[BG] Le Roman de la veuve noire, tome 1

Répondre
Partager Rechercher
[hrp]Bonjour amis role-playeurs de tous bords.

Je tiens à vous prévenir tout de suite, l'histoire qui va suivre raconte la vie de mon personnage sur djaul, Sin-dee Parex, mais elle s'écarte vraiment beaucoup du BG de Dofus. Elle pourra vous paraître étrange, certes, mais j'espère qu'elle saura vous captiver.

Vous avez du remarquer que ceci n'est que le tome un de l'aventure de Sin-dee, en vérité à l'heure j'ai déjà commencé à écrire le tome deux. Je posterais l'histoire du tome un à intervalles réguliers donc...

Bonne lecture !

Si vous voulez laisser des commentaires, il existe ce topic (mon texte sera long, donc je préfère qu'il ne soit pas entrecoupé de commentaires) : https://forums.jeuxonline.info/showt...8#post17952448 [/hrp]
__________________
http://img106.imageshack.us/img106/4356/signaturesrianepe6.jpg
Chapitre un : Destins croisés


Je l'ai rencontré il y a fort longtemps, et pourtant je me souviens encore de son visage, ses joues pales, ses cheveux, et son regard plus noir que les ténèbres… La mort elle-même aurait eu peur d'elle en la voyant, peut-être même l'avait-elle déjà croisée au hasard d'une ruelle. Si c'était le cas, nulle doute qu'elle eut abaissé sa faux et prêté allégeance à cette jeune femme au regard si dur. A l'époque je n'avais que douze ans, et elle seize, et je crois avoir été sa seule amie. A présent, me voici à l'aube de mes dix-huit ans, et pourtant je n'arrive pas à croire qu'elle ne soit plus là.



"Ma douce Sinounette chérie ?"



La porte de la chambre nuptiale s'ouvrit sur un iop à l'allure mal dégrossie, c'était de lui que venaient ces paroles. Il avançait d'un air pataud vers le lit, sur lequel était assise Sin-dee. Le iop ne remarqua pas la triste mélancolie dans laquelle sa femme était plongée, d'ailleurs il n'avait toujours pas remarqué qu'elle ne supportait pas qu'on l'appelle "Sinounette chérie", comme il n'avait pas remarqué qu'elle ne l'aimait définitivement pas, comme si un mariage arrangé avec un iop pouvait la rendre heureuse…



"Vous ne venez pas manger ma belle ?" demanda le iop, comme si de rien était, comme si se retrouver du jour au lendemain mariée avec un affreux bonhomme pouvait ne serait-ce que vous donner l'appétit…



"Non, je n'ai pas trop faim, toute cette agitation et ces cérémonies m'ont épuisé…"



Le iop parut comprendre, enfin, il prit une expression qui feintait la compréhension, ce qui chez un iop aussi mal dégrossit équivalait à des yeux écarquillés et les sourcils levés au point de presque toucher le haut du front. Il acquiesçât de cet air compréhensif, mais Sin-dee savait qu'il ne comprenait en rien sa tristesse. Cette hypothèse fut confirmée (comme si elle en avait besoin…) lorsque le iop quitta la chambre en rétorquant :



"Je vois, les gens de ma famille vous épuisent par leurs questions sans fin, soyez sans crainte, je leur dirais que vous êtes quelque peu indisposée, ils comprendront. Je vous fais porter le dîner dans votre chambre, au cas où l'appétit vous reviendrait subitement.



- Vous êtes trop aimable, je ne mérite pas tant d'attention…" souffla Sin-dee sans trop de conviction.



Le iop sourit, flatté par la remarque de sa femme, et quitta la pièce en lui adressant des mots doux qu'elle ne prit pas la peine d'écouter. La porte se referma, et, plongeant la tête dans son oreiller, elle se mit à sangloter…

...

Citation :
Avis de recherche placardé sur tous les murs de Sol Casti :

Important : Nous recherchons une femme âgée d'une vingtaine d'année, mesurant approximativement 1 mètre 75, avec les cheveux coupés court, et de couleur blanche. Elle porte toujours avec elle une épée en forme de hachoir, un fusil à canon scié, et une sorte de griffe en or qui lui couvre tout l'avant bras droit.

Cette femme est recherchée pour meurtres et agressions diverses. Si vous la croisez, ne l'approchez sous aucun prétexte, et contactez au plus vite les autorités de la ville. Voici son portrait :


http://img22.imageshack.us/img22/2296/aerasetoutesuite.jpg

Une femme âgée d'une vingtaine d'année, mesurant approximativement 1 mètre 75, avec les cheveux coupés court et de couleur blanche, arracha l'affiche pour la regarder de plus près. De sa main gauche elle tenait la feuille de papier, tandis que de l'autre elle pinçait une cigarette longue et fine avec son index et son majeur. Elle regardait attentivement le dessin que l'on avait fait du suspect en question, en se demandant si elle avait autant une tronche de monstre que ça.



Soudain un passant arriva devant la femme, et se figea devant elle, le regard interdit. La femme regarda le passant avec une stupeur presque amusée, elle demanda à l'homme si le dessin affiché sur la feuille lui ressemblait tant que ça. L'homme, se rendant bien compte qu'il se trouvait devant la fameuse tueuse qui rodait à Sol Casti ces derniers temps, ne sut que répondre à l'étrange question. Il finit par lui avouer que ses armes (on voyait une épée en forme de hachoir et la crosse d'un fusil dépasser de son dos) étaient identiques à la description… Et que les traits de son visage ainsi que sa carrure était… enfin un peu… Il tentait de s'enfuir lentement, en faisant des pas en arrière… Il bégaya que ses traits de visages étaient assez ressemblants et…



La femme prit une deuxième fois le temps de regarder le dessin, et fronça les sourcils, comme si elle ne comprenait pas, elle tira une autre latte sur sa cigarette, pensive, et tourna la tête vers le ciel avant d'en souffler la fumée. Elle laissa négligemment tomber sa cigarette au sol, et porta sa main droite à la garde de son épée, située près de son épaule. La main droite était habillée d'une griffe en or, qui brillant sous le Soleil de plomb qui inondait la ville en cette chaude journée d'été.



"Alors comme ça je ressemble à cet espèce de tronche de mort que l'on a dessiné ? fit-elle en se tournant vers l'homme. Vraiment, tu trouves que ce gribouillis me met en valeur toi ?"



L'homme n'osa pas répondre, il s'enfuit à toute jambe, et manqua de trébucher en se retournant précipitamment. La femme continua de marcher tranquillement, tout en dégainant lentement son épée-hachoir, qui produit un son métallique, ainsi que de petits étincelles, en se frottant au fourreau noir de forme rectangulaire qui la retenait. Elle posa machinalement sa main gauche sur la crosse en bois de santal de son fusil à canon scié, qui était tenu à sa hanche par des lanières de cuir. Elle marchait en souriant, et dans ses yeux on lisait une excitation grandissante.



"Cours, cours, petite souris, souffla-t-elle en regardant l'homme s'enfuir, tu crois pouvoir m'échapper ?"



Pendant ce temps, à l'autre bout de Sol Casti, port et citée marchande de plus de 25 000 habitants, dans la villa de la famille Del Albergo, une jeune xélore dans la fleur de l'âge se levait. La villa appartenait à Augustus Del Abergo, ex proconsul et membre du sénat. Cet homme, qui avait grande influence dans la cité, était devenu son beau père, puisqu'elle venait d'épouser son fils, Eliphas Del Albergo, un jeune iop qui poursuivait des études de rhétorique.



La jeune femme au cœur déchiré s'appelait Sin-dee. Elle était la fille de Gilean Parex, aussi appelé "L'ombre de Sol Casti" par la milice. Cet homme était devenu au fil des années le parrain d'un des chefs de gang mafieux des plus important de la ville, et ses relations douteuses avec des membres du sénat lui assuraient de le rester encore un bon moment. En vérité, le mariage entre sa fille et le fils du sénateur était une chose entendue par les deux hommes, une sorte de pacte, qui scellait leur "amitié".



En l'espace d'un instant, Sin-dee s'était retrouvé mariée à Eliphas, pour le meilleur et pour le pire. Les deux jeunes époux vivaient ensemble depuis quelques jours, et Sin-dee se sentait de plus en plus mal. Son mari était un homme dénué de toute combativité, ce qui était plus que choquant de la part d'un iop. Il s'occupait un peu trop de Sin-dee, essayant de la satisfaire au mieux, comme tout bon mari attentionné, mais la jeune xélorette, qui n'en demandait pas tant, paraissait toujours avoir l'air triste et désenchantée.



Je disais donc que cette fille, Sin-dee, venait de se lever, ce qui est assez normal lorsque le jour se lève. Elle venait encore de passer une nuit épouvantable, supportant les ronflements incessants de son mari, ainsi que cette manie de parler tout en dormant. Vous vous demandez peut-être pourquoi je ne parle que de ce qu'il c'est passé après que Eliphas-le-mari-impotent se soit endormi ? Vous vous demandez s'il s'est passé "quelque chose" avant cela ? C'est vrai, on a deux jeunes gens, plus ou moins nus dans un grand lit, mari et femme qui plus est…





Bande de pervers va !





