[Le linceul d'amour] Angélique

Répondre
Partager Rechercher
Angélique,

- Joli églantier, tendre et douce nuit, racines de mon existence... Je garde en moi l'odeur familière de la nature si clémente et généreuse de ses fruits. Les yeux fermés, le sourire aux lèvres je respire les effluves de ce moment d'intense bonheur. Clairière idyllique, instant magique ! Protège nos anciens, aime la vie.


Cette nuit là était différente, profonde et énigmatique, elle marqua le cercle d'un sombre présage. Mère Isil perçait difficilement l'épais brouillard qui se dégageait du lac en salves vaporeuses. Au sommet de quelques vaguelettes, des reflets argentés trahissaient la présence de batraciens actifs. Quelques bruits dans l'herbe, le hululement des chouettes affamées, le chant de centaines d'insectes paradant à la quête amoureuse, apportaient un peu de réconfort et me rassuraient. Les branchages et les feuilles printanières entremêlées, filtraient la faible lueur des étoiles. Un relent de tourbe putride me chatouillait les narines, amusée je ne m'en offusquais pas, heureuse et chanceuse d'être une druidesse du royaume des Elfes sombres. Je somnolai tout doucement, allongée et adossée au creux des racines du chêne vénérable.

- Un feu-follet ! Il se meurt sur le lac dans un sifflement strident... Du soufre ? Je suffoque, un sourire sadique, un regard vicieux... « Rédemption » me perfore la jugulaire, le sang s'échappe de mon corps, je panique... « Perce-veine » entre en moi, viole mon intimité alors que j'agonise ; Démon fertile de la perversité... Le poison des êtres du gouffre, la démence... J'étouffe...

Je me réveillais brusquement de l'horrible vision, des sueurs froides perlaient mes tempes, des tremblements nerveux jouaient avec mes muscles pour me prévenir d'un danger, ma robe se collait à mon dos devenu moite par la peur, je fronçais les sourcils laissant apparaître la ride du lion ; mon sixième sens était aux aguets. Plus de bruit, un silence funéraire... Où sont donc tous les voisins nocturnes qui berçaient mon sommeil, l'inquiétude venait remplacer la sérénité. Le lac bouillonnait, l'eau devenait tumultueuse sous forme de petits cercles sulfuriques, quelque chose allait en sortir.

Il faisait très sombre, ce qui amplifiait la lueur pale de la surface, un visage imberbe surgit du miroir aux mille clapotis. Une lumière bleutée irradiait maintenant le royaume des ombres, plus vive autour de lui. L'eau dégoulinait laissant apparaître ses épaules, la silhouette d'un torse svelte et viril. Ses bras, ses mains aux doigts fins puis ses jambes se dessinaient au fur et à mesure qu'il sortait des eaux, emplissant la clairière de ses rayons lunaires un peu plus à chaque pas. Je restais un moment surprise, il était angélique et portait une paire d'ailes dans le dos de couleur jais. Avançant lentement comme une âme en peine, Il se tenait maintenant nu sur la rive. Curieusement on aurait dit que la source lumineuse sortait par les pores de sa peau, elle formait une sorte d'anneau de protection autour de lui, l'énergie crépitait comme une source de mana, il rayonnait d'une prestance hautaine et sûre.

- Fluorescence qui se consume au fil du temps, son corps aux formes harmonieuses est encore humide de sa naissance.

Sa peau était luisante d'un dessin, d'un tatouage qui semblait vivre sur sa chair comme une seconde conscience, je distinguai une femme vampire dans sa constante métamorphose. Le visage de l'ange était marqué par des traits fins et creusés, sa peau cisaillée était de couleur cobalt, ce qui faisait de lui un fils de la lune. Ses cheveux mouillés étaient sombres, aux reflets dorés et mi-longs. Les yeux venaient de s'ouvrir, vides de sentiments et brillants ; il bougeait ses mains, ses doigts et se regardait comme si c'était la première fois.

- Des gestes gracieux Elfiques, mais cela n'en est pas un...

Son regard croisa le mien, il pencha sa tête sur le coté le rendant charmeur, mon coeur battait la chamade d'une émotion foudroyante.

Attirante, au charisme divin
Ne vois tu pas mon essence ?
Grivois, ils le sont ces pantins,
Elle m'appelle par son absence.

A l'aube des temps et de la peur,
Intuition et charme au goût de miel.
Montre moi ton âme, ton coeur...
Et je te donnerai l'amour éternel.

Ma vie n'est pas une fin fatale,
On s'est reconnu, toi et moi.
Image d'une fusion ancestrale,
... Je suis sensible comme toi...

Sur ces quelques mots d'une voix suave et chantante, il s'approcha de moi langoureusement. Son aura me consumait et me submergeait, même si je contenais la souffrance engendrée, je sombrai dans l'inconscience.

- Prince, ô mon doux Prince... Venez ! Donnez moi la tendresse et la sûreté de votre quintessence. Une irrésistible envie de le recevoir, possessive et exclusive, personne ne devait savoir... Garderai-je le secret ?

Quand je repris mes esprits, j'étais au creux de l'arbre, le sang tambourinait mes tempes, des nausées, ma vue était floue. Une démangeaison sur mon avant-bras attira mon attention, une marque noire mouvante représentant un masque était apparue, ce n'était pas de l'encre mais une ouverture spirituelle sur l'éther. Rêve ou réalité fantasmatique ? Ses mots restaient gravés à jamais dans ma mémoire.

Nathalya,

Le linceul, extrait © 2004
__________________
"Je n’obéis à aucune règle, aucune injonction...
Si je dois honorer un contrat, je décide
seul, pour qui et quand ! "

Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés