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« Attaquez, Sang Pur ! Réduisez ces misérables traîtres à l’état de cadavres et d’esclaves ! Nous vaincrons, Nains du Sommet, car nous sommes les plus forts ! »
C’est en ces termes qu’Ulroh LanceSang mena ses troupes contre les soldats gardant l’entrée de la Citadelle.
« Nous allons être débordés ! Repliez-vous vers la cour, je vais tenter de les retenir le plus longtemps possible ! » Hurla Felia à l’intention de la moniale qui finissait de soigner un blessé, avant d’acquiescer et d’ordonner à ses hommes de redescendre.
La Nécromante agrippa fermement son bâton et rejoignit le pont reliant les deux parties de mur. De là, elle surplombait la porte de la forteresse et pouvait aisément apercevoir quel flanc menaçait de flancher devant l’assaut nain.
Elle ferma les yeux, et sentit ses pieds s’affranchir de la gravité. Ecartant les bras, elle entra en transe.
« Grenth, Seigneur des Morts et de l’Outremonde, je T’appelle, moi, Felia, la plus fidèle et la plus loyale de Tes esclaves. En ce jour de grand péril, donne moi le pouvoir de vaincre mes ennemis. Pourrait-il être innombrable, pourrait-il être courageux comme cent hommes, qu’il ne pourrait rivaliser avec Ta puissance. Tu es le Maître de cet Univers et de tous les autres, rien ne T’échappe et tout Te revient. Daigne accéder à ma requête, je Te sacrifie avec joie ce qui T’es de plus cher ; la santé de Tes esclaves. Prends, prends à loisir, je ne serais qu’heureuse qu’en Te sachant rassasié. Je T’en supplie, Grenth, Seigneur des Morts ; donne moi le pouvoir. »
Une violente douleur l’assaillit en pleine poitrine. Comme les instruments de bourreaux trouvent les points les plus douloureux chez leurs victimes, la douleur de Grenth arrivait à chaque seconde comme une lame transperçant chaque organe. Elle rejeta la tête en arrière, toujours lévitant, courbant son échine d’un manière qui aurait du la mener à la fracture. Mais elle retoucha alors le sol, haletante. Mais quand elle se redressa, les personnes qui avaient suivi son incantation la trouvèrent, la savaient changée. Une aura à la fois noire et majestueuse l’enveloppait, elle paraissait plus grande, plus imposante. D’aucun murmurèrent que Grenth lui-même était venu réclamer son dû et prêter assistance à sa Nécromante.
Elle fixa de nouveau l’avancée inexorable des Nains d’Ulroh.
« Que périssent les Sangs impurs. »
Et elle donna un violent mouvement de bâton en direction des Nains, qui se retrouvèrent projeté en arrière, assommés.
« Que se lèvent de nouveau la Fierté de Grenth. »
Elle désigna de sa main libre le tas de cadavres qui s’était créé dans la zone de combat, et des dizaines de squelettes, zombies et goules se formèrent, créant un écran de combattants entre les deux troupes de Nains.
« Que les ennemis du Seigneur des Morts ressentent sa puissance. »
Elle incanta une série de sortilèges qui filèrent vers leurs cibles. Par poignée, les Nains mourraient, se tordaient de douleur, hurlaient en demandant grâce. Les insectes sortaient de terre pour les dévorer, certains étant encore vivants. Et à chaque mort, un squelette apparaissait à partir des os du cadavre.
« La Nécromante ! Hurla Ulroh en désignant Felia sur sa position en hauteur. Abattez la Nécromante ! »
Les Nains n’avaient plus la fougue de leur première charge, mais désormais, ils savaient d’où venait la menace, et ils voulaient venger leurs camarades, ou tout simplement punir une humaine d’oser s’élever contre eux.
Bien que consciente du danger, elle ne pouvait plus bouger, ou se mettre à l’abri. Elle reprenait difficilement sa respiration, plus occupée à tenter de survivre à son incantation qu’à trouver un chemin vers la cour. Les flèches commençaient à fuser autour d’elle, mais elle n’y prêta guère d’attention. D’une certaine façon, elle souhait qu’une d’elle l’atteigne, elle pourrait alors ressentir l’Appel de Grenth, le rejoindre et enfin goûter au tribut de sa dévotion et de ses sacrifices envers lui. Mais quelqu’un en décida autrement. Quelqu’un se jeta sur elle et la plaqua au sol, hors de portée des traits des Nains. Elle redressa la tête pour le voir ; il s’agissait de l’archer qui l’avait dépassé quand ils montaient les escaliers. Il lui sourit, de la même façon qu’elle auparavant, et lui murmura que tout irait bien, qu’il allait la sortir de là.