En vérité Eliphas fut la première vraie expérience de Sin-dee à ce niveau, et vu son peu de connaissance en la matière on ne peut juger si le iop était un bon parti au lit ou non, même si la courte durée des ébats laisse à penser que… Mais d'où je vous raconte ça moi ? Vous n'avez pas besoin de savoir un truc pareil après tout !





Bref, après cette "folle" nuit, Sin-dee se levait. Elle sortit de la chambre, et passa ensuite dans la salle à manger, où se tenait sa belle-sœur, Fausta. Fausta était une belle et charmante iopette, les cheveux noirs et lisse, et le teint blanc. Une fille de bonne éducation, qui se distinguait autant par sa culture que par son attitude dédaigneuse envers tous ceux qu'elle trouvait un tant soit peu "de basse extraction sociale". Elle était en train de manger une pomme, et Sin-dee allait faire de même lorsque la jeune fille (de deux ans plus vieille qu'elle en vérité) lui adressa subitement la parole.



Lorsque Fausta parlait à sa belle-sœur, c'était en général pour lui lancer une pique virulente, qui la remettait en général à sa place "d'intruse" dans la famille Del Albergo. C'était en effet un sentiment que tous semblaient ressentir, Sin-dee était la fille d'un homme peu recommandable, et personne ne savait pourquoi Eliphas c'était tant entiché d'elle. Enfin, tous, pas vraiment, car le père savait lui, que ce mariage n'était qu'un arrangement, un accord de fidélité que rien ne pouvait changer. En acceptant de donner son fils, le pauvre sénateur ne savait pas qu'il avait vendu son âme au diable, et que sa terrible pécheresse de fille finirait tôt où tard par le mener à des évènements tragiques. Il pensait sûrement mener le terrible Gilean Parex, l'ombre de Sol Casti, par le bout du nez, mais il s'était lui-même enfermé dans un piège mortel.



La sœur le savait, elle, elle présentait le danger émanant de la famille Parex, et en particulier de Sin-dee, voilà pourquoi elle ne lui accordait pas de répit. Ce matin ne dérogea pas vraiment à la règle, elle tenait dans les mains un avis de recherche, et tout ce qu'elle trouva à faire, c'est de balancer cet avis sur la table en disant : "Encore une folle sanguinaire dans la nature, drôle de monde…", avec cette voix odieuse, qui sous-entendait "Toi ma fille, tu va souffrir si tu touches à ma famille."



Sin-dee sentit cette animosité jusque dans ses tripes, mais pris soin de ne pas y répondre, de ne surtout pas attiser cette haine sourde et incontrôlable. Elle jeta un œil distrait à l'avis de recherche, et eu un hoquet de stupeur. La description… c'était… Oui, cheveux blancs et court, une épée-hachoir… et ce regard de tueuse… C'était à n'en pas douter…



"Tu la connais ?" fit Fausta en souriant, comme si elle disait la plus grosse bêtise du monde, sauf que derrière ce sourire on lisait "Bien sur que tu la connaît… tu connais toutes les racailles du coin pas vrai ?". Sin-dee leva la tête, surprise par cette question, et y répondit simplement par un "Oula non", qui laissa quelque peu la iopette sur sa faim. Elle s'éclipsa ensuite, pour penser à cette nouvelle qui venait de lui arriver.



Elle en était sure, la femme de cet avis de recherche était bel et bien Maxelya, "sa" Maxelya. Une fille un peu folle dans sa tête, et carrément pas sociable du tout, mais qui pourtant était devenue sa seule amie. Elles avaient dut se quitter par la suite, mais Sin-dee n'avait jamais oublié ce sourire machiavélique, et ces yeux graves qui lui donnait l'air d'être la cause de tous les malheurs du monde.



C'était décidé, il fallait qu'elle se bouge, il fallait qu'elle la revoie…

((Sin-dee ressemble à ça au fait.))
http://img16.imageshack.us/img16/9932/lgionnaire2.jpg

Chapitre deux : Eros et Thanatos

« L’homme qui est dans l’incapacité d’être membre d’une communauté, ou qui n’en éprouve nullement le besoin parce qu’il se suffit à lui-même, ne fait en rien partie d’une cité, et par conséquent est ou une brute, ou un dieu. » (Aristote)


Manger, une activité primordiale, vitale même, auquel l'être humain, comme tout autre être vivant s'adonne à intervalle régulier. Au moment de manger, les pulsions purement animales se réveillent, et notre corps est plus où moins régit par notre faim, et cesse un instant d'être commandé par la raison. Il existe bon nombre de ces pulsions, mais l'acte de manger, tout comme celui de dormir, est inévitable.

Manger étant une activité essentielle à la survie de l'espèce humaine, il est donc normal de manger lorsqu'on a faim. On peut aussi se dire que, quand on ne peut se payer sa nourriture, on soit obligés de faire « comme on peut » C'est ainsi que notre chère Maxelya, n'ayant pas un sous en poche, mais une faim inversement proportionnelle à sa richesse, s'était rendu sur le port de Sol Casti, dans la partie réservée au stockage des denrées consommables.

Il était midi, les mouettes chantaient, le Soleil brillait haut dans le ciel, et les passants… passaient en courant devant les caisses de fruits fraîchement débarquées. Et pourquoi était-ils si pressés les passants ? Tout simplement parce qu'une folle furieuse aux cheveux blancs et à la robe noire, aussi appelée Maxelya, était en train de goûter les fruits, qu'elle venait de sortir d'une grande caisse en bois, déchiquetée à grands coup de hachoir.

Elle était en train de manger une belle grosse pomme verte, assise en tailleur sur ce qu'il restait de la caisse, lorsque 5 bonshommes en armures vinrent la déranger. Les bonshommes étaient des légionnaires de l'armée, ils portaient tous une armure lourde ainsi qu'un grand bouclier de forme rectangulaire, et brandissaient des lances pour se défendre. Le lecteur avisé aura remarqué qu'en général les lances ne sont pas conçues pour la défense, mais le fait que, quand on les tient bien droite devant soi, en se cachant comme on peut derrière son bouclier, cela n'apparaît pas vraiment être une position d'attaque.

En les voyant arrivés, Maxelya se leva sur la caisse, ils étaient venus pour elle visiblement. Les légionnaires l'entourèrent en pointant leur lances bien devant eux. La peur se sentait jusque dans le claquement de leurs armures, comme si cette femme, seule mais armée, pouvait d'un seul claquement de doigt réduire toute la ville en cendre (d'ailleurs rien ne prouve qu'elle n'eut pas ce pouvoir). Leur chef, un écaflip à l'allure musclée, prit la parole :

"Maxelya Madjo, je me vois dans l'obligation de vous arrêter, pour meurtres et agressions multiples."

Maxelya regardait l'homme en souriant, et continuait de manger sa pomme sans avoir l'air apeurée. Elle était juste un peu étonnée que l'armée s'en mêle, puisque auparavant seuls quelques miliciens étaient venus procéder à son arrestation, ou du moins essayer. Elle prit une bouchée de pomme, et mastiqua lentement, tout en fixa de ses yeux de sorcière l'officier qui venait de parler. Elle se demandait comment percer les défenses de ses soldats, qui paraissaient plus coriaces que celles des miliciens.

Après avoir mâché avec soin son morceau de pomme, elle l'avala bruyamment, et adressa aux soldats un simple « Sans déconner ? » mêlé d'incrédulité et de concupiscence. Elle prit ensuite appuie sur le bord de la lourde caisse en bois, s'accroupit, et fit un bond de deux mètres au-dessus des légionnaires. Arrivée presque au-dessus des soldats, elle orienta sa tête vers le sol et regarda la mine ébaubie de ses assaillants, avant de retomber sur ses pieds. A la réception sa robe se souleva légèrement et l'on put entrevoir de ses grosses chaussures noires jusqu'au commencement de ses genoux.

Elle se releva, fixa avec une attention redoublée le visage des légionnaires. Ils venaient de se mettre en position serrée, tenant devant eux leurs boucliers et les pointes de leurs lances. La jeune sorcière enfonça une nouvelle fois ses dents dans la pomme, et en arracha un généreux morceau. Elle les observait tout en mâchant, et se mit tout à coup à rire. Un rire malsain, dénué de toute gaieté, un rire à faire peur, le seul rire qui ne soit pas communicateur pour un kama, le rire d'une folle à lier. Des morceaux de pommes retombaient de sa bouche à mesure que sa gorge se soulevait.

"Vous n'êtes qu'une brute sans nom, lui dit soudain un des soldats, qui semblait plus vindicatif que les autres.

- Et alors ? lui répondit Maxelya en souriant, puis, portant sa main à sa bouche, elle essuya les morceaux de pomme… Tu crois quoi pauvre innocent ?

