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Rouen , une chambre.
Mico, cesse donc d'importuner Astelz, que t'a-t-il fait encore ? Il t'a menti ? Pourquoi me regarde-tu comme un juge, moi Sarvoc ? Tu attends peut-être que je te donne raison ? Je le pourrais peut-être car en effet tu as l'air de t'être justement animé. Mais je vous regardais avec beaucoup d'intérêt. Comme votre argumentation était éloquente, et comme la boisson l'animait. On aurait dit un feu de haine ou la rencontre de deux éclairs. Qu'en pensez-vous ? Plus sérieusement. Je sens un danger ces derniers jours. Je ne vous dirai pas lequel, il se peut que je me trompe, mais il me semble que notre route n'est plus toute à fait sûre. Il nous faudra ruser pour sortir le teint frais de la Baltique, surtout vu ce que vous avez bu ici, mais surtout pour sortir la tête sur les épaules dans tous les sens de l'expression. Vous connaissez les courants de cette mer, ils déracineraient un chêne de plusieurs siècles ou feraient lever Mico du comptoir du Sweet Jane. Je plaisante mon ami. Il ne t'en ferait certes pas bouger d'un pouce ! Bref, il va nous falloir mentir.
Je ne sais plus qui disait que le menteur était toujours le plus heureux. Celui qui, je pense me le rappeller, était un moraliste, un de ces grandes gargouilles de la race humaine, avait en partie bien raison. En effet, si l'on considère que l'on peut dans une dispute, avoir tort ou avoir raison. Le problème se pose en des termes intimement complexes que nous allons résoudre. Suspendez un Dieu au ciel et appelez-le "Dieu", ou, si ce mot vous choque "Morale, Justice, Vérité", bien que ce soit plus long et moins joli à prononcer. Mais si ainsi il vous plait .. Bref. Considérons une altercation. Ce n'est pas bien dur, nous en vivons tous les jours. Que dire alors ? Que deux personnes se battent et s'affrontent, se déchirent et cherchent à se percer encore pour faire triompher un avis sur l'autre. Dans cette situation, nous dirons toujours que l'un fera preuve de plus de mauvaise volonté que l'autre. Ainsi peut-être n'y a-t-il pas plus qu'un rapport de malhonnêteté dont l'une est plus grande que l'autre. Pourtant vous conviendrez avec moi qu'il arrive qu'un Juste se défende pour tenter de mettre au jour la vérité. Les idéalistes font ceci. Les autres se taisent et vivent heureux. "This is one of the cases where ignorance might have been bliss" a dit le vieil esclave affranchi vers le milieu du dix-neuvième siècle dans le sud de l'Amérique, alors qu'un de ses frères, pendu, se balançait au vent sur les branches d'un chêne. En effet, le malheureux avait vu de ses yeux un crime se perpétrer et dans un élan de justice alors que le criminel s'était déjà caché dans les entrailles de la terre, avait couru vers ceux qui parlent pour la Justice. Après leur avoir décrit la situation il se vit décerner le titre honorifique de "suspect" puis concrétisa sa chance, coupable et pendu. Jusqu'à ce que la corde ne lui coupe la voix, il se battit en larmes et en mots, arguant de son honnêteté et de son intention pure, mais rien n'y fit. Or voilà, il existe certaines situations où celui qui argumente est de bonne foi, quoique la vérité lui échappe peut-être. Si la seconde n'est certainement pas humaine, la première l'est. Le cynisme est la plus belle arme de l'homme avec l'humour, mais je vous en prie, soyons lucides et ne nous trompons pas nous même. Si l'on commence à prendre le rideau pour la frontière vers un autre monde, nous sommes déjà damnés. Ainsi donc, convenez que nous pouvons être de bonne foi. Eh bien supposons un duel de mots et de cris dans lequel personne n'a encore daigné faire couler le sang. Supponsons, pour prendre un exemple plus simple, une querelle d'enfant avec un de ses parents et supposons, je vous vois rire, que l'enfant soit de bonne foi tandis que le parent, fatigué et bourru évidement, ne cesse de jouer les serpents et de noyer la la plaie dans le bouchon (On peut difficilement faire pire lorsque l'on noie le poisson, que l'on pousse le bouchon et que l'on enfonce le couteau dans la plaie). Et alors que le second pourrait utiliser un art consommé de la rhétorique, le premier ne pourrait jamais en faire autant. A ceci, une seule raison :
Celui qui a la vérité doit être juste
Celui qui a tort sait qu'il peut mentir et qu'il est dans la bonne position : celle du bourreau et de l'amuseur.
