne décoche une flèche à son encontre. Après tout, n'étais-ce pas lui qui nous avait trahi, et amené droit vers une mort quasi certaine? Si nous étions mort, nul doute que je l'aurais tué. Mais nous étions vivons, Jiva en soit loué.
- C'est une carte. Nous sommes ici, le totem rouge est là, la croix est là, il y a un dessin de pirate miteux. C'est une carte, qui nous conduit au Chouque.
Sacrée Fecatte. Nous laissant observer ce qui s'avérait être un plan, elle entreprit de la recopier grossièrement sur un bout de vélin, extrait de son sac. Quand ce fut fait, une rapide discussion fut faite, et nous nous mîmes en route. Shad nous ouvrait la route, suivit de moi et Alona. Kostia, comme à son habitude, fermait la marche. L'excitation gagnait peu à peu nos visages à mesure que nous touchions au but. Ralentissant notre allure pour discerner les alentours, la carte indiquait une imminente arrivé dans le repaire des pirates. La croix se rapprochait, nous étions dessus. Nul âme qui vive aux alentours. La carte était fausse.
Autour de nous, la végétation était dense. Les Trukikols et les Fourbasses cohabitaient paisiblement, se cachant dans le décor à l'arrivé d'un Gloutovore. Les ramifications des arbres ne nous laissaient pas, ou peu, voir le soleil, ce qui nous faisait évoluer dans une sorte d'ombre. Personne ne venait jamais par ici. Jadis, terre ancestrale, cette île était souvent abordée par des aventuriers, en quête de la gloire qu'apportait la possession d'une étoffe de Moon. Mais depuis la découverte de l'île glaciale, très loin à l'Ouest, les héros avaient déserté la jungle, laissant la faune et la flore faire la loi.
L'endroit dans lequel nous nous trouvions dégageait une hostilité presque matérielle. Au sol, des inscriptions runiques étaient inscrites. Incompréhensibles pour qui ne sait pas lire le Moonien, ce qui était le cas des trois quart du groupe. Alonara passa sa main dans son sac, et sortit un livre poussiéreux. Ses mains parfaites repoussèrent ses cheveux. Mon regard scrutait son visage, ses mains, sa chevelure, sa poitrine. Je bénit les Dieux d'avoir créer une si belle créature en ce monde, et d'avoir pu croiser son chemin. Sa voix, si douce et belle, me sortit de ma contemplation léthargique. Elle commença à traduire le texte inscrit au sol.
À toi, voyageur égaré, et qui lit la ces vers,
À toi, petit homme apeuré, qui va vivre un calvaire.
Fuis ou meurs à cette date, je te laisse le choix,
Car l'âme des pirates... Jamais ne mourra.

Un frisson dans le dos, un bruissement de feuille. L'enfer s'abat sur nous, nous sommes soudain encerclés, des pirates sautent des arbres. Ils sont des millions, la retraite est coupé, nous n'avons pas d'issu. Je me jette pour protéger Alona. La dernière chose que je vois avant de sombrer assommé, c'est Arma s'échappant en courant.
Salaud.
Après trois jours passés en cellule, Shad’O commençait à avoir des fourmis dans les jambes. Il rageait intérieurement de s’être laissé berner par une bande de pirates incompétente. Dans le fond du cachot Kostia avait cessé de se débattre avec ses chaînes. Le roublard avait été étonnamment résistant aux roustes des gardiens, mais ils avaient finalement eu le dessus. Dans le coin opposé, Alonara et Taro discutaient. Le jeune Cra essayant de rassuré la Fécatte. Celle-ci ne donnait d’ailleurs pas l’impression de devoir être rassuré. Mais elle laissait le jeune homme parler.

Shad’O était intrigué par l’odeur forte de poissons et de mer qui régnait dans le lieu où ils se trouvaient. Ce n’était pas la cale d’un bateau, les parois étaient creusées à même la roche. Une caverne sûrement. L’Ecaflip essayait de chercher une réponse valable et un moyen de s’échapper quand les gardiens commencèrent à s’agiter.

« Le capitaine veut les voir ! Emmenons-les rapidement ! »

La lourde porte en bois s’ouvrit et une dizaine de pirates fit irruption. Shad’O et ses camarades se laissèrent conduire docilement. Ce n’était pas le moment d’attaquer. Sans connaitre les lieux s’était du suicide. Après avoir traversé un véritable labyrinthe de couloirs la petit troupe déboucha dans une immense salle creusée sous la terre, seul un grand puits de jour amenait de la lumière. Shad’O croisa le regard de ses amis, tous avaient là même idée…. La seule issue était ce trou…

Mais la satisfaction d’avoir trouvé une possible sortie, ne fut que de courte durée. En effet, au fond de la salle, trois pirates se dressaient. Shad’O resta stupéfait il avait devant lui, le Chouque et ses sbires armés jusqu'aux dents….Que leur voulait-il? La réponse ne fût pas longue à venir. Le Chouque prit la parole.

« Qu’avons-nous là ! Voila de l’esclave pas bien difficile à attraper ! dit-il avec une voix rauque. Je pensais que le Brakmarien opposerait plus de résistance. »

Le Chouque fit un signe à deux de ses acolytes.
« Je garde la petite pour me distraire un peu ! Les trois autres semblent tout à fait aptes pour aller pomper avec les autres esclaves. »

Un cri retentit dans la salle, et un bwak ou plutôt le squelette d’un bwak descendit en vol piqué sur la fecatte. Alonara se débâtit mais elle était prisonnière de ses chaînes, Taro essaya lui aussi de la défendre mais il ne récolta qu’une volée de coups.
Kostia qui gardait un regard froid et impassible osa défier le capitaine pirate.

« Pomper ? Quelle est cette plaisanterie ? »

La colère du Chouque explosa.

« Oui ! Sale Roublard ! Tu va pomper ! Maintenant que j’ai la clef de Smisse, rien ne pourra ralentir notre plan ! Bientôt l’Anatlide nous révélera tous ses pouvoirs ! Et les pirates domineront le monde ! Ca sera la fin de Bonta ou de Brakmar ! Le monde ne sera qu’océan et île, il n’y aura plus de Dieu et seule la piraterie survivra ! »

L’ensemble des pirates de la salle cria et salua la parole de leur chef. Ils était tous heureux en imaginant cette perspective de dominer le monde des douze.

Kostia ne réagit pas, ainsi c’était les pirates qui avaient dérobé le trésor de Smisse. Alonara avait cessé de se débattre et écoutait avec attention cette colère semblable à une prophétie parlant encore une fois de ce continent sous l’eau. Shad’O prit conscience que Brakmar était peut être en danger. Taro lui se demandait pourquoi il était mêlé à cette histoire et s’inquiétait pour Alonara.

Après cette prise de parole choc et l’agitation qui suivi, Le Chouque donna ses ordres.