- Je crois que tu mourras de ma lance, en ces lieux mêmes, lui répondit le légionnaire en s'écartant du rang des autres, et en s'approchant de Maxelya. Des monstres tels que toi ne devrais pas exister, tu es la peste de notre citée, reprit-il avec véhémence."

Le légionnaire semblait sûr de lui, mais ses camarades sentirent tout de suite le danger. Maxelya dégaina son épée-hachoir, et ajouta à la remarque du jeune impétueux :

« Les seuls hommes dangereux ici bas sont les politiques et les religieux, ceux-là sont pire que la peste », puis elle ajouta d'un ton moqueur : « Tiens, j'te la rend ta pomme ! »

Sur ces mots elle jeta la pomme en l'air, et tandis qu'elle s'élevait, elle dégaina son fusil de la main gauche et le pointa sur les légionnaires. La pomme retomba dans la trajectoire de son fusil lorsqu'elle tira, projetant ainsi un nuage de fruit pulvérisé sur les boucliers des soldats. Ce coup ne fit pas de victimes, mais le reste du combat ne fut pas si calme…



La journée passa lentement, autant pour Maxelya que pour Sin-dee. Tandis que la folle au hachoir survivait tant bien que mal dans la cité, la jeune mariée faisait des pieds et des mains pour planifier son évasion de la villa. Evasion, c'était le mot, car, même si elle pouvait sortir quand elle le voulait, elle sentait bien que toute sa belle famille la guettait, la surveillait, sans parler de son mari, certes très gentil et affectif, mais quand même un peu collant sur les bords. Elle se dit que cela se saurait forcément si elle sortait en douce, mais qu'il y avait toujours moyens de tromper la vigilance de tous.

Elle décida d'utiliser une méthode assez subtile. Elle devait simplement attendre le soir et préparer de quoi endormir son mari lorsqu'ils seraient au lit. Elle confectionna donc, grâce à quelques plantes médicinales que renfermaient les placards de l'immense villa, une potion de sommeil, puis fit commander un petit saladier rempli de fraises, ainsi que du vin.

Une fois le dîner en famille passé, Sin-dee entraîna son mari, Eliphas, dans leur chambre, souriant légèrement. Elle referma alors la porte, et le iop put l'entrevoir à travers la pénombre de la pièce se dandiner négligemment, et lentement défaire sa tunique, qui lui glissa sur les reins, s'attardant sur le galbe de sa poitrine. Il vit alors avec étonnement et un sourire béat aux lèvres sa femme détacher une à une les bandelettes, comme autant d'entraves à son désir. Elle frémit doucement lorsque la douce brise du soir s'engouffra par l'ouverture de la fenêtre, et caressa son corps nu. Eliphas s'empressa de se défaire de ses vêtements, par des gestes patauds et maladroits. Elle retira doucement les couvertures du lit, et s'y glissa silencieusement, ne se séparant pas de son sourire polisson. Elle invita son mari à faire de même. Ce dernier ne se fit pas prier, il tomba à genou sur le lit mis à nu, et s'affala sur elle en l'inondant de baisers.

Sin-dee s'appliqua à faire l'amour du mieux qu'elle put, elle s'attacha à faire passer à Eliphas un moment qu'il n'oublierait pas avant des siècles. Elle s'attarda à faire durer son plaisir, à calmer quelques peu ses ardeurs, pour qu'il jouisse pleinement de son corps et du plaisir de l'avoir pour femme, et cela faisait partie du plan. Il fallait absolument qu'elle puisse sortir de la villa sans éveiller les soupçons, et son mari, en se remémorant ces infinies minutes de bonheur, allait lui fournir un alibi en or. Une fois que la fusion de leurs corps fut complète et totale, après avoir atteint le summum du plaisir, Sin-dee se posa délicatement son visage perlé de sueur sur l'épaule de son compagnon. Elle sentait sa poitrine se soulever lentement. Elle l'embrassa tendrement dans le cou, un baiser qui n'en finissait plus, puis se releva pour se mettre à califourchon sur lui.

Elle prit alors très délicatement le calice rempli de fraise et de vin, dans lequel elle avait versé une légère dose de sa potion somnifère. Elle n'avait pas forcé la dose pour ne pas éveiller les soupçons, elle put ainsi goûter une fraise. Elle la pressa délicatement entre ses dents, tendant le calice à son mari, qui en but presque la moitié, avant d'avaler une dizaine de fraises.

Il va de soi qu'à ce train, Eliphas-l'alibi-en-or de Sin-dee s'endormit bien vite, et paisiblement, pour ne se réveiller qu'au matin, lorsque sa femme serait rentrée et couchée depuis longtemps. Elle se leva donc, et s'habilla d'un pantalon en tissu noir et d'une chaude veste en fibre de lin noire, pour ne pas être vue. Elle mis aussi un foulard noir pour cacher son visage, et se garda bien de ne mettre aucune bandelette sur son corps. Sortir sans ses bandelettes étaient contraire à toutes les lois de sa religion, car un disciple de Xélor se doit de ne montrer aucun bout de peau à personne, si ce n'est à la personne qui le prendra pour mari ou épouse, mais elle n'avait cure. Elle passerait ainsi totalement inaperçue, puisque personne ne se douterait qu'une xelorette puisse afficher ainsi sa « nudité » au monde, les gens qui la croiseraient penserait plutôt avoir vu une osamoda ou une cra de très petite taille.

Elle sortit enfin de la villa, par la fenêtre, puis escalada le mur pour se téléporter d'abord sur le plafond, puis au-dessus du mur d'enceinte, et enfin sauter par terre, pour rejoindre la ville. La chose la plus étonnante, c'est qu'à ce moment de l'histoire Sin-dee ne savait absolument pas si tous ces efforts cumulés de la journée allaient servir à quelque chose, mais qu'au fond d'elle-même elle pensait pertinemment faire ce qu'il y avait de plus sensé au monde.

Elle arriva enfin en plein cœur de Sol Casti. Les rues étaient silencieuses et le ciel dégagé, et l'on sentait l'humidité en provenance des flaques d'eau qui s'étaient formées quelques minutes auparavant, sous la mitraille de la pluie d'été. La jeune xélorette marchait d'un pas agité, guettant le moindre signe de mouvement, lorsqu'elle atteint la grande fontaine de la place saint Marc'lou. La fontaine s'ornait d'un bassin rond et d'une gigantesque statue de la déesse Iop, portant une amphore remplie d'eau, dans une position semi accroupie, le regard tourné vers le sol.

Sin-dee se figea net en apercevant la statue, ou plutôt en apercevant la femme qui s'en approchait. Elle distinguait parfaitement, à la lumière de la Lune, sa robe et son haut de corps noirs, ainsi que l'épée hachoir à son dos et le fusil qui pendouillait négligemment à sa taille. Elle se mit à courir vers elle, la femme au hachoir tourna son regard de chatte effarouchée vers la xélorette, et ses yeux s'écarquillèrent en la reconnaissant. Soudain des bruits de pas et de métal se firent entendre, Maxelya fit signe à Sin-dee de stopper sa course et de se cacher, ce qu'elle fit sans attendre, en se calfeutrant derrière un mur. Le bruit venait d'une des quatre autres voies que comportait la grande place, et il annonçait l'arrivée d'une troupe de légionnaires d'élite.

Elle entendit l'un des hommes crier à ses troupes : « Ne la laissez pas s'approcher de l'eau ! », mais cet ordre fut vain, Maxelya tendait déjà la main tout près de la cuve, touchant l'étendu liquide du bout de ses doigts blancs. Il y eut alors de grandes lueurs bleutées autour de son bras, et cela s'étendit à tout son corps. Elle était en train de se servir du mana de l'eau pour se régénérer. Sin-dee avait déjà vu son amie faire ce genre de tours, elle se disait être une élémentaliste, un mot que la xélorette n'avait entendu nulle part ailleurs depuis.

Une fois les lueurs bleues dissipées, Maxelya retira sa main de l'eau avec délicatesse, et très lentement une fine pellicule de glace se forma à la surface, puis se désagrégea. Elle éjecta les dernières gouttelettes en secouant ses doigts, puis se retourna vers ses opposants.

« Et merde, on venait de l'affaiblir ! » cria l'un des soldats en stoppant sa course à trois mètres de la sorcière. Ses compagnons l'imitèrent, et ils se retrouvèrent tous le bouclier et la lance tendus devant, pour se protéger.

Il y avait d'autres troupes qui arrivaient, on pouvait les entendre, Maxelya regarda brièvement aux alentours, scrutant le regard de Sin-dee. Ses petits yeux jaunes croisèrent enfin ceux de son amie, qui donnaient, tels de grands puits sombre au milieu d'un visage d'ange, une envoûtante impression de crainte et de soulagement mêlés. Elle fit un signe de la tête, puis s'enfuit en courant, et tous les soldats la suivirent.

