[Culture] Livre : ce n'est pas du tout du Star Trek mais ...

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J'ai longtemps hésité à faire ce message parce que son rapport avec l'univers de Star Trek est si indirect qu'on pourrait s'en demander l'intérêt.

Pourtant il s'agit d'un coup de coeur particulier pour son auteur et pour ce livre que je me suis empressé d'acheter à sa publication, de dévorer et de garder en mémoire comme une marque indélébile de notre condition de Fan, ou pire, de Geek. Je voulais faire partager celui-ci avec cette section, le rapport avec Star Trek pourra vous paraître évident au bout d'un moment (j'en discuterais plus loin), j'espère vous donner envie de le découvrir si vous ne le connaissiez pas encore.

Il est parmi nous de Norman Spinrad.

Que nous donne un résumé rapide de ce joli pavé ? Ce n'est pas guère épais, mais pas d'inquiétude, pour peu que la lecture d'un livre sans images (cochonnes ?) ne vous effraie pas, vous devriez en arriver à bout très rapidement, et peut être même l'apprécier.
Bref, tout commence par un agent de comiques, Jimmy Balaban qui découvre dans un hôtel perdu un nouveau "talent", Ralf. Ce curieux personnage prétend simplement venir du futur, envoyé par erreur à notre époque alors qu'il devait faire un spectacle à Woodstock. Son humour grinçant ne fait rire personne et ses blagues sont moins drôles qu'un discours du Komintern. Pourtant Jimmy Balaban soupçonne un potentiel qui pourrait refaire sa fortune. Il va engager un écrivain de Science Fiction qui fait des scénarios de dessins animés pour arrondir ses fin de mois et une coach d'acteurs tellement New Age que Brian Eno aurait l'impression d'être un Golden Boy des années 80 en discutant avec elle (je suis désolé pour les références si elles vous paraissent occultes, je fais ce que je peux avec les miennes).
Finalement Ralf va se retrouver propulser comme présentateur comique d'un show TV comme il en existe tant d'autres. Les choses vont se passer aussi mal qu'on pouvait l'espérer (pour le bien de l'intrigue, une success story ça lasse vite), et notre auteur de SF va faire appel à une ressource assez spéciale pour sauver le spectacle, le Fandom des conventions. Comprenez, un public qui hantent les conventions SF dont on ne sait pas trop en lisant leur description s'il faut en rire, en pleurer, ou trembler d'effroi si on se retrouve par certains moment.

Je ne vais pas en dévoiler plus, même si on peut se douter assez rapidement du but de certains ressorts du livre, il vaut mieux se laisser guider par le verbe irremplaçable de Norman Spinrad. A ce stade il faut bien évoquer ce merveilleux bonhomme, venu vivre en France dans les années 70 parce que son discours était jugé un peu trop anti-américain. Il fut une des fondateurs du renouvellement de la SF aux Etats-Unis après son Age d'Or (Heinlein, Asimov, Clarke, ...), en déplaçant le sujet vers un avenir beaucoup moins optimiste, critiquant ouvertement les dérives possibles de notre société moderne. Il eut droit à son prix Hugo avec le magnifique Jack Barron et l'éternité, où on retrouve déjà son intérêt sur l'influence des médias. Il a osé faire un livre, Rêve de fer dans lequel il imagine un livre SF écrit dans les années 40 par un auteur peu connu ... Adolf Hitler, pour souligner les risques dans lesquels peut s'embourber la Fantasy et son très rentable commerce. On pourrait cité Les années fléaux, préfigurant les années SIDA, Le printemps russe, annonçant la fin des utopies communistes, et bien d'autres choses encore. Attention, je ne voudrais pas le faire passer pour un visionnaire, une sorte de Nostradamus moderne (si on en croit les gravures de ce dernier il n'en a pas la carrure), mais d'un auteur au regard acéré, aimant, et désabusé sur ses contemporains "civilisés". Sa plume à la fois mordante drôle et dynamique fait mouche très facilement. Il fut l'ami de Dick et Harlan Ellison, dont le style les rend aussi proches. Enfin on lui doit la paternité du terme Neuromantique, qui fera référence pour définir les auteurs Cyberpunk. Spinrad est un Nom dans la SF, qui rappelle à la fois le passé et le futur de ce genre, un des derniers survivants d'une époque glorieuse.