Il peut jouer tandis que l'autre porte le poids du paradis sur les épaules. Il doit être juste et ne pas abuser de sa force une fois qu'il aura fait reconnaître la vérité. Sinon, il sera la vérité sur Terre, mais un menteur aux yeux de la "Morale Justice Vérité". Celui-ci est obligé de pardonner et aura comme seule arme son visage éclairé et l'appel de l'honnêteté. L'autre aura pour lui les ombres de l'être humain les plus craintes, les lames qui lacèrent, la brume pour couver ses mensonges, le vent qui poussera ses traits, le feu pour des yeux de dément, la vivacité de ses gestes et la démarche du diable. Voilà donc pourquoi mentir est utile, cela développe nos capacités et notre créativité. La vérité fait de nous un animal craintif, nous ôte tout pouvoir et toute gymnastique. La vérité est une larme, le mensonge une lame. Un "R" de différence, celui que l'on roule comme on roule le Juste. L'enfer n'est jamais loin mais dieu que le paradis nous parait caché. Parle donc et tente encore une fois le Vrai, chère âme honnête. Il est utile d'être de mauvaise foi, mais peut-être pendu et sur le point d'expirer , tu ne regretteras pas d'avoir vu ton visage éclairé par des larmes. Alors ici, tu refermeras le gouffre sous nos pieds. Ici, sous la branche de cet arbre, il restera quelques fleurs arrosées par ton sang et que jamais nous ne pourrons regarder, car elles nous aveuglerons. Ce sera la douloureuse faiblesse de celui qui ne peut nous vouloir du mal, car il a tenté d'être Juste. Chacun d'entre nous, aussi malhonnête que nous soyons, au moins une fois dans sa vie, sans doute. Reste celui qui se pend lui même pour n'être plus que puissant. Celui-là, n'a pas sa place dans mon histoire. Mais après tout ...
Nous mentirons pour sauver nos vies et accomplir notre tâche. Notre mensonge sera auréolé de vertu et pour attendre les cieux que nous visons, n'importe quel moyen doit s'accorder à la fin. Tuons, volons et pillons peut-être, mais ce ne sera que parti remise. Je vous sais tous guidés par l'envie de faire vivre notre destination à tous. Que jamais votre main ne soit injuste, ne cherchez ni puissance ni rhétorique, ne pendez jamais ce brave homme, mais il nous faut nous battre et nous nous battrons . Marins, sortons, l'heure de quitter cette rade est arrivée. A la mer et pour la mer, en avant !
Je rêve ... Je suis en train de rêver, Mico mon ami tu délires, tu deviens fou, tu perds la tête. Mais je me rappelle [Ils s'en vont] ces paroles .. Je sais que [plus forts] je rêve .. je sais que depuis longtemps Sarvoc nous a quittés, de même que le brave Aseltz, je les ai vu mourir [mourir..], tous deux, tomber à la mer désarticulés après que le feu ait retenti [au combat] sur le pont .. Je m'en rappelle encore .. Je le
revois et ne peux me reveiller. Et ces voix ... est-ce toi qui parle ou est-ce ma mort ?
A las, far from your land today you are / Calm down and don't weep anymore
L et me remind you of this glorious past / Rest and one day, will be your revival
W ith your comrades, this cursed flare / Even if your sick face once was torn
A stonishing, the fire is now cast / What one day has lived tomorrow will live on
Y ou see the flag torn out and do not care / Sails and wood planks were your body
S ee you in hell, captain, you are now past / While your soul everyday wanted more
O n the ennemy bord, they fell and you / No life can perish by the hand of men
N o life sailors, now sail through the night / You've saved your life and from this day on
M ico , you've seen them dying as you fled / White wind did not bury ten years, ten of falling, ten
Y ou were swiming and you fled as they fell / while you lived with their dead faces you now dream of.
M uch died, others carried the day / Summon your will off your dephts
I n those moments, as you sleep / Now i'll wait here, wait by night and death
N ight and death, over your eyes, shout and yell / I've silently taken care of you
D ead sailor, you've killed them without a cry / Stand proud, sailor, although i cried, i did too
Que ...
Alors ce n'était qu'un rêve, une fois encore, ce n'était qu'un rêve.
Quel jour sommes-nous ?
Le 8 décembre 1906. Je crois que je sais où il faut que j'aille à présent.
Je crois que j'ai compris où tu voulais aller toi aussi, vieux chien de Servoc.
Belfast, j'arrive mais tu ne me verras pas longtemps, j'ai beaucoup de chemin à faire !"
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