Sin-dee resta cachée le temps que le tumulte quitte la grand place, jusqu'à que subsiste seulement le bruit réconfortant de l'eau ruisselant dans l'amphore de la statue de cette iopette, héroïne d'un temps ancien dont le temps n'avait altéré la beauté. Elle sentit le vent souffler dans sa nuque lorsqu'elle quitta sa cachette, elle se dirigea comme envoûtée vers la fontaine, et plongea son regard angelin dans celui de ce visage de pierre.

La statue était belle, immortelle, et pourtant tous ceux qui passaient devant elle l'évitaient, elle était anonyme en somme. Maxelya était pareille à cette femme de pierre, belle, immortelle… seule. La jeune xélorette n'était pas réellement croyante, cela était dut en partie à l'éducation parallèle reçue par Maxelya d'ailleurs, lorsqu'elles étaient gamines. Elle lui avait appris le terme athée, encore un mot anonyme qui semblait sortir d'un temps ancien, d'un temps où les hommes ne vivaient pas en mouton de la société, un temps où ils étaient libre de dire tout haut leurs troubles.

Malgré son athéisme plus ou moins prononcé, Sin-dee ne put s'empêcher de se mettre à genou, et de prier cette statue de pierre.

Elle courait à présent sur les traces de Maxelya et des hommes qui la poursuivaient. Elle courait à en perdre la raison, convaincue que jamais elle n'aurait d'occasion de revoir son amie autrement qu'à cet instant, elle n'abandonnerait pas quoi qu'il arrive…

Maxelya de son coté, le souffle court et les jambes en compote, se démenait pour semer un à un tous ces chiens de fils de bworks d'abrutis consanguins qu'étaient les soldats à ses trousses (et encore ici l'auteur aura pris soin de ne conserver de l'esprit torturé de Maxelya que les insultes les moins choquantes, pour ne point heurter la sensibilité du lecteur).

Ils la suivaient sans broncher, tous ces enculés de... (oups, pas eu le temps de censurer cette fois...), tous ces rustres aux idées pas plus fines que le bout de leur lance, cette graine de braves troufions, pantins d'une armée dirigée par on ne sait quel prétendu dieu vivant, déguisé en empereur pataud et avide de pouvoir. Dans son interminable fuite, la sorcière savait pertinemment qu'elle ne serait jamais gagnante, mais il lui restait une chance de salut, et pas des moindres. Il fallait simplement qu'elle réussisse à choper un à un chacun de ces petits rats en armure, chacun de ces bouftons serviles, pas plus futés que des tofus sous les coups de fouet d'un osamoda enragé et assoiffé de sang et d'or. Elle savait comment guider ces pieux soldats, comment leur faire quitter un à un cette formation serrée, et l'idée que l'esprit du groupe serait plus fort que leur propre jugement. "Quelle bande de pantins, se dit-elle à voix basse, quelle bande de crétins asservis…"

Sin-dee suivait à grand peine, mais tenait bon. Le plus dur, c'était de rester à porter raisonnable des soldats, pour ne pas se faire repérer. Il en résulta qu'elle perdit totalement de vue son amie, sa douce sorcière au teint pâle et au regard divin. Elle n'en restait pas moins en alerte, et pistait de près le bruit que faisait les armures des légionnaires en s'agitant. Elle avait pris le parti de courir sur les toits, le seul endroit d'où elle pouvait en même temps voir les soldats et courir à la poursuite de Maxelya sans risquer de se faire remarquer.

Maxelya, elle, suivait son plan méthodique à la lettre. Le but en était de se faufiler le plus rapidement possible entre les rues et ruelles de la ville, pour que ses assaillants soient obligés de donner le meilleur d'eux-mêmes pour garder le rythme, la nature ferait le reste. Chaque soldat, en effet, possède un corps différent des autres, certains se fatiguent plus vite que d'autres, certains sont endurants et court vite, d'autre un peu moins, ainsi de suite. Au fur à a mesure, ainsi, les soldats se désolidarisaient, et il ne resta plus de la grande troupe, de cet essaim d'hommes en armures, qu'une file d'hommes, essoufflés ou non, mais courant seul, sans compagnon à coté d'eux pour les protéger.

Maxelya choisit ce moment pour bifurquer dans une toute petite impasse, deux légionnaires arrivèrent sur ses talons. Au bout de cette toute petite impasse, des caisses avaient étaient posées, sûrement un chargement d'amphore ou de marchandises diverses qui venait d'arriver et qu'on avait entreposé devant l'arrière boutique d'un restaurant. La sorcière se servit de ces caisses pour attirer les soldats. Elle monta sur la plus haute d'entre elle, menaçant de sauter par-dessus le mur de l'impasse, pour ainsi débouler dans une grande cour privée.

Deux légionnaires déboulèrent en trombe dans l'impasse, et le premier se jeta sur les talons de sa proie avec toute l'agilité de l'homme surentraîné qu'il était. Malheureusement il dut escalader cette caisse avec toute la lourdesse d'un homme portant une armure, un casque, une lance, et un bouclier réglementaire, ce qui le rendit plus que vulnérable. Maxelya attendit que son compère arrive à hauteur des caisses, puis que le soldat à ses trousses lève la tête pour savoir où poser les mains, pour dégainer son fusil et lui tirer une salve entre les deux yeux, en s'accroupissant en un geste lent et modéré, d'une grâce féline. La tête du légionnaire ne fut plus en un instant qu'une explosion rouge pourpre, et, tandis que son compère tentait désespérément de fuir, son corps inerte et ensanglanté lui retomba avec fracas sur tout son long, il fut assommé sous le poids du macchabée.

Pendant ce temps Maxelya ramassa la lance de l'homme qu'elle venait de tuer et sauta dans la grande cour privée. Elle se rendit vite compte que les soldats l'avaient devancé, la plupart contournaient l'impasse pour rentrer pour la porte principale, qui était déjà grande ouverte. Les trois premiers arrivaient déjà et se ruaient sur elle. Elle courut le plus vite possible vers le mur à sa droite. S'ils voulaient l'avoir, ils l'auraient, mais à leur risque et péril. Le premier soldat arrivait sur elle avec une étonnante rapidité, sûrement due au fait que Maxelya ne courait en réalité pas très vite. Il tendit sa lance, prêt à la balancer à tout moment entre les épaules de la sorcière, mais celle-ci avait déjà tout prévu, et se réjouissait de son plan machiavélique.

Arrivée contre le mur ou presque, elle ne s'arrêta pas, et posa un pied dessus, à la verticale. Le légionnaire, lui, essaya de planter son arme en vitesse, mais Maxelya avait déjà mis un second pied sur le mur, puis un troisième, comme si elle courait littéralement sur le plan vertical. Elle posa un quatrième pied lorsque la lance du soldat, un mètre plus bas heurtait violemment le mur, puis elle bondit en arrière, retombant juste dans son dos, la réception violente la fit glisser en arrière.

Elle resta une demi seconde accroupie, un genou au sol, et la lance qu'elle avait piqué à l'autre soldat une minute avant dans la main. Elle regardait le dos de cet homme, avec un œil fermé, l'autre empli d'une haine cynique et dangereusement froide, réfléchie. L'homme eut un mouvement de recul lorsque sa lance rencontra la matière dur du mur, une secousse sembla le parcourir, il écarta les bras. A ce moment, de son œil ouvert, la sorcière aux cheveux blancs analysa précisément l'endroit de sa côte de maille qu'il fallait viser, elle se releva d'un bloc.

Elle prit sa lance à deux mains, tout comme un paysan prendrait sa fourche, elle enfonça l'arme dans le dos du soldat, et le leva au-dessus de sa tête, comme un paysan lèverait un tas de foin, et enfin elle planta la lance dans le mur, avec le corps du légionnaire encore accroché dessus. L'homme, face contre le mur, une lance plantée dans son dos, non loin du début de sa colonne vertébrale, suspendu contre le mur, cria tout comme une âme damnée dans les flammes de l'enfer.

Maxelya se retourna, et vit deux autres soldats devant elle, tandis que le gros de la troupe arrivait en trombe. Elle prit un air outrée, et pointa du doigt l'homme qui se débattait encore, criant comme mille, et dont le sang suintait le long de la lance, et commençait à former une petite flaque.

Soudain un « craaaac » sourd et à la fois puissant se fit entendre, puis le soldat suspendu tomba dans un fracas de métal. Ce « crac » était sûrement celui que faisait une colonne vertébrale en se cassant verticalement sous la pression de son propre poids, en tout cas l'homme à terre semblait souffrir le martyre, même s'il ne bougeait presque plus,mis à part les pleurs qu'il faisait entendre.

« Non mais vous avez vu ce que j'ai du faire à cause de vous ? » Demanda-t-elle les yeux pleins de rage aux soldats, qui ne comprirent pas cet élan de compassion à l'égard de leur compagnon.