« La fille dans mon harem, les trois esclaves à la pompe dans les sous sols. »

Le groupe fût immédiatement coupé en deux. Shad’O eu à peine le temps de voir Alonara se faire emmener dans un couloir qu’on le traînait dans la direction opposée vers un immense escalier.

Le chemin fût long, toujours plus humide et puant. Kostia ne manqua pas de remarquer une porte ouverte dans un recoin, ce qu’il vit à l’intérieur en se tordant le coup, l’émerveilla. Le trésor de Smisse était bien là, entièrement là.

Au loin les claquements des fouets retentissaient.

« Pomper ! Allez Pomper ! »

La pièce en sous sol était basse de plafond, les murs suintaient l’humidité, au centre une grande roue était installé, avec des systèmes poulie les esclaves, tournant la roue, vidaient des seaux d’eau. Un grand puits situé sous la roue était en train d’être dégagé. On enleva les chaînes des trois compères. Shad’O se retrouva derrière un Sram portant le tatouage de Brakmar dans le dos. Il venait de retrouver l’espion disparu. Taro lui aperçu un Osamoda dans le fond de la salle, son ami marin était là lui aussi. Ils n’étaient plus seul…

Un coup de fouet les ramena à la réalité, ils commencèrent à pomper…

Dernière modification par Hapero ; 04/05/2012 à 11h43.
Ce rire. Ce claquement de fouet. Ce cri étouffé.
J'avais depuis bien longtemps cessé de me débattre. Des Nakunbras me tenait fermement et me conduisait vers un lieu que je n'osais même pas imaginer. De dédale en dédale, couloir sombre et suintant, mur ruisselant d'eau de mer, je marchais. La peur au ventre. Peur que, au loin, ce bruit de claquement suivi d'un cri n'avait fait qu'amplifier. Comment était-on arriver a ce point ?
Jusqu'ici, tout leur avait souri, des chemins jusqu'aux nombreux combats. Cette chance n'avait pas résisté a la traîtrise de Arma, bien que ce dernier se soit fait pardonner depuis.
Bonta la Blanche me semblait n'être qu'un songe, un idéal a jamais perdu. Rêverais-je ces murs de marbre, ces ruelles désertes, ces bibliothèques où le temps n'avait pas de prise ? Je songeait à tout ce que j'avais perdu, et en même temps, je ne pouvais empêcher de regretter des choses qui ne m'aurait jamais traversé l'esprit auparavant. Allais-je mourir sans avoir connu l'amour? Sans jamais avoir été aimée, et avoir aimé en retour? Toutes ces choses que je n'avait jamais faite, et dont cette aventure m'avait appris leur nécessité. Et Taro... Avec le temps, j'avais fini par avoir pour le jeune Crâ une véritable affection, et je craignait pour sa vie. Et Shad? Et Kostia? Le milicien n'avait cessé d'être sans cesse présent, droit et infaillible, défendant sa cité avec une dévotion qui m'avait émerveillée. Quand a Kostia, le Roublard était devenu mon ami. Je le comprenait si bien... Sous ses traits de multiple meurtrier, son attachement à Arma, ses gestes, et sa protection dans l'ombre m'avait fait prendre conscience que jamais, jamais on ne doit juger quelqu'un avant de le connaitre. Et maintenant, où étaient-ils? Dans quel état? Pour combien de temps?

Un brusque arrêt des soldats qui l'accompagnait me tira de mes pensées. Une porte imposante se dressait devant moi. Retentissaient des cris de douleur, des rires gras, des claquements. Le Chouque l'avait dit. Je m'amuserais avec elle. Et ainsi, c'était ça, la fin. Apres avoir traversé le continent, après avoir combattu et bravé les pirates puis le Moon, nulle sortie. Le viol, la servitude, toutes ces choses qui n'arrivent que dans les livres de temps anciens. La peur me gagna, une peur irrationnelle que je n'avais jamais connu jusqu'alors.

La souffrance a ses limites. Pas la peur.
Si la peur est un cri, la terreur est un murmure.

La porte s'ouvre. Le garde me tenant me donne un coup de bottes dans le dos, je suis propulsé dans la pièce et m'affale au sol. Mes mains sont liés, je suis bâillonné. La porte se referme, je me relève difficilement. De faibles bougies éclairent la pièce, remplie de femmes pareillement attachée et de pirates. On m'attache a un coin de lit, je ne dis rien. Ne pas se faire remarquer est la seule chose qui pourrait m'empêcher de faire partie de celle qui sont dans la pièce d'a coté, ceux avec qui le Chouque et ses sbires s'amusent. Le désespoir est partout dans la pièce, suintant des murs, transparaissant dans chaque visage, chaque pleurs, chaque chaîne. La porte de la seconde salle s'ouvre. Le Chouque en sort, tenant par le coup une femme. La jetant au sol, il ordonne aux gardes de l'emmener. Elle ne bouge plus, la mort a fait son oeuvre. Le roi des mers contemple toutes ses esclaves, cherchant de la peur qui le décidera dans son choix de la prochaine femme du harem. Il s'approche, il est trop prés de moi. Je sens son haleine, son corps ruisselant de sueur. M'étranglant a moitié, il me prend le visage et l'observe. Il me soulève du sol. Je serais la prochaine. Plûtot mourir. La femme à ma droite pousse un petit cri de soulagement, puis se cache derrière moi. Il est trop tard pour elle, le Chouque me lâche au sol, et emporte la femme. Je ne dis rien, honteuse sous le regard de ces femmes. La haine transpire des éclairs qu'elles me lancent. Elles semblent dire:
- C'était notre amie.
- Tu aurais du être la prochaine.
- C'est de ta faute si il l'a choisi.
- Tu seras la prochaine.

Je m'assois, insensible à cette colère sourde. C'est chacun pour soit ici. Je conserve un espoir, cela ne peut pas arriver, je ne peux pas mourir. De son temps, Alonara la Bontarienne s'était sorti de situation comme celle-la. Celui qui vit sans espoir ne mérite pas de vivre, disait-elle. Mon étoile me sauverait, Jiva est puissant.

Je repense à ces bons moments avec mes amis. A leurs paroles. Un jour, Shad avait dit une phrase dont je n'avais, à l'époque, pas prêté attention. Et là, je le revoyais comme si c'était hier.
" Si un jour, nous sommes séparés, si nous sommes en danger. Ne paniquez pas, jamais. Gagnez du temps. Le temps est précieux. A l'heure où la lune tombe du ciel, nous essayerons de nous retrouver. Ne tentez rien, ne faites rien de dangereux avant cette heure là. Et quand l'heure viendra, battez-vous, courrez. Un assaut en même temps est invincible peut importe le nombre d'adversaire. Souvenez-vous en."

