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J'ai trouvé ce message sur FB qui résume assez bien ma pensée et qui je pense a l'intérêt d'être respectueux des intentions de tout le monde :
A la demande d'une copine FB, j'apporte ici ma contribution au sulfureux débat concernant le second tour des élections présidentielles : faut-il ou pas voter Macron ?
J'y concède un peu à reculons, à vrai dire, tant il est vrai que je suis frappé par la violence de certains échanges ici-bas. Cette violence, qu'elle émane d'un camp ou de l'autre, est certainement la manifestation d'une peur et/ou d'une colère, et, bien sûr, il faut savoir entendre ces sentiments pour ce qu'ils sont. A mes yeux, cependant, la courtoisie prévaut et le respect de l'opinion d'autrui. Si vous n'êtes pas capable de parler sans aboyer, d'argumenter sans caricaturer, d'apostropher sans insulter, vous perdez votre temps sur mon mur, et vous perdez votre temps en général : vous ne ferez changer d'avis personne.
Pour faire court : je voterai Macron au second tour. Je n'ai aucune sympathie pour cet homme, je sais très bien ce qu'il représente, je ne serai même pas déçu : je n'espère rien, sinon faire barrage à Le Pen.
Ce que signifie votre vote, c'est vous, et vous seul, qui le savez. Une voix est une voix, rien de plus, rien de moins. Si vous voulez penser, comme j'entends beaucoup le dire à propos de 2002, que vous vous êtes fait "avoir" (pour le formuler poliment), c'est votre problème. Pour moi, celui qui a voté Chirac pour éviter Le Pen ne s'est pas fait avoir : il a évité Le Pen, objectif rempli.
J'ai la faiblesse de croire que les hommes politiques sont des gens comme les autres. Enfin, non, pas tout à fait : il faut être salement névrosé pour se lancer en politique à un niveau national. Mais si vous voulez juste gagner du fric ou être puissant, ne vous présentez pas aux présidentielles : créez un truc du genre Google ; ou Facebook.
Macron a été banquier ; il veut maintenant être président. Bon, je ne suis pas dans sa tête. Il a certainement des idées. Et ses idées ne se résument sans doute pas à : "appauvrissons les pauvres, c'est tellement jouissif d'être un connard." Comme beaucoup de libéraux, il pense qu'il faut créer de la richesse, puis partager cette richesse entre le plus grand nombre. Comme beaucoup de libéraux, il s'arrêtera très certainement à la première partie du programme. On peut le mépriser pour ça, comme on peut mépriser son banquier, son agent d'assurances, etc. On peut penser qu'il existe des alternatives, et se battre pour les voir mettre en œuvre ; je trouve cela éminemment respectable. A titre personnel, et en tant qu'écrivain, je n'ai jamais, de toute façon, trouvé un candidat qui se soucie de moi. Je m'en accommode. J'ai la chance immense de pouvoir le faire.
Je remarque juste, en passant, que beaucoup d'entre nous (je m'inclus dans le nombre) ont la chance, aussi, de pouvoir passer beaucoup de temps à rédiger des statuts Facebook, de pouvoir insulter tel ou tel candidat. Ce n'est le cas ni à Pékin (où on n'accède pas à FB), ni au Nigeria (où la question ne se pose pas), ni à Alep. Alors, bien sûr, on rêve tous d'un monde plus juste, plus égalitaire (même si, bien souvent, ça va dans le sens de gagner plus de fric, pas de s'en débarrasser - Mélenchon a fait 5% dans le 16e à Paris, et 7 fois plus dans le 18e, souvent, la politique, c'est assez simple). Mais on est aussi bien souvent content de profiter de ce monde-là, de mater Netflix plutôt qu'une télé russe, de lire des livres publiés par des fabricants d'armes, de monter dans des avions polluants ou d'acheter des smartphones fabriqués par on-ne-veut-pas-savoir-qui.
En face de Macron, on a qui ? Le Pen. Le Pen fille. Différente de Le Pen père ? Sur le fond, je ne le crois pas. Plus habile, sans doute. Et nettement plus pragmatique. Le Pen fille a hérité de l'entreprise familiale. Personne ne l'a forcée à en prendre les rênes. Mais elle sait pourquoi elle le fait. Pour être au pouvoir.
Le FN, c'est un parti dont certains membres du service d'ordre ont des croix gammées tatouées sur la nuque. Un parti qui salarie (en cachette) des néo-nazis. Un parti qui déteste l'art contemporain au point de faire repeindre des œuvres parce qu'il n'aime pas la couleur initiale. Un parti qui (comme à Orange) force les bibliothécaires à résilier leur abonnement à Jeune Afrique, menace des libraires qui mettent en vitrine des ouvrages sur le multiculturalisme ou annule des programmes d'alphabétisation, envoie des lettres anonymes et des menaces de mort - j'ai mille exemples à disposition, je ne vais pas vous les asséner ici mais en tout état de cause, ces informations accablantes sont facilement accessibles. Le FN, c'est un parti qui, en 2017, feint de croire, au mépris de toute rationalité, qu'il va régler le problème du chômage en virant les "étrangers", qui rétropédale sur la peine de mort en fonction des sondages mais qui, le jour où les sondages n'auront plus d'importance, n'hésitera pas à montrer son vrai visage. Le vernis a changé. L'odeur demeure. Et c'est l'odeur la plus nauséabonde qui soit.
