L'an 2000, une année symbolique cristallisant tous les rêves de modernité. Quel meilleur moment que cette année pour que le public découvre une nouvelle vague très vite appelée électro-jazz, alliant ces sonorités dites du future à cette musique passablement désuète aux yeux de beaucoup ?
Mais quoi de neuf sous le soleil depuis les premiers disques s'y étant essayé tels le "Sextant" de Herbie Hancock, me direz vous ?
Là où "Sextant" se pose comme un ovni expérimental et trace la route à suivre, Gambit flaire l'air du temps et concrétise une certaine attente du jazz contemporain. Il redonne une part importante au caractère dansant - et donc populaire - du jazz, là où beaucoup de disques se perdent encore de nos jours dans des conceptions intellectuelles brillantes mais inefficaces, tout en continuant d'élargir le territoire du jazz ou plutôt du jazz fusion.
Un disque qui malgré ses désormais huit années d'existence semble ne pas avoir pris une ride.
Jungle, House, Trip Hop, mais aussi musiques tribales, ... difficile de bien cerner tous les emprunts de ce disque destinés à la fusion même si chaque titre privilégie souvent une approche parmi celles-ci. "Agua" et "Marthe et la Jungle" pour la jungle, "Voodoo House" et "Candombe" pour la House, ...
Mais Lourau ne se contente pas d'emprunter et montre qu'il a saisi certains éléments de la culture électro, ceux qui sont comparables au Jazz. Ainsi "Agua" et "Voodoo House" sont de véritables remix des versions parues sur "City Boom Boom", l'entrée successive des différentes mélodies dans Voodoo House est typique de la façon dont procèdent les compositeurs du genre faisant entrer leurs samples un par un sur le beat.
L'album en lui même présente une forme intéressante et probablement empruntée elle aussi de la culture électro : l'introduction "Dark" présente le disque comme sombre, un aspect qui va s'estomper au fur et à mesure que l'on avance dans la succession des titres. Trois pistes font fonction d'interludes et d'introductions/remix du titre final, carrément festif, lui. Un disque riche en atmosphères qui peuvent varier du tout au tout, parfois même au sein d'un seul morceau ("Lonely Night"), du planant au lourd, au dansant, à l'introspectif, au tribal ...
Le titre "Gambit" est issue du vocabulaire du jeu d'échec, il s'agit d'un coup visant à sacrifier une pièce pour se dégager le jeu et/ou en prendre une autre. L'espace d'un album - il reviendra ensuite à une musique acoustique - Lourau crée du champ en sacrifiant son ancien orchestre le "groove gang". Mais peu sont ceux à avoir trouvé le chemin à emprunter pour s'emparer d'une pièce maîtresse au bout du compte, comme il le fait ici en accouchant d'un disque désormais classique de cette tendance du Jazz en France.
Pour ceux qui souhaiteraient aller un peu plus loin après ce disque, sachez que Magic Malik a continué dans une esthétique comparable avec son album "69 96" mais cela n'a rien d'étonnant pour celui qui signe deux des titres de "Gambit" dont le meilleur à mon sens : "Conrod".
Les muciciens :
Julien Lourau : Saxophones (tenor et soprane)
Malik Mezzadri : Flûte, voix
Sylvain Daniel : Basse
Papa Noël Ekwabi : Basse
Maxime Zampieri : Batterie
Minino Garay : Percussions
Stephane Vivens : Claviers
Dondieu Divin : Claviers
Shalom : DJ, scratch
Jeff Sharel : Programmation
Tracklist :
1. Dark
2. Lonely Night
3. Candombe intro
4. Conrod
5. Candombe transe
6. Voodoo House (live)
7. Agua
8. Candombe percussion
9. Marthe & la Jungle (live)
10. Candombe (live)
+ en édition limitée,
un autre CD 3 titres lives :
1. Agua
2. Skate at night
3. Orient