Maxelya se remit en position de combat subitement, excitée à l'idée de tuer, dans une totale incohérence avec ce qu'elle venait de dire, ce qui la rendait encore plus effrayante. Elle dégaina son épée, et de suite un soldat fondit sur elle, mais elle ne fuit pas cette fois, elle savait comment contrer cette attaque. Elle passa lentement la main portant son épée-hachoir sur sa nuque, prête à déplier le bras violemment à tout moment. Elle attendit que le soldat donne son coup d'estoque, et, au moment où l'arme passa tout près d'elle, elle en saisit la pointe de sa main libre, et tira dessus de toute ses forces vers le bas. Emporté par le mouvement de sa lance, le légionnaire eut le vague réflexe de se retenir en arrière, en écartant les bras. Il laissa ainsi une ouverture en or dans sa défense, car son bouclier ne le protégeait plus du tout. Maxelya en profita pour plaquer brutalement son pied droit sur le torse de l'homme, pour l'empêcher de tomber à terre, et déplia le bras avec une précision chirurgicale.

La lame du hachoir s'abattit sur la joue du soldat, et lui trancha la chair avec tant de violence qu'elle lui ouvrit la mâchoire et lui trancha le visage à la verticale. Il retomba lourdement au sol, aidé par le coup de pied de la sorcière, qui resta le visage tourné au sol pendant quelques secondes. On ne vit plus que sa chevelure argentée, assombrie de pourpre, tout comme la lame de son arme, tandis que le casque du soldat s'envolait dans une grande gerbe de sang. Le casque retomba au pied du dernier des trois hommes qui l'avaient défié, et juste à coté un œil ensanglanté, dont le nerf optique stoppa mollement la course du globe.

L'homme essaya de ne pas se laisser submerger par la peur, il arma son bras, prêt à en découdre. Il observait Maxelya, qui respirait lourdement. Elle avait les bras écartés, en forme d'épouvantail, les yeux fixés au sol, comme éteinte. Elle ouvrit lentement la bouche, prononçant ces mots :

« Toi, t'es mort. »

Le soldat recula d'un pas, croyant qu'elle s'adressait à lui, mais elle continua :

« Toi t'es mort, et c'est chouette ! »

On devinait sur son visage un sourire malsain, elle parlait au mort étendu à ses pieds. Elle releva soudain son regard pour le propulser sur le soldat, qui recula encore une fois d'un pas. Maxelya souriait, et reprit de sa voix de démente, sur le ton de la confidence :

« Chouette chouette chouette ! »

Elle inclina violemment la tête sur le coté, comme prise d'une convulsion, elle frissonnait d'un plaisir sadique. Le soldat laissa tomber sa lance et son bouclier, tétanisé par la peur, ne sachant que faire. Pendant ce temps la troupe de soldats commençait à l'encercler, prenant soin de rester à distance. Maxelya prit soudain un visage sérieux et dégaina son fusil avec la rapidité d'un tofu, la déflagration arracha la moitié du crane du soldat avant même qu'il ne comprenne ce qu'il lui arrivait. Son casque retomba au sol, suivit de son corps, animé de spasmes.

La sorcière resta un instant dans la même position, fusil dressé devant elle, et le regard redevenu froid, totalement inexpressif, concentré, lorsqu'elle aperçu soudain la silhouette de Sin-dee sur le toit d'une maison. Visiblement elle l'observait depuis longtemps. Elle fit tournoyer son fusil sur un doigt avant de le rengainer dans son dos, puis elle fit de même avec son épée-hachoir, sous les regards apeurés de ses agresseurs.

Malgré l'impression de puissance qu'elle donnait, et la peur qu'elle inspirait, elle savait qu'elle ne pourrait tuer indéfiniment toute la troupe sans trépasser, c'est pourquoi elle se rua sur la porte de la maison où était postée Sin-dee. Elle défonça la porte d'un violent coup de pied, en évitant de justesse une lance qu'on venait de lui jeter, puis entra dans la maison, un riche manoir. Elle emprunta l'escalier pour atteindre l'étage, puis sortit en trombe sur le balcon.

Des soldats s'étaient engagés à sa poursuite, et l'allaient rejoindre lorsqu'elle se hissa sur le toit, en se relevant elle vit Sin-dee qui l'attendait. Les deux jeunes filles se regardèrent en souriant, sans savoir que dire. Elles avaient séparées depuis si longtemps qu'elles ne croyaient qu'à moitié à la scène. Sin-dee se jeta tout à coup sur Maxelya, et la prit dans ses bras, manquant les faire tomber toutes les deux.

Elle décidèrent néanmoins d'écourter les retrouvailles un moment, pour fuir définitivement les soldats
Chapitre 3 : Yume no tsubasa

Elles y étaient arrivées, enfin elles avaient lâché les gardes, enfin elles étaient seules. Elles s'étaient enfuies loin du tumulte de la ville, dans la maison de Maxelya. En vérité cette maison était une vieille cabane de pécheur, posée à proximité du lac de Thyrne, presque comme si la nature en avait décidé ainsi. Les planches vermoulues de son toit respiraient la brise douce, chargée d'humidité par cette nuit de pleine Lune. En face de la bâtisse, la surface paisible et assombrie du lac reflétait une image vacillante de l'astre d'argent. Le vent soufflait dans les saules pleureurs qui bordaient l'étendu d'eau, laissant choir leur feuillage épais, parfois presque jusque dans l'eau.

Tout près de la cabane, dont on osait à peine imaginer ce qu'il était advenu du propriétaire depuis que Maxelya l'avait réquisitionnée pour se loger, une imposante caisse en bois trônait fièrement, les bout d'armures cabossées et tachées de sang qui l'entourait laissaient à supposer qu'elle appartenait à la sorcière aux cheveux blancs. Il fallait bien avoir de la matière pour travailler l'alchimie, beaucoup de matériel, et le métal de ces armures devaient être de très bonne qualité, à moins que ce ne soient pour elle que des trophées de guerre empilés soigneusement, par pur plaisir.

La brise d'été soufflait sur la surface du lac avec quiétude, ridant la surface de l'eau, caressant les brins d'herbe et faisant courber les lourdes têtes oblongues des joncs. Les deux amies s'étaient assises tout prêt de l'eau, sur un carré de verdure, et contemplaient cette scène en somnolant presque de cette douce et apaisante sérénité. Elle ne parlaient plus depuis que Maxelya lui avait fait visité brièvement sa maison, et l'avait invité à s'asseoir à ses cotés. Sin-dee avait posé sa tête contre son l'épaule, et commençait à fermer les yeux, tandis que sa compagne pressait son bras contre ses hanches.

« Dis moi chaton, murmura-t-elle aux oreilles de la jeune xélorette, qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu te maries si jeune ? »

Sin-dee laissa les mots pénétrer son esprit, doux comme des caresses, et en savoura le timbre envoûtant jusqu'au bout, se laissant bercer par les notes qu'ils formaient. Elle redescendit quelque peu de sa rêverie pour en interpréter le sens, et répondit calmement : « Je n'avais pas le choix. »

Elle lui expliqua ensuite tout dans le détail, l'histoire n'était pas aussi simple qu'on pourrait le croire. « Rien n'a jamais été simple avec ton père », s'enquit Maxelya. En fait cela remontait à très longtemps, lorsque Sin-dee en était encore à l'âge de l'innocence, vers 11 ou 12 ans, lorsqu'elle avait rencontré Maxelya et décidé de s'éloigner de l'amour de son géniteur.

« C'est bien vieux tout ça, mais je m'en rappelle, quand je t'ai rencontré tu croyais encore que ton père était un gentil avocat épris de justice, et que tout ce qu'on disait sur lui dans son dos n'était que calomnies. »

Oui, elle y avait cru longtemps, à ce père intègre. Mais elle s'était rendue compte, en grande partie grâce à Maxelya, quel était son lourd secret. Cet homme qui l'avait protégé de tout, qui l'avait aimé, qui avait tout fait pour son bonheur, cet être si parfait à travers ses yeux de petite fille…

« On peut pas te blâmer chaton, il t'a élevé seul ou presque, et t'a chéri… »

C'était vrai, en fait le père de Sin-dee avait été plus que présent dans sa jeunesse. Il lui avait tant appris, tant donné, contrairement à sa mère.

« Ta mère était malade, la pauvre. »

Oui, une maladie étrange, spécifique aux xélors, elle perdait de plus en plus la notion du temps. Elle perdait tout, tous ses souvenirs… Et cela, on ne lui avait pas révélé tout de suite. Le père cachait la maladie de sa femme avec force, il n'aimait pas voir un membre de sa famille faiblir, mais Sin-dee et sa grande sœur savaient pertinemment ce qu'il se passait… Leur mère étai en train de mourir à petit feu, sans même s'en rendre compte.

« Un légume… »

Le mot que venait d'employer Maxelya fit sursauter la jeune naine, qui se raidit dans ses bras, elle s'en aperçu de suite et stoppa là sa phrase, se contentant de lui déposer un baiser sur la tête, puis de la presser un peu plus fort contre sa poitrine, pour se faire pardonner.

