La Dame Blanche

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La lumière est revenue.

Elle aimerait bien fermer les yeux parce que maman lui a dit qu'il ne fallait jamais regarder le soleil en face.... Que ça pouvait lui brûler la ritine ou la rustine... enfin quelque chose comme ça.
Elle ne sait pas ce que c'est qu'une ritine, mais elle a reconnu l'autre mot que maman a dit: Aveugle !
Et aveugle, c'est comme le petit Pierre de la ferme des McKay.
C'est être obligé de marcher avec les bras tendus devant soi tout le temps !!
Et elle se dit que ça doit faire drôlement mal aux bras comme ça de les avoir tout le temps en l'air !

Alors bien sur hein, elle ne veut pas que ça lui arrive aussi et depuis que Maman l'a prévenue, elle n'a plus jamais essayé de voir derrière le soleil.

Mais le problème c'est que même quand elle ferme les yeux, la lumière est quand même là !
Exactement comme si elle la regardait encore.
Et puis cette lumière c'est pas comme celle du soleil. Parce qu'elle est bien plus blanche et qu'elle fait pas pleurer les yeux et tout ça.
Et quand elle l'a regarde, elle se sent toute heureuse en dedans, plus fort encore que quand Papa revient de la pêche et qu'il l'a serre dans ses bras en lui disant qu'elle est le plus beau petit chaton du monde.

Et ça le soleil il fait pas pareil c'est sûr !

Il est chaud et il pique comme la fois où on avait dû lui mettre de l'onguent-qui-sent-comme-l'huile-pour-faire-la-salade parce que le soleil lui avait fait des cloques partout.....
Et puis le soleil lui, il donne pas envie de rire comme maintenant parce que ça la chatouille partout.

Alors peut-être que maman a oublié de lui dire pour la lumière.... qu'elle, on pouvait la regarder.
Ca serait pas étonnant parce que maman et papa ils disent toujours ce qui faut pas faire mais ils oublient complètement de dire ce qu'on a le droit de faire....
"Les adultes !! Ils sont comme ça ! Toujours à dire : fais pas ci, fais pas ça !" a dit Marisa la fille des McKay l'autre jour.
Et même si elle est pas bien sûre de savoir ce que c'est les" Adultes" elle a fait oui de la tête parce qu'elle aime bien quand Marisa l'emmène avec elle au marché.

Enfin, maman a oublié sûrement et elle ne la grondera pas si elle regarde la jolie lumière vu qu'elle, elle la fera pas marcher les bras en l'air pour toujours.
On doit avoir le droit de la suivre si elle s'éloigne comme pour vous montrer quelque chose...

C'est juste que maman a oublié de lui dire qu'on pouvait....





- Haria petit chat, à midi tu préfères tes oeufs en omelette ou brou....

Sur le pas de la porte, Sybil vient de s'immobiliser.

Un regard lui suffit pour comprendre ce qui se passe et retrouver instantanément l'usage de ses jambes.
Oublieuse du panier rempli d'oeufs qu'elle porte et qui vient s'écraser au sol, elle se précipite sur sa fille, assise par terre, les yeux perdus dans le vague et le corps parfaitement immobile.

- HARIA !!! NON !
HARIA ma chériie crie-t-elle secouant le corps de la petite fille sans réaction
REVIENS ! Tu m'entends ?! NON !



Des pas précipités dans la cours... Elle entend son mari monter les marches quatre à quatre.
Il n'est jamais aussi prompt à venir lorsqu'elle a un éclat de voix, plus encore lorsqu'il est occupé a réparer ses filets mais il a dû entendre la note désespérée dans sa voix.
Tel un taureau qui charge il déboule dans la pièce manquant de s'étaler de tout son long sur les oeufs cassés, ce qui l'aurait fait bien rire en une autre occasion, mais pour l'heure une indéfinissable terreur l'habite tout entière.

- Anton ! Ca recommence.
puis comme si elle cherchait à parler à quelqu'un hors de portée
HARIA ! HARIA !

De nouveau en équilibre, Anton vient précautionneusement s'agenouiller près de sa femme qu'il prend délicatement par les épaules.

- Sybil.... arrête de la secouer comme ça. Chérie, regardes tu vas lui faire mal.



Les yeux ronds, Sybil prend conscience qu'elle secoue sa fille de plus en plus violemment, et la lâche.
Haria ou plutôt son corps reprend sa position initiale sans autre réaction.
La petite fille est là, son corps en tout cas mais, pour le reste on ne sait pas.
Le soigneur du village n'a pas pu les renseigner, il les a juste écouté avec un petit sourire suffisant et les a renvoyé avec une tisane à lui faire boire et qui bien sûr n'a rien changé.

Il ne les a pas cru.
Qui pourrait croire d'ailleurs qu'une petite fille de 4 ans puisse passer plus de 4 jours dans un état prostré et se réveiller sans aucun souvenir, tout à coup, comme ça.

Au début il ne se sont pas inquiétés, d'autant que la saison de la pêche leur prend tout leur temps pratiquement, que les garçons sont tous partis maintenant à guerroyer dans leur guilde plutôt que d'aider leur père et qu'au début c'était de toute petites absences.....
Oui, et finalement c'était bien pratique d'avoir une enfant si sage... si parfaitement tranquille tout le temps.... trop pratique.

Mais les absences se sont prolongés.
Elles ont commencé à durer une heure, puis deux... une journée et la dernière fois Haria est restée absente pendant quatre jours sans manger et sans boire que l'eau qu'elle réussissait à faire passer entre ses lèvres, avec une petite cuillère....
Quatres jours avec ce petit sourire au coin des lèvres, léger mais constant.... Un sourire qu'elle a appris a détester...
Un sourire qui au plus profond de son coeur de mère elle le sent, lui vole sa fille.

- Viens ma chérie, sortons un instant.... ça ne sert à rien tu le sais bien, il faut attendre maintenant.

Sybil se laisse entraîner doucement par son mari qui fait un écart discret pour éviter les oeufs répandus sur le sol.
Ils sortent sur le perron et malgré la journée magnifique, chaude et lumineuse il se sentent l'un et l'autre glacés....

- Sybil, nous allons partir à Ashford. A l'Abbaye, ils auront des réponses.
- Ashford .... Anton, maintenant ?
- Oui
- Alors que la saison commence à peine ? alors que...
- Sybil, peu importe la pêche, peu importe le temps perdu en voyage... Je ne laisserai pas ma fille ainsi. Nous ne la laisserons pas tu entends ?!

Et comme si tout à coup son corps enregistrait enfin, la présence du soleil qui brille au dessus d'eux Sybil sent la chaleur reprendre ses droits. Elle se laisse aller tout contre son mari et rend furieusement l'étreinte qu'elle reçoit de cet homme qu'elle aime passionnément depuis plus de 20 ans maintenant.

- Oui, tu as raison. Partons.




(à suivre )
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