C’est là qu’elle perdit connaissance.
Elle rouvrit doucement les yeux. Une ou deux secondes s’étaient déroulées pour elle, mais elle était bel et bien hors de danger –du moins, pour le moment- dans un coin de la cour, à coté de deux moines qui étaient chargé de surveiller les civils.
« Restez ici, ma Dame. Lui dit l’un d’entre eux. Vous avez fourni un effort des plus honorables et salutaire. Nos soldats ont pu le temps de se regrouper et ils agissent maintenant efficacement.
-Je… Je dois les aider… Aidez-moi à me relever…
-Pas question. Vous resterez ici, vous avez besoin de repos.
-Ne discutez pas ! Faites ce que je vous dis ! Cria-t-elle avec une force que n’avaient pas soupçonnée les deux moines.
-Nous… Nous pouvons accélérer votre guérison, mais cela n’est pas tout à fait bénéfique pour votre corps. Il a besoin de repos et de temps, plus que de soins directs ou magiques.
-Hâtez-vous, vous dis-je. »
Elle se retrouva sur pied, les deux hommes récitèrent une incantation à Dwayna, et rapidement, les forces lui revirent. Elle tourna la tête vers eux et les salua d’un petit signe de tête, et courut vers la porte.
« Felia ! Que Dwayna soit louée, vous êtes là ! S’exclama Maha lorsqu’elle l’aperçut. Nos moines sont épuisés, ils n’arrivent plus à se concentrer assez pour guérir les soldats ! Nous devons nous replier, voire abandonner la forteresse, et nous regrouper dans les montagnes. Nous pourrons peut-être reprendre la Citadelle plus tard, mais dans l’immédiat, nous devons penser au peuple nain. Nous devons les sauver.
-Ne parlez plus jamais de fuite ou de repli, moniale ! Cracha Felia. Nous devons rester ici et assurer la défense de la porte, ou bien mourir. C’est à présent la volonté de Grenth, et nous devons nous y résoudre. »
Puis elle partit en courrant vers la zone de combat, et ramassa une petite épée abandonnée dans la neige.
« Moines ! Regroupez-vous à moi ! Vite ! »
La majorité des soigneurs parvinrent rapidement à elle, la questionnant sur les raisons de ce ralliement. Ne répondant rien, elle posa la lame qu’elle tenait en main sur son avant-bras et se trancha les veines d’un geste sec. Les moines, choqués, voulurent la soigner rapidement, mais elle les retint rudement.
« Non ! Buvez mon sang ! Il anéantira les effets de la fatigue. Dépêchez-vous ! »
Mais aucun moine ne bougea, trop choqués et interloqués pour tendre la main vers ce poignet sanglant. Elle attrapa alors les cheveux d’un des leurs, et le plaça violemment de sorte qu’il ingurgite quelques gouttes du liquide rouge. Il se releva, épongeant le sang qui lui coulait de la lèvre, et repartit vers le combat, apte à soigner, désormais.
« Dois-je vraiment vous forcer comme je viens de le faire, ou allez-vous enfin m’écouter ? »
Mais alors que les derniers moines finissaient d’ingurgiter le sang, un cri perça depuis la porte.
« Ils sont passés ! Retenez-les ! Ils sont passés ! »
Ecarquillant les yeux d’horreur, Felia aperçut la cause de l’échec des Nains à tenir la porte : le Sommet venait de lancer une charge de Belluaires qui écrasaient tout sur leur passage.
« Ecartez-vous ! Laissez-les passer ! » Hurla-t-elle à l’encontre des soldats qui se trouvaient sur le chemin.
La bataille continua alors dans la cour. Les hommes de la forteresse perdant peu à peu du terrain face au nombre impressionnant d’ennemis.
Felia se trouvait au cœur de l’affrontement, le poignet toujours en sang, incantant rapidement des sorts dans le vain espoir de faire reculer une partie des combattants.