L'heure où tombe la lune. Le lever du soleil. Il l'avait dit. Tenter de s'échapper au lever du soleil. D'après la dernière fois que j'avais vu le jour, il devait être cinq heures, un peu plus. Soit une heure avant la fuite. Bien sûr, je ne pouvais pas m'échapper, mais au moins, j'avais l'espoir que quelque chose se produise.

J'avais mal à la jambe, et je sentis une légère griffure. Je sursautais, et regardais mon pied. Le souffle coupé de ce que je vis, je balbutiais mon étonnement. Arma. Arma. Arma, le singe qui s'était enfui a notre capture, était la, à mes pieds. Jiva est grand. Le cachant de mon corps, je lui chuchotais des remerciements. Lui montrant mes chaînes, je lui carressais la tête, comme j'avais vu Kostia le faire. Il comprit. Je demandais les clefs. Il restait vingt minutes avant l'heure, je reprenais confiance. Un signe discret a ma voisine lui fit comprendre que le petit singe qui venait de partir était notre sauveur. Elle retransmit à sa voisine qui fit de même avec mille précautions, tel un téléphone Fungusien. Bientot, toute la cellule me regardait, plein d'espoir. Il restait dix minutes, le doute s'installait. Tel le Messi, il vint, tirant les clefs subtilisés aux gardes inattentifs. J'ouvrait mes fers, je passais les clefs, qui tournèrent de mains en mains. J'ordonnais une discrétion totale, il restait cinq minutes. Nous allions nous échapper, les quelques gardes ne résisteraient pas à des femmes en furie. La victoire était prochaine, liberté était sur toutes les lèvres. La porte s'ouvrit une nouvelle fois. Le Chouque sortit, traînant une femme haletante et balafrée, ma voisine de tout a l'heure. Il se rendit compte que les fers étaient au sol. Je hurlais de sortir, et une nuée déferla sur la porte, les gardes, puis se rua dans le couloir. La liberté souffla sur la citadelle pirate, errant a travers les couloirs sans savoir où était la sortie. J'espérait que Kostia, Taro et Shad se seraient libérés.

Defoncant une porte, les anciennes prisonnières s'arrêtèrent dans une grande salle, ou un fouet retentit. Mes amis pompaient.
Slach ! Slach !
- Pompe, ou meurs, chien de Roublard !
Slach !

Le dos teint de rouge. Le sang. La chair arrachée. Kostia. Le seul parmis nous qui osait encore défier les pirates après trois jours de travail acharné. Trois jours. À la fin du premier, une lueur de folie s'était allumée dans ses yeux, et décrire la façon dont il regardait son geôlier était impossible. Il n'y avait pas de mots, pas assez forts.


Assis en rangés de six, nous pompions, deux heure de sommeil pour dix heures de travail. La mort de tous les cotés frappait en même temps que le fouet du Nakunbra. Les halètements, les pleurs. Le voisin de Kostia, comme tant d'autre trop faible pour continuer, avait été jeté dans le puit. Ses cris pendant sa chute, et ses suppliques avait rendu nos visages durs. Nous étions la seule rangée sans mort. Kostia devant, avec la pompe la plus difficile. L'espion Brakmarien derrière. Shad ensuite. Mon ami Osamodas, parti trop longtemps de sa terre natale. Moi, et pour finir la rangée, un Iop, Telyo, avec lequel je m'étais lié d'amitié durant nos courtes pauses. Mourir, survivre, cela était dans l'esprit de tous, mais le faire avec les autres. Jusqu'à la fin, ensemble.

Criiiiiiiiiiiiiiii... La cloche, un coup salvatrice, un coup mortelle, sonnait la fin du travail. Deux heures de repos s'offraient a nos corps en lambeaux.

Affaissé sur sa pompes, chacun cherchait les mots pour parler. Enfin, après un interminable moment, l'espion Brakmarien se racla la gorge.
- Shad... Si Emma nous voyait... Si Oto
- ne parle pas de ça ! Oto ne nous verra plus jamais ! On est foutu, foutu !
Voir Shad secouer la tête, abandonner le combat nous enleva nos dernières lueurs de courage et de fierté que nous avions enfermé dans nos esprits. Bien sur, Shad n'abandonnerait pas et se ressaisirait. Mais combien de temps allions-nous tenir?
- Abandonnez... Oui ! Allez-y ! Abandonnez ! Mourrez, mourrez en lâche, en pleutre, crevez ! Vous voyez-vous ! Des pleurnichards ! Des... Des... Je ne sais plus.

Kostia seul contre le monde, la lueur rouge brillant dans ses yeux. Inhumain, abominable spectacle. Certes, il avait raison. Mais tout le monde n'était pas capable de tenir tête au gardien, et de supporter ensuite le fouet.

Nos yeux baissés, nous contemplions le puit. Au fond, un éclat de lumière flottait sur l'eau. Il devait être cinq heures. La lumière. Cinq heures. La lune. Un éclair me redressa, un souvenir.
- Shad... Shad ! Shad ! La lune ! Elle va tomber ! Shad... Alonara est vivante, je le sais. On peut pas laisser tomber. Tu le sais, a l'heure ou tombe la lune, là est la victoire. La pause est finie dans un quart d'heure. La lune tombera dans vingt minutes. Quand on n'a plus d'espoir, rien ne sert de vivre.

Encore une phrase d'Alona. Toutes les pensées étaient tournées vers la fecatte. Ma vie contre la sienne. Si elle était morte, je le saurais. Phrase qu'on se répète comme un mantra pour s'en convaincre. Et voilà que, de cette phrase de l'Ecaflip, je puisait l'espoir et le courage de continuer. C'était comme dans le désert. On dit souvent qu'on ne peut plus avancer, un mètre serait trop. C'est faux. On peut toujours faire un pas de plus, on peut toujours avancer. Mis bout a bout, ces pas acharnés sauvait la vie du malheureux. Pour cela, il fallait pourtant avoir un but, une étoile. Alona.

Criiiiiiiiiiiii... La sonnerie, beaucoup trop tôt. Un claquement de fouet, nous reprîmes nos places. Kostia ourdissait des plans en silence, tandis que Telyo était aux portes de l'au-delà. Il était la depuis six jours déjà, avait affronté son destin en courbant l'echine, et venait de se rendre. La mort l'attendait, et nous ne pouvions rien faire. Il chuchotait ses dernières paroles, mourir en disciple Iop. Le fouet retentit de nouveau, nous nous mimes en action; un espoir fou au coeur. Pomper, pomper, encore quelques minutes avant qu'il ne se passe quelque chose. J'y croyais dur comme fer.
Le bruit de l'eau et des halètements familiers remplit la caverne. Toutes nos pompes étaient reliées par un mécanisme complexe. Si une personne arrêtait de pomper, les cinq pompes de la rangée devenaient plus dures à actionner. Voila pourquoi, lorsque une personne mourrait dans une rangée, les autres étaient condamnés. Dans la rangée à ma gauche, celle où le voisin de Kostia avait été jeté dans le puit, cinq Enutrofs, perclus de douleur, murmuraient des prières en pompant, les yeux clos, la vie ne tenant qu'à un fil. Quand à notre rangée, les pompes étaient bravement actionnée, et nous regardions sans cesse pour vérifier que personne ne lâchait prise. Pousser, tirer, pousser, tir...
- Aie !
Unanimement, nous nous étions redressés. La pompe avait durci d'un seul coup, ce que nous croyions impossible tant le courage nous habitait. Levant les yeux, le spectacle que je vis me terrifia. Telyo, les bras croisés, ne pompait pas, et cherchait l'attention du Nakunbra sadique. L'espion, lui donnant des coups dans le dos, lui intimait de pomper pour sauver sa vie. Telyo éclata de rire, un rire fou. Le gardien se retourna, et avec un rictus, s'avança vers mon ami. Le fouet jaillit avec une force terrible, le coup du guerrier vira au sang. Le Iop n'avait pas cillé.
- Je vais compter jusqu'à quatre... D'accord, chien? Au-delà, tu mourras sous le fouet... Un.
Je baissais la tête.
- Deux.
Une larme roula sur la joue de Shad'O.
-Trois.
Un sanglot retentit. Plus personne ne pompait. Le temps était figé par la scène la plus dramatique qui ait jamais existé.
Je levais la tête au moment fatidique où le Nakunbra se prépara a prononcer la peine de mort, ce quatre fatidique. Telyo, inspira profondément, et... cracha droit dans l'oeil du pirate. Un sanglot sourd traversa le héros. C'était son destin. Le Nakunbra hurla, saisit Telyo par son coup et sortit son couteau. La torture sous nos yeux était inévitable. C'était écrit. Le couteau se planta dans le bras, lacérant les chairs. Telyo hurla.

Et la porte éclata. Le monde se déchira. Au moment où le soleil sortit de la nuit, où la lune tomba, où la liberté éclaira le monde. Des milliers, des millions de femmes en furie pénétrèrent dans la caverne, détruisant tout, des torches récupérées dans les couloirs a la main. Le feu, le feu purificateur qui nous tuerait tous. Alonara courait à leur tête, avec un trousseau de clef. Je l'appelais en hurlant. Elle comprit, les clefs volèrent dans la caverne hors de l'espace temps qui est le notre. Une chaîne, deux trois, toute ma rangée, les autres. Ils se ruèrent vers la sortie, où les attendaient les pirates. L'aurore Pourpre? Une bataille pour enfant par rapport au massacre sous nos yeux. Kostia avait brisé ses chaînes avec le couteau du Nakunbra. Aucune issus possible, a part par la porte défoncée. La porte. Courir. Guernica macabre.

Le Chouque apparut dans l'embrasure. J'hurlais de rage. L'espion se jeta sur lui, et fut traversé d'une balle. Sa vie pour Brakmar.
Aucune issue. Tout était flou dans ma tête, le soleil, la lumière, la lune qui tombe. D'une force dont je ne me croyait pas capable, je saisit Alona, et la lança dans le puit. Shad me frappa, croyant que je devenais fou. Il vit la lumière, et comprit. Il sauta. L'Osamodas suivit. Je hurlais a Telyo. Ce dernier, mourant, gisait au sol, un couteau dans la poitrine, tenant le Nakunbra qui tentait de se degager de l'etreinte. Kostia, voyant la scène, les yeux toujours plein de cette lueur qui marque le dernier souffle du Roublard, sauta sauvagement sur le tortionnaire, et le frappa d'une pierre, le frappa à n'en plus finir, jusqu'a ce que la creature qui avait tant brisé d'ame tombe. Il prit le Iop vengé sur ses epaules, et se jeta dans le puit. Je sautais à sa suite, au moment où un torrent de feu inonda le puit dans un roulement, et s'engouffra dans la caverne. Boum.



L'eau était froide. Si froide.

Dernière modification par Miel Pops ; 23/05/2012 à 23h01.
Le temps n’avait plus de dimension. Tout n’était que douleur. Pomper. Pomper. Les gestes étaient devenus mécaniques ; il fallait se servir de son poids pour faire moins d’efforts. Et le fouet. Ce terrible fouet, qui claquait, sans discontinuer, arrachant à chaque coup un morceau de peau à la malheureuse créature qui subissait son terrible joug. Taro, Shad, et Kostia, qui venaient d’arriver, n’étaient pas en mauvais état, du moins, comparé aux plus anciens, ils avaient bonne mine. Certains avaient survécu plus de trois semaines ici. Leur corps décharné ne ressemblait plus à quoi que ce soit de connu. La peau creusait leur visage, les yeux semblaient être à deux doigts de tomber de leur orbite. Plus une once de graisse n’était présente sur leur corps. Leurs vêtements, à présent trop grands et déchirés, laissaient voir leur buste. Les côtes semblaient sur le point de s’arracher, on pouvait presque voir leur couleur à travers la maigre peau. Ils n’avaient plus rien d’humain. Chaque coup de fouet les faisait s’affaisser encore plus. Kostia, quant à lui, était relativement en bon état, plus que Shad’ et Taro, qui semblaient moins résistants aux coups. Après ce qui leur sembla être des jours de travail, ils purent prendre une pause. Une courte pause. Quelques minutes après, le calvaire recommençait.

Après deux jours, tout le monde était fourbu, couvert d’hématomes, le dos lardé de marques sanguinolentes. De nombreux esclaves mourraient, aussitôt remplacés par de pauvres Amaknéens capturés sur le continent. La faim les tenaillait également, et Kostia perçut quelques regards avides en direction des cadavres. Leur seule nourriture était du pain rassis jeté par les pirates, qui s'esclaffaient en regardant les esclaves se battre pour récupérer la nourriture. Ce jour-là, Kostia, perdit le contrôle, et s’attaqua aux pirates en les voyant achever un Ecaflip à terre. Il fut très vite maîtrisé, et le pirate responsable du pompage s’avança.

« Ahhhh, j’ai entendu parler de toi. Une forte tête, il parait. En principe, je devrais te faire exécuter, mais j’ai un autre plan pour toi, lui dit-il avec un regard mauvais. Tu vas souffrir. Au fouet ! Et qu’on l’accroche sur le dos ! »

Une foule de gardes sautèrent sur Kostia, et parvinrent finalement à l’immobiliser contre un pan de la roche ; puis lui attachèrent les poignets et les chevilles. Ainsi étendu, Kostia était aussi vulnérable qu’une tortue retournée sur sa carapace. Le chef parada devant lui, le toisant en ricanant de son impuissance. Puis il arrache le fouet des mains du gardien, et se met à fouetter. Une fois. Un couteau. On dirait un couteau, chauffé à blanc, qui s’enfonce sans résistance dans la chair tendre. Les nerfs s’excitent, et la douleur devient insurmontable à la fur-et-à mesure des coups, qui laissent des creux sanguinolents dans la chair. Kostia n’a rien pour mordre, mais il ne crie pas, il doit garder sa fierté. Sa quoi ? Quelle valeur a la fierté, ici ? Jusqu’à quel point un homme doit-il se laisser dominer pour survivre ? Après quelques dizaines de coups, le Roublard s’évanouit.

