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En fait, Tasia et Fabrice se sont associés pour écrire une nouvelle à 4 mains.
Et 4000 posts, une phrase par post !
J'vous préviens, si c'est ça, le jury demandera une version compilée au final hein
@maxo : tu as le temps, perso j'ai une nouvelle qui commence à prendre forme ... en tête
Tasia et Fabrice sont ambidextres . On en apprend tous les jours. Les soeurs Labèque du forum en quelque sorte.
Sinon, je suis plutôt pour la compil, la parution en feuilleton c'est trop daté 19ème (nan, pas arrondissement).
Bon, sinon je passais poster ma contribution. L'important c'est de participer et produire des bêtises me détend énormément (y'a d'autres trucs aussi , juste au cas où d'aucun s'étonnerait de ce travers qui n'est pas mono maniaque).
Hum, ça se sent que je retarde le moment .
"Farenheit 1129".
La pénombre régnait dans le bureau de Marlowe Giha, un réglage sur des preset de Torley donnait une tonalité sépia à la vue que la caméra venait de figer. Marlowe jetait un regard satisfait sur le décor qu’il avait bâti, seul, si terriblement seul, mais qui lui renvoyait aujourd’hui une fierté sans comparaison.
Les murs de briques rouges, le classeur à tiroir qu’on actionnait d’un simple clic droit, le bureau en ronce de noyer, avec deux tiroirs indépendants, l’un pour le papier, l’autre pour le flingue et le whiskey. Le fauteuil pivotait. Le cendrier fumait. Les étagères étaient poussiéreuses et par les fenêtres situées à l’est et à l’ouest, lui, tournant le dos à un mur plein, on devinait les lumières matinées de brouillard de ce début de nuit. Au mur nord une patère accueillait un feutre et un pardessus froissé de la même facture que ceux dont il pouvait s’attifer d’un double click sur son inventaire. La porte vitrée qui lui faisait face laissait deviner un couloir mal éclairé.
Au mur étaient affichés ses tarifs (journées, frais divers, extras), un portrait d’Humphrey Bogart et Laureen Bacall dans Le Grand Sommeil. Un téléphone était posé sur le coin du bureau. Il pouvait décrocher et faire mine de converser. Ce script lui avait pris deux mois pleins. Mais il l’avait fait seul. Il pouvait être satisfait.
Deux mois, sur deux années, une peccadille. Après quelques semaines d’errance, propre au noob, Marlowe avait compris qu’il pouvait faire de sa vie SL celle qu’il aurait rêvé RL : être le grand détective privé, l’adulé, l’unique, l’incontournable …
Des dramas il en avait côtoyé, des histoires d’argent, d’amours contrariées, de mariages effacés d’un clic, d’amitiés trahies, de collaborations commerciales spoliées … Il avait trop lu, trop vu, pour ne pas avoir, enfin, son rôle, et enfin le jouer.
Il le savait, toute entreprise est d’abord sérieuse. Il lui fallait convaincre dès la première seconde de son talent. Il l’avait. Il ne suffisait qu’à lui donner corps, qu’à fabriquer l’image qui rassure, qu’à se construire l’assise visuelle qui ne donnerait plus aucun doute, qu’à devenir Philippe Marlowe. Il avait bâti son univers, avait passé d’innombrables soirées à écouter et déchiffrer les chats, à étudier les avatars, tantôt en homme, tantôt en femme ou toute autre représentation, allant jusqu’au tire-bouchon posé sur un bar. Il n’avait jamais échangé une parole, restant dans l’ombre, observateur tatillon.
Que sont deux années 5 soirées par semaine, pour un résultat si saisissant ? Marlowe Giha tirait quelques bouffées de sa cigarette, pincée entre le pouce et l’index, satisfait, heureux, quand une fenêtre d’IM clignotat. Son référencement dans la recherche LL fonctionnait-elle, enfin ?
Oui, une cliente, qui avant de s’engager voulait s’assurer de la nature sincère d’une demande en partenariat. L’affaire classique, parfaite pour lancer son affaire.
