I/ L'éveil
Aujourd’hui je n’ai vraiment pas envie d’aller à Brill. Disons que je n’ai pas le choix. Espérons que ça se passera mieux que la dernière fois.
« La dernière fois », pour moi c’était il y a un mois tout au plus, mais en réalité cela fait plus de deux ans que je n’y suis pas retournée.
A l’époque, j’avais vingt six ans et j’habitais dans la plus belle des petites maisons, se trouvant non loin des moulins de la famille d’Agamand, l’une des familles les plus riches de Lordaeron, et pas très loin de la ville. Nous y vivions heureux dans notre petite maison.
Tous les samedis, je me rendais au marché de Brill. Je passais devant la ferme des Bring, une jolie petite demeure qui abritait une famille de huit personnes. L’aîné des frères, Gérald Armand Bring était le plus bel homme de tout Azeroth et le plus charmant aussi. Vous me direz que je ne suis pas très objective, puisque ce dernier n’était autre que mon tendre époux, et ce depuis huit ans.
Il était fabuleux, un prince charmant sortant tout droit des contes de fée. Il travaillait au château de Lordaeron en tant que paladin de la main d’argent. J’étais une mère et une épouse épanouie. Mais deux enfants me comblaient de bonheur. Silius l’aîné, voulait déjà suivre les traces de son père. Quant à Elisa, c’était mon portrait craché, elle était intrépide, téméraire, un vrai garçon manqué. Elle aussi avait choisi ça voix. « Je veux faire prêtresse » m’avait elle clamé un soir.
Comme je le disais tous les samedis, je me rendais au marché et en passant devant la maison de mes beaux-parents, je me remémorais les innombrables souvenirs de ma jeunesse.
Une jeunesse idyllique qui ferait pâlir les plus beaux récits. Ce jour là, mes enfants se trouvaient chez leurs amis dans une des demeures les plus prestigieuses de Lordaeron. Mon mari quant à lui était en mission depuis deux jours. Récemment des attaques avaient été perpétrées aux abords du royaume et il avait été envoyé en tant qu’éclaireur. On n’en savait pas plus, les hautes instances avaient jugé bon de ne pas nous en toucher un mot.
Enfin, (soupir)malgré le fait que tout me disait de rentré chez moi, je fini par arriver au marché. Tôt le matin, une cargaison de maïs était arrivée. D’habitude le samedi je prépare du ragoût et de la tarte au potiron. Mais je me suis dit pourquoi pas changer, va pour le maïs, les enfants seront contents ce soir.
Une fois rentré à la maison, j’ai commencé par nettoyer les maïs, puis je les ai fait bouillir dans une marmite. Pendant la cuisson, j’ai préparé comme à mon habitude la tarte du samedi. J’ai compté les maïs par deux fois, et je me suis aperçu que comme une idiote j’en avais pris un peu trop. L’odeur emplissait la maisonnée, l’envie d’y goûter avant le retour des enfants me traversa l’esprit. Moi qui les grondais lorsqu’ils mangeaient entre les repas. Mais bon j’étais loin d’être une petite fille et un écart ne pouvait pas me faire de mal. Je me rappelle avant de mordre dans une des épis, m’avoir dit dans mon fort intérieur : « qu’elle gourmande tu fais, un de ces jours tout cela te perdra ma fille ». J’étais loin de m’imaginer à quel point je pouvais avoir raison.
Je venais de finir la tarte lorsque je fus prise de malaises. Sûrement la chaleur me suis-je dit.
- Allons nous reposer un peu avant le retour des enfants.
Lorsque je me suis réveillée, le soleil commençait à disparaître derrière la colline. J’étais encore plus mal qu’avant, des maux d’estomac avaient fait leur apparition, et j’avais des hauts le cœur. Puis une hypothèse me vint à l’esprit.
- Et si j’étais enceinte!?
Alors qu’un large sourire emplissait mon regard, une douleur atroce m’extirpât de mon doux rêve pour me ramenait à la réalité glacée et fracassante du sol de ma cuisine. Une fois à terre je plongeais dans le plus noir des songes. Dans ma folle et dernière nuit de sommeil, j’ai fait un cauchemar des plus horrible. Mon mari voulait me tuer, il brandissait une épée dans ma direction en criant des horreurs à mon égard.
Après mon horrible cauchemar, je me suis réveillée dans se qui aurait dû être ma dernière demeure. Un caveau familial, voilà où j’ai atterri. Déboussolée, j’ai regardé tout autour de moi. Bien que la pièce était sombre, je pus apercevoir les centaines de cadavres qui jonchaient le sol écarlate. Toute la pièce du sol au plafond était recouverte de sang qui avait coagulé depuis bien des années. Les toiles d’araignées, les insectes grouillants qui parcourraient les corps tuméfiés, les rats et autres bestioles rendaient le spectacle encore plus macabre et insoutenable.