- Mettez-le à la pompe la plus dure, seul, ça devrait le calmer.

Après avoir jeté un regard méprisant à l’assemblée silencieuse, le pirate se retira. Aussitôt, les activités reprirent, les fouets recommencèrent à claquer, la douleur se répandit dans les même, et l’enfer recommence.
Kostia se réveille. Il est allongé sur le ventre, la douleur est insupportable. Lentement, il s’accroupit, perclus de douleur. Ses vêtements ne ressemblent plus qu’à des loques, et son torse ne semble plus constitué que de sang séché. La douleur est telle qu’on dirait qu’on lui a arraché la peau.

- Ah, le Roublard se réveille ! Au travail !

Le Roublard se relève finalement en s’appuyant sur la pompe, cet objet devenu le symbole de l’enfer. Puis il se met à pomper. La pompe ne semble pas huilée, elle est sûrement rouillée. Après un coup de fouet, Kostia se met au travail. Ses plaies se rouvrent, et il se met à saigner. L’air et la sueur salés lui brûlent la peau. Sa haine ne fait que s’attiser. Le pirate ne semble s’attarder que sur lui. C’est cette haine qui lui donne la force de pomper. La vengeance se profile dans son esprit, celle qui sera la plus douloureuse, jusqu’à ce que le pirate le supplie. Là, le véritable calvaire de ce dernier commencera.

L’heure de la pause, qui n’en a que le nom. Ces quelques dizaines de minutes permettent de panser ses blessures, mais sûrement pas de se reposer ; sauf certains, pour qui ce sera leur dernière sieste. Un groupe de prisonniers, dont Shad, Taro, et l’espion Brakmarien, est en train de discuter. Kostia, un peu à l’écart, les écoutes, et la discussion s’envenime, jusqu’à ce que Taro s’exclame en voyant le reflet de la Lune. Après quelques mots, tout le monde s’excite, certains approuvant, d’autres le contraire. Pas le temps de réfléchir, la pause est terminée. Le plan aussi. Encore quelques minutes, et ils pourront peut-être fuir. En cas d’échec, c’est la mort. D’un coup, tout le monde s’immobilisa. Un disciple d’Iop nommé Telyo avait arrêté de pomper. Tout le monde savait ce que cela signifiait. Qui s’arrête meurt. Mais il semblait sûr de son choix. Jusqu’au bout, dans un silence de mort, il se tint droit, et, en guise de dernier affront, il cracha dans l’œil du pirate, qui, le couteau à la main, allait le poignarder. Telyo hurla lorsque le couteau s’enfonça dans son bras, répondant quantité de sang autour de lui. La douleur était perceptible dans son cri, et certains furent pris d’un frisson. Ce son est toujours horrible à entendre, même après plusieurs jours passés dans les pires conditions. La suite se passa en quelques secondes. La porte en bois se détacha de ses gonds, et un flot de femmes entra dans la salle, détruisant tout, tel un maelström de chair. Un trousseau de clef vola, et Taro l’attrapa au vol, avant de détacher tous ceux à sa portée. La porte, la porte était la seule issue. Jusqu’au moment où le Chouque apparaît dans l’embrasure. L’espion Brakmarien se jette sur lui, et avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, il est traversé d’une balle, et s’effondre à terre. Instinctivement, Taro jette Alonara dans le puits, puis plonge à sa suite. Shad’, comprenant le manœuvre, les suit, accompagné de l’Osamodas, ami de Taro. Telyo gît au sol, un couteau planté dans les côtes. Il est en mauvais état, et va mourir dans quelques minutes si rien n’est fait. A côté de lui, se tient le pirate, qui poignarde quiconque passe trop près de lui. Le sang de Kostia ne fait qu’un tour. Il se précipite vers la merde ambulante, le déchet, et lui saute dessus. Tous deux s’écroulent, et roulent à terre ; puis Kostia prend le dessus, et se met à frapper. Frapper, encore et encore sur le crâne du pirate. On entend un craquement, parmi le capharnaüm qui règne, puis deux, et le crâne finit par céder, libéra la matière rosâtre qu’il contenait. Kostia, haletant, ramasse Telyo, le met sur son épaule gauche, et s’élance vers le puits. Il saute dans la bouche béante, éclairée d’une faible lueur bleutée. Dans sa main droite, un petit objet. Un détonateur. Les autres esclaves n’ont aucune chance de s’en sortir, ils sont là depuis trop longtemps. Autant que leur mort serve à quelque chose. Sa décision est prise. Le pouce presse l’amorce, juste avant que son corps ne touche la surface de l’eau. La salle entière explose, rase tout ce qui dépasse du sol. Le puits se bouche, tandis que les deux corps percutent l’eau froide. Le sel s’infiltre dans les plaies, et leur rappelle qu’ils ne sont pas sauvés. Le feu. On dirait que son corps prend feu, chaque parcelle à vif de son corps bouillonne. Il faut faire vite, avant que la douleur ne les engloutisse. Loin au fond, un Zaap renvoie sa lueur bleutée. L’architecture Eliatrope parait ancienne, très ancienne, et quelques pierres de l’arcade se sont détachées. Taro, agrippant Aloanara, est le premier à le franchir, aussitôt suivi de Shad, puis de L’Osamodas. Encore quelques dizaines de mètres, et Kostia l’atteindra lui aussi. Le corps de Telyo pèse lourd sur ses épaules, et lui permet de descendre plus vite jusqu’au Zaap, qu’il franchit au bout de quelques secondes. Le halo bleu les enveloppe, puis finit par les absorber.
L’air frais s’engouffre dans ses poumons. Pantelant, Kostia atterrit sur une surface dure et plane, puis s’écroule avec son fardeau, sanguinolent.
Shad’O reprenait son souffle. Il n’avait jamais supporté l’eau. Et ce bain forcé dans un liquide glacé avec ses plaies ouvertes avait été un vrai calvaire. Heureusement il y avait eu ce zaap qui était apparu au milieu de nulle part, et avait été leur salut.

Autour de lui tout le monde reprenait ses esprits. Alonara était assise les bras autour des genoux et la tête enfouie entre ses jambes.Les cheveux trempés, elle sanglotait. Elle semblait avoir traversé des heures toutes aussi éprouvantes que les hommes du groupe.