Elle avait raison, sa mère de était comme un légume, même si cette image la faisait souffrir, mais elle savait le caractère franc et brutal de son amie, elle lui pardonnait cette parole un peu rude à ses oreilles. Du reste, elle n'avait jamais vu sa mère lui dire de mots gentils, ou si peu, ni même souffrir, le père savait tant lui cacher ce genre de choses…

« Ca ne me dis ce qui t'as poussé à te marier. »

Oui, elle s'égarait un peu. Le fait est que Sin-dee et sa sœur, Emma, avait passé du temps ensemble. Emma étant l'aînée, elle l'avait emmené dans les rues de la ville, et c'est là qu'elle avait apprit à voir le père sous un angle différent. Elle avait rencontré un bon nombre de gens, puis un jour elle avait croisé le destin de Maxelya…

« Oui, je m'en souviens de ça, dit-elle en riant, tu étais perdue toute seule, et t'es tombé en plein sur un tournoi de rue. On était entrain de disputer l'ultime partie du « grand tournois des brutes de Sol Casti », marrant qu'après toutes ces années ça soit encore autant vivant dans mon esprit. »

Sin-dee l'écoutait en rêvassant, elle se souvenait parfaitement elle aussi…

« J'étais une des seules filles du tournoi !

- Oui, s'exclama-t-elle en riant, et les mecs te craignaient parce que t'étais mauvaise perdante !

- Heu, oui, mais… ils respectaient pas les règles… répliqua Maxelya doucement.

- Et toi tu les respectais peut-être ? repris Sin-dee en rigolant.

- Oui, je les appliquais, mais c'était mes propres règles… »

Elles partirent toutes deux d'un franche fou rire, qui résonnait dans la clarté de la nuit, couvrant le chant du vent dans les branches et le clapotis de l'eau.

« Faut dire, t'étais forte quand même, mais t'avais une rivale, repris Sin-dee sur un ton faussement sérieux.

- Ahiko ! maugréa-t-elle en souriant, ra lala… quelle crevarde quand j'y repense ! »

Elles se remirent à rire bruyamment, Ahiko était une grande amie de Maxelya en fait, mais aussi une adversaire redoutable, qui ne lui laissait aucun répit, la plupart des finales ou demi-finales de tournois avaient droit à l'incontournable duel Maxela/Ahiko, dont personne ne pouvait déterminer la fin avant les dernières secondes du combat.

« Elle devient quoi celle-là ? Elle est toujours vivante ? »

Sin-dee répliqua qu'elle ne savait pas vraiment, à vrai dire la xélorette avait quitté la région pendant 3 ans, et à son retour elle n'avait que très peu eut l'occasion de sortir.

« Et donc tu n'en sais pas plus que moi ?

- Nan.

- Mais t'étais partie où alors ? »

Elle lui expliqua alors que vers l'âge de 15 ans, peut-être deux trois mois après que Maxelya soit partie de Sol Casti , elle avait décidé de fuguer de chez elle. Maxelya était la seule personne capable de la faire rester, après son départ, elle se sentait triste, voilà pourquoi elle était partie.

« Au fait, demanda Sin-dee, tu étais partie à la recherche de tes parents nan ? Tu les a retrouvé ?

- Hum, c'est pas si simple, répondit Maxelya, contrariée, je t'expliquerais, mais disons que j'ai une piste. »

Sin-dee continua son histoire, elle avait d'abord tenté de fuir sa maison, son père, mais elle avait vite du se rendre à l'évidence : Gilean Parex était quasiment le maître de Sol Casti. Il était inutile pour la petite Sin-dee Parex de tenter de fuir, du coup elle avait frappé plus loin.

Elle avait embarqué dans un bateau de commerce, en clandestine, dans un tonneau vide. Puis elle avait tant bien que mal survécu en grignotant les réserves de l'embarcation, tout en conservant sa cachette.

Mais à vrai dire elle n'était restée que deux trois jours dans ce bateau là, puisqu'il avait été attaqué par des pirates, ce qui est un fait courant malheureusement pour une ville marchande d'une si grande importance. Elle s'était vite faite repérer lorsqu'ils avaient pénétré la réserve, et s'était faites traîner sur le pont avec le reste des passagers. Elle aurait du être vidée de tous ses biens puis abandonnée, comme les autres, si elle ne s'était pas autant débattue. Au final les pirates eurent tellement de mal à la contenir qu'ils lui proposèrent de l'enrôler avec eux.

« Sans déconner ! s'exclama Maxelya en pouffant, ça m'étonne pas de toi ça ! »

Et du coup Sin-dee s'était retrouvée à voguer sur les mers, comme une vraie pirate. Elle visita des tas de contrées sauvages, et partit à la recherche de trésors méconnus. Son capitaine était une femme, une sadida aux seins lourds et à la langue bien pendue, elle lui enseigna à la fois à dépouiller les gens et à les séduire pour encore plus les dépouiller.

« Huhu, oui, m'enfin tu avais déjà un don pour ce genre de choses à l'époque.

- Moui, peut-être, admit Sin-dee en souriant, en tout cas mon équipage et moi on a écumé ce qu'on a pu sur les mers, puis on a apprit l'existence des six Dofus de pouvoir. A partir de ce moment on a décidé de rester sur les contrées abritant ces artefacts et de les chercher.

- Oui, les six Dofus de pouvoir, quiconque s'en empare deviendra le maître de toute chose vivante…

- En gros oui, reprit la jeune fille, tu connais cette légende ?

- Hum, se contenta de répondre Maxelya, en fait j'aurais un truc à te dire plus tard, mais chaque chose en son temps.

- Bref, reprit Sin-dee, un peu contrariée cependant. Nous ne voulions pas la puissance, loin de là, nous cherchions juste à avoir l'un de ces Dofus pour pouvoir ensuite le revendre à vie.

- Heu ? se demanda-t-elle, revendre à vie ?

- Oui, suffit de montrer le Dofus à un acheteur, de lui demander à ce qu'il présente l'argent, puis de l'assommer pour piquer l'argent, enfin, c'est un peu basique, mais y a plein de variantes…

- Mais c'est pire que du vol ! Remarque, ça te va bien ce genre de pratique... vile chatonne. »

Sin-dee se mit à miauler en souriant, regardant Maxelya dans les yeux, puis reprit son histoire :

« Mais un jour notre chef est morte, sauvagement assassinée par une guilde rivale, et sur son lit de mort elle nous a fait jurer de ne plus chercher à acquérir les Dofus, et d'arrêter la piraterie, pour ne pas mourir aussi bêtement et aussi jeune qu'elle.

- Nobles paroles... Surtout venant d'une pirate. Elle devait vraiment avoir souffert pour dire ça. »

Après cela, l'équipage avait éclaté, tout le monde étant parti dans différentes guildes. Sin-dee s'était trouvé une chambre à la taverne d'Astrub, elle était devenue en quelque jour serveuse, et avait sympathisé avec un vieillard énutrof du nom de Jean Sairien.

La petite xelorette prit une légère aspiration, sentant l'air frais emplir ses narines mises à nue, elle resta silencieuse un temps, jusqu'à ce que Maxelya lui demande la suite de son histoire, elle reprit alors d'un air plus vivant, plus libre :

« Je suis resté assez longtemps à Astrub, avec Jean. Nous étions semblables lui et moi. Moi je n'avais plus de famille depuis ma fugue et la mort de ma chef, et lui venait de perdre sa femme, morte de vieillesse.

Il est devenu mon père en quelque sorte, et il me fit habiter chez lui, dans sa maison à Astrub. Nous avons décidé de ne plus retourner à la taverne, il reprit son travail de mineur plus activement, et m'interdit presque de travailler. Je me suis cependant faite engager comme tailleuse, pour avoir une activité plus qu'autre chose, nous vivions heureux…

- Et que c'est-il passé ?

- Hum… mon père, je veux dire mon vrai père, est arrivé. »

La brise se leva sur cette phrase, comme un point final.


Fin !

















http://img4.imageshack.us/img4/7899/sintete3.jpg















































((Mais nan c'était t'une blague ! ))




































« Mon père a débarqué, et n'a pas mis longtemps à me retrouver d'ailleurs…

- Qu'est-ce qu'il te voulait ?

- Tout d'abord il voulait que je rentre, j'ai pensé qu'il voulait juste me « reprendre », qu'il avait mis un certain temps à me trouver, et qu'il voulait seulement que je revienne à la maison, mais ce n'était pas le cas. En vérité, il avait perdu beaucoup d'argent avec ses affaires crapuleuses, et surtout, il avait joué avec le feu… »

Sin-dee expliqua comment Gilean Parex, le « grand avocat des causes perdues » de Sol Casti, réglait ses affaires, à grand coups de corruption et de magouilles politiques. Elle raconta aussi comment il s'était lié d'amitié avec le proconsul Guvoum del Albergo.

« Huhu, quel nom de merde…

- Oui, c'est pas faux, s'enquit Sin-dee en souriant, mais cet homme est dangereux, plus encore que mon père, c'est un homme de loi, plein d'ambition. Il trempait dans quelques affaires louches, et mon père l'a tiré de tout mauvais pas.

