Cher journal,
Enfin, je peux reprendre notre discussion…Ou mon monologue, devrai je dire, tant est que tu te contentes d’ouvrir tes pages compréhensibles au fil de mes mots accueillant mes pensées sans que jamais tu ne m’interrompes. Bien loin des sarcasmes continuels de «La Barbaque »…
Bref,….
Notre retour à Wolfenburg fut périlleux, les dieux eux-mêmes semblant s’être unis pour nous punir d’un quelconque péché, déversant sur nos épaules la violence glaciale d’un blizzard, vomissant des cieux des monticules neigeuses, châtiment divin telle une douche purificatrice pour une faute inavouée ?
3 jours de marches dans ces conditions, 3 jours rudes pour une rédemption forcée, lavant sans nul doute nos âmes des affres impies qu’elles se sont entachées. Le jour, nous dûmes nous tracer un sillon dans la croute immaculée, la marche de mes frères d’armes transformant bientôt le chemin en gadoue, chaque pas amenant son lot d’effort dans un bruit de succion rappelant le gargouillis d’une quelconque créature, vexée que l’on échappe à son emprise. La nuit, outre le froid qui nous enlaçait de ses bras, étreinte mortuaire d’une amante frigide, c’était les tigres à dent de sabre qui jouèrent avec nos nerfs, la faim faisant fi de la prudence. Leur plus terrible charge fut celle du deuxième jour où la pénombre était presque totale, la lune se voilant peut être la face pour ignorer la fureur féline qui allait éclater ou alors, d’un esprit complice, joua-t’elle le jeu de ces animaux en nous privant de sa clarté ?
Mais aucun mort ne fut à déplorer…Du moins aucun loup…
Même durant ces 3 jours infernaux, aucun ne manqua à l’appel quand enfin se dessina devant nous Wolfenburg, ces ruines s’entrecoupant à l’horizon boisé comme une plaie à peine cicatrisée, blessure pesteuse puante et suintante toute sa maladie.
Et pourtant,…Il est étrange comme un lieu familier peut raviver en vous cette chaleur si particulière, il est même surprenant que cet état vous transcende tant qu’elle chasse l’amertume d’un périple difficile. Qu’importe les non morts pestiférés alentours, qu’importe l’odeur de pourriture qu’ils dégagent, qu’importe le crissement de leurs pas sur les pavés de l’ancienne cité ou même leur beuglement de rage en sentant dans l’air notre arrivée…Ou plutôt celle d’un éventuel repas, non qu’importe tout ceci quand vous vous considérez chez vous et Wolfenburg se rapproche le plus d’un foyer à mes yeux… Bien triste quelque part, non ?
J’en viens à me souvenir de cette boutade lancée par le Boiteux alors que les hommes s’extasiaient d’avoir retrouvé leur campement.
« Rentrer au bercaille, hein…c’est bon, les gars…Ca vous chamboulerait presque l’slibard, pas vrai ? Bah, j’vais vous dire, moi, profitez bien c’moment. C’est un peu comme d’retrouver sa grognasse attitrée. Sur l’coup, elle fleure bon l’parfum, elle a la peau douce et on en vient à s’demander l’chibre en main l’pourquoi not’départ…Et pis, deux trois jours passent et un matin on s’retourne dans l’plumard, on regarde not’régulière et on s’rend compte qu’finalement elle a une haleine de chacal au réveil, qu’sa peau r’ssemble à une orange en fin d’vie et dés qu’elle parle, elle devient chiante au possible »
Quand on y pense, derrière ses diatribes vulgaires, le Lieutenant a souvent des propos réfléchis, posé avec justesse. Bon, il est vrai, cher journal, qu’il faut faire le tri et coupé dans le gras pour en garder l’esprit seulement, les grossièretés en moins. Mais ses dires ne sont pas faux…
Et je m’en rendis compte quelques minutes après, les hommes riaient encore de bon cœur, chantaient tout en installant le camp, trop heureux que nous étions d’être enfin revenu de cet enfer hivernal et d’avoir retrouvé un lieu stable, nous les éternels arpenteurs des routes, charognards de guerre qui, guidés par l’odeur du sang et de l’or, vagabondons de champs de batailles en champs de batailles pour, au final, ne laisser derrière nous que charnier. Nous disais je, n’allions pas tarder à être rattrapé par notre porte bannière, …La mort !!
C’est sous l’aspect d’une lourde boite descendu d’un chariot qu’elle vint frapper, un rectangle de bois mort accueillant un corps l’étant tout autant. Je suivis alors du regard son ascension, 4 loups le transportant à l’écart, 4 chiens de guerre pour seule procession funèbre et, tandis que cette image se figea dans mon esprit, je les vis s’éloigner, la pénombre les enveloppant tel un linceul.
Qui était ce ?
Aucun loup n’était mort pendant le trajet….Non aucun…
Ce n’est que quelques heures après que j’ai su…De la bouche même du Boiteux…L’aristo….Herr Baumstein était mort…
De folie ou de froid ?
De faim ou de faiblesse ?
Ou alors l’œuvre de ces fanatiques…L’ordre du Saint Marteau comme la rumeur le laissait penser…
Et moi…Moi qui me sentait proche de cet homme tant mon bégaiement me cloisonnait dans ce même silence que la folie semblait l’avoir plongé, allais je avoir droit à leur visite..Et encore une fois, la faucheuse l’accompagnant ?
Adric *une larme semble avoir perlé à cet endroit*
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