Le palais était une véritable oeuvre au sein de Tir Na Nog. Lorsque le voyageur arrivait en vue, il ne pouvait manquer de remarquer la gigantesque portes dorée haute d’une dizaine de mètres. Somptueux dans les moindres détails, le palace forçait l’admiration de tous ceux qui avaient l’occasion d’y pénétrer. Chaque détail était finement sculptée et enjolivée d’une couche d’or pur. Des tapisseries et de magnifiques broderies décoraient les murs, leurs couleurs ajustées à la teinte de chaque pièce. Ca et là des sculptures trônaient entre les tables de bois rares et les nappes de soie. Immense, il servait de demeure à la régente de Tir Na Nog, Brigit. Celle-ci était une elfe intelligente et très prévoyante. Commerçante dans l’âme, elle avait assit de solides bases de partenariat avec les principales villes de la région et récemment avec les bosquets d'Hy-Brasil, et depuis son accession à la régence la richesse de la ville s’était accrue. L’intérieur du palais était chaque jour un incessant va et vient de serviteurs, véritable fourmilière humaine.
Aileeona se sentait un peu perdue. Pour la punir d’être rentré si sale la veille, sa mère avait fait en sorte qu’elle vienne travailler avec elle. Ce serait pour elle l’occasion d’apprendre enfin à faire quelque chose de ses deux mains. Aileeona avait tout d’abord été enchantée de se retrouver dans l’incroyable et magnifique palais, mais une fois l’ébahissement passé, elle avait très vite déchanté. Son travail consistait à se rendre utile de toutes les manières qu’elle pouvait. L’épluchage en lamelle de cinquante noix ne l’avait pas particulièrement emballé, pas plus que le récurage des immenses sols d’une des salles de réception. Le dos courbaturé, les jambes et les bras comme quatre bouts de bois, elle exhortait mentalement le soleil à accélérer sa course afin que cette terrible journée s’achève. Pour se reposer un peu, elle s’était finalement cachée derrière une grande table de la cour intérieure, dans le coin le moins fréquenté. Ses pensées commençaient à divaguer et elle imaginait mille façons d’échapper à cette vie de serviteur qu’elle ne pourrait jamais supporter. La porte de la pièce s’ouvrit soudain et trois personnes entrèrent avant de la refermer. Aileeona ne voulait pas se trouver prise en faute et resta immobile derrière la table, attentive à ne pas se faire remarquer. Elle ne pouvait donc pas voir qui était présent, mais elle reconnu la voix de Brigit.
"- C’est mauvais, vraiment mauvais !
- Je donnerais cher pour savoir pourquoi les spraggons se multiplient si vite! dit une autre voix.
- La n’est pas le plus urgent. Il nous faut d’abord assurer la sécurité de la ville d'Howth. Ensuite nous verrons pour les caravanes. Faites en sorte qu'elles soient parties d’ici trois jours. Je ne veux pas prendre de risque avec les marchants.
- Si je puis me permettre messire, il serait bon d’en garder au moins une, au cas où nous devrions faire évacuer la ville..
- Hum, oui, bonne idée, mais n’expliquez pas pourquoi. Et je veux que la surveillance des murs soit doublée. Faites en sortes que la ville soit sous bonne protection car nous avons déjà suffisamment de problèmes avec cette guerre.
- Bien Régente.
- Et vous, allez me chercher Nolebi, ne crois que nous allons avoir besoin de ses mercenaires, même si cela ne me plait guère. Je le recevrai dans le petit salon.
- Bien Régente."
Sur ce ils quittèrent la pièce, laissant Aileeona perplexe et songeuse. Elle n’avait jamais connu la guerre mais avait entendu beaucoup d’histoires. Cependant elle ne pensait pas qu'on puisse attaquer Howth. Brigit n’aurait pas été aussi inquiète, la ville était bien fortifiée et bien protégée. Une pensée s’imposa en elle : c’était à cause de l’homme à la cape, elle en était sure. Elle n’avait pourtant aucune idée de ce qu’il avait fait ou de ce qu’il pouvait faire. Elle frissonna, le souvenir de la nuit précédente était encore fraîchement gravé dans sa mémoire. Il était très puissant, cela elle le savait. Elle devait en parler ce soir lorsqu'elle serait retournée à Howth. Mais alors qu’elle se levait, elle imagina ce qu’elle lui dirait. Qu’il y avait un homme tout ridé et un gamin bizarre ? Qu’elle avait pris si peur qu’elle avait couru toute seule dans la nuit ? Et comment expliquerait-elle ce qu’elle faisait là-bas ? Non, elle ne pouvait rien dire, personne ne croirait une fille de dix ans et elle n’obtiendrait qu’une punition. Sa décision était prise, elle garderait cela pour elle. C’est le coeur lourd et l’esprit sombre qu’elle sortit à son tour de la pièce.
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