Taro et l’osa, Keylan, s’occupait du Iop rebelle. Telyo était si mal en point qu’il avait du mal à respirer. Les premiers soins du pêcheur de Sufokia, l’aidèrent à se remettre peu à peu de ses blessures.

Kostia avait encore une fois sauvé la situation grâce à ses bombes, il les avait sauvés mais dans le même temps il avait condamné une cinquantaine d’innocents. Les pirates seraient sûrement ralentit dans leur conquête de … de quoi d’ailleurs ?

L’Ecaflip Brakmarien reprenait ses réflexes de soldat. Il examinait les alentours. Ils avaient atterrit dans une sorte de grotte. Elle n’était pas si différente de la salle de pompage. Mais la nature était encore présente,sauvage, humide. Seule la lueur bleutée du zaap éclairait le lieu. Il allait falloir trouver une issue. Shad’O avait l’impression que l’endroit qu’il arpentait avait été oublié du monde depuis des siècles. Aucune sortie apparente, la caverne était ronde et les parois n’avaient aucune anfractuosité. Mais ce n’était pas son seul souci. Il n’avait plus ses armes. Les pirates les avaient détroussés il y a un moment, et la fuite précipitée ne lui avait pas permis de trouver de quoi remplacer ses épées courtes.

En retournant vers ses compagnons il s’aperçut qu’il avait toujours ses chaînes à un pied. Il essaya de les enlever tant bien que mal,mais il s’abîmait les griffes sans y arriver.

Alonara, le voyant faire, s’approcha de lui et l’aida à déverrouiller ses chaînes grâce à une épingle à cheveux. Elle en profita pour chuchoter quelques mots à l’Ecaflip.

« Où sommes-nous ? je n’ai jamais vu ou lu quelque chose sur un zaap aussi vieux.

- Je ne sais pas… il faut que l’on reste soudé, ne pas se disperser et trouver une solution ensemble.

- Je suis d’accord… j’ai l’impression que nous sommes dans un autre monde… c’est inquiétant et excitant »

Le visage de Shad’O se crispa dans un sourire. Il avait parcouru pas mal de chemin avec ses trois compagnons. La fraîcheur et la culture d’Alonara les avaient fait avancer. Le sang froid de Kostia les avait sauvés deux fois. Le courage et l’improvisation de Taro avaient été primordiaux dans la fuite du repaire du Chouque. Et lui qu’avait-il apporté ? Pas grand-chose, pour le moment. Pourtant il était le vétéran et un soldat. Il devait se ressaisir. Il enroula la chaîne autour de son bras, elle serait toujours utile, comme arme ou autre, et se dirigea vers le reste du groupe. Le iop était sur pied, mais ne semblait pas en mesure de marcher longtemps.

« Tu te nommes Telyo, c’est ça ?

- Oui. Telyo, soldat au service de la cité blanche. J’ai combattu non loin de toi lors du soulèvement Bwork. Sacrée bataille. »

Shad’O se crispa. Un soldat Bontarien, il ne manquait plus que ça…

« Du calme détends-toi. Vu notre situation on ne va pas s’étriper ici. Et puis ne t’inquiètes pas je ne suis que seconde classe, donc hiérarchiquement sous tes ordres. Et je les suivrais vu mon état actuel.

- On ne se donne pas d’ordre ici, on travaille en équipe. Comment t’es tu retrouvé ici ?

- C’est ton copain le roublard qui m’a fait sauté dans un trou…

- Dans le repaire du Chouque, le coupa net Shad’Oqui goûtait peu à la plaisanterie.

- Oh ! un peu d’humour ne fait pas de mal. J’étais en mission. Y’a pas mal de bateaux qui disparaissent en ce moment et ça ne plaît pas beaucoup à mes chefs. Je me suis embarqué sur le rafio de Keylan. On s’est fait chopé… et la suite doit ressembler à la vôtre.

- Ok. Il va falloir qu’on avance ensemble. J’espère que tes blessures ne sont pas trop graves.

- Ca devrait aller avec le temps. Le capitaine à fait du bon boulot. »

Shad’O chercha ses compagnons du regard. Kostia discutait avec Keylan justement. Alonara avait raconté son histoire et l’acte héroïque du petit singe avait redonné le sourire au Roublard. Taro lui essayait de faire sécher ses affaires. Ils n’avaient aucun moyen de se réchauffer convenablement. Tout d’un coup Alonara poussa un cri :

« Venez voir là ! »

Tous se dirigèrent vers la paroi qu’observait le jeune Fécatte.

« Il y a un dessin. Une sorte de kralamoure et là un message dans une langue inconnue…

- Tu es capable de la déchiffrer ? demanda Taro à la jeune femme.

- Peut-être mais il me faut du temps et plus de lumière… je n’ai plus mes livres.

- On va te trouver ça ! répondit Shad’O. A être ici autant découvrir où nous sommes. Si le Chouque voulait absolument arriver ici il y a une raison. Bonta et Brakmar seront sûrement content de la connaitre. Pour les autres désolé mais on est tous dans la même galère, et il nous faut de toute façon trouver la sortie. »

Kostia, Taro, Telyo et Keylan approuvèrent en silence. Ils n’avaient pas d’autre choix. La capacité de la Fécatte à traduire l’inscription était leur seul espoir.

Dernière modification par Hapero ; 29/05/2012 à 09h50.
Je suis toute seule. Seule dans la caverne. D'un coup, les parois explosent. Un torrent de flamme fond sur nous, on me tire sous l'eau, de l'air, je ne veux pas. Je suis entourée de femmes, le Chouque me tient par le coup. Je regarde avec horreur la femme qui git par terre. Ce filet qui se déploie, les pirates jaillissent par milliers. Le Moon.

Tout se mélange dans ma tête. Je me souviens de tout ces moments de notre aventure dans un flot de pensées désordonnées, le cœur battant. J'ai toujours été seule dans ma vie, mais le fait de voir en si peu de temps la mort, la torture, le viol et la haine a définitivement fait quitter à mon esprit Bonta la Blanche. Je ne veux plus être seule livrée à moi-même. Plus jamais. Et c'est pourquoi mon angoisse a jailli d'un coup en voyant mes amis m'abandonner pour apporter de la lumière.

Je me force à me calmer, à faire le point dans ma tête. Tout va bien, nous ne sommes plus en danger physique, juste en manque de vivres et coincés dans une caverne sans issue, avec une arche de lumière bleue en son centre. Lieu de magie immense, qui n'a jamais été foulé comme en témoignent les glyphes de protection insouillés. Ces petits cercles ocres placés tout autour de la grotte se transformerait en glyphe de mort si nous faisions usage de magie. Cette forme de protection, créée par des mages anciens, avaient empêchés Rushu de conquérir le monde. Ce dernier, croyant sa magie plus forte que celle des gardiens de savoir, avait appelé à lui toute sa puissance. Les glyphes avaient tenu bon, et envoyé le diable dans une autre dimension. La confrérie avait ensuite disparu.

Et dans cette grotte, perdue dans un monde nouveau sous la mer, la magie ancienne était toujours à l'œuvre, intacte et puissante comme à l'aube des temps.

Je n'avais jamais fait le rapprochement, entre ces mages des légendes anciennes, et cet ouvrage dont je pourchassais à ce jour l'antique chimère. Le savoir perdu dans les deux cas était présent. Nous touchions au but.

- Heho?

Je sursautais. Telyo me tendait une torche, je le regardais d'un air qui, à la réflexion, devait être vide et hagard. Le temps que je reprenne mes esprits, le groupe était arrivé. Le texte, c'est vrai. Je devais traduire le texte.
- Il me faudra sans doute pas mal de temps, je ne connais que peu cette langue, c'est celle de l'ouvrage sur la cité perdue. Et merci, Telyo, pour la torche.
- Tu as besoin de quelque chose d'au...
- Ecoute, on va s'éloigner et la laisser travailler d'accord? Si elle a besoin de quelque chose elle nous le dira.
- Ça va, je demandais juste...

La rivalité entre Bonta et Brakmar faisait rage entre les deux combattants, qui par de petites réflexions ironiques discréditaient la ville adverse, spectacle qui n'était pas sans rappeler les joutes verbales des élections municipales de Bonta, pleines de mauvaise foi et de cynisme.
Taro et Kelyan parlaient en souriant, heureux d'être vivant et surtout de s'être retrouvé. Kostia jouait avec Arma, et les deux compères étaient plus complices que jamais depuis que j'avais raconté au Roublard l'héroïsme et le sauvetage de la boule de poil.

Voyant que Telyo me regardait, je me mis au travail, un livre ouvert et une feuille devant moi. Il y avait quatre phrases, écrites très simplement, je m'étonnais de ce texte si court. Écrivant sur ma feuille, j'eu tôt fait de transcrire l'inscription. Toute fière, je m'apprêtais à appeler le groupe lorsque, relisant mon carnet, je m'aperçu que ce texte ne servait strictement à rien.

Les mots n'ont aucun sens,
En tout cas il me semble,
Mes phrases n'ont pas d'essence,
Tous mes vers se ressemblent.


Ça valait le coup de demander une torche pour traduire un texte qui expliquait qu'il ne voulait rien dire. Dépitée, je cherchais sur les parois extérieures d'autres inscriptions, en vain. Le seul indice se résumait à ça.

Je marchait au centre de la grotte et je leur demandais de venir. Pressés, ils vinrent, le regard plein d'espoir, et en voyant mon visage déçu, ils demandèrent la transcription. Je la leur montrais. Nous fîmes cercles, réfléchissant. Shad se racla la gorge, tout les regards se tournèrent vers lui à toute vitesse guettant une solution, la scène eut pu être comique si la situation n'avait pas été si rageante. Finalement, l'Ecaflip demanda:
- Alona, c'est la traduction mot à mot ça ?
Étonnée, je répondis que oui.
- Elle est où cette inscription?
Irritée, je répondis.
- De quoi, tu me fais même plus confiance? Elle est la-bas. Il se passe quoi?
Un silence s'ensuivit. Shad me fixait du regard. Après un moment qui parut long, trop long, il murmura:
- Il se passe qu'il y a des rimes.

Interloquée, je le regardais avec des yeux ronds. Je ne comprenais pas, Telyo et Kostia non plus. Taro, me fixant, expliqua.
- Quand on traduit un poème d'une autre langue, la traduction ne comporte pas de rimes...
Je ne savais que dire. Hébétée, je les regardais se diriger vers l'inscription en langue runique. Sous le feu de la torche, ils observèrent le poème, et se retournèrent.
- Alona? C'est pas de la langue ancienne, ça ! C'est notre langue... Alona? Alona !

Du centre de la caverne, je contemplais la minuscule inscription, la distinguant parfaitement en lettre de feu. Elle était trop loin, et je la voyais comme si elle était proche. Je levais les yeux, et tombais à genoux. Des inscriptions partout sur le dôme brillaient en lettre d'or. Les autres ne les voyaient pas, et couraient vers moi, affolés. Je tombait les bras en croix. Je voyais des mots de toute part, des inscriptions sur le Savoir, Rushu, les Glyphes, les gardiens... Je devenais folle comme le poème le disait, je ne le comprenais que maintenant. Je sombrait. Juste avant de partir, j'entendis loin, très loin Shad hurler un mot. Contrecoup. Un sort. Les glyphes de protection s'activèrent, et sur mes lèvres mourut un faible avertissement. Mes yeux se fermèrent, sur la phrase "Magie est Puissance", écrite sur le sommet du dôme.
- Alona? C'est pas de la langue ancienne, ça ! C'est notre langue... Alona? Alona !

La Fecatte nous fixait avec des yeux démoniaques, comme fous. Elle tomba à genoux, nous nous précipitâmes pour lui venir en aide. Elle regardait le plafond avec un regard d'étonnement, et de crainte immense, qui m'arracha un frisson. Nous étions presque parvenus à elle lorsque elle chuta les bras en croix. Ses pupilles devinrent vitreuses et ses paupières se refermèrent, et une force inconnu emporta sa conscience. Ne sachant que faire, Shad hurla Contrecoup, tachant de sauver Alona, qui entrouvrit la bouche comme pour protester, et nous quitta totalement.

Les cercles ocres auquel nous n'avions accordé jusqu'ici aucune attention se mirent à scintiller, et un roulement déchira le silence déjà assourdissant. L'air de la grotte sembla se consumer, et les glyphes explosèrent, libérant un souffle Armaguedonnien qui nous propulsa au sol. Des blocs de granit s'abattirent sur la terre, tout n'était que décombres. Rassemblés dans un tas informe, nous hurlions, me semblait-il. Je protégeais Alona de mon corps, avec une stupidité qui, je m'en ferais plus tard la réflexion, aurait pu me couter la vie. Si un seul de ces rochers de plusieurs centaines de kilos venaient à me tomber dessus, que je protège Alona ou non, la fecatte aurait sans doute eu un moins beau visage.

Regroupés sous l'arche bleutée, nous attendions la fin du déluge, ne sachant pas si nous étions morts, vivants, seuls, plusieurs, hurlant ou priant. La terre s'écroule autour de nos corps, les Dieux du Monde des Douzes sur nous se déchaînent pour des raisons inconnues.

Au bout d'un long moment, le feu céleste cessa. Je n'avais pas mal, je serrais Alona contre moi, et observais mes amis. Kostia était agrippé à ses parties utiles, Telyo était prostré contre un pilier de l'arche, et Shad avait un visage qui devait ressembler au mien, halluciné. Telyo et Kostia ouvrirent les yeux. Le premier, le Roublard se leva, s'épousseta, et poussa un immense soupir de soulagement. Personne n'avait compris ce qui s'était passé, mais nous étions vivant et, semblait-il, libres, car la tempête avait ouvert une brèche dans la caverne. Telyo et Shad, encore passablement secoués, escaladèrent un rocher énorme, et vinrent se placer au centre de la pièce dévastée, pour contempler les parois dévastées. Seul le zaap avait tenu bon.

Prenant Alona qui respirait doucement sur mes épaules, je rejoins mes amis, heureux d'être de nouveau en parfaite maitrise de notre destin. Nous étions vivant, sain et sauf, et un long tunnel s'offrait à nous.

Shad me demanda de poser Alona sur une pierre, afin que nous puissions la laisser revenir à elle. Sa respiration prit un rythme normal, elle remua, ouvrit les yeux et nous sourit. J'éclatais de rire, soulagé. Elle se releva, l'air de rien, et voyant nos airs inquisiteurs, elle nous expliqua la raison des derniers événements.

Il y a longtemps de cela, des mages puissants avaient créé cette forme de protection, pour empêcher Rushu de conquérir le monde. Ces glyphes étaient des résidus de magie qui tuait toutes les personnes faisant usage de pouvoirs maléfiques. Les mages les avaient placé ici pour tester les intentions des aventuriers qui arriveraient ici. Ils avaient mis un texte sur la paroi. Seul un érudit pouvait le transcrire. C'était la première épreuve. Puis, le texte traduit, l'érudit sombrerait dans la mort. Seul pouvait le sauver la puissante magie, une magie du bien. Si le groupe avaient été composé de démons, sans nul doute qu'ils n'auraient pas pris le risques de sauver l'un des leurs. C'était la deuxième épreuve. En utilisant la magie blanche, les glyphes avaient ouvert la sortie, ayant jugé purs les guerriers.

Par contre, une chose n'était pas normal. Les glyphes n'avaient pas de raisons de tenter de tuer les aventuriers avec ce déluge de pierres. C'était une action qui venait de quelque chose d'autre, quelque chose qui tira un frisson à Alona en nous l'expliquant. C'était les Dieux des Douzes qui avaient tenté de tuer ces aventuriers qui étaient allés trop loin. Rappelons-nous de la légende... Un peuple sage, de science et de technologie, devint trop omniscient pour les Dieux. Ils prirent peur et engloutirent ce peuple et sa ville. Et maintenant, un groupe de guerriers bravaient les épreuves, et passaient par le seul chemin que les Dieux n'avaient pas pu détruire, ce chemin protégé par les mages qui avaient un pouvoir supérieur aux Dieux. La civilisation perdue était en passe d'être découverte, le groupe aurait du mourir mais les glyphes des mages les avaient protégé.

Une guerre ancestrale allait revoir le jour. Une guerre entre des mages sages et savants, incroyablement puissants, et des Dieux jaloux et en colère. Entre les deux, un groupe d'aventurier bravait les épreuves, et traçait son chemin.

Et il se fichait bien des menaces divines.
Shad’O avait déjà vu pas mal de choses dans sa vie… mais cette histoire de magie ancestrale de dieux, de peuple oublié et toute autre caverne le dépassait totalement.
L’écaflip essayait d’analyser la situation. L’effondrement de la caverne avait libéré un passage, il en avait pour preuve l’air frais qui arrivé à son visage. Il y avait une drôle d’odeur dans l’air… elle lui rappelait l’odeur du vieux mendiant dans la taverne de Sufokia.
Il allait falloir déblayer les gravas pour réussir à atteindre la fracture dans la paroi.
Shad’O, Telyo, Taro et Kostia se mirent au travail. Alonara était encore un peu secoué par la magie qui l’avait traversée, Kelyan l’aidant à avancer vers la possible sortie.
Petit à petit ils s’éloignèrent du zaap, un véritable couloir était apparu. Humide et frais, il était parfaitement cylindrique, d’un diamètre suffisant pour qu’un homme de haute taille puisse se tenir debout sans aucune gêne.
Shad’O se remémorait le discours du vieil énutrof
« Devenez une équipe et vos talents ouvriront les portes de tous vos rêves. »
Ce pauvre fou avait raison, ils avaient ouvert une porte, pas forcément avec talent mais au moins ils étaient encore tous en vie…

« Le couloir débouche bientôt, dit Taro »
Ses yeux de crâ étaient bien plus performants à longue distance que ceux de l’écaflip. Mais bientôt Shad l’aperçut lui aussi une sorte de lueur bleutée. Elle n’était pas aussi turquoise que le bleu d’un zaap, c’était plutôt un bleu profond, sombre et calme.

Sous leurs pieds les compagnons sentirent un changement, ce n’était plus de la roche saillante mais un sable doux et fin. Ils avaient débouché sous une grande géode en verre, sorte de serre du Royalmouth sous marine. Ils voyaient les poissons nager de l’autre côté. D’étrange machine étaient disposées dans l’immense sphère. Ils étaient dans un aquarium, mais inversé.
La salle semblaient être dédiée à une culture d’algue, l’odeur était forte et désagréable. Rien n’était familier pour les six aventuriers.

« On est au fond de l’océan… commença à dire Taro, comment est ce possible ?
- Le livre parlait d’un peuple engloutit… il était peut être sous marin. La traduction n’est peut être pas parfaite », répondit Alonara qui puisait au fond de sa mémoire tous les souvenirs pouvant l’aider à éclaircir la situation. « Si un peuple sous marin a développer de telles techniques de survie, les dieux ont eu peur et ont condamné le seul zaap permettant d’y accéder….
- Et nous venons de ré-ouvrir la brèche., déplora Kelyan.
- Le chouque semblait également vouloir le faire coupa sèchement Shad’O. Arrêtons de faire des hypothèses. Tout semble entretenu autour de nous, il doit y avoir quelqu’un de vivant.
- En tout cas ça pue » dit Kostia.

Shad’O se sentit fatigué, il n’avait pas la force nécessaire pour canaliser un groupe dans un lieu inconnu de tout le monde. Il se tourna vers Telyo.
« Et toi que penses tu de tout ça ?
- Pas grand-chose à part que la machine en bois juste derrière toi, semble nous observer et bouger… »

L’écaflip ne pu réagir suffisamment rapidement la « tourelle » derrière lui le propulsa dans les airs, lui coupant le souffle. Il atterrit plusieurs mètres plus loin non sans avoir percuté la paroi de verre.

« Quelle est donc cette magie…souffla Taro
- C’est plutôt à nous de vous poser des questions, coupa une voix inconnue.

Deux hommes habillés bizarrement et armés de sorte de harpons venaient d’apparaitre à l’autre bout de la géode. Leurs visages étaient fins et d’une grande pâleur. Etaient-ils amis ou ennemis…Kostia s’avança d’un pas vers eux…
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