[Histoire] Les choix d'une vie. (chap.I]
L’aube se levait dans la resplendissante cité de Hurlevent. La rosée qui perlait sur l’herbe et les fleurs des jardins inférieurs du donjon diffusaient un doux parfum. Dans une pièce où toutes les parois étaient recouvertes d’innombrables ouvrages, de parchemins, de toiles d’araignées également, se tenait une petite créature ; guère plus grande qu’un Gnome, elle était drapée d’une cape verte qui la recouvrait complètement.
Assis sur un tabouret, littéralement noyé au milieu de manuscrits craquelés et de grimoires plus grands que lui, l’individu, dont seuls de petits yeux aux reflets brillants étaient visibles, marmonnait. Il cria d’une voix assez grinçante, peut-être parlait-il ainsi en fait. Un Humain, vêtu d’une robe aux armoiries de la Maison Royale, aux cheveux gris et à la barbe finement taillée se présenta.
- Oui Maître, que désirez-vous ? Il s’abstint d’ajouter "encore" de peur de se faire rabrouer.
- J’ai besoin d’accéder aux parchemins supérieurs de démonologie ainsi qu’aux ouvrages avancés d’herboristerie dont vous disposez Denrak.
- Je pensais vous les avoir tous apportés Maître…
- Hum…et ceux dans l’aile Nord du donjon ?
- Aaah … l’homme toussa…vous avez raison maître je vais de ce pas vous les chercher.
L’individu, tout en parcourant ses nombreux écrits parlait tout seul…Quiconque aurait été à ses côtés aurait été bien en difficulté pour en comprendre la moindre parole. Il ne s’agissait d’aucune langue actuelle ni assez récente de l’Alliance ni même de la Horde. Il se tut un instant :
-- Ternilar…
-- Oui mon maître, je vous écoute.
-- Je vois que tu es arrivé en la cité de Forgefer. Tu as mis le temps...
Seul dans sa pièce, éclairé d’une douzaine de larges bougies blanches, le serviteur entouré d’ouvrages poussiéreux et de longs étuis de cuir grimaçait ; lui ne jouissait pas des pouvoirs de son maître pour se rendre d’un lieu à un autre…Il n’eut pas le temps de s’apitoyer plus longtemps sur son sort que ce dernier ajouta.
-- Où en es-tu des recherches que je t’ai demandé de mener ?
-- Grâce à la lettre que vous m’avez remise pour me présenter aux autorités Naines de la cité de Forgefer j’ai eu bon accueil et accès aux ouvrages que vous vouliez que je consulte Maître. Je n’ai point encore tout parcouru mais il semblerait bien que la plante que vous recherchez ne se trouve point en ce continent.
-- Bon, cela confirme ce que je craignais. Qu’en est-il des prospecteurs que vous avez engagés ?
-- Je suis navré de dire que malgré leurs réputations et importantes compétences aucun n’a pu me communiquer quoi que ce soit de très utile.
-- Et Vaertior ?
-- Cela fait près d’une semaine que je n’ai pas eu la moindre nouvelle…La dernière fois que j’ai pu le contacter il partait pour les marécages de Zangar afin de poursuivre ses recherches. Je ne sais depuis où il se trouve.
-- Si dans deux jours vous n’avez point de nouvelles avertissez-m’en.
-- Bien mon Maître…
-- Je vous laisse poursuivre vos recherches et n’abusez point des potions d’éveil. Pas plus d’une par semaine compris ?
-- C’est entendu, il en sera ainsi Maître.
Sur son tabouret l’individu à la cape verte était plongé dans ses pensées lorsque Denrak de la Maison Royale reparut.
- Maître, vous pouvez aller consulter les ouvrages et autres manuscrits de l’aile Nord du donjon dès que vous le voudrez.
- Je vous sais gré des efforts que vous faites et tiens à renouveler mes remerciements à l’intendant de la Maison Royale pour l’aide précieuse que vous nous apportez.
- Mon devoir Maître, la Maison que vous servez est la bienvenue. Ne voyant pas de réponse venir il ajouta. Puis-je prendre congés Maître ?
- Euh…oui merci Denrak. Allez donc vous reposer je ne vous ai pas épargné cette nuit.
L’homme s’inclina et s’en alla, il était effectivement épuisé. Il se demandait bien par quelle mystère cette petite créature, qui semblait à peine avoir la force de se tenir debout par elle-même, pouvait rester insensible au manque de sommeil et de nourriture. Durant ces derniers jours hormis ces fruits à l’odeur si peu agréable le petit maître n'avait rien avalé.
Une pile de livres entassés dans le petit escalier faillit le faire descendre plus vite que prévu et le tira de ses pensées. Toujours dans ses parchemins l'inconnu sourit en entendant le juron de Denrak dans l'escalier en contrebas. Cela étant, ainsi caché sous son épaisse cape verte, hormis cette singulière lueur au niveau de ses yeux, rien ne paraissait de sa petite personne.
Les recherches de Ternilar n’étaient guère concluantes. Peut-être celles d’Akmaen le seraient-elles plus songeait-il. Les jours à venir le diraient. Il sorti de sa manche une petite pierre qu'il déposa sur la table. Elle était noire avec quelques veines grises, presque ronde. Il avança sa main droite, cachée dans sa manche, au-dessus d'elle. Elle trembla comme si de faibles vibrations agissaient sur la table puis s'éleva dans les airs. Les veines passèrent du gris au blanc puis à l'orangé avant que de devenir d'un rouge plus vif que celui des braises des gouffres d' Aetjan.
L'air autour du singulier objet devint flou, altéré par la chaleur qui s'en dégageait. L'inconnu retira sa manche juste avant que l'étrange pierre ne s'enflamme et ne devienne une petite sphère rougeoyante. Elle tournait très lentement sur elle-même, animée de minuscules mouvements en son centre. La lueur des yeux dans la noirceur de la cape était désormais orangée mais qui aurait pu dire si cela était dû au reflet de cette étonnante sphère de feu.
Le petit maître était plongé dans ses pensées où bien des choses, des questions et des visions se mêlaient. D'immenses plaines balayées par des vents brûlants où se tenaient des bataillons entiers de troupes avec les étendards et couleurs de l'Alliance. Où en étaient les maîtres Gnomes avec les pièces commandées ? se demanda t-il. D'ici peu l'artefact serait assemblé et sans lui aucune chance de tenir les objectifs fixés…
-- Pjon Torsk ?
-- Oui Kwelsh je t'écoute….Aie!
-- Attention à tes outils ou bien tu devras te confectionner des doigts d'acier d'ici peu….trêve de politesse, où en est ma commande ?
-- Arg….c'est que…
-- Hum….ne t'ais-je pas assez grassement payé pour cette babiole que je t'ai commandée ?
-- Hu hu, que si et je remercie les Anciens que la Maison que tu sers soi si fortunée…
-- Alors ?
-- C'est que….je n'ai pas achevée la boîte de transport….
-- Comment cela ?
-- J'hésitais entre du cuir de chevaucheur du néant avec des visseries dorées ou de la peau de sanglier infernal avec des clous de gangrefer….qu'en dis-tu ?
-- Que tu es vraiment un vaurien de Gnome….Mon serviteur viendra le chercher dès demain.
-- Hum…lequel…tu te doutes que je ne puis envisager de donner cette commande à n'importe qui.
-- J'espère bien sinon je me déplace en personne ranger ton atelier à ma manière….
-- Hum…pas la peine, la dernière fois que nous nous sommes vus….diantre c'était il y a si longtemps…
-- Ne perdons pas notre temps, c'est le lieutenant Dirnael qui viendra chercher la commande, elle porte une de mes amulettes de protection.
-- Bien, le nom ne me dis rien mais je reconnaîtrai l'amulette et te contacterai à son arrivée.
-- N'ai aucun doute elle sera accompagnée d'une section entière de gardiens de notre Maison. Elle te paiera le restant du prix convenu.
-- Hu hu j'ai hâte de rencontrer des représentants de ta Maison, c'est toujours un plaisir de travailler pour toi.
-- Je suis également satisfait de tes services. Autant que la fortune dilapidée ne serve pas de mauvaises fins. Quoi que la façon dont tu dépenses ton or aurait de quoi laisser perplexe bien des intendants mais bon…je te laisse vieux filou.
-- Hu hu, c'est toi qui me dit vieux. Venant de toi c'est amusant, prends soin de toi mon ami.
Une bonne nouvelle se dit-il en regardant la sphère de feu qui flottait devant lui devenir grise. La teinte vira au bleu puis la bulle devint une gouttelette d'eau cristalline. Elle ondulait doucement en dessinant un cercle.
-- Lieutenant Dirnael.
-- Oui Maître, je vous écoute.
-- L'objet est prêt, que votre section de gardiens s'apprête à partir. Allez voir le commandant Kurjark et demandez-lui d'envoyer le groupe du sergent Raylend en éclaireur aux abords de l'objectif dès ce soir.
-- Bien Maître, je donne mes ordres de suite. Tout sera fait comme vous me l'avez expliqué.
-- J'ai toute confiance en vous. Vous êtes sans doute la plus douée des jeunes officiers de notre Maison. Prenez garde à vous et n'oubliez pas la dernière consigne, j'insiste.
-- C'est que l'idée….
-- C'est un ordre lieutenant, je suis clair ?
-- Oui Maître.
Il devina la moue sur le visage de la jeune femme mais la valeur de l'objet à transporter était telle que les vies d'une section entière de gardiens ne comptaient hélas pas dans de tels calculs.
Il ne s'attarda pas sur ces considérations et continua de faire le point de toutes les choses importantes du moment. Il fixait la fine et belle goutte d'eau flotter devant lui, l'eau de la vie…Il compta rapidement, il lui restait à peine deux lunes avant que l'enfant ne naisse et tous les éléments n'étaient point réunis. Il se perdit dans de longs calculs mais les résultats convergeaient tous vers la même issue.
Et cette dernière n'était pas pour lui plaire. Si l'enfant n'avait pas eu pour père le Seigneur même de leur Maison, tout aurait été bien plus simple. Si cet enfant n'était pas si particulier non plus cela aurait été bien moins compliqué…
Il savait pertinemment qu'il pouvait retourner la question dans tous les sens, ses objectifs étaient tous étroitement liés. Il admira un instant la goutte qui suivait sa course devant lui et continua à dévorer les manuscrits et grimoires qui l’entouraient.
[...]
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