- Pas gratuitement j'imagine, ni par bonté d'âme…

- Oula non ! Il a été grassement payé… Mais Del Albergo surveillait de très prêt ses comptes, et les millions dépensés pour se tirer d'affaire lui paraissaient un peu dérisoire, c'est pourquoi il demanda une faveur supplémentaire à mon père. Il fallait qu'il lui donne une de ses filles en mariage à son fils.

- Hum, oui, tout devient clair, ton père a accepté, et il s'est donc mis à ta recherche.

- Oui, voilà. Ma grande sœur était déjà mariée, et il ne restait plus que moi, du coup j'ai été obligée de le suivre.

- Je vois pas vraiment en quoi Del Abergo y gagnait en revanche, t'avoir comme belle fille…

- En fait ça lui permet surtout de contrôler mon père, il me surveille de très près, et au moindre écart de conduite, il pourra facilement me faire du mal. Le mariage a donc été conclut, aucune échappatoire. Et puis, aussi, le fait que je me marie avec son fille, ça permet de faire passer l'énorme somme d'argent pour une dote.

- Mais tu ne t'es pas enfuie quand il t'a retrouvé ?

- Hum, mon père est très fort, je veux dire physiquement, je pense même qu'il risquerait de te battre en combat singulier.

- Sans déconner ? lui répondit Maxelya avec une pointe d'indignation.

- Heu… oui… répondit Sin-dee en sentant tout à coup son amie la serrer plus fort, tu fais mal là…

- Oups, se contenta de répondre la sorcière, désolée.

- Je disais donc, que mon père est une brute, qui plus est il est toujours accompagné de deux gardes de corps. Il s'énerve si facilement, que je me demande même si les gardes ne sont pas là juste pour l'empêcher lui de tuer tout le monde sur son chemin. »

A nouveau le silence se fit, Sin-dee en profitant pour caresser gentiment le bras de sa compagne, et tomba sur quelque chose de froid. Elle prit le bras droit de Maxelya dans les sien, et se rendit compte qu'elle portait une sorte de gantelet en or, elle l'examina avec soin, déplia lentement ses doigts, en faisant attention de ne pas se couper sur les nombreux pics saillants qui composaient le gantelet. Elle regarda son amie avec un drôle d'air, comme pour lui demander d'où venait cet objet insolite, et son utilité. Maxelya se leva et prononça ce que Sin-dee prit pour une incantation :

« Yume no Tsubasa. »

La disciple de Xélor regardait sa compagne en inclinant la tête de coté, d'incompréhension.

« C'est le nom de ce gantelet, compléta Maxelya, à présent debout devant le lac. Mais moi je préfère l'appeler Dream Catcher. »

A moitié couchée sur l'herbe, les jambes croisées sur le coté, et se tenant en appuie sur un bras, Sin-dee contemplait la chevelure immaculée de la sorcière avec admiration. Elle se dit que le « Yume no Tsubasa » ne pouvait lui servir qu'à torturer des gens, elle se demanda pourquoi elle ne l'avait pas enlevé…

« Il ne me sert pas à tuer où à torturer quoi que ce soit, affirma Maxelya à sa compagne, qui ouvrit des yeux rond comme des pastèques.

- Heu… Ha bon ? répliqua-t-elle, un peu hébétée.

- Non, c'est assez triste à dire mais sans cette protection je serais un monstre sanguinaire. »

Sin-dee se dit que c'était déjà le cas, vu la tuerie qu'elle avait occasionnée…

« Oula, non, sourit la sorcière en se retournant, je ne suis pas un monstre, loin de là, enfin…"

Elle se retourna et marcha vers le lac, les plis de sa robe caressaient le sable et les cailloux. Sin-dee comprit enfin, elle lisait dans ses pensées sans s'en rendre compte. Maxelya lisait en elle… Voilà pourquoi il lui avait semblait raconté son histoire aussi vite, elle n'avait fait que penser, et la sorcière avait tout saisi, tout décrypter.

Elle remarqua une chose singulière, elle sentait au fond d'elle que Maxelya ne percevait pas qu'elle avait ce don. Ce n'était pas un simple doute, mais une affirmation dans son esprit, elle ne faisait pas exprès de lire ses pensées, et qu'elle n'arriverait pas à s'en rendre compte même si elle lui disait.

Maxelya leva son bras au ciel, cachant la rondeur de la Lune avec son gantelet, dont le métal cliquetait nerveusement. Elle prit une longue inspiration et, se retournant vers Sin-dee, lui expliqua :

« En fait, ce gantelet me gène plus qu'autre chose pour me battre. A cause de lui je suis obligée d'utiliser le Black Cat avec la main gauche, et je porte des coups moins puissants à la Witch Feather . »

Sin-dee comprit sans lui demander que « Black Cat » était le nom de son fusil, et « Witch Feather » celui de son épée-hachoir, tous deux rangés sur une caisse plus loin. Elle ne s'étonna presque pas de le savoir. Peut-être était-elle la seule à entendre les pensées de Maxelya, parce qu'elle l'aimait… Enfin…

Elle rougit en y repensant. Amour, amitié ? Quelle était la nature de sa relation avec Maxelya ? Elle se força à ne plus y penser, pour ne pas qu'elle lise ce trouble, mais sûrement étais-ce trop tard. Maxelya sourit en poursuivant son récit.

« Ce gantelet a été forgé par le maître forgeron Pelle-mei, précisa-t-elle, il est en or massif. Il me sert à contenir un mal inconnu, et destructeur. Le maître Pelle-mei appelait ce mal « Akumu », ce qui veut dire cauchemar dans sa langue.

- Cauchemar ?

- Oui, lorsque ce mal prend possession de moi, je… Enfin, il paraît que je deviens un être vaguement humanoïde, qui semble formé entièrement d'ombre. Et que je tue sans aucune raison.

- Hum, mais, se demanda Sin-dee, tu ne te rend pas compte de cette transformation ?

- Pas vraiment non, répondit-elle, lorsque je suis prise par Akumu, je me sens faible, toute petite, comme dans un cauchemar en fait. J'ai peur, le monde autour de moi devient noir, et les contours deviennent changeants, indistincts… Mais je vois encore mon corps comme il est normalement, à vrai dire… Ce sont les gens autour de moi qui changent. »

Sin-dee voulut lui demander plus de détails, mais elle fut prise d'une angoisse soudaine, incontrôlée. Elle comprit que Maxelya était en train de repenser à Akumu, et qu'elle commençait à avoir peur. Elle vit comme une image un monde en version Akumu, noir, étrange, et où tous les hommes sont remplacés par des êtres noirs et difformes, qui semblent lui vouloir du mal… Elle comprit ainsi pourquoi Maxelya devait se protéger de cette malédiction.

« Yume no tsubasa, littéralement, pourrait se traduire par les ailes du rêve, reprit la compagne de Sin-dee, c'est maître Pelle-mei qui a inventé ce nom, mais comme je te l'ai déjà dit, je préfère le terme « Dream Catcher »…

- Tu es partie de Sol Casti à cause d'Akumu c'est ça ? demanda soudain la petite xelorette.

- J'avais quoi quand je suis partie ? 18 ans ? Oui, je crois que c'est ça, c'est à peu près là que Akumu est entré en moi. En fait il me suivait depuis mon enfance, il prenait la forme d'une créature chétive et se confondait à mon ombre. Je ne comprenais pas qui il était, jusqu'à ce qu'il devienne méchant avec moi, jusqu'à fusionner avec mon corps…

Quand je me suis rendu compte de la violence qu'il pouvait infliger par le biais de mon propre corps, je suis partie, et j'ai juré de tout faire pour m'en guérir, si c'était possible… Mais toute seule je n'arrivais à rien. J'ai potassé alors tous les bouquins de magie, de sorcellerie, d'alchimie, et même des revues scientifiques, tout ce qui passait à ma portée. Je vivais pour ainsi dire dans les bibliothèques, me nourrissant de connaissance brute, c'est ainsi que je prit conscience d'un pouvoir bien plus grand que je n'imaginais… »

Immortelle, c'est le mot qui vient à l'esprit de Sin-dee lorsque la voix de son amie se tut, laissant place au silence pesant… Immortelle

« Akumu me donne sa force, même maintenant qu'il est emprisonné d'ailleurs. En vérité, je suis encore humaine, mais un peu plus forte que la normale, et surtout, je crois que je ne vieillirais plus, ou très peu… Mon corps est… »

Elle regardait sa main gauche, libre et nue, blanche, presque innocente.

« Mon corps est comme infatigable, je peux rester des jours entiers sans dormir, des semaines sans manger ni boire, et les sorts de soin me font bien plus d'effet que la normale. J'en viens même à croire que je ne peux pas mourir… »

Une nouvelle fois le vent murmura dans les joncs sa douce complainte, puis s'éleva pour caresser les mornes saules, et leur décrocher des larmes de feuilles sèches, qui retombaient sur l'eau en douceur.

