Première partie : Enfance
Nous sommes dans un petit village de la campagne du sud de Westfall. Sur une colline éclairée par la lumière naissante du soleil au petit matin, l'activité règne déjà. Une foule s'amoncelle autour d'une mine en activité, d'où s'échappe une épaisse fumée, preuve de l'acharnement que mettent les mineurs à retirer un peu de minerai de cette région austère.
Devant l'entrée, des hommes de grande taille se bousculent, et l'activité bat son plein. On lit sur les visages noirs et harassés, presque fantomatiques, le résultat d'années de dur labeur. Et c'est au milieu de cette foule qu'une petite tache rousse se promène, vive comme l'éclair, se faufile entre les hommes massifs postés devant l'entrée, et s'enfonce sous la voûte béante semblant sortir du sol telle la gueule d'un ogre baillant. La petite chose s'infiltre dans les mines pour y découvrir une vie qui jusqu'alors lui était inconnue.
A la lueur de torches, des hommes travaillent de tout coté. Des chariots, guidés par des rails, sont propulsés de part en part, fuient par telle ou telle ramification, tantôt vides tantôt pleins, et semblent ne jamais revenir à leur point de départ. La petite chose rase les murs comme pour échapper à la vigilance des mineurs, mais rien ne pouvait les détourner de leur tâche. Et ainsi elle s'enfonce de plus en plus loin ...
Jodrack était un enfant du sud des terres d'Azeroth, originaire de Westfall ; et puisque né sur ces terres paysannes, il avait toujours vécu dans ces pays arides. Mais sa chevelure rouge vive trahissait des origines plus nordiques. Cet enfant né de parents modestes avait semé le doute dans le village de par ses taches de rousseurs, et de par la couleur de ses cheveux. Les parents de celui-ci l'avaient mal vécu, car il n'était pas bon de cultiver la différence chez les paysans. Mais très vite ce petit avait montré qu'il serait utile. Déjà grand pour ses 6 saisons révolues, et d'une carrure plus importante que les autres enfants de son âge, il laissait entrevoir une masse imposante au fur et à mesure qu'il grandissait. C'est donc un jeune enfant aventureux et inconscient qui aujourd'hui part à l'aventure dans les mines de son village.
Il avançait prudemment dans un boyau éloigné où l'activité était réduite. Seuls quelques vieux mineurs s'y risquaient, à demi rendus fous par le manque de lumière et surtout par l'abus de mauvais alcool dont certains se servaient comme d'unique nourriture. Ce chemin semblait abandonné à la vue de la vétusté des étançons en bois. Nul doute que le lieu n'était guère fréquenté, et en dépit des risques, le gamin cherchait à avancer toujours plus.
Au fil de son avancée, le garçon sentait son coeur battre plus fort, et la faible lueur des torches postées à intervalles de distance réguliers ne suffisant plus à éclairer son chemin, il devait continuellement habituer ses yeux à la luminosité du lieu. Il se plaisait, au détour de chaque chemin, à s'imaginer une troupe de gobelins passant par là, leurs dents pointues en avant, leurs minuscules yeux avides de sang, et quelque machine de leur invention les suivant. En place de cela, il se trouvait maintenant dans une pièce plus grande, éclairée seulement par une torche à l'entrée ; mais la pièce était bien trop grande pour être éclairée, et Jodrack se demandait à quelle profondeur il se trouvait, et pendant combien de temps il avait érré dans ces goulots sous la terre. Et pire encore, il se demandait s'il retrouverait le chemin qui l'avait mené ici.
Mais en place de paniquer, Jodrack choisit d'observer l'endroit où il se tenait. C'était une salle vaste et sombre, dont les parois rugueuses par endroit laissaient apparaître des coups de pioche. Ceci rassura l'enfant, pendant qu'il continuait à inspecter l'endroit. Les yeux maintenant fixés vers la voûte, noire et silencieuse, il comprit ce qui faisait de ce lieu une pièce à part dans la mine : c'était une grotte naturelle. Une fois accommodé à l'obscurité, ses yeux commencèrent à distinguer le plafond lisse, sûrement poli par l'eau en des temps anciens. La grotte elle même avait dû être creusée par l'eau, et le conduit qui avait mené Jodrack ici était sûrement un élargissement de l'ancien lit que l'eau empruntait pour venir s'accumuler dans cette chambre.
C'est en scrutant le plafond plus intensément que le garçon s'aperçut que la voûte était recouverte de tache luisantes. Certaines brillaient plus vives, d'autres se différenciaient par leur taille. Les teintes étaient variées, commençant d'un vert pâle pour se perdre dans des bleus turquoises presque aussi sombres que l'obscurité, et pourtant scintillants comme les étoiles d'un soir d'été.
"Magnifique... n'est-ce pas ?" Ces mots firent sursauter Jodrack qui se retourna brusquement.
"Je t'ai fait peur petit ? Excuse-moi, j'suis pas habitué au parlé des gens du dehors." A ses propres mots l'homme gloussa d'un rire gras, révélant à son interlocuteur une halène oppressante de mauvais alcool.