Je ne me suis pas rendu compte de mon état, je n’ai même pas prêté attention au fait que je ne sentais pas l’odeur de putréfaction des locataires de la demeure. J’ai juste couru le plus vite possible en direction de la sortie qui se trouvait à l’étage supérieur. J’ai couru à m’en faire explosé les poumons, et j’ai crié si fort que les murs en ont frémi. Arrivée a l’air libre, j’ai continué ma folle course s’en faire gaffe aux gens qui m’entouraient. J’ai coupé à travers bois jusqu’à chez moi, priant que tout cela ne soit qu’un rêve. Mais on ne répondit pas à ma requête. Enfin la réponse ne fut pas celle qu j’attendais.
Ma maison qui se trouvait alors devant moi, n’était plus qu’un amas de planches qui tenaient debout on ne sait par quel miracle. Les mauvaises herbes avaient presque prise possession de tout l’habitat. Comment en un soir tout ceci avait il pu se passé. Le sol craquait à chacun de mes pas. Malgré la poussière, les plantes, les débris et certains meubles cassés, tout y étaient comme avant. Rien n’avait changé. Des années avaient passé sans que je ne m’en rappelle. Combien de temps avait t’il pu s’écoulé. Je ne comprenais toujours pas dans qu’elle situation je me trouvais. Mon premier réflexe fut de me dirigé vers la chambre des enfants. Je montais les escaliers m’entraînant dans le couloir qui conduisait à la chambre des enfants. C’était comme dans un rêve. Le vent qui s’infiltrait à travers les différentes brèches de la cloison faisait virevolter les feuilles qui avaient dû s’infiltraient par la vitre brisée du fond. Les volets claquaient, les verres des fenêtres en morceaux craquaient sous mes pas de plus en plus pressant. Je ne sais pas pourquoi, sûrement une habitude, mais je n’ai pu, à mi chemin entre l’escalier et la chambre, m’empêchais de regarder dans le miroir accrocher au mur. Et à travers le miroir brisé du couloir, je vis la réalité de la situation. Devant moi se trouvait un corps violacé sans vie, décharné de toutes parts, portant des guenilles en lambeaux, qui un jour avait fait d’elle la plus ravissante des êtres. Son visage était aussi blanc que la neige de Dun Morogh. Des poches noir pétrole dessinaient le contour bas de ses yeux. Ses derniers, quant à eux, semblaient avoir perdu tout leur éclat. Des lèvres violettes desséchaient, des tuméfactions sur toute la peau, des cheveux de paille couleur pourpre rendaient ce visage encore plus cadavérique. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Ce sentiment de gaîté qu’elle avait en se regardant avait laissé place à un profond désespoir. Je compris que cette inconnu affublait d’un masque mortuaire n’était autre que moi. A ce moment là l’accumulation de malheurs m’avait fait tomber dans les pommes.
A mon réveil le miroir était parti en miettes d’en les escaliers. Je repris alors ma route vers la chambre. Les affaires des enfants y étaient toujours.
- Pourquoi ? Me dis-je à mi-ton. J’aurais préféré l’inverse. J’ai fouillé toute la maison à la recherche d’une trace d’eux, d’un indice me prouvant qu’ils étaient toujours en vie. Arrivée dans le salon j’ai trouvé un squelette. Celui d’un homme portant une armure sur laquelle avait été posé l’emblème de Lordaeron. Pas très loin du corps était posé une épée comme celle de mon mari. Au début je n’ai même pas voulu faire le rapprochement. Mais lorsque j’ai trouvé entre deux planches de bois du sol, le médaillon de mon époux le choc fut terrible. Ce dernier ne pouvait se trouvé ici, puisse qu’il le portait lors de son départ pour sa mission. A ce moment le rêve que j’avais fait cette fameuse nuit me sembla bien plus réel et plus inquiétant. J’étais certaine de l’avoir tué, le monstre que mon mari injuriait, n’était autre que moi. Le conte de fée avait viré au cauchemar. Plus j’en apprenais sur cette nuit et plus les ténèbres m’envahissaient. Des images fusaient dans ma tête qui était prête à exploser. Prise d’angoisses je m’enfuis hors de la maison. J’erra plusieurs semaines dans les clairières de Tirisfal.
Puis un matin je suis retournée chez moi. J’ai pris quelques affaires, une photo de famille et mon journal intime. J’avais du mal à me rappeler de certains évènements de ma vie. Ces brides de souvenirs fuyaient, chaque jours, de plus en plus ma mémoire. J’ai recommencé à écrire mes journées dedans pour ne plus oublier. Puis je me suis mise à la recherche de mes enfants, j’avais peu d’espoir de les retrouver, surtout en vie, et encore moins mon mari, mais c’était la dernière chose qui me restée. Ils étaient sûrement là quelque part.
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