"Pas grave", répondront certains. Au moins, on aura touché le fond, un bon coup de talon, et hop ! Retour à la surface.
Mais qui peut certifier, ici, que Le Pen, une fois au pouvoir, ne triturera pas les institutions afin de s'installer au sommet beaucoup plus longtemps que prévu ? Regardez donc du côté de Poutine et d'Erdogan. Pensez-vous sérieusement que Le Pen lâchera le morceau aussi facilement que Hollande, par exemple ? Cette question complexe de "l'après", de la malléabilité de la 5e république, des manipulations plus ou moins légales, des référendums truqués et j'en passe, je l'ai abordée longuement avec un ami journaliste spécialiste du FN depuis trente ans. Et je peux vous dire qu'il est sidéré par la naïveté ambiante. Pour résumer : on sait quand ça commencera, on ignore quand (et comment) ça se terminera.
Un mot sur le programme économique. Il a déjà été étrillé par un aréopage de Nobel d'économie, dont Stiglitz, qu'on peut difficilement soupçonner de collusion avec un quelconque "système". Selon toute vraisemblance, et de façon quasi mécanique, il va nous envoyer dans le mur. On ne pourra même pas se consoler en se disant que les pauvres retireront un quelconque bénéfice économique de l'arrivée du Front au pouvoir. Ils crèveront un peu plus. Et toujours en silence.
L'alternative à Macron et ses sbires, ce n'est pas le FN : c'est la gauche, la vraie. C'est perdu pour ce coup-ci. Mais est-ce que, quand on perd un match de foot, on met le feu au terrain ? On décide de ne plus jamais jouer ?
Le Pen, c'est grave. C'est dramatique. Ce n'est pas juste "des gens qui en ont marre". C'est Durafour-crématoire. C'est le racisme assumé, et qui le sera dix fois, cent fois plus quand la patronne sera installée aux pouvoir. Le FN, c'est les amitiés négationnistes. C'est la haine de toute différence. La chasse aux arabes, aux pédés, aux juifs. C'est le repli, la peur tremblotante, le fantasme du mur, de l'éradication, de la pureté, d'un "avant" qui n'a jamais existé.
Le FN, c'est un parti savamment organisé, un programme implacable qui exploite, avec un cynisme inouï, la détresse et la pauvreté culturelle et intellectuelle des masses opprimées. Vous croyez que c'est pour rire ? Vous croyez que ça va être un "coup pour voir" ? Et même si c'était le cas : vous avez le sentiment que les US vont sortir grandies de l'expérience Trump ? Ces choses-là restent. Ces choses-là font mal. Sans parler de l'image du pays. Si un facho s'installait en Allemagne à la place de Merkel, vous diriez juste "bien fait pour le Système" ? Vous seriez envieux ? Vous vous diriez que ça va aller mieux après, que tout le monde va se faire des bisous ?
Je ne crois pas que le FN et Macron, ce soit la peste et le choléra : je pense que c'est la peste bubonique et l'angine. L'angine, on en guérit. La droite, elle se combat dans les urnes, dans la rue, dans les journaux, dans la vie, surtout. On a l'impression qu'on n'en sortira jamais ; ça fait partie du combat. C'est le contraire de juste, de parfait. Mais au moins, on peut le dire. On peut même trouver des moyens pour renverser la vapeur. Pour tisser du lien - toujours. Pour inventer des demains.
L'extrême droite, elle se renverse par une révolution - ou elle ne se renverse pas. Et une révolution fait des morts. Si je me trompe, alors, ça voudra dire que le FN n'est pas un parti d'extrême droite. Ce sera la plus grande surprise de ma vie. Je n'ai pas envie de miser un centime là-dessus.
Aujourd'hui, j'ai les boules : un certain nombre de mes ami.e.s vont faire le choix de ne pas voter, parce qu'ils pensent que, de toute façon, c'est gagné pour Macron (ça ne l'est pas, j'en suis convaincu) et/ou parce qu'ils estiment que le libéralisme et le fascisme, ça se vaut, c'est pareil - la France de Macron et la France de Le Pen, on te les montre dans un documentaire, tu ne fais pas la différence. Parce qu'ils pensent que, au moins, les banques ne se frotteront pas les mains de l'élection de Le Pen et que ça, c'est forcément la promesse de lendemains qui chantent, les ennemis de mes ennemis étant forcément mes amis.
Je respecte évidemment leur choix, et je n'espère pas les convaincre.
Mais ne pas leur dire que je suis triste et que j'ai la trouille (pas spécialement pour moi, en fait, mais pour mes amis artistes, engagés, jeunes, basanés, hors-normes, juifs, étrangers, LGBT - et pour mes gosses, et pour ce pays que, malgré tout, j'aime de tout mon cœur) m'est aujourd'hui impossible.
Chacun fera en son âme et conscience au deuxième tour. Le vote blanc est le plus logique du point de vue d'un Insoumis, il doit être respecté.
Simplement, j'aimerais juste essayer de faire passer le relai de cette idée que voter contre Le Pen, ce n'est pas cautionner Macron, et ce n'est pas déshonorable pour un Insoumis, pour un socialiste, pour un républicain, pour un centriste, ou pour quiconque.
Après je vais peut-être passer pour un macroniste qui veut absolument convertir, mais ce n'est pas mon intention, je m'en fous que Macron gagne avec 65 ou 51 % des voix, j'espère juste dans mon for intérieur au point où on en est, que ce ne soit pas Le Pen qui gagne.
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