Le garçon qui n'avait pas compris le sens de cette plaisanterie, se dit qu'il ferait attention à ne plus se rendre dans des endroits si éloignés ; cependant, la présence de l'homme nouvellement arrivé le rassura. Ce mineur devait savoir comment retourner à la surface, contrairement au si aventureux jeune homme que son inconscience avait mené en l'endroit.
Voyant que la plaisanterie ne faisait rire que lui, l'homme enchaîna :
"Mais que fais-tu ici petit ? J'vois personne d'habitude, sauf le vieux Shirtland lorsqu'il a besoin d'un nouveau filon à exploiter pour son équipe." Son sourire interrogateur se figea pendant qu'il observait le garçon comme s'il n'en avait jamais vu d'autre.
"Je voulais voir plus loin..." répondit-il sur un ton songeur, tout en continuant à scruter le sommet de la voûte, d'où les lumières semblaient avoir disparu.
"Ah ouais je vois, moi aussi je venais souvent visiter ces mines quand j'étais jeune, ah je m'en rappelle encore, il y avait pas beaucoup de monde à cette époque dans le coin, même ton village n'existait pas encore, ce n'était qu'une petite exploitation agricole. Ah mais depuis ça a beaucoup changé le dehors, y'a beaucoup de monde, c'est pour ça que moi j'reste dans les mines, et puis c'est si beau, et puis les gens ils me regardent bizarrement quand je sors, alors je reste ici et..."
"Vous sauriez ressortir d'ici ?" l'interrompit Jodrack.
"Oh oui, c'est bien sûr que je sais en sortir, aussi sûr que je connais ces couloirs comme ma poche. D'ailleurs c'est pour ça que je suis devenu chercheur de filon, et j'peux te dire que la mine, ben elle est pas prête d'être exploitée en entier, parce que y'a de quoi faire travailler mille hommes, oh et je parle même pas de l'armée qu'il faudrait envoyer pour nettoyer cette mine de toutes les saletés qui s'y promènent, d'ailleurs je t'ai jamais raconté l'histoire du..."
Tout en parlant l'homme avançait vers ce qui semblait être un boyau descendant, mais il tanguait tellement qu'il finit par se diriger vers l'endroit par lequel Jodrack était entré. En remontant peu à peu, la lumière allait croissante grâce aux torches disposées le long des tunnels, et l'enfant notait maintenant des détails sur l'apparence de l'homme qui le guidait à travers ces dédales.
Il était plutôt petit pour un homme, bien que sa taille excède encore de loin celle d'un nain, chose qui devait faciliter ses déplacements courants dans les mines. Il était plutôt trapu, et un air non avenant se lisait sur son visage en dépit de la saleté qui le recouvrait. Il n'y avait que le fait qu'il soit trop grand qui le différenciait des nains, puisqu'une barbe de taille surprenante tombait depuis son nez pour flotter au niveau de son ventre gonflé. Ses habits, guère plus que des guenilles, couvraient ses épaules et son dos, un vêtement protégeant ses hanches jusqu'aux genoux et partant en lambeaux qui traînaient sur le sol pierreux. Son air donnait vraiment un aspect minable, et même si les villageois n'avait habituellement pas d'habits de grande qualité, Jodrack se dit que cet homme avait la pire allure qui lui ait été donné de voir. Cette pensée le fit doucement rire, mais ne souhaitant pas frustrer l'explorateur il se retint.
Ce n'est qu'au bout d'un long moment que Jodrack et son guide sortirent de la mine. Etrangement ils n'avaient croisé aucun mineur dans la partie occupée de l'exploitation. Et Jodrack en comprit le pourquoi lorsqu'il fut définitivement sortit...
Il faisait nuit ! Tant de temps passé dans la mine, alors que l'enfant pensait être de retour pour le déjeuner. Ses parents ne manqueraient pas de le punir pour son escapade et son absence dans les champs, ce qui ne l'enjoua guère.
"Je te laisse petit, j'ai à faire." dit simplement le mineur d'un air dégoûté. Et il s'en retourna dans la mine aussi sec.
En marchant vers la demeure paternelle, Jodrack cherchait une explication à sa fugue : "une attaque de furbolgs dans le village voisin... non", se dit-il. Son imagination débordante l'entraînait souvent dans les pires situations, car son père le savait trop inventif. Une fois seulement il avait échappé à la punition. "J'ai fait la connaissance d'une fille qui est tombée folle amoureuse de moi et..." son père avait éclaté de rire avant qu'il n'ait fini, ce qui lui sauva la mise même s'il en resta vexé durant de longues semaines.
"C'est à cette heure-ci que tu rentres ?" La voix surprit Jodrack alors qu'il était en pleine réflexion, ce qui manqua de le déstabiliser. Il fut soulagé de voir que ce n'était que sa mère.
"Je l'ai échappé belle !" dit-il, ce qui ne manqua pas de faire passer un air grave sur le visage maternel.
"Oui, je l'ai échappé belle", se dit-il. "C'aurait pu être mon père."
[Edition : correction par Taupe, merci.]
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