C’est dans ce chaos indescriptible qu’une lance la transperça au ventre. Elle chuta dans la neige, sa Coupecarne fut projetée hors de sa main lorsqu’elle toucha le sol. Elle ne vit d’abord que les flocons de neige qui tournaient autour d’elle, mais bientôt, un visage de Nain apparut, tenant dans sa main une lance dont l’extrémité était ensanglantée. Le Nain l’approcha des yeux de sa victime.
« Tu sais à présent pourquoi on m’appelle Ulroh LanceSang, Nécromante. »
Il empoigna sa lance à deux mains, et la leva en l’air, dans l’intention de la rabattre une nouvelle fois pour le coup de grâce. Elle ferma les yeux, et sourit.
« Enfin… »
Elle rouvrit les yeux, et ne vit pas Ulroh au dessus d’elle. Elle le chercha du regard aux alentours, pour découvrir qu’il menait un combat contre Dalric. Elle sentit alors des mains se posé contre sa blessure, et, en tournant la tête, vit Maha, les yeux fermés, murmurer des paroles afin de la soigner.
La blessure se referma, et elle put rattraper sa Coupecarne, avec, dans ses yeux, le plein espoir de se venger. Maha la retint par le bras.
« Ne faîtes surtout pas ça. Ces deux-là ont besoin de ce duel, ils se haïssent trop pour permettre à un tiers de tuer l’autre. Dalric vous en trop si vous tuiez Ulroh à sa place. »
La lance siffla dans l’air, mais rata sa cible. La hache adverse avait pour but le crâne d’Ulroh, mais elle aussi passa à coté. Dalric était tout à fait conscient que son adversaire avait une allonge bien plus grande que lui, mais il avait confiance en ses propres capacités de guerrier.
Ulroh fit tournoyer son arme au dessus de sa tête, dans le but avoué de toucher Dalric au visage et de le projeter au sol. Mais celui-ci se baissa à chaque passage de la lance, raffermissant sa prise au sol. Et lorsqu’il jugea le moment opportun, il bondit vers Ulroh et lui planta sa hache dans l’épaule. Il hurla de douleur, mais voulut lui aussi atteindre son adversaire. Il fut trop lent, ce qui laissa le temps à Dalric de lui sectionner le bras.
Ulroh se retrouva au sol, haletant, mais fixant son adversaire d’un regard toujours rempli de haine.
« J’ai rêvé de cet instant depuis bien longtemps, dit Dalric, et j’ai imaginé bien des façons d’en finir avec toi. Mais je n’avais pas pensé à celle-là… Voici pour tous les Nains que tu as tués. »
Il trancha l’autre bras d’Ulroh.
« Voici pour tous les humains que tu as tués. »
Il sectionna alors une des jambes, le Nain hurla de plus belle.
« Et ça, c’est par plaisir personnel »
Il trancha alors le dernier membre, laissant Ulroh dans un état pitoyable se vider lentement de son sang.
Un cor résonna dans la vallée et dans la forteresse. Les regards de tous les Nains, du Sommet et de la forteresse, ainsi que celles des humains, se portèrent sur la porte enfoncée.
C’est alors qu’Héréloi Undol apparut, à la tête de ces cavaliers des montagnes.
La charge qui s’en suivit fut l’une des plus mémorables et des plus retranscrites de toute l’histoire des Cimefroides. Ainsi, la Citadelle de Granite fut sauvée par l’action conjuguée des Nains et des Humains.
« J’ignore si les autres Chevaliers sont au courant de la situation ou de ma position, mais cela n’a que peu d’importance ; la Citadelle a ce défaut d’être trop retiré au cœur des Cimefroides, et aucune aide extérieure n’est envisageable avant plusieurs semaines. Ce document fera foi des évènements qui se seront déroulés, quelque soit la fin que nous connaîtrons. J’ose espérer que le Sommet ne trouvera pas cet écrit, il est trop précieux pour être détruit.
A l’heure où j’écris, la Citadelle enterre ses morts et fête sa victoire. Une veillée funèbre est tenue dans les grottes où s’étaient réfugiés la population, qui accueillent maintenant les dépouilles des soldats morts. Il a été décidé qu’on ne ferait aucune distinction entre Nains et Humains, et qu’ils seraient tous enterrés au même endroit, sans rien pour les séparer.
A l’heure où j’écris, trois étendards flottent au dessus de la Citadelle de Granite : l’Etendard du Grand Nain, le Drapeau de Dwayna… et la Flamme de Grenth. »
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