Marlowe lança le TP, judicieusement situé au delà de sa porte vitrée. Il voulait tout ressentir. L’avatar femelle s’y prit à quatre fois, bras tendu, avant le franchir l’espace, titubant, une nouvelle, comme le supposait son profil. Le cheveu n’était guère ajusté, la robe de mauvais goût, le langage approximatif mais peut-être précipité par l’émotion.
Marlowe la pria de s’asseoir, ce qu’elle fit au bout d’un temps certain, et l’invita à tout lui raconter.
Un flot de paroles lui parvenait pas bribes. Son travail préalable de terrain lui avait fait entendre moult histoires identiques. La donzelle n’en finissait pas de détails, s’appuyait comme sur son épaule, mais il gardait son flegme parce que son AO l’y contraignait, que son but enfin prenait vie.
Un sursaut enfin, le rétablit dans son rôle. Où, quand, comment : résuma-t-il ? « J’y amènerais une de mes collaboratrices en qui j’ai toute confiance, elle testera sa fiabilité et viendra m’en rendre compte. » Elle lui confia l’endroit, le remercia chaleureusement.
Marlowe lui demanda l’avance de 5 000 L$ pour les frais et lui recommanda de sortir de son bureau avant de se téléporter. Elle parut interloquée mais obtempéra. Il savoura cette sortie, l’œil rivé sur l’arrondi postérieur.
Le lendemain, Marlowe se connectait sous Lolita.
Il n’avait pas de collaboratrice, pas encore, sans doute jamais. Il ne pouvait faire confiance à personne.
Il choisit soigneusement son maquillage, sa coiffure, sa robe et ajusta au millimètre ses stilletos. Il était parfait. Un mélange classieux-sexy que des mois d’études avaient rendu possible.
Satisfait, il se rendit d’un TP facile au club fétiche des amoureux.
Il aurait préféré enfiler son pardessus, prendre son chapeau, vérifier sa cravate devant le miroir au-dessus du lavabo crasseux, et se faire un clin d’œil, avant de gagner son automobile, garée le long du trottoir au pied de l’immeuble. Il aurait préféré observer la scène d’un coin sombre et regarder faire la petite dévouée qui jouerait l’appât. Mais il était seul. Terriblement seul.
La musique était doucereuse, prompte au rapprochement. Marlowe se posa au bar, rapidement abordée par un mâle empressant. Sa tactique prenait forme. Elle appela à l’aide l’ami de sa cliente, lui sommant, lui qui semblait considérer la gente féminine, de lui venir discrètement en aide, sans déranger sa partenaire.
L’appât prenait. Le pressant fut pressé et le chevalier pressant. Elle répondit favorablement à la demande en amitié. Ils convinrent de se revoir et elle prit congé.
Lolita rentra au bureau, s’assit et fit mine d’écrire un compte-rendu. Puis elle sortit. Quelques secondes plus tard Marlowe fit son entrée, récupéra la notecard laissée par Lolita avec l’enregistrement des logs. Il se mit face à la machine à écrire, un build magnifique dont le retour chariot l’avait presque rendu fou de rage et activa l’animation.
Sa satisfaction était à son comble. Il avait fébrilement mis en forme un rapport, une facture, se voir faire le galvanisait. Il était Marlowe, enfin. Une fois sa tâche effectuée, il rangea dans un dossier les photos, les documents et actionna le classeur à tiroir pour le plaisir.
Il vérifia que sa cliente était en ligne et l’invita à la rejoindre à son bureau quand elle le désirait. Non, il ne pouvait pas lui parler à distance. Oui, il attendrait qu’elle se libère.
Elle ne se fit pas attendre. Sa silhouette se battait avec la porte, il attendait, en savourant ce moment d’extase.
Elle s’était changée, elle avait revêtu un tailleur qui convenait à la scène. Marlowe était aux anges. Il lui offrit un mouchoir pour qu’elle l’attache à sa main. « Vous pouvez l’animer » dit-il.
Alors il lui remit sa facture qu’elle régla aussitôt, puis son rapport.
Quand elle s’essuya les yeux, Marlowe, ravi, put sortir les quelques phrases qu’il avait préparé : « Il ne vous méritait pas » « Vous êtes trop sensible pour ce monde cruel ». Il savait ce qu’il devait faire, ce qu’aurait fait Marlowe.
Il lui proposa un whiskey et une cigarette.
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