[Background] Arrache-moi.

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Harpie.


Compter.
Compter encore et encore, ne penser qu'aux chiffres, oublier tout le reste.
Compter les pas, les cailloux, les fleurs, compter tout ce qui est visible.
Compter, ne penser qu'au paysage, aux arbres qui défilaient autour de lui, au chemin de cailloux tortueux, au vieux pont, au ciel qui virait au bleu sombre.

Oublier qu'Elle serait là pour l'attendre.
Oublier qu'Elle poserait sur lui le même regard que la veille, que l'avant-veille et que tous les jours qui précedaient.
Oublier qu'Elle débiterait à nouveau les mêmes paroles insupportables.
L'Oublier.

La maison, située au Nord Ouest de Sufokia, n'avait rien d'une villa de fortuné. Le bois y était vermoulu, et il manquait des tuiles au toit. Aux deux petites fenêtres de front, des rideaux déchirés, moisis, s'agitaient doucement avec le souffle du vent. La végétation alentours avait été laissée à l'abandon, les mauvaises herbes rivalisaient avec des cultures de légumes pourris assaillies par la vermine.
Il s'arrêta devant la porte. Déjà arrivé. Il avait traîné les pieds, il avait pris un long détour, il avait compté pour penser à autre chose, mais au final il arrivait toujours à destination. Tôt ou tard.
Il savait qu'Elle l'attendait, à l'interieur.
Il poussa la porte, faisant le moins de bruit possible, espérant qu'elle ne l'entendrait pas, qu'elle dormait déjà profondément. Peine perdue. La vieille porte grinça sur ses gonds, lui faisant abandonner tout espoir de passer inaperçu.
Il prit une grande inspiration, et lacha enfin :
-Je suis rentré.
La femme avait une allure de laie grotesque. Elle donnait l'impression d'avoir été gonflée comme un ballon, à l'extrême, puis dégonflée ensuite, laissant sur ses os misérables d'immondes tas de chair flasque, pendouillante. Ses yeux enfoncés dans leurs orbites, ses dents jaunies, déchaussées, sa maigreur et ses veines saillantes étaient autant d'indices concernant ce qui la rongeait : la maladie l'avait frappée quelques mois auparavant, et elle avait dépérit, devenant l'horreur que le garçon osait à peine regarder droit dans les yeux.
Il n'avait en commun avec elle que sa chevelure brun sombre. Seule la queue en pointe reposant misérablement sur le sol permettait encore de réaliser qu'elle était Osamodas.
Elle se tenait là, assise dans sa chaises à bascule, comme d'habitude, une couverture mitée sur les genoux.
Elle lui donnait l'air d'avoir un millier d'années.
Le grincement régulier de la chaise s'arrêta lorsque le garçon pénètra dans la pièce. L'horreur tendit un bras aux doigts squelettiques reliés par des sacs de peau distendus, l'incitant à s'approcher.
-T'es un brave garçon... un brave garçon.
La voix rauque, presque semblable à un souffle, de l'infirme lui glaçait le sang. Il en avait peur. Tout en elle n'était que maladie, os saillants et peau bouffie. Elle lui faisait penser à un cadavre, un horrible patchwork cauchemardesque.

Elle était sa seule famille.

Elle le terrifiait.

Compter. Songer à autre chose. Oublier cette main monstrueuse qui venait lui caresser les cheveux. Oublier qu'il l'avait en horreur. Oublier qu'elle était tout ce qu'il lui restait.

Je veux que tu meures.

-Tu es rentré si tard aujourd'hui, j'ai cru que tu n'arriverais jamais.
La voix le fit frissonner à nouveau. Elle semblait même dénuée d'humanité, elle n'était qu'un râle duquel n'émanaient que souffrance et maladie. Rien de ce qu'elle pouvait dire ou faire n'aurait pu lui faire ressentir autre chose que du dégoût. C'était une chose pourrie, abominable et boursouflée, une chose qui sifflait à ses oreilles, qui tentait de lui insuffler un venin mortel, qui voulait l'entraîner avec lui dans un monde souillé, corrompu, duquel il ne pourrait jamais ressortir.

Je veux que tu meures.



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Le ptit mot de Viddh :
Voilà, la première partie du récit sur Wohptinssa, mon Sacrieur. Ca fait un moment que j'ai écrit ça et j'avais jamais eu la motiv' de continuer, mais j'ai récemment eu l'envie de reprendre, et un peu d'inspiration, donc la suite va venir. C'est un peu court, et ça manque de l'humour moisi qui me caractérise, j'imagine, mais bon, j'avais envie de m'essayer à un truc plus serieux.
Le récit traitera aussi de l'origine de Jeth Kaslagel en parallèle, leurs destinées se croisant.
Le profil de Wohptinssa Faymalh est toujours disponible ici :
https://forums.jeuxonline.info/showthread.php?t=1049009
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