Ce n'est pas convenable.

 
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"Ce n'est pas convenable"

Dans la bouche, même pâteuse et engourdie par l'hydromel, d'un chef de Clan, c'était un doux euphémisme voilé de menaces.

Quelle délicatesse, pourtant, de la part de ce viking brutal et cynique, de tourner ainsi sa phrase.

Une flopée d'insultes, de malédictions, assortis de crachats méprisants eussent mieux convenus.

Mais le patriarche Gustafson, s'il excellait à la violence, savait aussi préparer l'avenir, et quelque chose, comme le chuchotis d'un dieu, lui disait que la femme en face de lui était de celles qu'il valait mieux ménager.

Non, ce n'était pas convenable.

Il y avait des degrés dans l'acceptable et le convenable, et ceci, ne l'était pas du tout.

On pouvait toujours s'arranger avec les dieux ou sa conscience pour un viol, un meurtre, le massacre préventif des enfants d'un rival (celui qu'on vient d'assassiner avant de violer sa femme), la corruption de quelques Gothis (pour détourner les soupçons), la profanation de ..., enfin, bref!

Mais ça, ce n'était pas ...convenable.

Déranger l'ordre établi, aller à l'encontre des lois, des Dits d'Odin lui même (on trouverait bien un Gothi pour certifier qu'Odin avait bien dit ça), c'était plus qu'un crime: un crime de lèse divinité, de lèse humanité!

Le chef Ulrik Gustafson détailla sous ses lourdes paupières la Viking qui le défiait

Si elle avait été un homme il l'aurait giflée à toute volée, mais frapper une femme de sa race n'était pas ... convenable, et ça, Odin l'avait vraiment dit!

"Il ne manque pas de vigoureux hommes de notre clan pour te satisfaire, et même t'épouser, fille d'Ariakard, chercher dans un sang étranger les plaisirs que tu prends, c'est insultant, et te souiller avec une race d'esclaves, est ..."

Le chef finit sa phrase par une mimique de dégout fort éloquente.

La femme releva la tête et le fixa sans ciller. Jeune et belle, son crime n'en était que plus grave. Sa main gauche à laquelle manquait un index vint caresser son menton, probablement pour dissimuler un sourire.

"Tu dois cesser cette ... relation contre nature
-Et sinon? que feras tu sinon, Ulrik fils de Gustaf, si je ne cesse pas ?
-Il périra et tu seras bannie, marquée comme le sont les putains vérolées !"

il n'avait pas prévu de formuler ça ainsi mais c'était sorti tout seul.

Le sourire de la Prêtresse se fit radieux.

"Toi qui est fils d'un skald fameux, Ulrik, tu fais bien peu de cas des lois.
Crie donc, et menace tout ton soûl, tu ne pourras rien contre un Isen Einherjar
-Un...
-Oui, un Isen Einherjar, favori d'Odin, qui festoiera à son banquet et sera présent pour Ragnarok, pendant que les outres comme toi gémiront en Helheim!"

La femme s'approcha au plus près du chef de clan, ses lèvres à toucher les siennes pour lui murmurer:

"D'ailleurs, il me plairait, quand je t'aurais fait saigner tel un porc, d'avoir ton spectre comme serviteur, Ulrik fils de Gustaf."

Le patriarche resta muet tandis que la Prêtresse reculait, puis quittait la halle d'audience.

Quand elle eut franchi le seuil il lui lança

"Fais à ta guise, mais .. n'allez pas nous faire des petits !"
 

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