Maxelya avança vers l'eau, et continua de marcher. Elle posa le pied à la surface du lac, puis, étrangement, pris appuis pour en poser un autre devant elle. Lentement, mais avançant toujours, elle fit quelques pas à la surface de l'eau, sans s'enfoncer le moins du monde dans l'étendue glacée.


Sin-dee la regarda marcher sur l'eau avec stupeur, s'asseyant en tailleur pour mieux la voir. Maxelya poursuivit son récit, absorbée en même temps par la contemplation de la Lune.

« J'ai lu des centaines et des centaines de livres, en survivant sans trop subvenir à mes besoins, j'allais de bibliothèques en bibliothèques, et j'ai acquis une connaissance hors du commun en matière de forces occultes, c'est dans l'un de ces grimoires que j'ai appris l'existence du maître Pelle-mei, forgeron mais aussi exorciste. Il vivait en ermite, dans une grotte, soignant la maladie qui le rongeait (il l'appelait cancer) grâce à des herbes de sa composition.

Les habitants du village voisin me renseignèrent sur ses habitudes, il rompait ainsi régulièrement son vœu de solitude pour prodiguer des soins, ou bien pour forger des armes uniques. En fait il ne distinguait pas son rôle de soigneur de celui de forgeron. Pour lui les armes et les équipements sont tout aussi primordiaux pour soigner que des herbes.

Il créait, et créé encore à l'heure actuelle, des armes et pièces d'équipements médicinaux, c'est-à-dire qu'il y ajoute une particularité, permettant de soigner, de protéger, ou bien d'atténuer les effets d'une maladie ou d'une malédiction. Il se sert de sa connaissance extraordinaire pour assurer à ses patients un soin optimal et personnalisé… »

Sin-dee écoutait avec un sourire en coin son amie faire de la publicité pour cet homme. Elle avait changé se dit-elle, elle ne s'en serait pas douter au départ mais, là, c'était évident. Sa copine Maxelya la rebelle insociable s'ouvrait peu à peu aux autre, là encore sans s'en rendre compte.

« …Et lorsqu'il me vit, il me prit sous son aile, un peu comme ton Jean Sairien en fait, dit-elle en souriant, il m'apprit à souffrir en silence, et à vivre avec ma maladie, Akumu, à l'apprivoiser. Il me forgea donc ce gantelet, mais… ma quête n'était pas finie. »

Akumu scellé, Maxelya soignée définitivement, que pouvait-il rester encore y avoir ?

« Hum, en fait, Akumu est en moi, je ne suis pas totalement guérie, mais cela n'a que très peu d'importance… »

Evidemment, il y avait encore autre chose, elle le sentait dans le cœur de son amie. Elle n'avait pas causé tant de souffrance par plaisir, si elle devait encore tuer des gens, c'était pour s'assurer une survie…

« J'ai découvert une chose bien plus grave. En lisant diverses brochures de magie, je suis tombée sur un livre entier, intitulé poétiquement « la source de ton cœur… », étrangement, rien que le titre me parlait, il s'avéra franchement intéressant. Le sujet c'était moi. »

Sin-dee comprit qu'il n'y avait point de métaphore ici, le livre qu'elle avait déniché était vraisemblablement consacré à elle.

« Oui… dur à croire hein ? Moi à qui on réserve juste deux trois page dans les journaux, à l'occasion. »

Elle rit nerveusement, on aurait dit qu'il lui manquait quelque chose. Une cigarette peut-être ? Mais elle reprit le récit de sa vie.

« Ce livre racontait ma naissance, enfin, on devrait plutôt parler de ma création.

- Création ? répéta Sin-dee, un peu surprise.

- Oui, un homme m'a créé de toute pièce, et a consigné toutes les étapes de ma création dans un petit carnet, que j'ai retrouvé dans sa bibliothèque personnelle.

- Ca veut dire… que tu étais chez lui ? Tu l'as rencontré ?

- En fait non… Je me suis incrustée chez lui par effraction, évidemment. Mais sa maison était abandonnée quand je suis arrivée chez lui. En fait, le truc le plus étrange, c'est que d'après mon enquête, toute le monde l'a vu partir exactement le jour où moi, à des kilomètres plus loin, j'apprenais son existence.

- Comment ça ?

- Je venais de trouver un livre qui recensé tous les grands noms de la magie, ainsi que les créations de ces derniers, c'est comme ça que j'appris l'existence d'un certain « Maxml », et de sa seule réussite en matière de magie, Maxelya. Un projet ambitieux de nécromancie, qui avait fait de cet homme le tout premier créateur d'un golem à forme totalement humaine. »

On recensait sous le terme golem toute créature ou invocation étant le fruit d'un humain, mais jamais personne n'avait réussi à faire un être humanoïde parfait. Cela semblait défier toutes les lois de la nature, et des dieux mêmes. Maxelya ne pouvait en être un… C'était incroyable…

« Mais alors, c'est lui qui t'as appelé Maxelya ?

- Oui, en fait j'ai toujours su que je m'appelais comme ça, sans savoir pourquoi. C'était lui qui m'avait nommé ainsi… Je voulais le rencontrer en personne, mais il est parti trop tôt. J'ai lu toutes ses notes, étudié les croquis qu'il avait fait de moi, et c'est lui aussi qui avait conçu les plans de mes armes.

- Heu, tu veux dire la Witch Feather et le Black Cat ?

- Oui, je n'ai eu qu'à ramasser les plans et à utiliser la forge de mon maître pour me les créer. Elles m'allaient parfaitement. Mais, après les confectionner, j'ai su ce qu'il me restait à faire. Je dois le retrouver, coûte que coûte, et c'est ce qui m'amène ici.

- Vraiment, tu sais où il est parti ? demanda Sin-dee.

- Oui, même si ça parait fou… répondit Maxelya, évasif, lentement elle marchait sur l'eau du lac, allant plus loin sans jamais s'enfoncer dans l'étendue liquide. En vérité, le dénommé Maxml, mon créateur, vit à présent dans une sorte de monde parallèle, qu'il nomme IRL. Il m'a même « donné » les plans pour rejoindre son monde. »

Sin-dee s'arrêta un peu de regarder son amie, l'idée de l'existence d'un monde parallèle flottait à présent dans son esprit, mais elle n'arrivait pas à y croire. Elle allait lui demander comment rejoindre ce fameux monde Ih Airh Hell, ou peu importe comment il s'appelait, mais elle répondit avant même qu'elle eut besoin de formuler la question :

« Maxml travaillait sur les plans d'une machine à traverser les dimensions, et j'ai récupéré ses travaux pour retenter l'expérience. A mon avis il a réussit à la construire, mais je ne sais pas où se cache sa machine. En fait le fonctionnement est exact à celui des zaaps de transport, seule la configuration et la consommation d'énergie diffèrent.

A mon avis, ce qu'il s'est passé, même s'il ne l'a pas vraiment dit, c'est qu'il a détourné un zaap à usage public, et qu'il en a juste changé la direction et ajouté un module de puissance plus important. Et d'après mes calculs, ce zaap était sur une île non loin de la région d'Amakna.

- Amakna ?

- Oui, le pays d'où tu viens, c'est là-bas que m'attend mon destin, et tu sais pourquoi ? La puissance démesurée dont parle Maxml, et qui sert à faire tourner sa machine…

- Les Dofus ! »

Le mot avait jaillit hors d'elle, comme une vérité immuable. Les dofus étaient la clef du fonctionnement, forcément. Elle allait partir à la recherche de ces artefacts, et devait prendre le bateau à Sol Casti, le seul port d'où on pouvait rejoindre cette région du monde.

« Voilà, je vais partir pour ce pays que tu connais si bien… reprit Maxelya, silencieusement. Je pensais te revoir là-bas d'ailleurs, je ne savais pas que tu étais revenue à Sol Casti, sinon je t'aurais cherché en premier. J'ai vraiment envie que tu me suive à Amakna.

- Comme… Sin-dee chercha ses mots un instant, puis bégaya : Co.. Comme un guide, tu veux que je sois ton guide ? »

Maxelya s'approcha d'elle en souriant, mais s'arrêta, elle était à deux mètre du bord, sur le lac. Elle tendit les bras, pour inviter Sin-dee à venir à elle, et aussi fou que cela puisse lui paraître, sa compagne obéit. Sin-dee effleura la surface de l'eau avec le pied, et sentit une aura magique l'entourer, sûrement Maxelya qui utilisait son pouvoir sur elle. Elle avança sur l'eau, lentement, à pas timides.

Puis elle mis un pied devant l'autre, émerveillée par le fait qu'elle aussi, marchait sur l'eau. Elle s'approcha de Maxelya en souriant bêtement, et s'enfouit dan ses bras.

« Idiote… fit-elle en rigolant, plaçant la tête de sa toute petite amie sur sa lourde poitrine, tu es bien plus que ma guide. »

Elles se regardèrent, toutes deux souriantes, marchant sur deux mètres de profondeurs liquides, sereines. Elles s'embrassèrent, et le temps sembla stopper sa folle course…



http://img17.imageshack.us/img17/6629/dadafm2.jpg
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés