Chapitre I - Le grand retour
Cela faisait deux jours déjà que j'errais dans ces montagnes à la recherche du chemin qui me ramènerait chez moi lorsque je la vis enfin : la frontière entre le monde blanc que je quittais et les Terres d'Ascalon. J'avais fini par y arriver, seule, exténuée, affamée, mais heureuse car je rentrais enfin en Ascalon après quatre longues années d'abscence.
Cependant, je le savais, le pire restait à venir car bien que la fournaise ait fait disparaître la quasi totalité des membres de l'Ordre, il était fort probable que quelques membres aient subsisté et qu'ils comptent maintenir la sanction qui m'avait été donnée. Je pense même qu'ils avaient envisagé que je profite de la fournaise pour rentrer et en avaient averti la garde ascalonienne, c'est d'ailleurs cette éventualité qui m'empecha de revenir deux ans plus tôt lorsque j'appris la destruction quasi-totale d'Ascalon et des villes environnantes par les Charr, d'un réfugié qui en venait.
Elles m'avaient parues longues ces deux années où je fus partagée entre revenir coûte que coûte pour retrouver les personnes aimées ou rester à la Descente du Yak et y vivre comme si rien ne s'était passé.
Ce qui m'avait finalement décidée était qu'un jour, à ladite descente du Yak, je croisai un convoi de marchands dont certains étaient blessés. L'un deux, moins touché, vint me chercher un peu plus tard dans ma tente pour me supplier de bien vouloir soigner ses amis.
Je répondis simplement que ses amis n'avaient qu'à trouver un autre moine ou mourir, car je ne pratiquais que la nécromancie et c'est alors que choqué il dit :
_N'êtes vous donc pas moine de profession ?! Vous trahissez vos semblables et votre caste ! Vous avez le pouvoir de les soigner, mais vous vous bornez à les ignorer ! Que Dwayna vous abandonne ! Traitre à votre Dieux ! Moine indigne !
_C'est déjà fait pour ce qui est de trahir ma caste, pourquoi penssez vous que je sois là sinon ? Connaissez vous beaucoup de voyageurs qui s'installeraient dans un milieu aussi inhospitalier lorsqu'ils pourraient vivre en Ascalon ou en Kryte ? répondis-je.
Sur quoi, alors que son visage affichait qu'il venait de recevoir l'illumination, il bredouilla :
_C'est vous...que Dwayna me protège...c'est vous qu'ils ont bannie avant la fournaise ! C'était horrible...vous...Le moine noir qu'ils vous appelaient là bas...au secours...AU...
_Taisez vous ! ordonais-je alors, mais ce qui devait arriver arriva...le marchand appeuré réouvrit la bouche pour appeler.
Ce fut rapide. Mais aucun son ne sorti jamais, seulement du sang alors qu'il baissa la tête pour contempler ma main enfoncée dans son torse qui avait tout d'abord saisit son coeur avant de le broyer dans un ultime battement.
L'homme releva lentement sa tête vers moi, du sang coulant encore au coin des lèvres et une larme de douleur venant s'y mêler... Il m'observa et je pus voir mon regard se refléter dans le sien, je le regardais agoniser, serrant toujours plus fort son coeur chaud dans ma main.
_Lapie...elle avait tord...pourquoi parle t-elle toujours de vous ainsi...?...Lapie...,souffla t-il avant de s'étrangler, noyé par son propre sang.
Un choc pour moi : je ne repris conscience de ce qui se passait que lorsque le corps s'effondra sur le sol. Il venait de payer pour quatre ans de haine qui ne lui étaient pas déstinés, mais qu'il avait ranimés à son insu. Et si je n'avais pas véritablement de remords à l'idée de l'avoir tué, le fait est qu'il avait parlé de Lapie...S'agissait-il de "ma" Lapie ? Elle avait donc survécu ? L'ironie du sort voulu que je tue le seul homme semblant détenir les réponses à ces questions.
C'est ainsi que je quittai la descente du Yak car le corps n'aurait pas tardé à être découvert, mais au lieu de m'enfuir en Kryte, mes pas m'avaient ramenée en Ascalon, à la recherche de fragments du passés que le nom de Lapie avait ravivés.
