Arkatak, un jeune énu, dormait paisiblement parmi les hautes herbes, quand il fut réveillé en sursaut par des bruits de pas.
"Humpf! Mes dagues!" grommela-t-il, encore plus bougon qu'à son habitude.
Il chercha ses dagues qu'il saisit rapidement.
Il sauta sur ses pieds aussi prestement que lui permettaient sa carrure massive et ses genoux cagneux. Il sauta, dans l'espoir de repérer l'origine des bruits menaçants qui l'avaient tiré de son sommeil. Mais les herbes étaient bien trop hautes pour lui permettre d'entrevoir une quelconque menace. Il décida de s'approcher.
Timidement, réfréné par l'estime qu'il avait de ses propres capacités de guerrier, il s'approcha, et se cacha derrière un buisson. Il observa la clairière, qui baignait calmement dans la douce lumière d'une lune pleine. Au milieu de la clairière se dressait un bombu monumental, au pied duquel s'était adossée une feca.
"Héhéhé... J'vais lui foutre une peur bleue et partir en courant..." pensa-t-il. Arkatak était un blagueur. Un mauvais blagueur, certes, mais il n'en demeurait pas moins un blagueur.
Il s'approcha furtivement. Pour être exact, il fut à peu près aussi discret qu'un craqueleur dans un magasin de fioles. Mais la feca semblait trop absorbée par l'écriture d'un livre à la sombre couverture.
Plus près, il discerna mieux les traits de la feca. Toute envie de lui jouer un mauvais tour disparut aussitôt. C'était la première fois qu'il la rencontrait. Mais son regard traduisait tant d'émotion qu'Arkatak se figea.
Que de nostalgie. Que de regrets et de joies mêlés dans ces yeux si expressifs.
Arkatak savait... Il savait que c'était le regard de quelqu'un qui s'en va pour un long voyage.
Alors il recula, et murmura lentement, avec respect: " Adieu, Feca... Je ne te connais pas, mais je te souhaite un doux et paisible voyage."
Et il s'éloigna, le coeur lourd.
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