Après cette éloge bien en deçà de mon estime pour M. Spinrad, revenons en au livre qui nous intéresse et la question que certains pourraient se poser, quel est le rapport avec Star Trek. Il y a un premier lien direct, où Dexter D. Lampkin (sorte de croisement entre un Ron Hubbard raté, alter ego de Spinrad et d'autant de ses collègues peu fortunés qu'il a pu croiser), l'auteur de SF engagé par Jimmy Ballaban, fera référence à Gene Roddenberry et ce qu'il fit dans les années 60 pour sauver la série Star Trek. Il va suggérer de faire la même chose pour sauver le show "Le monde de Ralf", avec des effets inattendus. Pendant une bonne partie du livre, la façon dont Gene Roddenberry a transformé sa série en phénomène devient la méthode pour nos producteurs de show de sauver leur produit et en tirer un bénéfice substantiel.
Mais au delà de la référence directe, écrite par quelqu'un qui a suffisamment bien connu M. Roddenberry pour donner un air de fiabilité à son propos, existe bien entendu une réflexion sur ce fameux Fandom, qui semble hanter un des héros du livre tout comme Spinrad. On comprend les sentiments ambivalent qu'il entretient avec le monde des fans, mais surtout devrait nous pousser en tant que lecteur ou téléspectateur à se demander notre responsabilité face à la construction d'un culte qui peut devenir aussi puissant que celui autour de Star Trek, qui peut dans d'autres circonstances produire autre chose, comme la scientologie, qui plane aussi comme une autre inspiration du livre. Comme pour Rêve de fer ce que pointe du doigt Norman Spinrad, c'est la capacité des fans à ses fédérer, et le risque des extrêmes où cela peut les mener.

C'est loin d'être la réflexion unique du livre, qui pose bien des éléments tout le monde de l'histoire, sur le discours écologique comme mode de communication, sur une vision toujours aussi acide de la culture californienne, et sans doute bien d'autres choses encore qui me sont peut être passées à coté.
Alors il y a certainement quelques "lenteurs" qui pourraient paraître lourdes à lire, chacun y trouvera des passages qui ne lui conviennent pas tellement parfois Spinrad veut embrasser un peu trop largement une réalité du monde moderne. Mais il y a aussi cette écriture toujours aussi maligne, qui semble anticiper ce qu'attend le lecteur à la prochaine phrase, au point de se demander comment fait-il pour jouer aussi facilement avec nos habitudes de lecteur de SF. Il y a un final un peu trop imposé, avec lequel toutefois il s'en sort assez bien en l'expédiant aussi vite que nécessaire. Aurait-il pu trouver autre chose ? Sans doute, mais le sujet sur "l'avenir du monde" est toujours un équilibre fragile entre l'optimisme béat et une vision beaucoup trop fataliste. On peut supposer qu'il a tranché aussi bien que possible pour ce livre, et on peut sûrement lui accorder des circonstances atténuantes.

Je ne vais pas épiloguer plus longuement sur le plaisir que j'ai eu à lire cette oeuvre de Spinrad, comme beaucoup d'autres. Je ne voudrais pas vous faire croire que Star Trek est un élément central du livre, c'est même le contraire. Il orbite autour de ce livre, en nous rappelant le propos cynique sur le fans de Il est parmi nous à chaque fois qu'un débat de Fans sur leur objet de culte s'enfièvre.
Je ne voudrais pas chaudement recommander ce livre à tout fan qui pourrait s'y reconnaître, mais surtout à tout amoureux d'une SF affranchie comme celle de Spinrad, ou à tous ceux curieux de découvrir un auteur qui mérite toujours autant le respect (mais pas plus hein, on ne va pas tuer un culte pour en élever un autre).

Vous m'avez lu jusqu'au bout ? C'est très courageux merci !

ps: ne vous méprenez pas sur ce sujet, je l'ai véritablement écrit spécialement pour ce forum et cette section, dont le rassemblement d'autant de fans de Star Trek m'a plus inspiré qu'un rassemblement de fans de Star Wars
Je viens de vérifier parce que je n'étais pas sûr du fait au moment où j'ai écrit, mais pour renforcer le rapport avec Star Trek, Spinrad est l'auteur du scénario d'un des épisodes (les productions américaines n'hésitaient pas à faire appel à des auteurs célèbres) de Star Trek: Doomsday Machine (je suppose qu'il fait partie de la série originale).

De plus il est venu habiter en France dans les années 80, pas 70s, je suis désolé de l'approximation
Ta présentation incite à découvrir le récit pour en savoir plus, c'est un bon point...

L'univers Star Trek étant par définition une projection de l'humanité dans le futur, on peut y retrouver beaucoup d'aspects commun avec d'autres histoires... au lecteur de se faire son propre avis là dessus...
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