Je n'en étais plus très loin maintenant et le grand rempart s'étendait à perte de vue, mais ce pays n'avait plus rien avoir avec celui que j'avais quitté quatre ans plus tôt...La végétation autrefois omniprésente, les rivières iriguant ces terres...tout avait disparu dans un tourbillon de sable, de terres brûlées et de ruines. Rien ne subsistait du territoire ascalonien d'autrefois.
Plus gênant encore : il me fallait traverser des camps occupés pas les Charr, rejoindre la place Piken, puis trouver un moyen de franchir ou contourner le rampart si cela était possible.
J'étais déterminée à revenir en ces terres d'où l'on m'avait chassée, je m'élançai, dévalant les collines, parcourant de vastes champs déserts, courant sans relâche avec toujours pour principal repère ce mur qui m'hypnotisait.
Son apparition devant moi avait accru ma vélocité mais pas au point de me permettre de rallier la Place Piken avant plusieurs jours. Je continuais, puisant ça et là quelques substances tirées de cadavres d'animaux trouvés en chemin pour ne pas m'effondrer moi-même, affamée.Ce n'est qu'après deux jours que j'arrivai enfin au premier campement Charr qu'il m'ait jamais été donné de voir.
Du temps où je vivais ici, les Charr ne possédaient pas encore la puissance qui par la suite leur permit d'assiéger Ascalon. J'habitais dans l'Abbaye à l'abris des remparts et si ça n'avait été par les rumeurs colportées pas les marchands et les soldats revenus de missions, jamais je n'aurais été capable de deviner qu'il s'agissait là de Charrs. Le poil long, ils marchaient debout, armés, la queue se balançant au rythme de leurs pas et ressemblaient à mon goût davantage à de grandes peluches déguisées en guerriers qu'à de véritables monstres depuis le rocher d'où je les observais.
Cependant, si même la Grande Ascalon avait souffert de leur puissance, les sous estimer aurait pu constituer une erreur fatale.
De là où j'étais, je pouvais aisément apercevoir les vestiges de la Place Piken ainsi que les deux camps Charr qui m'en séparaient, le second étant le plus important. Il semblait en effet se dérouler un véritable état de siège autour de Piken, ce qui compliquait légèrement mon plan originel consistant à éviter tout combat afin d'arriver à Ascalon au plus vite.
Attendant la nuit pour contourner le premier de ces campements, je m'installai sur ma cape, allongée derrière un rocher et commençai à m'endormir lorsqu'un rat m'effleura. Ne prenant pas même la peine de l'empaler d'une dague avant de le consommer, je le pris à pleine main tandis qu'il couinait et s'agitait en tous sens. La suite se devine aisément. L'approchant de ma bouche, j'enfonçai mes dents dans sa chair
poussièreuse afin d'y faire de suffisemment profondes entailles pour qu'il se vide de son sang. L'apparente saleté de l'animal en aurait dégoûté plus d'un, mais le sang chaud qui l'emplissait représentait le meilleur repas qu'il m'ait été donné de prendre depuis un moment déjà et mon empressement à boire m'en fit maladroitement perdre une gorgée qui vint éclabousser ma joue. Peu à peu l'animal cessa tout combat et son petit corps se ramollit dans mes mains. Vidé, je le reposai à terre avant de nettoyer mes lèvres d'un coup de langue rapide qui me fit frissonner. Quel dommage que la poussière sur cette proie ait altéré le gout de son sang si délicieux.
Rassasiée au mieux étant donné la situation, je m'apprêtai à me recoucher lorsqu'il y eut de l'agitation parmis les Charr... et avant que je n'ai eu le temps de réagir, je fus encerclée. Attroupés autour de moi, trois Charrs brandissaient leurs armes dans ma direction et grograient ce que je supposais être des ordres. Ils semblaient être en désaccord. Profitant alors de leur temps d'hésitation, je me relevai, dos au rocher et face à ces adorables peluches baveuses et manifestement de mauvais poil.
_ Lorsque vous aurez décidé si l'on doit me tuer, brûler, torturer ou me manger, et ce avec un moyen précis, peut-être pourrons nous commencer ? dis-je alors sur un ton on ne peut plus provocateur qui, comme je l'espérais mit fin à leur différent. Ils semblaient s'être tous accordés au moins sur un fait : je devais mourir d abord, ensuite ils pourraient débattre de l'utilisation qu'ils feraient du corps... seulement, bien que distrayants quelques instants, je commançai déjà à me lasser de ceux-ci et il semblait bien qu'ils penssât de même à mon égard, car l'instant d'après ils fondirent tous les trois sur moi.
Dégaînant vivement Agonie, je la fis tourner au dessus de ma tête, faisant alors retentir son chant merveilleux : les Charrs s'écroulèrent net, tordus de douleur et portèrent leur mains aux oreilles en hurlant et en se roulant au sol.
Décidant alors qu'ils n'avaient rien de l'adversaire digne , j'abregeai leurs souffrances sans cérémonie : je plantai ma lame dans la geule béante du premier avant de plonger mes mains dans le crane des deux autres et d'en broyer la totalité jusqu'à en faire rentrer les yeux dans leur orbite. Méthode quelque peu extrême certes, mais d'une redoutable efficacité assurant entre autres qu'aucun sort de soin quel qu'il soit ne puisse ramener l'ennemi en question.
Le reste des Charrs, toujours au campement semblait de plus en plus nerveux : les éclaireurs envoyés n'étaient toujours pas revenus. Prenant quelque secondes pour analyser la situation, je devinai que les éclaireurs ne m'avaient pas découverte par hasard, ce qui impliquait qu'un élément encore inconnu à ma conscience m'avait trahie... cependant, ayant été d'une grande perfection dans mon approche et d'une totale discrétion, j'en déduis que l'élément en question devait être un fait récent, et assez important... passant ma soirée en revue, je ne me souvenais que du rat que j'avais dévoré... peut être celui-ci était il l'animal de compagnie de l'un des Charrs ? Cette hypothèse me semblait absurde d'autant plus que cela aurait impliqué que ces animaux aient d'autres animaux de compagnie, mais cela constituait la seule piste que j'avais.
Epuisée par le manque de sommeil, je ne pouvais me recoucher alors que le crepuscule tombait et que le camp était sur le pied de guerre... avançant alors à pas lent vers le bord de la colline sans plus me cacher, je tenai Agonie d'une main et préparai un sort de l'autre. Un Charr m'aperçu et hurla quelque chose à ses congénères. De la main qui préparait le sort s'échappa un éclair rouge qui alla frapper les cadavres des trois défunts charrs puis le ciel dont se mit alors à tomber une pluie de sang sur une étendue aussi vaste que la cuvette dans laquelle était installé leur camp. Effayés, ils s'arretèrent pour observer ce sang tombé du ciel puis leur fourrure qui commençait à s'en imbiber.Ils glissaient même par moments dans la boue sanglante que cela engendrait. Je n'avais plus qu'à péparer ma prochaine invocation, du moins l'immaginais-je jusqu'à ce que soudainement ma pluie s'arrête et que le sang versé afflue vers l'un d'entre eux qui mains jointes semblait l'attirer vers lui.
Jurant trois fois de suite, j'eus de nouveau recours au chant de mon épée pour les paralyser avant d'enfin lancer mon attaque : De chaque litre répandu, naquit un monstre de ma création. Ces derniers vinrent aisément à bout des cinq malheureux Charrs qui luttaient malgrè leur infériorité numérique et leur difficulté à se mouvoir, principalement due au poids de leur équipement.
J'étais furieuse et ma victoire ne m'appaisait en rien : ces Charrs comptaient des nécromants dans leurs rangs... pire : ces animaux étaient capables d'utiliser la magie et il était fort à penser que cela ne se limitait pas qu'aux sorts liés à la nécromancie. Peste ! Voilà donc pourquoi ils m'avaient découverte : le sang du rat ! Ce nécromant l'avait senti...
Ramassant rapidement mes effets, je marchai vivement en direction de Piken, bien décidée à tuer tous les Charrs qu'il me serait donner de rencontrer dès à présent. Leur capacité à utiliser la magie souillait notre honneur et il m'était insupportable de penser que ces ignobles animaux pouvaient élever leur race au même rang que la nôtre et prétendre même à une supériorité.
Absurde. Totalement Absurde.
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[i]Dédidace spéciale pour ce premier chapitre à Mike Walkers, Attila Le Bourrin, L A P I E, Kyana Windwalker et Maxyim Ambre.[i]
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